Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, sur la mission « Santé » et les articles 86 bis à 86 nonies du projet de loi de finances pour 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous reprenons l'examen des rapports de nos rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

La mission « Santé » rassemble pour 2011 1,22 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP). Comme j'ai l'habitude de le rappeler chaque année, le poids de cette mission doit être relativisé : d'une part, elle ne comprend pas de crédits de personnel - tous les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre des différents programmes de la mission sont regroupés dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - ; d'autre part, cette mission est modeste lorsqu'on la rapporte aux dépenses d'assurance maladie (moins de 1 %).

L'architecture budgétaire de la mission est, une nouvelle fois, profondément remaniée cette année. Elle ne comprendra plus désormais que deux programmes : un programme 204 élargi « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme 183 « Protection maladie ». Si ce remaniement a le mérite de renforcer la lisibilité de la mission en regroupant dans un même programme l'ensemble des crédits destinés au financement des politiques de santé mises en oeuvre par les agences régionales de santé (ARS), elle se réalise cependant au prix d'une plus grande rigidité de l'architecture de la mission.

En effet, le programme 204 est désormais composé à 90 % de subventions pour charge de service public et autres transferts destinés aux vingt-six ARS et aux onze opérateurs de la mission. Quant au programme 183, les marges de manoeuvre du responsable de programme sont également étroites puisqu'il regroupe des crédits « contraints » : les dotations destinées à l'aide médicale de l'Etat (AME) et celles au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

A la veille du dixième anniversaire de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), je m'interroge sur ces modifications successives qui sont en quelque sorte symptomatiques de certaines faiblesses de la LOLF, qu'il s'agisse de l'échec de l'interministérialité budgétaire ou des faibles marges de manoeuvre des responsables de programme.

Je rappelle, en effet, que l'architecture de la mission « Santé » est issue, pour partie, de la suppression de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire », dont notre collègue Nicole Bricq était rapporteure spéciale. La suppression de cette mission, qui faisait pourtant sens à son origine compte tenu des liens étroits entre la santé humaine et la santé animale, a résulté de l'échec de l'interministérialité budgétaire : les deux programmes constituant la mission étaient totalement indépendants l'un de l'autre et ne faisaient pas l'objet d'une réelle concertation entre responsables de programme.

Enfin, le rattachement des crédits de personnel et de fonctionnement courant de la mission « Santé » à une autre mission budgétaire, ainsi que la désormais forte rigidité de l'architecture budgétaire de la mission, sont également assez éloignés de l'esprit de la LOLF. Ces deux éléments ôtent toute marge de manoeuvre au Parlement s'agissant des moyens affectés à la politique publique de santé et de sécurité sanitaire, ainsi que tous moyens d'arbitrage au responsable de programme pour le pilotage des programmes de la mission dans une logique de performance.

Venons-en aux crédits de la mission. De façon générale, je relève que la programmation pluriannuelle de la mission « Santé » reflète les contraintes fixées à l'ensemble du budget général de l'Etat : si les plafonds de crédits de la mission augmentent de 2 % en 2011, ils progressent de seulement 0,4 % en 2012 et diminuent de 0,2 % en 2013.

Ce sont surtout les opérateurs qui subissent les objectifs d'économies du Gouvernement : leurs subventions pour charge de service public et leur plafond d'emplois sont globalement en forte diminution.

De façon générale, je suis favorable à ces mesures. En effet, j'ai, à de nombreuses reprises, attiré l'attention sur l'augmentation des moyens et des effectifs dédiés aux nombreux opérateurs du ministère de la santé. Plus spécifiquement, je souhaite souligner deux points. J'accueille, en premier lieu, favorablement la réduction des crédits de la nouvelle agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES. En effet, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, j'avais regretté que la fusion de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) - mesure préconisée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) -, se soit réalisée à moyens et à effectifs croissants. Si je comprenais qu'il était difficile, la première année, de prévoir une réduction des crédits destinés aux deux agences, je considérais néanmoins qu'à terme, il n'était pas compréhensible que ce type de rapprochement ne permette pas une optimisation des moyens consacrés aux fonctions support de ces agences. L'impulsion semble être donnée cette année.

Une autre agence est frappée de plein fouet, cette année, par les objectifs d'économies du Gouvernement : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) puisqu'elle ne recevra pas de subvention en 2011, 2012 et 2013. Ceci n'est pas sans poser certaines difficultés : outre qu'il convient de s'assurer que cette décision ne remette pas en cause la capacité de l'agence à remplir ses missions, je m'interroge sur le message négatif qu'une telle mesure pourrait entraîner : une agence de sécurité sanitaire, chargée de délivrer des autorisations de mise sur le marché de produits de santé, serait désormais en quasi totalité financée par des taxes affectées issues du secteur de l'industrie du médicament.

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur les deux programmes de la mission, en commençant par le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

Si la forte révision à la baisse des dépenses liées à la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1)v est positif tant du point de vue de la santé publique que des finances publiques, elle n'en entraîne pas moins de nouvelles difficultés de suivi des crédits destinés à la gestion des risques sanitaires : la résiliation d'une partie des commandes de vaccins conduit en effet à « une remise à zéro des compteurs », qu'il s'agisse des dotations pour 2010 et 2011 de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ou de la contribution exceptionnelle des complémentaires santé aux dépenses liées à la grippe A.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, n'ayant pas été satisfait par les réponses de la ministre de la santé sur la question du renouvellement d'une partie des stocks de produits de santé gérés par l'EPRUS, le Sénat a adopté l'amendement présenté par les deux commissions des finances et des affaires sociales tendant à supprimer la dotation de l'assurance maladie à l'EPRUS pour 2011. La tâche revient à la ministre de nous fournir des éléments plus précis d'ici la commission mixte paritaire.

L'année 2011 sera, en outre, marquée par la première année de plein exercice des ARS. Si j'approuve la mise en place de ces structures qui constitue une réforme majeure du pilotage territorial des politiques de santé, j'insiste sur la nécessité de renforcer l'information sur les crédits qui leur sont destinés. La globalisation de leurs dotations d'intervention est certes la contrepartie de l'autonomie accordée à ces agences qui sont libres de définir les dispositifs qu'elles financent. Il apparaît néanmoins indispensable de disposer, en amont, au moment de l'examen du projet de loi de finances initiale, d'une information consolidée sur les crédits destinés aux ARS et, en aval, au moment de l'examen du projet de loi de règlement, d'un suivi de la consommation de leurs crédits d'intervention par grand axe de santé publique. Or ces informations sont encore lacunaires aujourd'hui.

Plus ponctuellement, je souhaite attirer l'attention sur une certaine tendance au saupoudrage des crédits de la mission, qu'il s'agisse du financement de nombreuses études, colloques ou ateliers, ou du versement de subventions à certaines associations. La pertinence de certaines de ces mesures au regard de leur coût n'est pas aisée et leur rattachement à la mission « Santé » non évident.

Deux exemples parmi beaucoup d'autres : l'exploitation des rapports annuels d'activité et de performance des centres de prévention « vaccination et lutte contre la tuberculose » (10 000 euros) ; le financement des analyses de diagnostic/dépistage de la rage chez certains animaux ou celui de l'observatoire de la qualité de l'alimentation, qui trouveraient davantage leur place au sein de la mission « Agriculture ». Cette mission comprend notamment un programme 206 « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation ».

Je voudrais terminer par le programme « Protection maladie », qui ne porte quasiment plus qu'une seule dépense. En effet, l'Etat ne versera pas de subvention au fonds « CMU » en 2011, comme en 2009 et en 2010, en raison du doublement du taux de la contribution des organismes complémentaires au fond intervenue en loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Ceci en dépit de la forte revalorisation, bienvenue, de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé.

Dans ces conditions, la principale dépense du programme est l'aide médicale de l'Etat, les crédits inscrits dans le présent projet de loi progressant fortement, pour la troisième année consécutive, pour atteindre 588 millions d'euros.

Il convient de rappeler que ces crédits ont longtemps été sous-évalués mais qu'un assainissement de la situation est intervenu depuis 2007 : les dotations initiales ont été régulièrement réévaluées et les dettes à l'égard de la sécurité sociale à ce titre apurées en 2007 et en 2009.

Dans ce contexte, la réévaluation de la dotation prévue pour 2011 de 53 millions d'euros représente un effort bienvenu qui devrait certainement limiter la formation de nouvelles dettes.

Des propositions pour mieux maîtriser le dispositif de l'AME ont récemment vu le jour. Une mission d'audit de modernisation, confiée en 2007 aux inspections générales des affaires sociales et des finances, avait déjà formulé un certain nombre de pistes de réforme qui ont été, pour la plupart, mises en oeuvre : extension du dispositif « tiers payant contre génériques » ; mise en place à titre expérimental d'un titre sécurisé ; extension du champ de la mise sous accord préalable à l'AME.

Sans attendre les conclusions de la nouvelle mission d'inspection sur ce sujet qui devrait rendre ses conclusions à la fin du mois de novembre, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs mesures, lors de l'examen de la présente mission, tendant à créer un droit d'entrée annuel par adulte bénéficiaire de l'AME ; limiter le nombre des ayants-droit aux seuls enfants et conjoints ; restreindre le panier de soins aux seuls actes dont le service médical rendu est important ou modéré ; déléguer le pouvoir de récupération des indus aux caisses primaires d'assurance maladie.

Si l'on peut comprendre ce souhait de mieux maîtriser ces dépenses, il convient néanmoins de ne pas se méprendre. L'AME constitue un dispositif de faible taille au regard de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie et il est assez illusoire d'attendre des économies substantielles d'une réforme de l'AME, sauf à remettre en cause la politique d'immigration de notre pays ou à encourir des risques graves en matière de santé publique. Le niveau de la dépense d'AME est, en effet, largement corrélé au nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et répond à un double objectif humanitaire et de santé publique.

J'insiste surtout en ce domaine sur la nécessité de veiller au juste équilibre entre l'amélioration de l'efficience du dispositif et le maintien d'un accès aux soins satisfaisant des étrangers en situation irrégulière. Je regrette que ces mesures aient été adoptées avant même que la mission conjointe d'inspection ait pu rendre ses conclusions.

Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Santé » sans modification.

Venons-en aux huit articles rattachés à la mission. L'Assemblée nationale a adopté quatre articles relatifs à l'aide médicale de l'Etat :

- l'article 86 bis (nouveau) tend à recentrer le panier de soins pris en charge à 100 % des bénéficiaires de l'AME sur les actes à service médical suffisant ou important ;

- l'article 86 ter (nouveau) tend à soumettre à un agrément préalable la prise en charge de certains soins des bénéficiaires de l'AME ;

- l'article 86 quater (nouveau) vise à donner aux caisses d'assurance maladie la possibilité de récupérer les sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME ;

- l'article 86 quinquies (nouveau) vise à créer un droit de timbre annuel de trente euros pour les bénéficiaires de l'AME et à limiter le nombre d'ayants-droit.

Sans revenir sur les observations que j'ai formulées dans mon intervention liminaire, j'insiste sur les difficultés techniques que certains de ces dispositifs risquent d'entraîner, notamment compte tenu de la faible solvabilité des populations concernées.

Quatre autres dispositifs ont été introduits par nos collègues députés :

- l'article 86 sexies (nouveau) vise à aligner le financement de l'indemnisation des accidents médicaux imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures sanitaires graves sur le régime de l'indemnisation des vaccinations obligatoires : c'est une mesure de simplification bienvenue ;

- l'article 86 septies (nouveau) propose de transformer la contribution CMU acquittée par les organismes complémentaires d'assurance santé en une taxe assise sur les cotisations payées par les assurés ayant souscrit un contrat d'assurance santé complémentaire. La transformation opérée est indolore tant pour le Fonds CMU, que pour les assurés. Cette mesure aura pour conséquence de neutraliser les effets des augmentations ou diminutions de la contribution sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires et, corrélativement, sur le niveau de fonds propres qu'ils doivent posséder. Il s'agit là d'une exigence de compétitivité bienvenue pour notre secteur assurantiel alors même qu'il va devoir s'adapter en profondeur avec le nouveau cadre de « Solvabilité 2 ». Mais cette mesure risque de diminuer l'assiette et donc le rendement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance à laquelle sont assujettis les contrats « responsables et solidaires ». Cette mesure fait partie du « panier percé » affecté à la branche famille...

- l'article 86 octies (nouveau) proroge de quatre ans la taxe assurant le financement du centre national de gestion des essais de produits de santé (CeNGEPS). C'est la deuxième fois que le Gouvernement nous propose une prorogation. Je souhaite que l'examen de la mission en séance publique soit l'occasion pour le Gouvernement de nous dresser un bilan de l'activité de ce centre ;

- enfin, l'article 86 nonies (nouveau) tend à permettre l'indemnisation des personnes, exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle ou volontaire au sein de services d'incendie et de secours (SDIS), vaccinées contre l'hépatite B. C'est une mesure également bienvenue.

Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter les huit articles rattachés à la mission « Santé » sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Vous avez insisté sur le caractère modeste des crédits de la mission « Santé » au regard des dépenses d'assurance maladie. Vous soulignez également la revalorisation de la dotation au dispositif de l'AME qui concourt à une meilleure sincérité budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sergent

Où en est le dossier médical personnel (DMP) ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Le DMP a été créé en 2004 par Philippe Douste-Blazy. J'ai mené une mission de contrôle sur ce sujet en 2005. Les systèmes d'information dans le secteur de la santé montraient alors de nombreuses faiblesses. Par exemple, à cette époque, l'informatique était encore un enseignement optionnel des futurs directeurs d'hôpitaux. Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé et des sports, m'avait assuré que le dossier redémarrerait. Attendons ce que feront Xavier Bertrand et Nora Berra, récemment nommés. Mais, je suis assez inquiet sur ce sujet, pourtant essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Mais le DMP ne peut être en quelque sorte que « la cerise sur le gâteau » ! Il faut auparavant que l'ensemble du système de soins soit informatisé et interopérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Des progrès ont été réalisés par les médecins de ville. Mais les liens entre l'hôpital et la médecine de ville sont encore trop limités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est une question de pilotage. Des économies importantes peuvent être attendues d'une meilleure gestion de l'hôpital.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Le problème tient aussi au fait que chaque établissement de santé a tendance à développer son propre système d'information qui n'est pas interopérable avec les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les pratiques et les dotations de moyens sont en effet très variables d'une région à l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Où en est-on de la mise en place des maisons de santé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

C'est davantage un sujet relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). La mission « Santé » ne comporte en effet pas de crédits destinés aux maisons de santé. Cette année, au cours de l'examen du PLFSS, ce sont surtout les maisons de naissance qui ont fait débat. L'article proposant leur mise en place a, d'ailleurs, été supprimé par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Le recours à l'informatique dans le secteur des soins de ville s'est amélioré. Mais il est vrai que des efforts supplémentaires sont nécessaires. Il y a là des sources d'économies indéniables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Non seulement un dossier médical personnel permettrait d'éviter certains troubles iatrogènes, mais en plus il serait sources d'efficience et donc d'économies.

A l'issue de ce débat, la commission des finances décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Santé » ainsi que des articles 86 bis à 86 nonies du projet de loi de finances pour 2011.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Enseignement scolaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Il est intéressant de souligner que la mission « Enseignement scolaire » représente, au sein du projet de loi de finances pour 2011, 21,6 % des crédits de paiement du budget général mais 49 % des emplois autorisés. Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel représente 57,5 millions d'euros, soit près de 94 % du total. La gestion des effectifs constitue donc du point de vue de la commission des finances un point de préoccupation majeure. A cet égard, soulignons que la politique rigoureuse de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a un faible impact sur les dépenses de la mission. En effet, les économies résultant de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2010 et de l'application en tiers d'année du schéma 2011, représentent environ 366 millions d'euros. Sur cette somme, 199 millions d'euros sont reversés aux personnels au titre des mesures catégorielles et 128 millions d'euros au titre des mesures générales de la fonction publique. Je rappelle que l'évolution des crédits de personnel s'explique également par l'augmentation de la contribution du ministère de l'éducation nationale au compte d'affectation spécial « Pensions » qui passe de 15 419 millions d'euros en LFI 2010 à 16 070 millions d'euros en PLF 2011, soit une progression de 651 millions d'euros. Cette hausse s'explique essentiellement par le relèvement du taux de cotisation.

Pour ce qui est des emplois, le présent projet de budget propose de fixer le plafond d'emplois de la mission à 983 070 ETPT, dont 968 194 ETPT pour le ministère de l'éducation nationale.

S'agissant du programme « Enseignement technique agricole » relevant du ministère de l'agriculture, le plafond d'emplois est fixé à 14 876 ETPT, en baisse de 214 ETPT par rapport à 2010, dont 117 ETPT d'enseignants. Si cette contraction peut sembler faible en apparence, il convient de souligner, qu'eu égard à la taille des établissements comme à leur répartition sur l'ensemble du territoire, elle conduit à des fermetures de classes ou de sites scolaires. Nous avons donc un vrai sujet quant à l'application de la diminution des effectifs dans l'enseignement technique agricole.

Toutefois, en matière d'emplois, l'aspect le plus spectaculaire concerne le ministère de l'éducation nationale qui semble manifestement fâché avec la comptabilité. En effet, il nous propose, en 2011, un effort de suppression d'emplois comparable à celui de l'année précédente, soit 16 000 postes de moins à la rentrée prochaine, tout en réévaluant son plafond d'emplois de 20 359 ETPT. In fine, le plafond d'emplois augmente entre 2010 et 2011 de plus de 4 000 ETPT.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Oui, Monsieur le Président, mais pas la comptabilité ! Je vous explique le problème tel que je le perçois, mais le ministre pourra en séance nous apporter d'autres éclaircissements. S'agissant des suppressions d'emplois, il convient tout d'abord de souligner, que contrairement aux années précédentes, le schéma d'emplois n'est pas justifié au niveau national mais est renvoyé à la responsabilité des académies qui auront, après réexamen de l'utilisation des moyens d'enseignement mis à leur disposition, la possibilité de définir le niveau et les modalités de mise en oeuvre de ce schéma. Selon le ministère de l'éducation nationale, cette démarche devrait permettre de supprimer 8 967 emplois de personnels enseignants du premier degré. Les moyens d'action prioritaires sont : la taille des classes dans les écoles hors éducation prioritaire, les modalités de scolarisation des enfants de deux ans - c'est-à-dire un ralentissement de la scolarisation avant trois ans, point que j'approuve personnellement - , l'importance des moyens d'enseignement affectés en dehors des classes, le dispositif de remplacement des enseignants absents, et les modalités d'enseignement des langues vivantes dans le premier degré.

S'agissant du second degré, l'objectif est de parvenir à une suppression de 4 800 emplois de personnels enseignants. Les leviers d'action identifiés sont légèrement différents. Il s'agit, outre la taille des classes et le dispositif de remplacement, du réexamen des décharges de service d'enseignement, ou la révision de l'organisation de l'offre de formation en lycée d'enseignement général et en lycée professionnel. Ce dernier point est particulièrement important tant il est vrai que l'offre éducative dans l'enseignement du second degré en France se caractérise par son extrême diversité, ce qui conduit à un taux d'encadrement national paradoxalement très faible. La démarche engagée par le ministère permettra sans doute une meilleure prise en compte des réalités locales. Toutefois, si cette politique devait perdurer au-delà de 2011, il serait à tout le moins opportun que le Parlement puisse, notamment lors de l'examen de la loi de règlement, disposer d'informations précises et quantitatives sur le niveau des leviers d'action mobilisés.

L'application du principe de parité conduit en outre à supprimer 1 633 postes dans l'enseignement privé. Enfin, il est proposé de supprimer 600 emplois administratifs. Ces suppressions complètent celles effectuées entre 2007 et 2011 et il conviendra sans doute d'interroger le ministre sur la soutenabilité à moyen terme de ces réductions d'effectifs.

Parallèlement, le plafond d'emplois du ministère, après plusieurs corrections, est réévalué de 20 359 ETPT, soit 2 % du plafond d'emplois de 2010. D'où viennent ces emplois ?

Tout d'abord, d'un changement de comportement qui se traduit par des départs à la retraite plus tardifs qu'initialement envisagé par le ministère. Ainsi, 5 600 ETPT sont réintégrés dans le plafond d'emplois de l'enseignement public du premier degré au titre de la régularisation du désajustement constaté entre recrutements et départs. Ensuite, le plafond d'emplois du ministère est majoré de 5 833 ETPT au titre de la réforme du recrutement des enseignants, qui a conduit, dans le cadre de la LFI pour 2010, à supprimer 18 202 emplois, sans tenir compte des postes mobilisés pour les stages en responsabilité effectués par les futurs enseignants. 2 900 ETPT sont également rétablis au titre d'un meilleur recensement des emplois de vacataires enseignants recrutés pour faire face aux besoins de remplacement en cours d'année. S'ajoutent 1 300 ETPT résultant de l'impact de la mise en oeuvre de Chorus sur le décompte de certains agents et 4 726 ETPT au titre de la régularisation du plafond d'emplois du programme relatif à l'enseignement privé. Ce dernier ajustement à la hausse devrait permettre de mettre un terme au sous-dimensionnement initial de ce plafond lors de la mise en oeuvre de la LOLF. Si ces corrections permettent en apparence de renforcer la sincérité du plafond du ministère en 2011, je regrette que cette sincérité soit tardive. En effet, cette réévaluation présente l'inconvénient de remettre en cause la crédibilité des précédents schémas d'emplois votés par le Parlement.

Quelques mots sur les politiques éducatives. Je crois qu'il sera nécessaire d'interroger le ministre sur l'expérience CLAIR (Collèges et Lycées pour l'Ambition, l'Innovation et la Réussite) qui est actuellement menée dans plus d'une centaine d'établissements de l'éducation prioritaire afin de tester de nouvelles pratiques pédagogiques mais aussi de gestion des ressources humaines. Les moyens alloués à cette expérimentation ne sont pas négligeable, puisque la seule mise en place des préfets d'études représenterait un coût de 14 millions d'euros pour les établissements participants. La généralisation de CLAIR constituerait un effort budgétaire important à n'en pas douter.

Je souligne que le présent projet de loi de finances confirme la politique de soutien personnalisé aux élèves. Les crédits des différents dispositifs (accompagnent éducatif, stages pendant les vacances, programmes personnalisés de réussite éducative...) sont reconduits et amplifiés par la mise en oeuvre de la réforme du lycée qui se traduit notamment par des dispositifs de tutorat et d'accompagnement individualisé.

L'année scolaire 2010-2011 est également marquée par l'ouverture d'établissements spécifiques, tels que les internats d'excellence ou les établissements de réinsertion scolaire, dont certains défrayent la chronique. Je relève la participation du programme d'investissements d'avenir à la conception des internats d'excellence à hauteur d'au moins 300 millions d'euros.

Pour terminer, je vous ferai part d'une satisfaction et d'une déception. Ma satisfaction concerne le maintien du programme « Enseignement technique agricole » au sein de la mission « Enseignement scolaire ». Je crois en effet que cette configuration permet de mieux suivre les besoins de l'enseignement technique agricole, qui rappelons le, accueille avec succès un public souvent difficile.

Ma déception est, qu'en dépit d'un rapport favorable de notre collègue député Frédéric Reiss sur les établissements publics du primaire, la création de ces derniers reste toujours bloquée en l'absence de la publication du décret d'application. Je rappelle pourtant que ces établissements pourraient utilement répondre à une réalité qui est, en milieu rural, la prise en charge de la fonction scolaire par les intercommunalités.

En conclusion mes chers collègues, retenez que la politique de réduction des effectifs de l'éducation nationale s'inscrit dans une comptabilité incertaine des effectifs globaux. Le degré de précision des informations qui nous sont transmises doit être amélioré. Je crois que nous ne pouvons pas accepter de découvrir tous les cinq ans que les chiffres ne restituaient pas la réalité. Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

S'agissant des personnels de l'éducation nationale, n'oublions pas que le plafond ne présente pas les emplois qui sont pourvus par les recrutements directs des établissements scolaires, notamment les postes de personnels d'assistance éducative, soit un peu plus de 90 000 personnes...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Tout à fait. Rémunérés à partir des crédits d'intervention de la mission, ils ne sont pas intégrés au plafond d'emplois

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

A titre liminaire, je souhaite indiquer que je ne remets pas en cause les chiffres présentés par mon collègue Gérard Longuet, et que j'approuve son analyse de l'enseignement technique agricole, notamment en ce qui concerne les fermetures de classe. Toutefois, je ne partage ni les objectifs du projet annuel de performances présentés par le Gouvernement, ni les conclusions de notre commission tendant à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Je considère notamment que les schémas d'emplois qui sont mis en oeuvre depuis 2007 remettent en cause la capacité de la mission « Enseignement scolaire » à remplir de manière satisfaisante ses fonctions : entre 2007 et 2011, plus de 50 000 postes auront été supprimés. Le PLF pour 2011, comme les précédents, témoigne ainsi d'une logique comptable de réduction des dépenses publiques, de suppressions de postes à laquelle je m'oppose. Centrer la politique scolaire exclusivement sur la diminution du nombre de fonctionnaires est une orientation négative, qui se traduit, sur le terrain, par la fragilisation systématique des académies les plus en difficulté. J'en veux notamment pour preuve l'impact de la diminution des postes dans les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), qui amoindrit la capacité de l'Education nationale à prendre en charge les élèves présentant des difficultés particulières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je comprends que le décompte des emplois au ministère de l'éducation nationale peut être amélioré et que les académies sont appelées à devenir de véritables centres de décisions. Il est vrai que cette année sera en partie marquée par l'ouverture des établissements de réinsertions scolaire. En Mayenne, l'inspecteur d'académie a proposé d'ouvrir à Craon un établissement de cette catégorie, afin d'accueillir une dizaine d'élèves de Seine-Saint-Denis. L'objectif est de leur offrir une chance particulière de renouer avec le système scolaire. L'ouverture de cet établissement m'a montré non seulement à quel point la gouvernance au sein de l'éducation nationale pouvait être améliorée, mais aussi à quel point « l'accueil de l'autre » pouvait être un défi, notamment vis à vis des parents d'élèves particulièrement hostiles à ce projet. Dès le premier jour d'ouverture de l'établissement, nous avons dû faire face à une échauffourée entre les élèves accueillis et les élèves résidents, et à une crispation de la communauté éducative qui s'est notamment traduite par l'exercice du droit de retrait des enseignants. La situation est en train de se normaliser. Je reste convaincu que nous avons le devoir d'essayer quelque chose pour ces jeunes même si le résultat est incertain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je crois, Monsieur le Président, que ces établissements bénéficient d'un taux d'encadrement particulièrement important

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Oui, il y quasiment autant d'adultes que d'élèves !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je viens de terminer avec notre collègue Claude Jeannerot un rapport relatif au transfert des personnels techniques, ouvriers et de service aux collectivités territoriales. Cette opération, qui a concerné plus de 96 000 agents, soulève des questions sur les modalités de gestion des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale. En effet, dans le calibrage des crédits que l'Etat doit verser aux collectivités au titre de ce transfert, je ne suis pas certain que l'ensemble des coûts ait été pris en compte ; par exemple les dépenses liées à la formation continue de ces personnels ou à la médecine du travail. Je souhaitais savoir si l'éducation nationale bénéficie d'un régime dérogatoire en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

L'exemple vient d'en haut. Quand on a un système où il n'y a pas d'entretien préalable au licenciement et non respect des promesses d'embauche, il est difficile de faire respecter une politique des ressources humaines... S'agissant de l'éducation nationale, je souligne la mise en place du droit individuel à la formation qui permet aux enseignants d'acquérir de nouvelles compétences dans la perspective d'une mobilité professionnelle. Les formations, qui se dérouleront pendant les vacances scolaires, donneront lieu au versement d'une allocation de formation correspondant à 50 % du traitement horaire de l'enseignant. Ceci est positif. Ma principale interrogation concerne en réalité la formation initiale des enseignants et l'impact de la réforme du recrutement, qui conduit à mettre devant des élèves des jeunes enseignants qui n'ont aucune expérience professionnelle. S'agissant de la question relative aux contrôles médicaux des personnels de l'éducation nationale, je ne suis pas certain que les crédits budgétés permettent le financement de la totalité des visites d'embauche et des visites de contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Si tel est le cas, c'est problématique car cela fausse le calcul du coût du transfert de certains personnels aux collectivités territoriales. Le budget de l'éducation nationale est peu transparent sur ces questions de formation continue de personnels et de médecine du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je voudrais souligner une contradiction entre le nombre de postes ouverts au concours, 11 600 en 2011, et le nombre beaucoup plus élevé d'étudiants en master qui préparent les concours. Que feront les étudiants non reçus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je souhaiterais faire plusieurs remarques. La première concerne le développement consacré dans la note qui nous a été remise aux dispositifs de personnalisation de la pédagogie. Je crois que cette politique aura d'autant plus de résultats sur les résultats des élèves que l'autonomie des établissements sera affirmée, même si je reconnais qu'il s'agit d'une notion vague dont on ne connaît pas encore nécessairement les points précis d'application. Ma deuxième remarque a trait à l'expérimentation CLAIR. Je souhaite qu'on puisse avoir connaissance du coût de son déploiement. Le problème des expérimentations dans l'éducation nationale est que ces dernières sont conduites à l'appui de moyens exceptionnels dont on sait pertinemment qu'ils ne pourront pas être généralisés, ce qui réduit d'autant l'intérêt des expérimentations. Ma troisième remarque renvoie à la question des enseignants surnuméraires que j'avais eu l'occasion de soulever à l'occasion d'un précédent rapport. Vous évoquez à juste titre une des causes de ces surnombres qui est le désajustement entre les recrutements et les départs en retraite. Enfin, quatrième remarque, je m'interroge sur l'opportunité de déconcentrer la mise en oeuvre du schéma d'emploi. Il me semble qu'il conviendrait au préalable de s'assurer que l'administration centrale soit bien en mesure de contrôler les décisions prises afin de pouvoir vérifier la cohérence de la gestion du système.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je suis très favorable à l'autonomie des établissements comme en témoigne ma demande réitérée concernant les établissements publics du primaire. La contrepartie de cette autonomie est une coopération renforcée entre les enseignants. L'expérimentation CLAIR est au coeur du sujet car il s'agit d'organiser le suivi collectif de la réussite individuelle des élèves par une meilleure coopération des membres des équipes éducatives mobilisées autour d'un projet d'établissement mis en oeuvre par le chef d'établissement. Vous posiez la question du montant des crédits nécessaires à la généralisation de CLAIR, je ne suis pas en mesure de vous répondre car cela n'a pas été défini. S'agissant de la déconcentration de la mise en oeuvre du schéma d'emplois, je crois que la mesure est opportune en ce qu'elle permet de rapprocher l'autorité de décision du chef d'établissement et donc de mieux prendre en compte les spécificités locales. Néanmoins, et je l'ai dit dans mon avant-propos, l'administration, comme le Parlement, devront pouvoir contrôler a posteriori ce qui a été décidé. Enfin, s'agissant des surnombres, j'observe que la situation est stabilisée dans l'enseignement du second degré : environ 1 800 enseignants sont surnuméraires, ce chiffre ne semble pas pouvoir être réduit de manière sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Tout ne se ressemble pas, notamment lorsqu'on accueille des enfants. Les enfants ayant des difficultés scolaires ou présentant un handicap nécessite une prise en charge particulière, avec des enseignants formés et spécialisés. Il faut être vigilant sur les réductions d'effectifs envisagées au niveau national et qui ne peuvent pas cependant être uniformes sur le terrain. Avez-vous des chiffres précis sur le nombre d'enseignants exerçant en RASED ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je partage le sentiment de ma collègue sur la nécessité d'adapter les décisions nationales aux réalités du terrain. Je pense au demeurant que c'est l'esprit de la démarche mise en oeuvre par le ministère cette année en ce qui concerne la déconcentration de l'application du schéma d'emplois au niveau des académies. Je crois même que l'établissement pourrait être un échelon pertinent sous certaines conditions. S'agissant des élèves handicapés, l'éducation nationale fait depuis plusieurs années un effort conséquent. Outre les postes d'enseignants spécialisés, la politique du handicap mobilise plus de 300 millions d'euros. Concernant les RASED, j'interrogerai l'administration pour avoir des précisions sur les évolutions récentes des effectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

L'augmentation de la masse salariale du ministère de l'éducation nationale peut surprendre. Peut-on parler de politique de rigueur dans l'éducation nationale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

L'enseignement reste une fonction non mécanisable, c'est de la valeur ajoutée par le travail individuel, ce sont nécessairement des salaires, et nécessairement des salaires qui ne peuvent pas diminuer compte tenu de la nature et de la complexité des missions qui sont confiées aux enseignants. La productivité relative de l'éducation nationale est inéluctablement faible ; c'est néanmoins un excellent investissement pour la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Je souhaiterais avoir des précisions sur les lycées de la deuxième chance qui répondent à un véritable besoin. Ces établissements mettent en oeuvre de méthodes éducatives adaptées et il me semble que le CNED peut constituer à cet égard un excellent outil de transmission pédagogique. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Le ministère de la défense comme le ministère de l'éducation nationale ont mis en place des dispositifs de deuxième chance, qui permettent à de jeunes adultes de reprendre des études avec des horaires et des enseignements aménagés. Il existe également une offre privée. Je crois que ces établissements se justifient par le constat qu'un échec scolaire ne doit pas pénaliser une vie entière.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » sans modification.

Puis la commission examine le rapport de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur la mission « Justice » et les articles 75 et 75 bis du projet de loi de finances pour 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2011, de 7,127 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 4,1 %. Sur la période 2011-2013, ses moyens continueront de progresser de 3,3 %, ce qui traduit bien la priorité accordée à la justice depuis la loi d'orientation et de programmation de 2002.

Le programme « Justice judiciaire » compte 2,959 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 4,4 %.

Les créations nettes d'emploi se montent à 127 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT), pour un plafond d'emploi fixé à 31 018 ETPT.

Les efforts afin d'accroître les effectifs de magistrats n'ont cependant de sens que s'ils s'accompagnent d'un effort encore plus important en faveur des greffiers. Or, le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats n'est encore actuellement que de 0,86. L'objectif doit être de l'amener progressivement à un niveau proche de un pour un.

Pour 2011, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 459,4 millions d'euros. Les charges restant à payer devraient toutefois représenter près de 100 millions d'euros à la fin de l'exercice budgétaire 2010, ce montant correspondant à environ deux mois d'activité des juridictions. Il apparaît donc que la sous-budgétisation, constatée en 2009 et 2010, se poursuit en 2011, remettant en cause le principe de sincérité budgétaire au sein de la mission « Justice ».

C'est la raison pour laquelle je proposerai à la commission, à l'issue de cette présentation, d'adopter un amendement visant à abonder les crédits du programme « Justice judiciaire » de 30 millions d'euros, afin de rétablir l'enveloppe dédiée aux frais de justice à un niveau plus conforme à la réalité des besoins pour 2011.

Un autre enjeu pour l'institution judiciaire réside dans la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire. A cet égard, il convient de se féliciter que cette réforme avance, sans que son coût dérape. Celui ci est toujours estimé à 427 millions d'euros sur cinq ans.

Il faut toutefois rappeler que ce coût n'intègre pas l'opération de réaménagement du TGI de Paris sur le site des Batignolles, dans le 17ème arrondissement de Paris. A elle seule, cette opération, montée en partenariat public-privé, représentera un coût de 623,5 millions d'euros. En 2011, les efforts en faveur du programme « Administration pénitentiaire » se poursuivront.

Ce programme verra ainsi ses autorisations d'engagement progresser de 6,8 % et ses crédits de paiement de 4,5 %. Il enregistrera, par ailleurs, un gain net de 413 emplois supplémentaires, pour un plafond d'emplois établi à 34 857 ETPT. Cette augmentation des effectifs permettra notamment de répondre aux besoins en personnel liés à l'ouverture de nouvelles places en détention au cours de l'exercice.

Le nombre de créations nettes de places en détention en 2011 se montera en effet à 1 139, les efforts d'investissement réalisés au cours des derniers exercices commençant à porter leurs fruits depuis 2008.

Le grave écueil de la surpopulation carcérale n'est cependant pas encore totalement surmonté et, en la matière, la préoccupation majeure consiste dans les six établissements dont la densité reste supérieure à 200 % et qui accueillent actuellement 1 009 détenus.

S'agissant de la question récurrente des transfèrements de détenus, une décision importante est intervenue. En effet, à compter du 1er janvier 2011, la responsabilité de ces transfèrements entre les cellules et les palais de justice, ainsi que des missions d'escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), sera transférée au ministère de la justice. Seuls les détenus particulièrement signalés continueront de relever de la police et de la gendarmerie. Cette mesure va dans le sens d'une rationalisation souhaitable des moyens et elle s'accompagnera d'un transfert de 800 ETPT en faveur de l'administration pénitentiaire.

Comme vous le savez, la prise en charge des cas de psychiatrie en milieu carcéral constitue pour moi un sujet de préoccupation constant depuis plusieurs années. Et, encore une fois, je dois déplorer l'insuffisance globale des moyens dédiés à cette mission, notamment concernant le nombre des psychiatres intervenant en milieu carcéral. Cette pénurie de psychiatres est d'autant plus préjudiciable qu'environ 20 % à 25 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques. Cette situation doit trouver des solutions dans les années à venir.

Depuis 2009, le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » privilégie la prise en charge des mineurs délinquants. L'année 2011 représente une année charnière pour la PJJ. En effet, conçu sur quatre ans, son « projet stratégique national » va toucher à son terme.

Le programme comporte 757,9 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 2,1 %. Il enregistrera la perte de 140 ETPT, son plafond d'emploi baissant à 8 501 ETPT. Ces réductions d'emplois touchent uniquement les fonctions support, et non les éducateurs.

La performance du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est difficile à appréhender, dans la mesure où elle dépend aussi de plusieurs variables qui lui sont, au moins en partie, extérieures. Certaines observations se révèlent toutefois éclairantes.

Ainsi, le coût d'une journée en centre éducatif fermé (CEF) est de 625 euros en 2010. Ce coût relativement élevé doit, toutefois, être remis en perspective au regard de la montée en charge progressive de ce dispositif et des charges fixes relativement importantes engendrées initialement par ces structures d'accueil. Ces charges ont vocation à être étalées à mesure de l'approche du régime de croisière de ce programme de création de CEF. Il faut 2,5 encadrants par mineur dans ce type de structure.

Les taux d'occupation des établissements sont en progrès. Ainsi, ce taux est-il passé de 86 % pour les centres éducatifs renforcés (CER), en 2009, à 88 % en prévision actualisée pour 2010, avec une cible de 90 % en 2011.

Au total, l'action de la PJJ débouche sur un résultat encourageant : 70 % des jeunes pris en charge au pénal n'ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui a suivi la clôture de la mesure.

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » augmentent de 12,4 % en crédits de paiement, en atteignant 331,3 millions d'euros.

En particulier, l'aide juridictionnelle voit sa dotation passer de 274,8 millions d'euros en 2010 à 312,3 millions d'euros.

Cette hausse significative est toutefois trompeuse. Elle s'explique essentiellement par le fait que, l'année prochaine, ces crédits devront également couvrir l'assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19,6 %, contre 5,5 % antérieurement.

Reprenant l'une des propositions de votre rapporteur spécial, l'article 41 du présent projet de loi de finances instaure un ticket modérateur de 8,84 euros à la charge du bénéficiaire de l'aide. L'objectif visé par cette mesure est de responsabiliser les bénéficiaires potentiels de l'aide juridictionnelle, afin d'éviter les abus de procédure. Il en est attendu une économie d'environ 3,9 millions d'euros en 2011 et de 5,2 millions d'euros à partir de 2012.

Il s'agit là d'une amorce de réforme du système de l'aide juridictionnelle, celle-ci ne pouvant plus attendre.

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » comporte 267,1 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 7,3 % par rapport à 2010.

Cette hausse significative des crédits consacrés à l'administration centrale et aux projets informatiques pourrait surprendre. Elle doit cependant être relativisée dans la mesure où elle résulte, pour une grande part, de changements de périmètres.

Dans le domaine de la politique immobilière et logistique, il faut d'ailleurs souligner l'ambition de la Chancellerie de regrouper, sur un site unique, l'ensemble des directions et services des sites parisiens de l'administration centrale, hors le « 13, Place Vendôme ». Votre rapporteur spécial sera attentif à cette évolution, qui doit être l'occasion d'une rationalisation des moyens de l'administration centrale en permettant notamment de dégager des économies substantielles de loyers.

Enfin, s'agissant de la performance dans la conduite des grands projets informatiques, le taux de déploiement du projet Cassiopée, instaurant une nouvelle chaîne pénale dématérialisée dans les juridictions, n'a pas atteint son objectif de 96 % en 2010, puisqu'il ne s'élève qu'à 84,6 %. L'objectif de 100 % en 2011 paraît, par ailleurs, difficile à réaliser.

En conclusion, je vous propose l'adoption des crédits proposés pour la mission « Justice » et pour chacun de ses programmes, avec une modification de crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Au sein du budget de l'Etat, les crédits de la justice présentent une exception notable : ils augmentent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Cette exception est justifiée. L'un des enjeux de la mission « Justice » résidera, en 2011, dans le transfert de la responsabilité des transfèrements de détenus à l'administration pénitentiaire. Il ressort de mes entretiens avec le responsable de programme que les personnels accueillent favorablement cette perspective.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

A propos des centres éducatifs fermés (CEF), je suis surpris de voir que leur taux d'occupation progresse lentement. Combien y-a-t-il de CEF ouverts aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le programme des CEF comprend 48 structures, dont 40 sont déjà ouvertes. Dans chacune d'entre elles on trouve environ une vingtaine de jeunes accueillis, ce qui signifie qu'aujourd'hui 800 places sont disponibles. Le coût d'une journée en CEF est élevé, mais les résultats sont probants au regard du faible taux de récidive ou de réitération des jeunes qui en sortent. En outre, j'insiste sur la nécessité d'avoir dans ces établissements des personnels bien formés, cette formation prenant nécessairement du temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je m'interroge sur le transfert des transfèrements à l'administration pénitentiaire. Les conditions sont elles bien réunies et les personnels y sont-ils prêts ? En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, j'ai particulièrement travaillé sur les conditions de détention des femmes en prison. Les détenues y sont en effet particulièrement fragiles psychologiquement. On retrouve toutefois moins de cas psychiatriques dans les quartiers réservés aux femmes que dans ceux des hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Concernant les transfèrements, le directeur de l'administration pénitentiaire m'a un peu surpris en m'assurant que les personnels accueillent très positivement cette perspective. Il est en lien avec les organisations représentatives des personnels et il m'a assuré de l'intérêt suscité par cette nouvelle mission. Le passage de relais entre l'administration pénitentiaire et les forces de police et de gendarmerie doit s'opérer progressivement, avec une phase d'expérimentation au premier semestre 2011 dans deux régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous les préciserai lorsque je les connaîtrai. Il faut toutefois bien souligner que la responsabilité des détenus particulièrement dangereux reste confiée à la police et à la gendarmerie. En prison, la population féminine est naturellement plus fragile. En tant que président du conseil d'administration d'un hôpital psychiatrique, je suis par ailleurs frappé du manque de vocations pour les métiers de la psychiatrie. Je fais beaucoup de déplacements dans les établissements pénitentiaires et je suis convaincu que l'encellulement individuel n'est pas toujours souhaitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous en avons pourtant voté le principe dans la loi pénitentiaire en 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Il faudra beaucoup de temps avant de parvenir à la pleine application de ce principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Je suis surpris de constater que la réforme de la carte judiciaire présente un coût à la charge de l'Etat, alors que cette politique nous avait été présentée comme une source d'économies.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Cette réforme a certes d'abord un coût, mais elle débouchera ensuite sur des économies. Il faut se réjouir que ce coût ne dérape pas, et cela d'autant plus que les produits de cession des palais de justice ne sont pas réaffectés au financement des nouvelles acquisitions et des travaux de rénovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Les crédits de l'aide juridictionnelle augmentent en 2011 du fait de l'application d'une TVA à 19,6 % à ces missions, mais a-t-on bien évalué le coût lié au passage à la TVA à taux normal ? Par ailleurs, la prochaine réforme de la garde à vue aura un impact considérable sur les crédits de l'aide juridictionnelle. S'agissant des frais de justice, on doit déplorer beaucoup de dérapages dans le domaine de la prise en charge des missions d'experts. Je veux également soulever une anomalie particulièrement frappante : la salle d'audience spécialement aménagée à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle n'est pas utilisée. On préfère emmener les demandeurs d'asile au tribunal de Bobigny dans des conditions inacceptables.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'impact de la TVA à 19,6 % sur les missions d'aide juridictionnelle est neutre pour les comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

L'effet de la hausse de la TVA est neutre, mais cela signifie qu'en réalité les crédits de l'aide juridictionnelle n'augmentent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En matière d'aide juridictionnelle, le projet de loi de finances prévoit l'instauration d'un ticket modérateur afin d'éviter les abus de procédure et de responsabiliser les bénéficiaires de l'aide. Ce ticket n'est toutefois pas très bien accepté par la profession d'avocat. A propos du tribunal de Bobigny, je partage votre point de vue et j'ai d'ailleurs l'intention de m'y rendre prochainement. Je crois que les magistrats peuvent se déplacer à Roissy. J'ai déjà eu à plusieurs reprises, au cours des dernières années, l'occasion d'attirer l'attention du garde des Sceaux sur le problème posé par les frais de justice. L'une des clés du problème réside dans la capacité des services administratifs régionaux (SAR) à aider utilement les magistrats dans leur prise de décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous évoquez un problème de sincérité budgétaire du fait d'une sous-évaluation chronique depuis trois ans des frais de justice. Cette situation peut elle perdurer ? Par ailleurs, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » n'a pas été mis à profit dans le cadre du financement de la réforme de la carte judiciaire, contrairement à ce qui était initialement prévu. Cette situation là non plus n'est pas normale. Confier la responsabilité des transfèrements au ministère de la justice permet certainement de libérer des emplois au ministère de l'intérieur et de les réaffecter à la sécurité, mais je n'ai pas constaté beaucoup d'enthousiasme de la part des personnels de l'administration pénitentiaire. Enfin, le ticket modérateur instauré dans le cadre de l'aide juridictionnelle va peser lourdement sur des publics à faibles ressources. Je doute qu'il permette d'atteindre l'objectif qu'on lui assigne.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les magistrats ont fait des efforts afin de maitriser la dynamique à la hausse des frais de justice, c'est désormais au tour des SAR d'en faire. Il n'est pas acceptable que les juridictions se retrouvent en quasi cessation de paiement au mois de novembre. Je vous rappelle pourtant qu'un décret d'avances de 34 millions d'euros a été pris en septembre.

Concernant le volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire, je partage la préoccupation de Mme Nicole Bricq : les produits de cessions d'immeubles n'ont pas été restitués à hauteur de 50 % au ministère de la justice, malgré l'engagement initialement pris. Le transfert des transfèrements au ministère de la justice s'opérera progressivement et l'un des enjeux consiste en la réaffectation des 800 emplois en provenance de la mission « Sécurité ». Enfin, les dépenses d'aide juridictionnelle ayant tellement explosé au cours des dernières années, il fallait mettre un terme à cette tendance. Le ticket modérateur doit y contribuer et il ne représente que 2 % du coût moyen d'une mission d'aide juridictionnelle, soit un coût relativement faible à la charge du justiciable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'article 75 du projet de loi de finances pour 2011 propose de reporter la date d'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction. Je regrette vivement ce report qui s'inscrit dans une succession toujours plus désordonnée de réformes du code de la procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Demandé par le Gouvernement, ce report résulte de la décision du Conseil constitutionnel relative au caractère inconstitutionnel de notre système actuel de garde à vue. Il faut noter qu'effectivement c'est le deuxième report de la date d'entrée en application de la collégialité de l'instruction. L'Assemblée nationale a voté cet article conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

De nombreux projets de nouvelles prisons sont montés via un partenariat public-privé. Ce type de financement va-t-il mettre à contribution les collectivités locales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

A ma connaissance, les conseils généraux ne sont pas sollicités. Les partenariats public-privé ne sont pas considérés comme une dette au sens Maastrichien du terme, mais ils n'en constituent pas moins un engagement de long terme pesant sur l'Etat. Ils permettent toutefois d'accélérer les procédures, un projet immobilier pouvant ainsi être monté en deux ans. Il y a certes de nouveaux programmes immobiliers, mais de nouvelles mesures alternatives à la détention prennent aussi leur essor : le bracelet électronique par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Alors que des progrès substantiels avaient été réalisés depuis 2006 et l'entrée en vigueur de la LOLF, l'année 2009 a été celle du redémarrage des frais de justice, avec un dépassement de 23,5 millions d'euros par rapport à l'autorisation accordée en loi de finances initiale.

En 2010, cette tendance se confirme : le montant total de la dépense devrait avoisiner 440 millions d'euros pour une enveloppe initiale de 393,3 millions d'euros. Le montant des charges restant à payer en fin d'année devrait, quant à lui, s'élever à près de 100 millions d'euros, soit environ deux mois d'activité.

La loi de finances pour 2011 prévoit 459,4 millions d'euros pour couvrir la dépense liée aux frais de justice. Il y a cependant tout lieu de penser que la sous-budgétisation observée au cours des deux derniers exercices reste de mise. Outre qu'elle remet en cause le principe de sincérité budgétaire pour 2011, cette situation fait courir le risque de voir l'activité des juridictions perturbée par le non paiement en temps et en heure des experts.

L'amendement proposé vise donc à abonder de 30 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, l'action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » du programme « Justice judiciaire ».

Cet amendement est essentiellement un amendement d'appel, visant à sensibiliser la Chancellerie et permettant d'attirer son attention sur la nécessité d'améliorer l'aide à la décision des magistrats par une plus grande professionnalisation des services administratifs régionaux (SAR) dans les juridictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je doute fortement de l'efficacité de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cet amendement sera efficace s'il est adopté en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Ce coup de semonce doit nous permettre de sensibiliser les acteurs de l'institution judiciaire sur l'enjeu que représente la professionnalisation des SAR en vue d'une meilleure maîtrise des frais de justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pouvez-vous nous présenter maintenant les deux articles rattachés à la mission « Justice » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'article 75 propose de reporter, au 1er janvier 2014, la mise en oeuvre de la collégialité de l'instruction.

Cette collégialité est prévue par la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, qui a créé les pôles de l'instruction. Initialement, ces pôles devaient entrer en vigueur au 1er janvier 2010. Mais la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures en a reporté la mise en oeuvre au 1er janvier 2011.

Or, l'entrée en vigueur des pôles de l'instruction est incompatible avec la réforme, annoncée par le Gouvernement, du code de procédure pénale.

Cette réforme propose en particulier la suppression de l'instruction et la création d'un cadre unique d'enquête, menée sous la direction du procureur de la République et sous le contrôle, selon la nature des actes en cause, d'un juge de l'enquête et des libertés ou d'un tribunal collégial de l'enquête et des libertés.

Le report de l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction paraît donc s'imposer, par souci de cohérence avec ce projet de réforme et afin d'éviter une réorganisation coûteuse et complexe qui ne pourrait présenter qu'un caractère transitoire.

Je vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J'ai de grands doutes sur la possibilité de réaliser la réforme d'ensemble, annoncée par le Gouvernement, du code de procédure pénale. Nous avons déjà voté une loi il y a trois ans, à la suite de l'affaire d'Outreau et des conclusions d'une commission de l'Assemblée nationale. Je considère que le report de trois ans pour la mise en place des pôles de l'instruction est un délai trop long. Je préférerais deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Adopté par l'Assemblée nationale sur amendement du Gouvernement (et après avis favorable de la commission des finances), l'article 75 bis propose de créer une réserve judiciaire, composée de magistrats et de fonctionnaires des services judiciaires, tous retraités volontaires.

Il prévoit une condition d'âge (75 ans au plus), les activités pouvant être remplies par ces volontaires (il s'agit d'activités non juridictionnelles) ainsi que leurs obligations relevant du secret professionnel et des règles relatives au cumul de pensions.

Il précise, enfin, qu'un décret en Conseil d'Etat interviendra s'agissant des modalités d'application de ces dispositions.

Cet article offre la possibilité aux magistrats, aux greffiers en chef et aux greffiers des services judiciaires à la retraite, de mettre leur savoir faire et leur expérience au service de la justice, s'ils le souhaitent.

Il répond, en outre, aux besoins exprimés par les juridictions de pouvoir disposer de personnels pouvant accomplir ponctuellement certaines activités non juridictionnelles.

Par ailleurs, un amendement du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale après avis favorable de la commission des finances, a effectué la coordination sur les crédits de la mission « Justice » afin de tirer les conséquences budgétaires de la création de cette réserve judiciaire.

Je vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J'aimerais beaucoup connaître le bilan net des suppressions de fonctionnaires opérées au sein de l'institution judiciaire au cours des dernières années. Je comprends mal l'intérêt de supprimer des emplois et de payer, dans le même temps, des réservistes volontaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Il n'y a pas eu de suppression nette d'emplois au cours des dernières années dans les juridictions. C'est même tout le contraire puisque la justice a été « sanctuarisée » et a bénéficié de nombreuses ouvertures de postes.

A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement présenté par le rapporteur spécial à l'article 48 (Etat B annexé) du projet de loi de finances pour 2011, puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Justice » ainsi modifiés.

Elle adopte un amendement réduisant de trois ans à deux ans le délai de report de l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction et décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 75 ainsi modifié.

Enfin, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 75 bis.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » et les articles 68 et 68 bis nouveau du projet de loi de finances pour 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (APAFAR), des deux articles rattachés 68 et 68 bis (nouveau) et du compte spécial « Développement agricole et rural », appelé « CAS-DAR ». Je me permettrai également de dresser, à la fin de mon exposé, un court bilan du statut des coopératives agricoles.

Je voudrais tout d'abord revenir sur les réformes introduites par le ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche (MAAP), qu'il s'agisse de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, de la révision générale des politiques publiques ou, encore, du Grenelle de l'environnement. Le ministère est entré dans un processus profond de modernisation, tant du point de vue de l'organisation de ses services, de ses opérateurs que de ses dispositifs d'intervention. Pour mémoire, l'Agence unique de paiement (AUP) et le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ont été fusionnés en 2009 au sein de l'Agence de services et de paiement (ASP), et les principaux offices agricoles ont également été regroupés au sein d'un établissement unique baptisé FranceAgriMer. Je précise à cet égard que notre commission a demandé pour 2011 à la Cour des comptes une enquête sur cette fusion des offices agricoles et la création de l'ASP, qui sera l'occasion de faire le point sur les enjeux et la cohérence de cette réforme.

Le regroupement des Haras nationaux et de l'Ecole nationale d'équitation au sein de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), le 1er février 2010, mérite aussi d'être mentionné : conformément à ce que j'ai préconisé il y a quelques années, il a été choisi de recentrer l'IFCE sur des missions de service public, les activités des Haras nationaux dans le secteur concurrentiel étant désormais confiées au GIP « France Haras ».

L'effort de modernisation des opérateurs concerne aussi la politique forestière, avec la fusion cette année en un établissement unique du Centre national de la propriété forestière et des dix-huit centres régionaux de la propriété forestière. La situation difficile de l'Office national des forêts (ONF), sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion d'attirer l'attention de notre commission, s'améliore et devra permettre de renouer avec la trajectoire définie par la RGPP. L'arrivée d'une nouvelle équipe de direction devrait y aider, avec la désignation de notre collègue député Hervé Gaymard à la présidence du conseil d'administration et de Pascal Viné, ancien directeur de cabinet du ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, au poste de directeur général.

Je constate que, globalement, ces réformes devraient permettre de dégager des économies en 2011. Cette évolution n'est pas visible à l'échelle de l'ensemble des crédits, mais elle se vérifie dans le détail de certains postes de dépense. Je déplore à cet égard que l'impact budgétaire à moyen terme de ces réformes - qu'elles soient liées à la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, à la RGPP, au Grenelle, ou encore, au bilan de santé de la PAC - ne soit pas évalué avec plus de précision. Je demanderai qu'un effort significatif soit fourni en la matière.

S'agissant des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le projet de loi de finances pour 2011 propose de la doter en 2011 de 3,59 milliards d'euros en AE et 3,67 milliards d'euros en CP. Il s'agit d'un budget d'après-crise, taillé pour un monde agricole encore convalescent. La dotation de la mission en 2011 est caractérisée par une certaine stabilité par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale (LFI) pour 2010 : les AE sont en baisse de 1,8 % tandis que les CP progressent de 1,8 %. Hors crédits de personnel, les variations sont plus significatives : les dotations représentent, par rapport à 2010, une baisse des crédits de 0,5 % en AE et une hausse de 4,3 % en CP. J'indique une limite à cet exercice de rapprochement des crédits entre loi de finances initiales (LFI) d'une année sur l'autre. Il est en effet très probable que la mission soit abondée en gestion par des ouvertures supplémentaires importantes. Nous assistons à la répétition de cette pratique année après année, ce qui témoigne d'une budgétisation au plus juste des crédits de la mission. Il est malheureusement d'usage de ré-abonder en gestion la mission agriculture, souvent au gré des crises subis par le monde agricole, de nature climatique, économique ou sanitaire. Cela nous montre que la question des aléas ne fait pas l'objet d'une prise en charge satisfaisante par les politiques agricoles.

L'exécution budgétaire en 2009 et en 2010 présente ainsi, une fois de plus, un profil très perturbé. En 2009, 935 millions d'euros en AE et 838 millions d'euros en CP ont ainsi été ouverts en cours d'exercice sur la mission APAFAR, ce qui représente une augmentation respective de 29 % et 24,1 % par rapport aux dotations prévues par la LFI pour 2009. Or la crise grave traversée par l'ensemble des filières agricoles ne suffit pas à expliquer un tel écart. Ce phénomène résulte aussi de la budgétisation clairement insuffisante de certains postes en LFI.

Il faut rapprocher la mission des autres concours publics à l'agriculture, et en particulier des dotations communautaires accordées au titre de la politique agricole commune (PAC) : le périmètre de la mission ne s'élève en effet qu'à un peu plus de 20 % de l'ensemble des concours publics annuels à l'agriculture.

Mes observations sur chacun des programmes de la mission sont les suivantes :

- doté de la moitié des crédits de la mission, le programme 154 est le support privilégié de la politique d'intervention du ministère. Mon attention a été attirée par notre collègue Ambroise Dupont, président de la section « Cheval » du groupe d'études de l'élevage, sur la réduction de 47 % des subventions allouées aux filières cheval de sport et cheval de trait, à savoir 4,7 millions d'euros en 2011 au lieu de 9 millions d'euros en 2010. Une telle baisse n'est pas acceptable et je vous propose d'adopter un amendement pour amortir ce choc ;

- pour le programme 149 « forêt », je retiens que le principal opérateur du programme, l'ONF, doit poursuivre ses efforts de rationalisation et mettre en place une véritable politique commerciale. Il doit y être aidé par une clarification de ses relations financières avec l'Etat, les collectivités territoriales et les forestiers privés ;

- au sujet du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », je note que la nouvelle priorité donnée à l'alimentation par le MAAP est confirmée. Je précise que la réduction des crédits du programme n'est qu'apparente : la plupart des actions bénéficient en fait de moyens renforcés en 2011. Cette baisse optique résulte principalement de mesures de transfert, de la résorption du stock des farines animales à détruire et du transfert du financement de l'équarrissage aux filières professionnelles, l'Etat ne restant payeur que du seul service public résiduel ;

- enfin, à propos du programme 215, programme support de la mission, je souligne l'effort consenti par le ministère pour respecter en 2011 la règle d'économie de 5 % sur les dépenses de fonctionnement. La démarche de suppressions d'emplois est donc poursuivie. Je regrette à nouveau la concentration des dépenses de personnel de la mission au sein d'un unique programme. Elle ne se justifie pas et ces crédits devraient être ventilés entre les programmes.

Pour ce qui concerne la mission « Développement agricole et rural », qui correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR », je ne ferai que deux remarques :

- la justification des crédits doit être améliorée pour s'assurer que ceux-ci ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abonnement des organisations par lesquelles ils transitent ;

- de nouvelles missions au coût fixe, autour de la génétique animale, ont été confiées au CAS-DAR alors que ses recettes fluctuent chaque année. J'interrogerai le ministre en séance sur ce point.

Au sujet des deux articles rattachés à la mission, il s'agit :

- d'une part, de supprimer une exonération de cotisations sociales salariales pour les saisonniers agricoles de moins de vingt-six ans, car c'est un dispositif qui n'a pas fait ses preuves ;

- d'autre part, de fixer à 1,5 % pour 2011 le taux d'augmentation de la taxe pour frais de chambres d'agriculture. Cette hausse mesurée fait suite à un gel de leurs recettes fiscales en 2010 et doit permettre d'accompagner le processus de mutualisation des moyens des chambres d'agriculture ainsi que le surcoût résultant du transfert des associations départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA).

Ces deux articles ne posent pas de difficultés, j'en viens donc au bilan du statut des coopératives agricoles.

Ce travail m'a conduit à m'intéresser à un secteur en bonne santé, composé de 3 000 entreprises (coopératives, unions de coopératives et sociétés d'intérêt collectif agricole). Ces dernières pilotent plus de 1 700 filiales soumises au droit commun. Par ailleurs, je mentionne l'existence de 12 500 coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), qui forment une catégorie très particulière de coopératives et ne sont donc pas au coeur de l'étude réalisée. L'ensemble du secteur représenterait un chiffre d'affaires de plus de 82 milliards d'euros en 2009 et emploierait en direct plus de 150 000 salariés.

J'observe que le poids des grands groupes coopératifs est croissant, avec un recours quasi généralisé à la filialisation, notamment sous la forme de « holdings ».

En contrepartie de nombreuses contraintes juridiques, qui sont bien réelles, les coopératives agricoles bénéficient de nombreux avantages fiscaux, notamment en matière d'impôt sur les sociétés (IS), de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ou de contribution économique territoriale (CET). Le coût total de ces mesures, qui font l'objet de remises en question y compris sur un plan contentieux, est estimé à 110 millions d'euros.

Plusieurs dossiers ayant trait à des dispositifs en faveur de coopératives sont en effet en cours d'examen au niveau communautaire et mettent notamment en cause la France. Toutefois, la Commission européenne n'a, à ce jour, pas ouvert de procédure formelle d'examen à l'encontre des autorités françaises. Elle s'est contentée de nous adresser trois demandes d'informations, suite à la plainte déposée en 2004 par la confédération française du commerce de gros et du commerce international (CGI), sous l'impulsion de la fédération du négoce agricole (FNA).

Pour conclure, je juge nécessaire d'attendre le résultat des procédures pendantes au niveau de l'Union européenne avant de prendre une initiative, quelle qu'elle soit, en matière de réforme des avantages fiscaux accordés aux coopératives agricoles. Si une mesure devait être prise, je plaiderais pour remanier l'exonération de CET dont bénéficient les coopératives agricoles. Elle est en effet peu équitable et il conviendrait d'en limiter le champ aux seules opérations réalisées avec les membres des coopératives.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je félicite le rapporteur spécial pour ce travail magistral et m'associe à ses remarques, tout particulièrement concernant le financement de la filière cheval, pour laquelle il nous propose un amendement. Je n'ai que deux remarques :

- le fonds « Eperon » nécessiterait un contrôle plus approfondi de ses règles de fonctionnement de manière à vérifier sa conformité au droit budgétaire ;

- votre approche de la problématique des coopératives agricoles me semble modérée. Ces dernières représentent un secteur dynamique mais il serait opportun de réfléchir à la réforme de leurs régimes fiscaux dérogatoires. Une proposition de loi, émanant de sénateurs issus de zones non rurales, pourrait judicieusement intervenir en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Je suis favorable à un travail sur le fonds « Eperon », sur lequel j'avais déjà recueilli des informations lors de mon contrôle sur les Haras nationaux.

S'agissant des coopératives agricoles, je reconnais avoir fait preuve de prudence. Les exonérations multiples qui sont en vigueur sont principalement la contrepartie des contraintes auxquelles ces sociétés sont soumises : l'exclusivisme, la limitation territoriale, les contrôles spécifiques par l'administration, et il en existe de nombreuses autres. Ces structures présentent des atouts indéniables. Il leur est ainsi impossible de délocaliser et elles ne peuvent pas être les victimes d'une offre publique d'achat (OPA). Les différentes auditions auxquelles j'ai procédé m'ont cependant démontré l'ambivalence de la complexité de certaines structures : les grands groupes coopératifs réunissent en effet des filiales soumises au droit commun et des sociétés coopératives bénéficiant de régimes dérogatoires. Or ils bénéficient de conseils avisés en fiscalité. La réforme de leur exonération de CET que j'ai proposée dans mon exposé représenterait une première avancée opérationnelle. Dans l'attente d'une traduction législative de ces propositions, je juge utile de montrer que la commission des finances fait preuve de vigilance face au statut fiscal des coopératives agricoles.

A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par le rapporteur spécial tendant à majorer d'un million d'euros, par redéploiement, le montant des actions en faveur du cheval, et plus particulièrement de ses filières trait et sport.

Puis, elle décide de proposer au Sénat :

- l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » ainsi modifiés ;

- l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » ;

- ainsi que l'adoption, sans modification, des articles 68 et 68 bis (nouveau) du projet de loi de finances pour 2011.

La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'Etat », le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » et entend une communication du rapporteur spécial sur le financement des primes d'épargne logement (PEL).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » progressent, en valeur, de 6 % entre 2010 et 2011, pour s'établir à 46,9 milliards d'euros. L'encours de la dette nominale passerait de 1 224,8 milliards d'euros à fin 2010 à 1 315,1 milliards d'euros fin 2011, soit une augmentation de 7,4 % et de 51 % depuis 2005. La structure de l'encours témoigne, néanmoins, d'un reflux salutaire de l'endettement à court terme, qui passerait de 18,6 % fin 2009 à moins de 15 % fin 2011. 70,6 % de la dette négociable étaient détenus par les non-résidents fin juin 2010. Un tiers de cette dette serait détenue par des non-résidents ressortissants de la zone euro.

La charge de la dette devrait s'établir à 45,4 milliards d'euros en 2011, soit une augmentation de 4,5 milliards d'euros par rapport aux dernières estimations pour 2010. Cette augmentation résulterait principalement d'un effet volume sur la dette à plus d'un an et de l'augmentation des taux courts. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit une augmentation annuelle de la charge de la dette de plus de 4 milliards d'euros par an, imputable aux deux tiers à l'augmentation de l'encours. J'observe, à cet égard, un frémissement des taux courts à la fin de cette année, puisque le taux des BTF à trois mois s'établit à 0,605 % en septembre, contre 0,49 % en août. Il nous faudra donc être attentifs à cette évolution.

La hausse des crédits de l'action 3 « Trésorerie de l'Etat » est enfin imputable à la rémunération des dotations non consomptibles placées auprès du Trésor par les opérateurs chargés de la mise en oeuvre des investissements d'avenir. Cette rémunération mobilisera 569 millions d'euros en 2011.

J'en viens à présent au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ». Dans le prolongement des Etats généraux de l'industrie, la gestion des participations de l'Etat est désormais axée sur la conduite d'une politique industrielle active. Cette évolution s'est notamment matérialisée par la nomination d'un commissaire aux participations de l'Etat. J'estime que le cadre d'intervention renouvelé de l'Etat actionnaire pose avec une acuité grandissante la question de l'articulation des missions de l'Agence des participations de l'Etat (APE) et du Fonds stratégique d'investissement (FSI). Je consacrerai donc une mission de contrôle au FSI au premier semestre 2011.

Le projet annuel de performances demeure construit sur une approche purement patrimoniale de la gestion des participations de l'Etat. La réorientation majeure de la stratégie de l'Etat actionnaire ne transparaît donc ni dans la présentation stratégique des programmes, ni dans les objectifs et indicateurs de performance, ce qui contribue à vider un peu plus de sa substance un document déjà fort peu consistant. Enfin, 4 milliards d'euros de crédits sont encore prévus pour contribuer au désendettement de l'Etat et de ses établissements publics. Cette prévision apparaît hautement théorique, compte tenu de la mise en sommeil objective de cette politique depuis le début de la crise.

Sous le bénéfice de ces observations, j'invite la commission à adopter sans modification les crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » et du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ».

Je conclurai mon intervention en rendant compte à notre commission des résultats du contrôle que j'ai mené, en 2010, sur le financement des primes d'épargne-logement (PEL). Les primes d'épargne-logement sont versées, par l'Etat, lors de la clôture d'un compte d'épargne-logement ou d'un plan d'épargne-logement. Il s'agit d'un dispositif public d'aide à l'accession à la propriété qui fonctionne comme une « dépense de guichet », contrainte par le nombre de demandes. Le programme « Epargne » de la présente mission porte, dans le présent PLF, plus de 1,1 milliard d'euros au titre du financement de ces primes.

Par convention du 17 décembre 1992, l'Etat a confié la gestion des primes au Crédit foncier de France (CFF), qui sert d'intermédiaire avec les banques de la place. Le CFF a par ailleurs accepté de consentir des avances rémunérées à l'Etat, d'un montant maximal d'un milliard d'euros, au cas où les provisions qui lui sont versées par le Trésor seraient insuffisantes pour couvrir les appels de primes.

Le contrôle budgétaire sur le financement des primes d'épargne-logement résulte d'observations de la Cour des comptes qui a révélé que la budgétisation initiale a régulièrement sous-estimé les besoins réels conduisant l'Etat à recourir massivement aux avances rémunérées auprès du CFF. Fin 2008, le découvert cumulé de l'Etat s'élevait à plus de 963 millions d'euros. Par ce montage, nous assistons à une sorte de « débudgétisation » du déficit puisque l'Etat se refinance auprès du CFF et non par le biais de l'Agence France Trésor. Cette pratique est contraire au principe d'annualité, d'universalité et, surtout, de sincérité budgétaires. Il n'est pas certain non plus qu'elle constitue une bonne opération financière pour l'Etat. Le coût des avances rémunérées du CFF ayant été estimé, en 2008, supérieur de 500 000 euros à celui des BTF.

Le procédé est d'autant plus critiquable que, ces dernières années, la loi de finances initiale n'a jamais prévu de marges de manoeuvre suffisantes pour résorber le découvert inscrit auprès du Crédit foncier. La ligne budgétaire de l'année n'était destinée qu'à financer les primes de l'année. Le découvert était par conséquent reporté l'année suivante : l'Etat a fait de la cavalerie. A la décharge du Gouvernement, le calcul du montant nécessaire au financement des primes d'épargne-logement exige d'anticiper le comportement des épargnants, qui dépend principalement de paramètres économiques et fiscaux, ainsi que du nombre de PEL et de l'encours par génération. Il n'est donc pas répréhensible que, certaines années, l'Etat ait été contraint d'utiliser les avances rémunérées du CFF.

A l'inverse, en 2009 et 2010, le taux de clôture a été très inférieur à celui initialement attendu. Cette heureuse surprise conjoncturelle a permis de réduire le déficit auprès du Crédit foncier à 719 millions d'euros fin 2009 et il pourrait s'établir à 82 millions d'euros fin 2010. L'année 2010 constitue une opportunité unique pour apurer définitivement le déficit. En 2011 et 2012 en revanche, le nombre de primes versées pourrait connaître un accroissement très important pour des raisons fiscales. En effet, à compter de la dixième année, les intérêts cumulés sur les PEL sont soumis à la fiscalité. Or les plans contractés en 2001 et 2002 représentent plus de 28 % de l'encours total des PEL. Il faut donc s'attendre à un taux de clôture massif ces deux prochaines années. Il est à craindre que les 1,1 milliard d'euros inscrit dans le PLF pour 2011 ne soient pas un montant suffisant pour couvrir tous les appels de primes, auquel cas nous assisterions de nouveau au creusement d'un déficit auprès du CFF.

Un projet de réforme du PEL est annoncé par le Gouvernement, dont nous ignorions encore la teneur exacte. En tout état de cause, depuis 2002, le versement des primes est conditionné à l'octroi d'un prêt immobilier qui peut être utilisé pour des travaux ou pour l'achat d'une résidence secondaire. On peut donc légitimement s'interroger sur la finalité des primes d'épargne-logement : s'agit-il d'un dispositif d'aide à l'accession à la propriété ou de soutien au secteur immobilier et du bâtiment ? La réforme permettra peut-être d'avancer sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Le rapporteur spécial peut-il nous renseigner sur l'évolution de la charge associée aux titres indexés sur l'inflation ? Ce poste me semble devoir être surveillé de près, tant il rappelle les pages les plus sombres de notre histoire financière...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

La provision pour indexation est estimée à 2,5 milliards d'euros en 2011. Vous avez raison de souligner que les titres indexés constituent un facteur de risque potentiel, comme en témoigne le choc d'inflation survenu en 2008, choc qui a eu des répercussions fortes sur la charge de la dette.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Quelle est la tendance observée sur la part respective des titres courts et des titres à moyen et long termes ? Par ailleurs, où en est-on du remboursement des prêts consentis dans le cadre des mesures de soutien aux banques et au secteur automobile ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

La diminution des BTF devrait se poursuivre en 2011, et leur encours devrait baisser de 0,7 milliard d'euros. Les BTF représenteraient alors 15 % de l'encours total. S'agissant des mesures prises pour faire face à la crise, la Société de prises de participation de l'Etat (SPPE) aura souscrit, en deux tranches, près de 21 milliards d'euros de titres de fonds propres émis par les principaux établissements de crédit, à raison de 9,95 milliards d'euros sous forme de titres super subordonnés à durée indéterminée (TSSDI), 9,8 milliards d'euros sous forme d'actions de préférence (AP) et 1 milliard d'euros d'actions ordinaires pour la société Dexia. Au 15 septembre 2010, l'Etat détient encore, à travers la SPPE, une participation de 1 milliard d'euros au capital de Dexia, et des titres super-subordonnés et actions de préférence émis par BPCE pour un montant de 2,9 milliards d'euros. Les comptes de la société font apparaître un résultat net de 724 millions d'euros en 2009, lui permettant de verser à l'Etat 637 millions d'euros de dividendes et 162 millions d'euros d'impôt sur les sociétés. S'agissant du « Pacte automobile », 377 millions d'euros d'intérêts ont été perçus au titre de 2010 à raison des prêts aux constructeurs, et le retour à meilleure fortune de Renault et PSA leur a permis de rembourser par anticipation 10 milliards d'euros en septembre.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » et du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ».

Elle donne acte au rapporteur spécial de sa communication sur le financement des primes d'épargne logement (PEL), qui sera annexée au rapport sur les crédits des missions.

La commission nomme enfin M. Charles Guené rapporteur des propositions de loi :

n° 23 (2010-2011) de MM. Jean Arthuis et Alain Lambert, relative au financement des allocations de solidarité nationale à la charge des départements ;

n° 62 (2010-2011) de M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements ;

n° 64 (2010-2011) de M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE, relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements ;

n° 107 (2010-2011) de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG, relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements.