a rappelé que, même si le général Irastorza n'avait pas la responsabilité d'un programme budgétaire, à l'exception toutefois du budget opérationnel de programme (BOP) « Forces terrestres » sur le programme 178, il était néanmoins responsable de la cohérence d'ensemble des ressources budgétaires allouées à l'armée de terre.
Le président a souhaité recueillir le sentiment du chef d'état-major de l'armée de terre sur la vision globale du budget, d'abord d'un point de vue général et budgétaire pour l'année 2009, puis sur l'adéquation entre le budget 2010 et les attentes de l'armée de terre. Ce budget lui permettra-t-il d'opérer dans des conditions satisfaisantes, tout en menant les restructurations qui la concernent, et de préparer l'avenir, en respectant le plan de renouvellement des unités et des équipements ?
Le général Elrick Irastorza a tout d'abord remercié la commission de l'opportunité qu'elle lui offre, chaque automne, de présenter la situation de l'armée de terre et de faire part de son appréciation sur le projet de loi de finances pour 2010.
Selon lui, tout en s'acquittant, de fort belle manière, de toutes les missions opérationnelles qui lui sont confiées, l'armée de terre s'est engagée, depuis l'été 2008, dans une vaste réorganisation. Consciente de l'importance de la crise économique, l'armée de terre mesure la constance des efforts consentis par la France pour sa défense, notamment au travers de l'adoption de la loi de programmation militaire (LPM) du 29 juillet 2009.
Cette transformation de grande ampleur, dont l'objectif est de retrouver d'indispensables marges de manoeuvre, représente un effort considérable. Elle concerne simultanément le rééquilibrage des capacités opérationnelles, l'adaptation des ressources humaines, l'évolution de l'organisation et du stationnement, ainsi que la modification en profondeur des processus de fonctionnement, tout cela en conduisant le renouvellement des équipements et en honorant les engagements opérationnels à l'extérieur.
Le général Elrick Irastorza a ajouté que 2010 sera l'année charnière qui verra l'armée de terre véritablement basculer vers son nouveau format, dans la continuité des mesures prises en 2009. Au vu des financements mis à sa disposition dans le cadre du PLF 2010, il estime avoir globalement les ressources indispensables à la préparation des opérations et à la conduite de la réforme, mais il reste très préoccupé par les ressources attendues du programme 212 concernant l'infrastructure.
Il a ensuite évoqué, au travers du prisme budgétaire, les ressources humaines, la réorganisation, le renouvellement des équipements et la préparation opérationnelle.
S'agissant de ce qu'il est convenu d'appeler la « manoeuvre » des ressources humaines, celle-ci avait impliqué, en 2009, la déflation des effectifs de 3 600 personnels, et le transfert vers d'autres budgets opérationnels de programme (BOP) de 1 000 personnels, sans que n'aient été constatées à ce stade de difficultés majeures.
Le cadencement de la déflation des effectifs est inscrit en LPM. Le général Elrick Irastorza a remercié la représentation nationale d'avoir bien voulu prendre en compte cette préoccupation forte exprimée l'an dernier. Cela permet de préserver l'équilibre entre les flux de départs et d'entrée et garantit in fine la capacité opérationnelle des unités. Comme le souligne la loi de programmation, en annexe au paragraphe 3.4.3, il convient de s'en tenir à cette description physique du chemin de déflation à parcourir. Il a tenu à citer cet article qui dispose que : « le rythme de mise en oeuvre (de la déflation) (...) n'a pas vocation à être accéléré, quels que soient les aléas de gestion. »
Le général Elrick Irastorza a relevé que, en 2010, avec près de 7,3 milliards d'euros (pensions comprises) consacrés à la masse salariale, il disposerait a priori des ressources nécessaires pour financer les effectifs et améliorer, comme prévu, la condition militaire (+ 37 millions d'euros), pour rendre plus lisibles et plus attractifs les parcours professionnels et pour effectuer la suppression de 3 600 postes (dont 67 % dans l'administration générale et les soutiens communs) ainsi que le transfert de 3 800 autres. Au total, le BOP terre perdra 7 400 postes en 2010 et, au terme de cette loi de programmation, en 2014, un peu plus de 43 000 par rapport à l'effectif terminal 2007 : 21 000 au titre de la déflation imputable au seul BOP terre, et plus de 22 000 suite aux transferts opérés vers d'autres BOP dont une charge de déflation également transférée de 3 300 postes environ.
Il a relevé, en termes de ressources humaines, le coût quantitatif, qualitatif et financier de la participation pleine et entière de la France aux structures de commandement militaire intégré de l'OTAN qui s'étalera sur quatre ans, de 2009 à 2012, pour un total de 571 postes, dont l'attractivité dépendra très largement des conditions de vie faites au personnel muté à l'étranger.
L'armée de terre a déjà réalisé les réorganisations prévues en 2009. Le général Elrick Irastorza a précisé que 2010 sera plus complexe. En effet, il s'agira de dissoudre quatre états-majors opérationnels, d'en transférer quatre autres, de dissoudre quatre régiments et d'en transférer trois, de déménager deux écoles, et, enfin, de fermer six garnisons.
L'enveloppe de 697 millions d'euros consacrée aux activités et au fonctionnement courant permettra de répondre aux besoins, même s'il convient de rester vigilant sur les risques liés aux surcoûts des déménagements et à la réalité des hypothèses d'inflation retenues. En effet, en période de réforme d'envergure, les ressources de fonctionnement doivent impérativement être préservées. A la différence de celui consacré aux équipements majeurs, le million d'euros alloué au fonctionnement est plus lourd de conséquences immédiates : l'impact négatif est instantané, tant sur le moral que sur la bonne réalisation des restructurations.
Dans le domaine de l'infrastructure, l'armée de terre avait exprimé un besoin de 351 millions d'euros au titre des opérations directement liées aux réorganisations, 2010 étant l'année la plus lourde. Le besoin devrait être normalement satisfait, mais, une fois encore, au détriment de l'entretien programmé qui sera limité, pour l'essentiel, aux travaux curatifs de mise aux normes et de sécurisation. Il en résulte un décalage véritablement préoccupant entre les besoins d'entretien du restant du patrimoine en 2010 (300 millions d'euros) et les ressources envisagées, risque accentué par les reports de programmation de 2009, pouvant se solder par l'équivalent d'une année blanche, si l'on additionne les opérations non effectuées en 2009 et 2010.
Le général Elrick Irastorza a ensuite abordé la question des équipements. Les efforts pour l'armée de terre sont cohérents avec la réalité des engagements opérationnels et traduisent la priorité accordée aux forces terrestres inscrite dans le Livre blanc. Mais il s'agit d'une priorité somme toute relative car les 3 milliards d'euros consacrés aux équipements terrestres ne représentent que 18 % des 17 milliards d'euros de l'enveloppe totale. 2009 a été une année exceptionnelle marquée par la prise de commandes majeures, dont celle, globale, de 332 VBCI et celle, groupée, de 16 454 FELIN. Ces commandes concrétisent l'indispensable renouvellement des matériels terrestres, le troisième d'une telle ampleur depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Les commandes et livraisons attendues en 2010 s'inscrivent dans la continuité de cette action de régénération de l'outil de combat. Elles correspondent au niveau de ressources accordées à l'armée de terre depuis des années, à l'exception des points bas importants connus aussi bien pour les autorisations d'engagement en 2006 (- 765 millions d'euros réalisés par rapport à la LFI) et 2007 (- 436 millions d'euros), qu'en crédits de paiement en 2007 (- 562 millions d'euros) et 2008 (- 499 millions d'euros). En 2010, seront commandés vingt-deux LRU et la seconde et dernière tranche de 252 roquettes. Par ailleurs, ont également été commandés 76 postes de tirs et 380 missiles à moyenne portée capables d'être tirés à partir d'espaces confinés en mode « tire et oublie » (dans l'attente d'un choix définitif sur le remplacement du missile Milan), 1 500 parachutes, 100 missiles sol-air MISTRAL rénovés, 200 camions logistiques protégés, 187 PVP et la rénovation de trois COUGAR.
Les livraisons porteront sur 99 VBCI (630 en cible), sept TIGRE (80 en cible), 34 CAESAR (141 en cible), 3 107 FELIN (22 588 en cible), 340 PVP au lieu de 154 grâce au plan de relance (1 500 en cible), sans oublier les équipements relatifs aux systèmes d'information et de communication dont la conduite d'opérations interarmes, interarmées et interalliées en Afghanistan confirme le caractère indispensable.
Le général Elrick Irastorza a souligné que, sitôt arrivés dans les forces, les équipements neufs seront déployés sur les théâtres d'opérations, une fois conduits les six mois de mise en condition opérationnelle du personnel avec le matériel. L'armée de terre a ainsi engagé, à l'été 2009, TIGRE et CAESAR en Afghanistan, et prépare l'envoi de PVP, de VBCI et de FELIN. Tous ces matériels apportent une amélioration immédiate des capacités sur les théâtres en matière de protection et de puissance de feu.
Avec 550 millions d'euros, l'entretien programmé du matériel reste le principal poste de dépenses après les salaires. Cet effort s'inscrit dans la continuité de celui entrepris en 2009, et devrait permettre d'obtenir une disponibilité technique supérieure à 90 % sur les théâtres d'opération, mais juste suffisante en métropole pour conduire l'entraînement.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels sera la préoccupation majeure dans les années à venir. L'armée de terre s'est donc engagée, depuis 2008, dans une démarche résolue pour en contenir les coûts. Elle a lancé la politique d'emploi et de gestion des parcs, dite PEGP ; elle organise la formation et l'entraînement en conséquence, fait appel aux équipements de substitution (chars de combat, par exemple), a rallié les cibles d'équipements du modèle 2014, réformé la gouvernance de la maintenance, et rationalisé l'implantation des unités consacrées à la maintenance (réduction de 61 à 24 emprises à terme). Mais cette préoccupation doit maintenant être mieux prise en compte par les industriels qui doivent s'attacher à proposer leurs services selon des rapports coût, efficacité, réactivité acceptables.
Ensuite, l'armée de terre poursuivra la reconstitution urgente des stocks de munitions, grâce à l'augmentation des autorisations d'engagement de plus de 30 % en 2010, passant de 69 millions d'euros en 2009 à 98 millions d'euros en 2010. Enfin, 153 millions d'euros d'autorisations d'engagement seront consacrés à l'entretien programmé du personnel ; ils permettront de poursuivre l'amélioration du paquetage, son ergonomie, la protection offerte. Le général Elrick Irastorza indique que, pour lui, il s'agit là d'un effort absolument prioritaire compte tenu de son impact immédiat sur le moral des hommes et de leurs familles, et donc sur leur capacité opérationnelle et la solidité des bases arrières.
Avant de conclure, il a donné des précisions sur l'engagement opérationnel et sa préparation. L'armée de terre a connu un allègement de ses dispositifs sur plusieurs théâtres, ramenant sa charge de projection annuelle à environ 36 000 hommes, ce qui constitue, sur un tempo bien évidemment différent, l'équivalent de son contrat opérationnel de 30 000 plus 5 000 hommes. Elle a actuellement 8 000 hommes en opérations, 4 000 en mission de présence et de souveraineté, 5 800 en alerte guépard et 1 000 hommes déployés sur le territoire national. L'augmentation de 60 millions d'euros du BOP OPEX permettra de mieux couvrir les surcoûts et continuera d'alléger la contrainte de préfinancement qui pèse traditionnellement sur la fin de gestion.
Armée d'emploi, l'armée de terre combat au quotidien en Afghanistan. Le durcissement de cette opération depuis un an et demi confirme les démarches entreprises depuis 2007 afin d'adapter ses dispositifs, ses matériels, et sa préparation opérationnelle. Plus de 200 millions d'euros, soit un peu plus de la moitié des crédits globaux alloués à l'adaptation réactive par les armées, ont été consacrés à l'amélioration en urgence de ses équipements depuis 2008, avec une implication totale de l'état-major et une réactivité de la DGA. Le général Elrick Irastorza a souligné que l'effort sera poursuivi en 2010 à hauteur de 100 millions d'euros.
L'engagement sur sept théâtres d'opération principaux, en comptant l'opération Harpie (Tchad, République de Côte d'Ivoire, République Centrafricaine, Kosovo, Afghanistan, Liban et Guyane) engendre une inévitable dispersion des dispositifs de l'armée de terre et de ses moyens, ce dont elle doit payer le prix. Avec 2 500 véhicules dont 1 000 blindés déployés en opérations, c'est-à-dire l'équivalent de dix régiments, cette dispersion est coûteuse en soutien logistique, et notamment du MCO, par surdispersion des compétences et des lots d'outillage.
Quelles que soient les perspectives d'engagement, tous les régiments assurent une formation initiale standardisée de qualité, s'entraînent aux missions communes, et se préparent à un engagement dans leur coeur de métier. En outre, chaque mission programmée fait l'objet d'une préparation opérationnelle adaptée à chaque théâtre. Le PLF 2010 alloue 133 millions d'euros à cette préparation. Or, sur tous les théâtres, et notamment en Afghanistan, les soldats reconnaissent qu'ils sont bien préparés, et que la qualité de leur entraînement constitue leur meilleure protection. Ces crédits ne peuvent donc être une variable d'ajustement budgétaire, comme ce fut le cas par le passé.
Sous réserve que la fin de gestion 2009 s'effectue dans de bonnes conditions, le général Elrick Irastorza estime que l'armée de terre aborde de façon positive 2010, année cruciale de sa transformation. S'inscrivant dans la dynamique créée par le décret n° 2005-520, l'entrée en vigueur du décret n° 2009-869 relatif aux responsabilités du chef d'état-major des armées et des différents chefs d'état-major ne lui pose aucun problème particulier.
L'armée de terre dispose, à strict niveau de suffisance, des ressources pour réaliser les multiples et difficiles réorganisations, tout en assurant l'ensemble des missions opérationnelles qui lui sont fixées. Elle s'engage résolument dans le processus d'interarmisation et de rationalisation des soutiens, dont la mise en place rapide implique, d'ores et déjà, un transfert vers d'autres BOP d'une partie de ses effectifs, et donc de la charge de déflation qui y est attachée.
Le Livre blanc soulignait l'effort initial à consentir au profit des forces terrestres. Les événements confortent cette analyse. La LPM et le PLF 2010 devraient, en conséquence, permettre de donner le meilleur de ce que l'armée de terre peut réaliser aux soldats qui remplissent, au péril de leur vie, les missions qui leur sont confiées. Pour l'heure, ils constatent la réalité de cet effort qu'ils attendaient et auquel ils sont sensibles.