Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » progressent, en valeur, de 6 % entre 2010 et 2011, pour s'établir à 46,9 milliards d'euros. L'encours de la dette nominale passerait de 1 224,8 milliards d'euros à fin 2010 à 1 315,1 milliards d'euros fin 2011, soit une augmentation de 7,4 % et de 51 % depuis 2005. La structure de l'encours témoigne, néanmoins, d'un reflux salutaire de l'endettement à court terme, qui passerait de 18,6 % fin 2009 à moins de 15 % fin 2011. 70,6 % de la dette négociable étaient détenus par les non-résidents fin juin 2010. Un tiers de cette dette serait détenue par des non-résidents ressortissants de la zone euro.
La charge de la dette devrait s'établir à 45,4 milliards d'euros en 2011, soit une augmentation de 4,5 milliards d'euros par rapport aux dernières estimations pour 2010. Cette augmentation résulterait principalement d'un effet volume sur la dette à plus d'un an et de l'augmentation des taux courts. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit une augmentation annuelle de la charge de la dette de plus de 4 milliards d'euros par an, imputable aux deux tiers à l'augmentation de l'encours. J'observe, à cet égard, un frémissement des taux courts à la fin de cette année, puisque le taux des BTF à trois mois s'établit à 0,605 % en septembre, contre 0,49 % en août. Il nous faudra donc être attentifs à cette évolution.
La hausse des crédits de l'action 3 « Trésorerie de l'Etat » est enfin imputable à la rémunération des dotations non consomptibles placées auprès du Trésor par les opérateurs chargés de la mise en oeuvre des investissements d'avenir. Cette rémunération mobilisera 569 millions d'euros en 2011.
J'en viens à présent au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ». Dans le prolongement des Etats généraux de l'industrie, la gestion des participations de l'Etat est désormais axée sur la conduite d'une politique industrielle active. Cette évolution s'est notamment matérialisée par la nomination d'un commissaire aux participations de l'Etat. J'estime que le cadre d'intervention renouvelé de l'Etat actionnaire pose avec une acuité grandissante la question de l'articulation des missions de l'Agence des participations de l'Etat (APE) et du Fonds stratégique d'investissement (FSI). Je consacrerai donc une mission de contrôle au FSI au premier semestre 2011.
Le projet annuel de performances demeure construit sur une approche purement patrimoniale de la gestion des participations de l'Etat. La réorientation majeure de la stratégie de l'Etat actionnaire ne transparaît donc ni dans la présentation stratégique des programmes, ni dans les objectifs et indicateurs de performance, ce qui contribue à vider un peu plus de sa substance un document déjà fort peu consistant. Enfin, 4 milliards d'euros de crédits sont encore prévus pour contribuer au désendettement de l'Etat et de ses établissements publics. Cette prévision apparaît hautement théorique, compte tenu de la mise en sommeil objective de cette politique depuis le début de la crise.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite la commission à adopter sans modification les crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » et du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ».
Je conclurai mon intervention en rendant compte à notre commission des résultats du contrôle que j'ai mené, en 2010, sur le financement des primes d'épargne-logement (PEL). Les primes d'épargne-logement sont versées, par l'Etat, lors de la clôture d'un compte d'épargne-logement ou d'un plan d'épargne-logement. Il s'agit d'un dispositif public d'aide à l'accession à la propriété qui fonctionne comme une « dépense de guichet », contrainte par le nombre de demandes. Le programme « Epargne » de la présente mission porte, dans le présent PLF, plus de 1,1 milliard d'euros au titre du financement de ces primes.
Par convention du 17 décembre 1992, l'Etat a confié la gestion des primes au Crédit foncier de France (CFF), qui sert d'intermédiaire avec les banques de la place. Le CFF a par ailleurs accepté de consentir des avances rémunérées à l'Etat, d'un montant maximal d'un milliard d'euros, au cas où les provisions qui lui sont versées par le Trésor seraient insuffisantes pour couvrir les appels de primes.
Le contrôle budgétaire sur le financement des primes d'épargne-logement résulte d'observations de la Cour des comptes qui a révélé que la budgétisation initiale a régulièrement sous-estimé les besoins réels conduisant l'Etat à recourir massivement aux avances rémunérées auprès du CFF. Fin 2008, le découvert cumulé de l'Etat s'élevait à plus de 963 millions d'euros. Par ce montage, nous assistons à une sorte de « débudgétisation » du déficit puisque l'Etat se refinance auprès du CFF et non par le biais de l'Agence France Trésor. Cette pratique est contraire au principe d'annualité, d'universalité et, surtout, de sincérité budgétaires. Il n'est pas certain non plus qu'elle constitue une bonne opération financière pour l'Etat. Le coût des avances rémunérées du CFF ayant été estimé, en 2008, supérieur de 500 000 euros à celui des BTF.
Le procédé est d'autant plus critiquable que, ces dernières années, la loi de finances initiale n'a jamais prévu de marges de manoeuvre suffisantes pour résorber le découvert inscrit auprès du Crédit foncier. La ligne budgétaire de l'année n'était destinée qu'à financer les primes de l'année. Le découvert était par conséquent reporté l'année suivante : l'Etat a fait de la cavalerie. A la décharge du Gouvernement, le calcul du montant nécessaire au financement des primes d'épargne-logement exige d'anticiper le comportement des épargnants, qui dépend principalement de paramètres économiques et fiscaux, ainsi que du nombre de PEL et de l'encours par génération. Il n'est donc pas répréhensible que, certaines années, l'Etat ait été contraint d'utiliser les avances rémunérées du CFF.
A l'inverse, en 2009 et 2010, le taux de clôture a été très inférieur à celui initialement attendu. Cette heureuse surprise conjoncturelle a permis de réduire le déficit auprès du Crédit foncier à 719 millions d'euros fin 2009 et il pourrait s'établir à 82 millions d'euros fin 2010. L'année 2010 constitue une opportunité unique pour apurer définitivement le déficit. En 2011 et 2012 en revanche, le nombre de primes versées pourrait connaître un accroissement très important pour des raisons fiscales. En effet, à compter de la dixième année, les intérêts cumulés sur les PEL sont soumis à la fiscalité. Or les plans contractés en 2001 et 2002 représentent plus de 28 % de l'encours total des PEL. Il faut donc s'attendre à un taux de clôture massif ces deux prochaines années. Il est à craindre que les 1,1 milliard d'euros inscrit dans le PLF pour 2011 ne soient pas un montant suffisant pour couvrir tous les appels de primes, auquel cas nous assisterions de nouveau au creusement d'un déficit auprès du CFF.
Un projet de réforme du PEL est annoncé par le Gouvernement, dont nous ignorions encore la teneur exacte. En tout état de cause, depuis 2002, le versement des primes est conditionné à l'octroi d'un prêt immobilier qui peut être utilisé pour des travaux ou pour l'achat d'une résidence secondaire. On peut donc légitimement s'interroger sur la finalité des primes d'épargne-logement : s'agit-il d'un dispositif d'aide à l'accession à la propriété ou de soutien au secteur immobilier et du bâtiment ? La réforme permettra peut-être d'avancer sur ce sujet.