Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi de finances pour 2010 (programme « solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission Aide publique au développement et programme « rayonnement culturel et scientifique » de la mission Action extérieure de l'Etat).
Accueillant M. Christian Masset, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité revenir sur la création de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, la réforme de l'action culturelle extérieure, qui fait l'objet du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat, avant d'évoquer les principales évolutions des crédits des deux programmes dont cette direction générale a la responsabilité.
a rappelé en préambule que la création de cette direction générale s'inscrivait dans le cadre de la réforme de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes, qui s'était traduite par la mise en place de trois directions générales : la direction générale des affaires politiques et de sécurité, la direction générale de l'administration et de la modernisation et la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, qui est chargée des enjeux globaux.
La mise en place de cette direction générale repose sur l'idée que l'action culturelle, comme la politique d'attractivité, les questions économiques ou de développement, font partie du coeur de métier des diplomates du MAEE.
Cette direction générale comporte quatre directions, la première chargée de l'économie globale et des stratégies du développement, la deuxième des biens publics mondiaux, la troisième de la politique culturelle et du français et la quatrième des politiques de mobilité et d'attractivité. Elle regroupe aussi un service transversal chargé des programmes et du réseau. Enfin, elle intègre également la délégation pour l'action extérieure des collectivités locales, la mission des relations avec la société civile et la mission de pilotage de l'aide publique au développement et de tutelle de l'Agence française de développement.
Conformément aux recommandations du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France et aux conclusions de la révision générale des politiques publiques, cette nouvelle direction générale est chargée de l'élaboration de la stratégie et du pilotage des opérateurs, ce qui traduit un changement d'approche par rapport à la situation précédente.
La deuxième étape de la réforme concerne les opérateurs. Elle doit se traduire par la création de deux nouvelles agences, l'une chargée de l'action culturelle extérieure, l'autre de la mobilité et de l'expertise internationale, comme le prévoit le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat.
a ensuite présenté les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2010 concernant les deux programmes dont il a la charge.
Il a noté que les deux programmes 185 et 209 étaient articulés autour d'une logique géographique qui était en partie dépassée et qu'il serait souhaitable de revoir cette maquette budgétaire afin de gagner en lisibilité budgétaire. Il a indiqué que l'objectif à viser était la création de deux programmes distincts, l'un consacré à la diplomatie culturelle et d'influence, l'autre à l'aide publique au développement. Un accord en vue d'une modification de la maquette budgétaire en 2010 n'a pu être trouvé cette année, en raison de la loi de programmation triennale, mais il a estimé qu'une telle modification pourrait intervenir en 2011, concomitamment à l'adoption de la future loi de programmation.
Il a ensuite présenté les principales données budgétaires des deux programmes.
En ce qui concerne le programme « rayonnement culturel et scientifique », les crédits de fonctionnement et d'intervention, hors dépenses de personnels, augmentent de 0,7 % en 2010, pour s'établir à environ 508 millions d'euros.
Sur ce montant, 420 millions d'euros sont destinés à l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
Ce programme compte 1 236 emplois, soit le même nombre qu'en 2009, même s'il faut tenir compte du passage de l'Arabie Saoudite du programme 209 au programme 185, qui entraîne le transfert de 13 postes.
S'agissant du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement », la dotation pour 2010 est de 2,123 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,063 milliards d'euros en crédits de paiement, soit respectivement une augmentation de 13 et 11 % par rapport à 2009.
Cette évolution s'explique toutefois en partie par des modifications de périmètre, puisque, conformément à un amendement adopté par le Sénat, le projet de loi de finances pour 2010 intègre pour la première fois le dividende de l'agence française de développement (AFD) et que le ministère des affaires étrangères et européennes prend désormais en charge la rémunération de l'AFD sur les dons projets.
A périmètre constant, la dotation pour 2010 augmente néanmoins, principalement du fait de l'accroissement du multilatéral.
Le nombre d'emplois s'élève à 2 789, soit une diminution de 122 postes, qui porte principalement sur un transfert de personnels vers l'AFD.
En outre, là encore à la suite d'un amendement du Sénat, le projet de loi de finances pour 2010 intègre pour la première fois un plafond d'emplois pour les établissements culturels à l'étranger, qui est fixé à 1 044 pour le programme 185 et à 2 356 pour le programme 209, qui ne concerne que les recrutés locaux ayant conclu un contrat de travail à durée indéterminée.
Par ailleurs, M. Christian Masset a présenté ses priorités concernant la diplomatie d'influence, la réforme de l'action culturelle et l'aide publique au développement.
En ce qui concerne la diplomatie d'influence et l'action culturelle, il a fait référence à plusieurs projets.
Il s'est félicité tout d'abord de la « rallonge budgétaire » de 40 millions d'euros, obtenue par le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, pour l'action culturelle, qui marquait une inversion de tendance et mettait un terme à la forte diminution des crédits de coopération culturelle observée ces dernières années.
Il a indiqué que cette enveloppe de 40 millions d'euros serait répartie pour moitié sur l'exercice 2009 et pour l'autre moitié sur 2010, et qu'elle serait consacrée principalement à la mise en place de la nouvelle agence chargée de la coopération culturelle, à la modernisation du réseau, notamment en matière numérique (avec la dotation d'équipement par exemple), au soutien aux industries culturelles, ainsi qu'à la formation des personnels, qui constitue un élément central, comme l'a souligné le rapport d'information conjoint de la commission des affaires culturelles et des affaires étrangères du Sénat.
La création de la nouvelle agence chargée de la coopération culturelle constitue un chantier majeur auquel le ministre attache la plus grande importance.
L'objectif visé est de mettre en place un dispositif lisible, cohérent et efficace, permettant de donner un nouvel élan à la diplomatie culturelle.
La réforme se traduira par l'institution d'un label unique afin de renforcer la visibilité de l'action culturelle, tant en France, qu'à l'étranger.
Il sera créé à partir de CulturesFrance qui a actuellement un statut d'association, un établissement public à caractère industriel et commercial disposant de moyens renforcés et d'un périmètre élargi couvrant les idées, la culture, la langue et les savoirs. S'agissant du réseau à l'étranger, la réforme se traduira par la poursuite de la fusion des services d'action culturelle et de coopération des ambassades avec les centres et instituts culturels, établissements à autonomie financière, afin de développer les synergies, de mutualiser les moyens et de favoriser l'autofinancement et l'effet de levier des crédits d'intervention.
Le 27 octobre 2009, le ministre a adressé aux agents du ministère des affaires étrangères et européennes une lettre décrivant le projet de réforme de l'action culturelle extérieure.
S'agissant des liens entre l'agence et le réseau, le ministre propose qu'un rendez-vous soit pris dans un délai de trois ans, pour évaluer le fonctionnement du nouveau dispositif et envisager le rattachement administratif du réseau à l'agence.
La priorité maintenant est de réussir la mise en place de l'agence, d'en assurer le meilleur fonctionnement et de donner un nouvel élan au réseau. Dans le même temps, le MAEE mettra tout en oeuvre pour que le lien entre l'agence et le réseau soit très fort. La formation des personnels constituera à cet égard un aspect majeur.
a indiqué qu'il attachait une grande importance à la réussite de la réforme de l'action culturelle extérieure, priorité de la nouvelle direction générale de la mondialisation.
Il a également souligné les bonnes relations avec le ministère de la culture et de la communication à ce sujet. Celui-ci serait notamment associé à la formation des personnels.
a également présenté le projet de création d'un second opérateur, l'agence chargée de l'expertise et de la mobilité internationales, qui représente également un enjeu essentiel.
Cette agence, issue de la fusion entre CampusFrance, Egide et le GIP France coopération internationale, serait aussi créée sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial.
Face à un marché international de l'expertise très concurrentiel, où des opérateurs étrangers viennent puiser dans le « vivier » des experts français et remportent de très nombreux appels d'offres internationaux, il était impératif de veiller à ce que ces experts français puissent travailler au service d'opérateurs nationaux.
De la même manière, il existe un véritable marché de l'enseignement supérieur au niveau international, illustré par le classement des universités réalisé par l'Université de Fudan à Shanghai et il convient de renforcer l'attractivité de nos établissements d'enseignement supérieur français vis-à-vis des étudiants étrangers.
La formation des élites étrangères représente, en effet, un élément important de la diplomatie d'influence.
A propos de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, M. Christian Masset a souligné que le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger constituait le fleuron de notre politique d'attractivité.
Ce réseau, chargé d'offrir à la fois un service public d'enseignement de qualité à nos compatriotes établis à l'étranger et un lieu d'échanges et de coopération avec le pays d'accueil, suppose un équilibre entre élèves français et élèves étrangers.
Ce réseau se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins, compte tenu de l'évolution des attentes des familles et face au développement d'écoles concurrentes, notamment anglo-américaines, dans un contexte budgétaire marqué par la prise en charge des frais de scolarité des élèves français et le financement de la part des cotisations patronales des pensions civiles des personnels détachés par l'agence.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger verra sa dotation s'établir à 420 millions d'euros au titre du programme 185, soit une augmentation de 10 millions d'euros par rapport à ce que prévoyait la loi de programmation triennale.
Le ministère des affaires étrangères et européennes travaille actuellement à l'élaboration du Plan d'orientation stratégique du futur contrat d'objectifs et de moyens avec l'AEFE.
Sur l'aide publique au développement, M. Christian Masset a rappelé le contexte de la crise économique et financière, qui affecte directement les économies des pays en voie de développement, et pouvait faire craindre une augmentation de la pauvreté et un creusement des inégalités. Il a également rappelé que l'année 2010 serait marquée par un Sommet sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), cinq ans avant la clause de rendez-vous de 2015.
La France n'a pas à rougir des efforts qu'elle fournit dans ce domaine.
Avec 0,44 % du revenu national brut (RNB) consacré à l'aide publique au développement en 2009, contre 0,39 % en 2008, la France se situe au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE, qui s'établit à 0,3 % et à la quatrième place au niveau mondial.
Pour 2010, ce pourcentage pourrait se situer entre 0,44 et 0,48 % du RNB, et le Président de la République a confirmé la volonté de la France d'atteindre 0,7 % en 2015.
Le conseil interministériel de coopération internationale et du développement réuni en juin 2009 s'est traduit par des décisions structurantes, telles que la décision d'élaborer un document cadre sur la stratégie nationale d'aide au développement, un document de stratégie concernant la politique européenne de développement, ainsi que la définition de priorités géographiques et sectorielles.
63 % du programme 2009 sont constitués par les contributions multilatérales, notamment le Fonds européen de développement, à hauteur de 872 millions d'euros, et le Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, à hauteur de 300 millions d'euros.
Cette évolution soulève des interrogations sur le bon équilibre entre l'action multilatérale et l'intervention bilatérale. Dans des secteurs tels que la lutte contre le SIDA, l'aide multilatérale permet d'atteindre des objectifs plus efficacement que l'aide bilatérale, laquelle est garante de plus de visibilité, notamment vis-à-vis de l'opinion publique. Il convient surtout de trouver une bonne articulation entre les deux.
A cet égard, la modification de la clé de répartition de la contribution française à compter du Xe Fonds européen de développement, qui passera à 19 % et qui s'appliquera aux crédits de paiement à partir de 2011, devrait permettre alors de dégager certaines marges de manoeuvre sur le plan budgétaire.
En conclusion, M. Christian Masset a rappelé que la crise constituait un accélérateur : le jeu s'ouvrait, le monde devenait plus multipolaire et les équilibres anciens étaient bouleversés. Cette situation présentait des risques mais aussi des opportunités pour l'influence de la France, de sa culture et de sa langue, dans le monde et, dans ce contexte, que notre pays avait d'importants atouts à faire valoir.
Evoquant un récent déplacement d'une délégation de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, au siège des Nations unies, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que le secrétaire général de l'ONU avait regretté que la France ait interrompu ses contributions au fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires (CERF) rattaché au secrétariat général. Il a rappelé que ce fonds avait pour vocation de fournir une aide d'urgence en cas de crise alimentaire. Soulignant l'utilité de ce fonds, il a souhaité que la discussion du budget puisse permettre de revenir sur cette décision regrettable.
a indiqué que l'évaluation du programme 209 par la Révision générale des politiques publiques (RGPP) avait conduit à une réduction du nombre de fonds multilatéraux auxquels la France apportait des contributions volontaires. Il a rappelé que, dans un contexte de rigueur, les arbitrages budgétaires se traduisaient par des choix difficiles
a souhaité pouvoir engager un dialogue tout au long de l'année avec la nouvelle direction de la mondialisation. Il a souligné que, s'il fallait surveiller la capacité de la France à atteindre ses objectifs quantitatifs en matière d'aide au développement, il importait avant tout de veiller à l'efficacité et à la pertinence de l'aide. En conséquence, il s'est associé aux remarques du président relatives au fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires.
Après s'être interrogé sur l'équilibre et l'articulation entre l'aide au développement française bilatérale et multilatérale, il a souhaité savoir comment les parlementaires et, plus largement, la société civile et les ONG seront associés à l'élaboration des documents stratégiques relatifs à la politique française à l'égard du FED et du document-cadre de la stratégie française de coopération et de développement. Evoquant l'éventuelle budgétisation du FED, il a souhaité savoir comment les responsabilités en matière d'aide au développement seront réparties au niveau communautaire après l'adoption du traité de Lisbonne.
Il s'est interrogé sur la mise en oeuvre de la promesse d'un doublement des fonds transitant par les ONG et sur la répartition des compétences dans ce domaine entre l'AFD et les services de l'Etat. Il a demandé une estimation des fonds engagés par les collectivités territoriales dans le cadre de la coopération décentralisée, soulignant la nécessité d'assurer une meilleure synergie entre les actions des différentes collectivités territoriales. Il s'est enfin demandé à quoi seront consacrés les 20 millions destinés à l'Afghanistan et au Pakistan.
Après s'être associé aux interrogations de M. Christian Cambon, M. André Vantomme, co-rapporteur pour avis, a souligné que la France n'atteindra pas en 2012 ses objectifs de part d'aide au développement dans le revenu national brut, estimant que, dans un contexte de crise financière internationale, cette aide était plus que jamais nécessaire. Rejoignant les propos du président de la commission, il a jugé regrettable la fin de la contribution française au fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires. Evoquant la coopération décentralisée, il a estimé qu'il fallait veiller à ce que le souci de renforcer la synergie des actions des collectivités territoriales ne conduise à « caporaliser » leurs initiatives.
Il s'est interrogé sur la possibilité de rétablir l'équilibre entre l'aide multilatérale et bilatérale, alors même que les services en charge de l'aide bilatérale sont dépourvus de moyens suffisants pour mener à bien leur action. Il a enfin estimé que l'augmentation souhaitable des fonds transitant par les ONG ne doit pas conduire à réduire leur autonomie.
s'est associée au propos de M. Christian Masset sur la nécessité de revoir la maquette budgétaire répartissant les crédits des programmes 105 et 209 pour que la distinction se fasse non plus en fonction de critères géographiques, mais en fonction des objectifs poursuivis. Elle a souligné que la rallonge budgétaire consacrée à l'action culturelle extérieure, dont elle se félicitait, ne permettait que d'enrayer la diminution des crédits.
Evoquant le projet de loi sur l'action extérieure de l'Etat déposé sur le bureau, elle a indiqué qu'elle avait entendu dire que le Gouvernement était susceptible de modifier son texte.
Elle a précisé que, si le texte devait être discuté et amendé par le Gouvernement début décembre, cela laisserait trop peu de temps à la commission et au Sénat pour examiner sereinement cette réforme. Elle a rappelé que la commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles avaient adopté à l'unanimité un rapport d'information préconisant la création de deux agences distinctes et le rattachement du réseau culturel à l'étranger à la future agence culturelle. Par ailleurs, elle a souligné la nécessité d'offrir des perspectives aux agents du réseau et de leur assurer un vrai déroulement de carrière, regrettant que, au niveau des recrutements, de trop nombreux postes soient encore confiés à des personnes qui ne sont pas des professionnels du secteur. Elle a également souhaité qu'une large place soit faite aux recrutés locaux qui jouent un rôle essentiel dans la qualité du réseau culturel.
Elle a regretté ensuite la diminution des crédits consacrés aux bourses universitaires soulignant que la formation des élites constituait un enjeu important du rayonnement culturel français.
Evoquant l'AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger), elle a déploré que son conseil d'administration ait à adopter le budget pour 2010 sans avoir, au préalable, adopté un plan stratégique ni reçu les conclusions de l'évaluation de la RGPP.
en réponse à ces questions, a apporté les précisions suivantes :
- le calendrier d'élaboration des documents stratégiques relatifs à la politique d'aide au développement de la France comportera deux étapes : une étape interne au Gouvernement et une étape de consultation auprès de la représentation nationale, puis plus largement auprès de l'opinion publique. Cette consultation a pour objectif de faire en sorte que les Français s'approprient les buts poursuivis en matière d'aide au développement ;
- la France proposera, comme elle l'a fait lors des négociations relatives aux perspectives financières du FED, une budgétisation de ce fonds afin qu'il s'intègre dans l'ensemble des crédits consacrés par l'Union européenne à l'aide au développement et, plus largement, aux relations extérieures de l'Union européenne ;
- dans le cadre des institutions prévues par le traité de Lisbonne, il importe à la fois que l'aide au développement fasse partie intégrante de la politique étrangère de l'Union et que, à ce titre, elle entre dans le champ de compétences du Haut Représentant de façon à ce que celui-ci pilote l'ensemble des aspects des relations extérieures de l'Union, et que cette politique relève dans le même temps d'un commissaire spécifique qui puisse, au sein de la commission, être en charge de la question du développement. Le pilotage stratégique pourrait être confié au Haut Représentant alors que la gestion relèverait de la Commission ;
- la répartition entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale doit répondre à un critère d'efficacité. L'important est de s'assurer, d'une part, que les actions menées dans le cadre de l'aide multilatérale financée par la France correspondent bien aux priorités de la politique française de développement et, d'autre part, qu'il existe une articulation pertinente entre les deux types d'aides ;
- l'objectif d'un doublement des fonds transitant par les ONG a été confirmé et devrait être atteint au cours de plusieurs exercices budgétaires. Dans le projet de loi de finances pour 2010, 45 millions d'euros y seront consacrés sur le programme 209. L'AFD, qui en assurera la gestion, a créé une division consacrée aux projets soutenus par les ONG - si un recensement exhaustif des crédits consacrés à la coopération décentralisée par les collectivités territoriales n'existe pas encore, un Atlas de la coopération décentralisée a été élaboré par le ministère des affaires étrangères et européennes et permet de se rendre compte du dynamisme des collectivités dans ce domaine. La DGM entend valoriser ces actions et créer des synergies entre elles dans le respect de la libre initiative des collectivités territoriales - les 20 millions d'euros prévus dans le budget pour 2010 pour l'Afghanistan et le Pakistan seront consacrés à des actions dans trois domaines : la gouvernance avec la formation en France de policiers afghans, l'éducation avec l'ouverture d'écoles à Kaboul et la formation en France de formateurs afghans, l'agriculture avec la collaboration de l'AFD ;
- le projet de loi sur l'action extérieure de la France : ses objectifs n'ont pas changé. Le premier est la mise en place de l'établissement public pour l'action culturelle extérieure. Il importe avant tout de réussir la mise en place de cet instrument. L'instauration de liens forts avec le réseau constituera, en effet, un aspect central. Un lien étroit se tissera notamment à l'occasion de la mise en place des programmations et dans la gestion des ressources humaines ;
- la formation des recrutés locaux constitue une des priorités du ministère. Les conditions de recrutement au sein du réseau ont été améliorées et devraient l'être encore afin de renforcer la professionnalisation des responsables des différents organismes sur le terrain. Il conviendra également d'associer davantage les opérateurs à ces recrutements de façon à faciliter les passerelles entre le réseau et les opérateurs ;
- le montant des crédits alloués aux bourses avait été stabilisé dans le précédent budget. La recherche sur le terrain de cofinancement avec les entreprises, les collectivités territoriales et les Etats concernés ont conduit à maintenir le nombre de ces bourses tout en réduisant leur coût budgétaire pour l'Etat. Le budget pour 2010 tire les conséquences de cette situation mais il conviendra d'évaluer l'évolution du nombre de bourses et, le cas échéant, d'infléchir cette politique.
a souligné qu'il convenait d'effectuer un travail de sensibilisation et de formation des personnels des collectivités territoriales qui contribuent à des actions de coopération décentralisée. Il a estimé que ce travail de formation conduirait ses responsables à prendre conscience de leur contribution à un effort national en faveur du développement et à se rapprocher des services de la DGM. Rejoignant les propos de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat, il a souligné l'identité de vue des membres des deux commissions. Il a exprimé deux craintes : d'une part, que le texte soit modifié par le Gouvernement au dernier moment sans laisser le temps à la commission de l'examiner sereinement, et, d'autre part, que le refus de rattacher dès à présent le réseau à l'établissement public chargé des relations extérieures ne conduise de fait à abandonner à terme tout rattachement.
a indiqué que tous les éléments de sa présentation se situaient dans l'épure du projet de loi. La rénovation du réseau et le renforcement de la formation et des procédures de recrutement étaient en cours. Le projet de loi et la création de l'agence s'inscrivent dans ce processus de modernisation à l'issue duquel il conviendra d'évaluer la nature des liens entre l'agence et le réseau. Le ministre des affaires étrangères et européennes a retenu une approche graduelle. Il a enfin souligné que ce projet faisait l'objet d'un large consensus au sein de l'administration et qu'il constituait une des priorités du ministre.
a fait valoir que la commission serait d'autant plus vigilante sur ce projet de loi qu'elle s'était prononcée à l'unanimité en faveur du rapport d'information sur la réforme de la diplomatie culturelle. Il a indiqué que, si elle ne retrouvait pas, dans le projet de loi qui lui était soumis, les principales préoccupations qu'elle avait manifestées, alors elle serait sans doute amenée à enrichir le texte proposé par le Gouvernement.
a indiqué que, compte tenu de l'augmentation de certains coûts de fonctionnement et des mesures de périmètre, l'augmentation des crédits des programmes 185 et 209 cachait en réalité une diminution. S'inquiétant du recul de la francophonie dans le monde, il a souhaité savoir s'il existait une vue d'ensemble sur l'évolution du nombre de locuteurs francophones. Il s'est inquiété de l'évolution des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur et aux bourses. Il s'est enfin interrogé sur les retombées pour la France de sa contribution à l'aide multilatérale en faveur du développement.
a fait valoir qu'aucun Etat au monde n'avait un dispositif aussi vaste et aussi complet en faveur de sa langue. Compte tenu des évolutions démographiques, la francophonie progresse dans le monde pour atteindre près de 200 millions de personnes sur cinq continents. Il est vrai cependant que, dans certains pays, la mondialisation a conduit à une affirmation des identités, à travers notamment l'emploi des langues locales, parfois au détriment de l'apprentissage du français dans les pays francophones concernés. Evoquant l'enseignement supérieur, il a indiqué que les dernières années avaient été marquées par la prise de conscience à tous les niveaux de la compétition internationale en cours. Dans cette compétition, la France dispose de nombreux atouts et de formations de qualité mais aussi de points à améliorer tels que la taille critique de nos écoles ou universités, ou la communication sur nos filières de formation. Il a souligné que les chantiers en cours, notamment la rénovation des universités, contribueraient à renforcer les positions françaises dans ce domaine.
a souligné le rôle du festival de cinéma de Ouagadougou qui, avec un budget raisonnable, constituait un lieu de rencontres et d'influences important pour la francophonie.
s'est félicité de la création de la direction générale de la mondialisation et a souhaité à son directeur de réussir dans ses nouvelles fonctions.
Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Laurence Franceschini, directrice du développement des médias au ministère de la culture et de la communication, sur le projet de loi de finances pour 2010 (programme « audiovisuel extérieur » de la mission Médias).
a indiqué que la commission suivait avec un intérêt particulier la réforme de l'audiovisuel extérieur. Il a rappelé qu'elle s'était saisie pour avis du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, et que, sur proposition de son rapporteur pour avis, M. Joseph Kergueris, elle avait proposé plusieurs amendements sur les aspects relatifs à l'audiovisuel extérieur, qui ont été adoptés par le Sénat et repris dans la loi. Il a souhaité obtenir un éclairage sur la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur et des précisions au sujet des priorités du futur contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la société holding en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, qui devrait être transmis à la commission.
Il a également souhaité connaître les moyens consacrés à l'audiovisuel extérieur dans le projet de loi de finances pour 2010 et les synergies et les mutualisations entre les différents opérateurs, c'est-à-dire TV5 Monde, France 24 et Radio France Internationale (RFI), face aux nouveaux enjeux, comme le basculement de l'analogique au numérique et le développement des nouvelles technologies, comme la télévision sur Internet ou sur téléphone mobile.
Enfin, il s'est interrogé sur la situation des différentes sociétés et notamment sur les conséquences de la grève au sein de RFI sur l'équilibre budgétaire de la radio.
a rappelé que la réforme de l'audiovisuel extérieur, lancée à l'été 2007 par le Président de la République, partait du constat selon lequel la diversité des opérateurs, avec d'abord Radio France Internationale, puis TV5 Monde et enfin France 24, ainsi que la faiblesse du pilotage stratégique de l'Etat, ajoutée à la multiplicité des tutelles et des sources de financement, nourrissaient depuis plusieurs années, et à juste titre, les critiques sur le manque de cohérence de la politique audiovisuelle extérieure de la France. Cette réforme avait donc pour objectifs d'améliorer la cohérence de la politique audiovisuelle extérieure, la lisibilité de ses orientations stratégiques et l'efficacité de chacun de ses opérateurs.
Cette réforme s'est traduite par la création, en avril 2008, de la société holding « audiovisuel extérieur de la France », dont le capital est entièrement détenu par l'Etat et qui a vocation à regrouper l'ensemble des participations publiques dans les différentes sociétés de l'audiovisuel extérieur, c'est-à-dire RFI, TV5 Monde et France 24, de manière à renforcer les synergies et les mutualisations entre ces sociétés.
La société « audiovisuel extérieur de la France » est devenue, avec la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, une société nationale de programme, dont la mission est de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu'au rayonnement et à la présence de la France dans le monde, notamment par la programmation et la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de services en ligne relatifs à l'actualité française, francophone, européenne et internationale.
Par ailleurs, la constitution du groupe, qui nécessitait des réorganisations capitalistiques complexes, est désormais achevée. La holding détient aujourd'hui 100 % du capital de RFI et de France 24, ainsi que 49 % de celui de TV5 Monde.
TV5 Monde occupe une place à part dans ce nouvel ensemble, puisqu'elle est un partenaire et non une filiale de la holding, ce qui a permis d'apaiser les craintes des partenaires francophones de cette chaîne.
a ensuite présenté la situation de chacun des opérateurs.
La réforme de Radio France Internationale, attendue depuis une dizaine d'année, s'est traduite par un plan global de modernisation, accompagné d'un plan de sauvegarde de l'emploi, qui prévoit 206 suppressions de postes et 34 créations, avec des mesures d'accompagnement comme des reclassements, des départs volontaires, des mises à la retraite ou des licenciements, et qui a été à l'origine d'un conflit social depuis le mois de mai 2009.
A la suite de la décision de la Cour d'appel de Paris du 28 septembre 2009 et de la modification en conséquence par la direction de RFI du plan de sauvegarde de l'emploi, le comité d'entreprise a pu remettre son avis sur ce plan, qui s'est donc ouvert le 28 octobre. A la date de l'audition, 202 demandes d'information avaient été relevées par la direction dont 108 salariés dès le premier jour, ce qui permet d'espérer voir les départs contraints limités.
La stratégie des dirigeants du groupe s'agissant de RFI repose sur l'idée de relancer cette radio, qui reste une belle et grande maison avec des personnalités d'exception, à la conquête de nouveaux bassins d'audience tout en confortant ses positions en Afrique.
Cette stratégie vise donc d'abord à redéfinir les priorités géographiques en réorganisant les rédactions en langues étrangères, afin d'en supprimer certaines, comme celles en allemand, en polonais, en serbo-croate, en albanais, en turc et en laotien, tout en encourageant les programmes dans d'autres langues, comme l'anglais, l'espagnol, le portugais-brésilien, l'haoussa et le swahili s'agissant de la radio, ou le mandarin, le russe, le vietnamien et le persan en ce qui concerne les programmes sur Internet.
L'objectif est non seulement de consolider les positions de RFI en Afrique francophone, mais aussi de développer son audience en Afrique lusophone et anglophone.
Cette stratégie s'accompagne de l'idée de mieux prendre en compte la dimension économique et de renforcer la place de la musique.
Elle vise ensuite à développer RFI sur Internet.
Enfin, elle a pour objectif de redresser la situation financière de la station et d'améliorer sa gestion, ce qui implique de redéfinir les métiers des salariés, dans le cadre d'un dialogue social rénové et dans un climat de confiance avec la direction, ce que devrait favoriser le déblocage du plan social.
A cet égard, l'idée d'un déménagement de RFI, qui occupe actuellement des locaux au sein de Radio France, pour se rapprocher géographiquement de France 24, serait de nature à favoriser ces évolutions.
Concernant TV5 Monde, la conférence de Vancouver de novembre 2008 a adopté le plan stratégique pour la période 2009-2011.
Ce plan stratégique repose sur l'idée de faire de TV5 Monde un « média global » présent sur tous les supports, et notamment l'Internet, ce qui suppose un développement important du sous-titrage, tout en préservant les valeurs et la spécificité de cette chaîne généraliste francophone.
Enfin, s'agissant de France 24, la première priorité est l'extension progressive à 24 h/24 h de programmation en arabe, en s'appuyant sur les synergies entre France 24 et la radio Monte Carlo Doualiya, filiale de RFI.
a détaillé les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, qui relèvent pour partie du programme « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias » et pour une autre partie des crédits de redevance du programme « Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure » de la mission « Avances à l'audiovisuel public ».
Pour 2010, la dotation globale allouée à la société « Audiovisuel extérieur de la France » s'établit à 312,6 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 16,7 millions d'euros par rapport au montant voté en loi de finances initiale pour 2009, soit une hausse de + 5,6 %.
Si cette augmentation est inférieure de 2,9 millions d'euros aux demandes de la société holding, elle n'en traduit pas moins un réel effort financier de la part de l'Etat.
La réforme de l'audiovisuel extérieur trouve sa traduction dans les modalités de financement des sociétés de l'audiovisuel extérieur.
Alors que, avant la réforme, les crédits étaient attribués individuellement à chacune des trois entités, désormais les financements font l'objet d'une enveloppe globale confiée à la société holding, à charge pour elle de la répartir entre les différentes sociétés qui lui sont rattachées.
En effet, l'Etat conserve un droit de regard sur la stratégie de l'audiovisuel extérieur, mais ne gère plus au quotidien les différentes sociétés.
En ce qui concerne TV5 Monde, le conseil d'administration du 21 octobre 2009 a fixé à 72,4 millions d'euros la dotation pour 2010, ce qui représente un montant inférieur à la demande de la société mais une progression de 1,8 million d'euros par rapport à 2009, soit + 2,5 %.
Concernant le futur contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'Etat et la société « audiovisuel extérieur de la France », Mme Laurence Franceschini a indiqué que sa rédaction était quasiment achevée et qu'il serait transmis prochainement aux assemblées.
Elle a imputé le retard de son élaboration à des discussions concernant l'avenir de la radio Monte Carlo Doualiya.
Le projet de COM se fonde sur les orientations stratégiques suivantes :
- concernant France 24 : une couverture mondiale dès 2010 et une diffusion en arabe 24h/24h ;
- s'agissant de RFI : le développement de nouvelles langues et une diffusion dans les vingt plus grandes agglomérations françaises ;
- concernant TV5 Monde : la poursuite du plan stratégique.
S'agissant du pilotage de l'audiovisuel extérieur, Mme Laurence Franceschini a rappelé que la direction du développement des médias avait un rôle de premier plan dans l'exercice de la tutelle de l'Etat sur la société « audiovisuel extérieur de la France », mais qu'elle se faisait en concertation étroite avec les autres ministères, notamment la direction du budget, l'agence des participations de l'Etat, ainsi que le ministère des affaires étrangères et européennes qui joue un rôle important dans ce domaine.
Enfin, concernant les mutualisations entre les différentes sociétés, Mme Laurence Franceschini a indiqué que, contrairement à une crainte qui avait été exprimée lors de la création de la holding, qui tenait au risque d'une concurrence entre les différents opérateurs face aux distributeurs, la distribution des programmes faisait l'objet des plus fortes synergies.
D'autres mutualisations sont en cours, notamment en matière de gestion ou de recherche et développement.
s'est interrogé au sujet de l'évolution exacte de la subvention versée à la holding en 2010 et sur le point de savoir s'il ne serait pas préférable d'afficher clairement la répartition par la holding des subventions entre les différentes sociétés afin de ne pas alimenter les soupçons de favoritisme à l'égard de telle ou telle entité.
Il s'est également déclaré inquiet des conséquences de la crise sociale au sein de RFI sur l'équilibre financier de la radio et donc sur les financements dont dispose la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France. Il s'est demandé si l'Etat et la direction du développement des médias en particulier ne devraient pas s'impliquer davantage afin de trouver une issue à ce conflit et d'aboutir à une amélioration du climat social.
Enfin, il a fait part de ses inquiétudes au sujet des protocoles portant sur les aspects culturels annexés aux accords commerciaux négociés actuellement par la Commission européenne avec des pays tiers au regard du respect de la diversité culturelle et de la production et de la circulation d'oeuvres audiovisuelles européennes.
En réponse, Mme Laurence Franceschini a apporté les précisions suivantes :
- les protocoles sur la coopération culturelle annexés aux accords commerciaux négociés actuellement par la Commission européenne avec les pays tiers font l'objet d'une attention particulière du gouvernement français. Certains de ces protocoles ne soulèvent pas de difficultés particulières, à l'image de celui conclu avec les pays de la Caraïbe, mais d'autres, comme celui négocié avec la Corée du Sud, ont posé de sérieuses difficultés concernant leur impact sur les oeuvres audiovisuelles, comme l'a fait observer très justement le centre national du cinéma ; ces difficultés ont incité la France à présenter au niveau européen une stratégie relative aux oeuvres audiovisuelles, élaborée par le ministère des affaires étrangères et européennes, afin que les institutions européennes s'en inspirent dans les négociations commerciales avec les pays tiers ; plus largement, ces accords posent la question de la mise en oeuvre de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, qui ne visait pas uniquement à proclamer le principe de la diversité culturelle mais à mieux prendre en compte la spécificité des industries culturelles, qui justifie l'existence de mécanismes de soutiens et des dérogations aux règles du marché ; compte tenu du rôle majeur de la France dans l'adoption de la Convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, notre pays pourrait jouer un rôle moteur au sein de l'Union européenne dans ce domaine ; la direction du développement des médias participe d'ailleurs actuellement à l'élaboration d'un Livre vert de la Commission européenne portant sur les industries culturelles ;
- le ministère de la culture et de la communication a organisé plusieurs réunions entre la direction et les représentants des personnels de RFI sans aboutir à de réelles avancées ; les nombreux retards dans la mise en oeuvre du plan social de RFI ont inévitablement des conséquences sur son équilibre financier et il faut souhaiter une solution rapide à ce conflit ;
- la dotation de 295,9 millions d'euros versée à la société « audiovisuel extérieure de la France » prévue par la loi de finances initiale pour 2009 a été abondée de 4 millions d'euros supplémentaires en gestion, ce qui a porté la dotation totale à 299,9 millions d'euros ; la dotation pour 2010 serait donc en augmentation de 12,7 millions d'euros, soit une hausse substantielle de 4,1 %, mais qui reste inférieure de 2,9 millions d'euros aux demandes de la holding ; en réalité, ce sont surtout les niveaux des dotations prévisionnelles pour 2012 et 2013 qui font actuellement l'objet de divergences entre l'Etat et les dirigeants de la holding.
s'est déclarée préoccupée par l'ampleur de la crise sociale au sein de RFI et par l'absence de véritable dialogue de la part de la direction. Elle s'est demandé si, face à une situation de conflit social persistant au sein d'une entreprise publique, l'Etat ne devrait pas prendre ses responsabilités, en désignant un médiateur pour sortir de cette impasse.
Par ailleurs, elle s'est inquiétée du risque de concurrence provenant de l'arrivée de France 24 sur des canaux de diffusion où figure actuellement TV5 Monde, du fait de la tentation des distributeurs de profiter de l'arrivée d'un nouvel opérateur pour faire jouer la concurrence et faire monter les prix.
Elle a estimé que TV5 Monde, en tant que chaîne généraliste et francophone, présentait une importance particulière qui justifiait sa présence sur la télévision numérique terrestre, afin d'être accessible à l'ensemble des foyers français.
Elle a enfin insisté sur la nécessité de respecter le plan d'orientation stratégique de TV5 Monde dans la répartition des dotations entre les différentes sociétés par la holding, notamment vis-à-vis des autres partenaires francophones.
a indiqué qu'il ne voyait pas de concurrence entre France 24 et TV5 Monde, mais plutôt une réelle complémentarité. Par ailleurs, il a salué la qualité des journaux télévisés de France 24.
a également rendu hommage à la qualité des journalistes de France 24, en regrettant l'absence de cette chaîne dans un pays comme l'Afghanistan.
a cité le cas des hôtels qui confient la gestion des canaux de télévisions disponibles dans les chambres d'hôtel à des sous-traitants, qui ont tendance à faire monter les enchères entre les différentes chaînes pour que celles-ci soient diffusées.
a souligné que France 24, chaîne d'information, et TV5 Monde, chaîne généraliste et francophone mondiale, ne visaient pas les mêmes publics, la première étant surtout appréciée par les hommes d'affaires français effectuant des déplacements à l'étranger, alors que la seconde était davantage regardée par les ressortissants étrangers ou les Français établis dans ces pays.
En réponse, Mme Laurence Franceschini a apporté les précisions suivantes :
- la désignation d'un médiateur risquerait de retarder la sortie de la situation actuelle de RFI et ne parait donc pas pouvoir être retenue ;
- avec une hausse de 2,5 % de sa dotation, la subvention versée à TV5 Monde est en augmentation pour 2010, elle correspond aux engagements pris par la France vis-à-vis de ses partenaires francophones et elle donnera les moyens à la chaîne de mettre en oeuvre les priorités de son plan stratégique ;
- l'éventuelle diffusion de TV5 Monde sur la télévision numérique terrestre, même si elle devrait se traduire par un accompagnement budgétaire, dépend avant tout d'une décision politique. Il faut cependant relever que, d'ores et déjà, TV5 Monde est disponible sur le câble et le satellite et donc accessible à une grande partie des foyers français. Par ailleurs, cela soulève la question de la visibilité des programmes canadien, belge ou suisse auprès des téléspectateurs français. Enfin et surtout, cela modifierait la vocation même de la chaîne, qui n'est pas de produire elle-même des programmes mais d'assurer la retransmission de programmes français, qui ont par définition déjà été diffusés par les chaînes nationales présentes sur la TNT.
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition du général Elrick Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission Défense).
a rappelé que, même si le général Irastorza n'avait pas la responsabilité d'un programme budgétaire, à l'exception toutefois du budget opérationnel de programme (BOP) « Forces terrestres » sur le programme 178, il était néanmoins responsable de la cohérence d'ensemble des ressources budgétaires allouées à l'armée de terre.
Le président a souhaité recueillir le sentiment du chef d'état-major de l'armée de terre sur la vision globale du budget, d'abord d'un point de vue général et budgétaire pour l'année 2009, puis sur l'adéquation entre le budget 2010 et les attentes de l'armée de terre. Ce budget lui permettra-t-il d'opérer dans des conditions satisfaisantes, tout en menant les restructurations qui la concernent, et de préparer l'avenir, en respectant le plan de renouvellement des unités et des équipements ?
Le général Elrick Irastorza a tout d'abord remercié la commission de l'opportunité qu'elle lui offre, chaque automne, de présenter la situation de l'armée de terre et de faire part de son appréciation sur le projet de loi de finances pour 2010.
Selon lui, tout en s'acquittant, de fort belle manière, de toutes les missions opérationnelles qui lui sont confiées, l'armée de terre s'est engagée, depuis l'été 2008, dans une vaste réorganisation. Consciente de l'importance de la crise économique, l'armée de terre mesure la constance des efforts consentis par la France pour sa défense, notamment au travers de l'adoption de la loi de programmation militaire (LPM) du 29 juillet 2009.
Cette transformation de grande ampleur, dont l'objectif est de retrouver d'indispensables marges de manoeuvre, représente un effort considérable. Elle concerne simultanément le rééquilibrage des capacités opérationnelles, l'adaptation des ressources humaines, l'évolution de l'organisation et du stationnement, ainsi que la modification en profondeur des processus de fonctionnement, tout cela en conduisant le renouvellement des équipements et en honorant les engagements opérationnels à l'extérieur.
Le général Elrick Irastorza a ajouté que 2010 sera l'année charnière qui verra l'armée de terre véritablement basculer vers son nouveau format, dans la continuité des mesures prises en 2009. Au vu des financements mis à sa disposition dans le cadre du PLF 2010, il estime avoir globalement les ressources indispensables à la préparation des opérations et à la conduite de la réforme, mais il reste très préoccupé par les ressources attendues du programme 212 concernant l'infrastructure.
Il a ensuite évoqué, au travers du prisme budgétaire, les ressources humaines, la réorganisation, le renouvellement des équipements et la préparation opérationnelle.
S'agissant de ce qu'il est convenu d'appeler la « manoeuvre » des ressources humaines, celle-ci avait impliqué, en 2009, la déflation des effectifs de 3 600 personnels, et le transfert vers d'autres budgets opérationnels de programme (BOP) de 1 000 personnels, sans que n'aient été constatées à ce stade de difficultés majeures.
Le cadencement de la déflation des effectifs est inscrit en LPM. Le général Elrick Irastorza a remercié la représentation nationale d'avoir bien voulu prendre en compte cette préoccupation forte exprimée l'an dernier. Cela permet de préserver l'équilibre entre les flux de départs et d'entrée et garantit in fine la capacité opérationnelle des unités. Comme le souligne la loi de programmation, en annexe au paragraphe 3.4.3, il convient de s'en tenir à cette description physique du chemin de déflation à parcourir. Il a tenu à citer cet article qui dispose que : « le rythme de mise en oeuvre (de la déflation) (...) n'a pas vocation à être accéléré, quels que soient les aléas de gestion. »
Le général Elrick Irastorza a relevé que, en 2010, avec près de 7,3 milliards d'euros (pensions comprises) consacrés à la masse salariale, il disposerait a priori des ressources nécessaires pour financer les effectifs et améliorer, comme prévu, la condition militaire (+ 37 millions d'euros), pour rendre plus lisibles et plus attractifs les parcours professionnels et pour effectuer la suppression de 3 600 postes (dont 67 % dans l'administration générale et les soutiens communs) ainsi que le transfert de 3 800 autres. Au total, le BOP terre perdra 7 400 postes en 2010 et, au terme de cette loi de programmation, en 2014, un peu plus de 43 000 par rapport à l'effectif terminal 2007 : 21 000 au titre de la déflation imputable au seul BOP terre, et plus de 22 000 suite aux transferts opérés vers d'autres BOP dont une charge de déflation également transférée de 3 300 postes environ.
Il a relevé, en termes de ressources humaines, le coût quantitatif, qualitatif et financier de la participation pleine et entière de la France aux structures de commandement militaire intégré de l'OTAN qui s'étalera sur quatre ans, de 2009 à 2012, pour un total de 571 postes, dont l'attractivité dépendra très largement des conditions de vie faites au personnel muté à l'étranger.
L'armée de terre a déjà réalisé les réorganisations prévues en 2009. Le général Elrick Irastorza a précisé que 2010 sera plus complexe. En effet, il s'agira de dissoudre quatre états-majors opérationnels, d'en transférer quatre autres, de dissoudre quatre régiments et d'en transférer trois, de déménager deux écoles, et, enfin, de fermer six garnisons.
L'enveloppe de 697 millions d'euros consacrée aux activités et au fonctionnement courant permettra de répondre aux besoins, même s'il convient de rester vigilant sur les risques liés aux surcoûts des déménagements et à la réalité des hypothèses d'inflation retenues. En effet, en période de réforme d'envergure, les ressources de fonctionnement doivent impérativement être préservées. A la différence de celui consacré aux équipements majeurs, le million d'euros alloué au fonctionnement est plus lourd de conséquences immédiates : l'impact négatif est instantané, tant sur le moral que sur la bonne réalisation des restructurations.
Dans le domaine de l'infrastructure, l'armée de terre avait exprimé un besoin de 351 millions d'euros au titre des opérations directement liées aux réorganisations, 2010 étant l'année la plus lourde. Le besoin devrait être normalement satisfait, mais, une fois encore, au détriment de l'entretien programmé qui sera limité, pour l'essentiel, aux travaux curatifs de mise aux normes et de sécurisation. Il en résulte un décalage véritablement préoccupant entre les besoins d'entretien du restant du patrimoine en 2010 (300 millions d'euros) et les ressources envisagées, risque accentué par les reports de programmation de 2009, pouvant se solder par l'équivalent d'une année blanche, si l'on additionne les opérations non effectuées en 2009 et 2010.
Le général Elrick Irastorza a ensuite abordé la question des équipements. Les efforts pour l'armée de terre sont cohérents avec la réalité des engagements opérationnels et traduisent la priorité accordée aux forces terrestres inscrite dans le Livre blanc. Mais il s'agit d'une priorité somme toute relative car les 3 milliards d'euros consacrés aux équipements terrestres ne représentent que 18 % des 17 milliards d'euros de l'enveloppe totale. 2009 a été une année exceptionnelle marquée par la prise de commandes majeures, dont celle, globale, de 332 VBCI et celle, groupée, de 16 454 FELIN. Ces commandes concrétisent l'indispensable renouvellement des matériels terrestres, le troisième d'une telle ampleur depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Les commandes et livraisons attendues en 2010 s'inscrivent dans la continuité de cette action de régénération de l'outil de combat. Elles correspondent au niveau de ressources accordées à l'armée de terre depuis des années, à l'exception des points bas importants connus aussi bien pour les autorisations d'engagement en 2006 (- 765 millions d'euros réalisés par rapport à la LFI) et 2007 (- 436 millions d'euros), qu'en crédits de paiement en 2007 (- 562 millions d'euros) et 2008 (- 499 millions d'euros). En 2010, seront commandés vingt-deux LRU et la seconde et dernière tranche de 252 roquettes. Par ailleurs, ont également été commandés 76 postes de tirs et 380 missiles à moyenne portée capables d'être tirés à partir d'espaces confinés en mode « tire et oublie » (dans l'attente d'un choix définitif sur le remplacement du missile Milan), 1 500 parachutes, 100 missiles sol-air MISTRAL rénovés, 200 camions logistiques protégés, 187 PVP et la rénovation de trois COUGAR.
Les livraisons porteront sur 99 VBCI (630 en cible), sept TIGRE (80 en cible), 34 CAESAR (141 en cible), 3 107 FELIN (22 588 en cible), 340 PVP au lieu de 154 grâce au plan de relance (1 500 en cible), sans oublier les équipements relatifs aux systèmes d'information et de communication dont la conduite d'opérations interarmes, interarmées et interalliées en Afghanistan confirme le caractère indispensable.
Le général Elrick Irastorza a souligné que, sitôt arrivés dans les forces, les équipements neufs seront déployés sur les théâtres d'opérations, une fois conduits les six mois de mise en condition opérationnelle du personnel avec le matériel. L'armée de terre a ainsi engagé, à l'été 2009, TIGRE et CAESAR en Afghanistan, et prépare l'envoi de PVP, de VBCI et de FELIN. Tous ces matériels apportent une amélioration immédiate des capacités sur les théâtres en matière de protection et de puissance de feu.
Avec 550 millions d'euros, l'entretien programmé du matériel reste le principal poste de dépenses après les salaires. Cet effort s'inscrit dans la continuité de celui entrepris en 2009, et devrait permettre d'obtenir une disponibilité technique supérieure à 90 % sur les théâtres d'opération, mais juste suffisante en métropole pour conduire l'entraînement.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels sera la préoccupation majeure dans les années à venir. L'armée de terre s'est donc engagée, depuis 2008, dans une démarche résolue pour en contenir les coûts. Elle a lancé la politique d'emploi et de gestion des parcs, dite PEGP ; elle organise la formation et l'entraînement en conséquence, fait appel aux équipements de substitution (chars de combat, par exemple), a rallié les cibles d'équipements du modèle 2014, réformé la gouvernance de la maintenance, et rationalisé l'implantation des unités consacrées à la maintenance (réduction de 61 à 24 emprises à terme). Mais cette préoccupation doit maintenant être mieux prise en compte par les industriels qui doivent s'attacher à proposer leurs services selon des rapports coût, efficacité, réactivité acceptables.
Ensuite, l'armée de terre poursuivra la reconstitution urgente des stocks de munitions, grâce à l'augmentation des autorisations d'engagement de plus de 30 % en 2010, passant de 69 millions d'euros en 2009 à 98 millions d'euros en 2010. Enfin, 153 millions d'euros d'autorisations d'engagement seront consacrés à l'entretien programmé du personnel ; ils permettront de poursuivre l'amélioration du paquetage, son ergonomie, la protection offerte. Le général Elrick Irastorza indique que, pour lui, il s'agit là d'un effort absolument prioritaire compte tenu de son impact immédiat sur le moral des hommes et de leurs familles, et donc sur leur capacité opérationnelle et la solidité des bases arrières.
Avant de conclure, il a donné des précisions sur l'engagement opérationnel et sa préparation. L'armée de terre a connu un allègement de ses dispositifs sur plusieurs théâtres, ramenant sa charge de projection annuelle à environ 36 000 hommes, ce qui constitue, sur un tempo bien évidemment différent, l'équivalent de son contrat opérationnel de 30 000 plus 5 000 hommes. Elle a actuellement 8 000 hommes en opérations, 4 000 en mission de présence et de souveraineté, 5 800 en alerte guépard et 1 000 hommes déployés sur le territoire national. L'augmentation de 60 millions d'euros du BOP OPEX permettra de mieux couvrir les surcoûts et continuera d'alléger la contrainte de préfinancement qui pèse traditionnellement sur la fin de gestion.
Armée d'emploi, l'armée de terre combat au quotidien en Afghanistan. Le durcissement de cette opération depuis un an et demi confirme les démarches entreprises depuis 2007 afin d'adapter ses dispositifs, ses matériels, et sa préparation opérationnelle. Plus de 200 millions d'euros, soit un peu plus de la moitié des crédits globaux alloués à l'adaptation réactive par les armées, ont été consacrés à l'amélioration en urgence de ses équipements depuis 2008, avec une implication totale de l'état-major et une réactivité de la DGA. Le général Elrick Irastorza a souligné que l'effort sera poursuivi en 2010 à hauteur de 100 millions d'euros.
L'engagement sur sept théâtres d'opération principaux, en comptant l'opération Harpie (Tchad, République de Côte d'Ivoire, République Centrafricaine, Kosovo, Afghanistan, Liban et Guyane) engendre une inévitable dispersion des dispositifs de l'armée de terre et de ses moyens, ce dont elle doit payer le prix. Avec 2 500 véhicules dont 1 000 blindés déployés en opérations, c'est-à-dire l'équivalent de dix régiments, cette dispersion est coûteuse en soutien logistique, et notamment du MCO, par surdispersion des compétences et des lots d'outillage.
Quelles que soient les perspectives d'engagement, tous les régiments assurent une formation initiale standardisée de qualité, s'entraînent aux missions communes, et se préparent à un engagement dans leur coeur de métier. En outre, chaque mission programmée fait l'objet d'une préparation opérationnelle adaptée à chaque théâtre. Le PLF 2010 alloue 133 millions d'euros à cette préparation. Or, sur tous les théâtres, et notamment en Afghanistan, les soldats reconnaissent qu'ils sont bien préparés, et que la qualité de leur entraînement constitue leur meilleure protection. Ces crédits ne peuvent donc être une variable d'ajustement budgétaire, comme ce fut le cas par le passé.
Sous réserve que la fin de gestion 2009 s'effectue dans de bonnes conditions, le général Elrick Irastorza estime que l'armée de terre aborde de façon positive 2010, année cruciale de sa transformation. S'inscrivant dans la dynamique créée par le décret n° 2005-520, l'entrée en vigueur du décret n° 2009-869 relatif aux responsabilités du chef d'état-major des armées et des différents chefs d'état-major ne lui pose aucun problème particulier.
L'armée de terre dispose, à strict niveau de suffisance, des ressources pour réaliser les multiples et difficiles réorganisations, tout en assurant l'ensemble des missions opérationnelles qui lui sont fixées. Elle s'engage résolument dans le processus d'interarmisation et de rationalisation des soutiens, dont la mise en place rapide implique, d'ores et déjà, un transfert vers d'autres BOP d'une partie de ses effectifs, et donc de la charge de déflation qui y est attachée.
Le Livre blanc soulignait l'effort initial à consentir au profit des forces terrestres. Les événements confortent cette analyse. La LPM et le PLF 2010 devraient, en conséquence, permettre de donner le meilleur de ce que l'armée de terre peut réaliser aux soldats qui remplissent, au péril de leur vie, les missions qui leur sont confiées. Pour l'heure, ils constatent la réalité de cet effort qu'ils attendaient et auquel ils sont sensibles.
a tout d'abord rappelé le soutien de la représentation nationale aux troupes engagées en Afghanistan et aux familles de soldats tombés au combat. Ensuite, il a interrogé le chef d'état-major de l'armée de terre sur la disponibilité des matériels, en particulier les blindés, les canons, les hélicoptères, anciens et nouveaux. Il a demandé des précisions sur les programmes de cohérence opérationnelle et sur son devenir dans le projet de loi de finances pour 2010. Il a souhaité connaître l'état d'avancement des programmes Milan, VBCI, César, LRU et VHM. Enfin, il a demandé si les munitions présentaient un problème particulier de qualité, en particulier, les munitions légères.
En réponse, le général Elrick Irastorza a indiqué que les taux de disponibilité en OPEX étaient tout à fait satisfaisants, de l'ordre de 92 à 93 %. La contrepartie à cela est que, en France, la situation est plus compliquée. Cependant, les personnels admettent bien cette situation, car ils comprennent que la priorité aille à leurs camarades au combat. Avoir un taux de disponibilité de 90 % pour la totalité des équipements serait financièrement hors d'atteinte. Le taux global de disponibilité se situe autour de 70 %, ce qui, compte tenu du vieillissement de certains parcs et du manque de maturité d'autres équipements, est tout à fait acceptable. Il considère que les coûts de MCO pourront être contenus dans les années à venir, notamment grâce à des mesures d'organisation (PEGP, réorganisation de la maintenance,...), compte tenu également des économies engendrées par la réduction d'effectifs du personnel se consacrant à la maintenance. Néanmoins, il faudra rester vigilant sur le matériel aéronautique.
Concernant les munitions, il a admis qu'elles vieillissaient et a reconnu une série anormale d'accidents sur les munitions de petit calibre. Cela reste néanmoins marginal : 37 ruptures d'étuis de cartouches sur les 5,56 mm, ce qui représente un accident pour 500 000 cartouches tirées, mais a conduit à l'interdiction d'emploi du stock fourni par une entreprise étrangère. Les cartouches sont actuellement en cours d'approvisionnement par cinq fournisseurs auxquels des lots de 5 à 10 millions ont été commandés, car plus personne en France ne fabrique les cartouches pour le FAMAS telles qu'elles ont été conçues à l'origine, c'est-à-dire avec une douille en acier. Demeure cependant un stock de quinze millions de munitions de ce type.
Concernant le successeur du missile Milan, le chef d'état-major a tout d'abord rappelé que le Milan n'était pas une mauvaise arme, mais qu'elle serait frappée d'obsolescence en 2015-2017, dès 2012 pour sa caméra de tir de nuit et dès 2011 pour son simulateur. L'armée de terre a exprimé le besoin d'un missile permettant le tir à partir d'un espace confiné et dans un mode « tire et oublie » : 76 postes et 380 missiles seront acquis à titre provisoire. Avant cela, une solution doit être trouvée pour remplacer définitivement le missile Milan.
S'agissant des VBCI, un régiment se compose de 64 VBCI et 8 VPC. Le chef d'état-major a confirmé que le 35è régiment d'infanterie était équipé, que l'équipement du 92è régiment d'infanterie était en cours et que, après lui, interviendrait celui du régiment de marche du Tchad. 99 véhicules sont livrés par an. Le VBCI n'est pas encore déployé en Afghanistan ou au Liban, d'une part, parce que la pertinence de son adaptation aux théâtres est à l'étude et, d'autre part, parce qu'il est nécessaire d'assurer six mois de préparation opérationnelle des équipages. Il a rappelé que le VBCI avait pour vocation de remplacer le char AMX 10P et non pas le VAB qui, lui, sera remplacé par le VBMR.
Concernant l'utilisation des canons CAESAR, il a indiqué que 8 canons de ce type étaient déployés en Afghanistan dont 2 en réserve à Kaboul et 2 pour chaque FOB (bases d'opérations avancées) tenue par les forces françaises. Chaque canon ayant une portée de 40 km, des munitions de 52 calibres suffisent à couvrir la totalité de chaque secteur. Les tirs déjà réalisés sont conformes aux spécifications du canon.
Le lance-roquettes unitaire (LRU) est un programme important, car il est essentiel pour les forces terrestres de pouvoir disposer d'une capacité de délivrer une charge unitaire à 70 km de distance par n'importe quelles conditions atmosphériques et 24 heures sur 24, avec une réactivité que ne garantissent pas d'autres moyens. La convention avec les industriels allemands de retrofitter les 26 lanceurs français a été signée, de même que les contrats nécessaires pour la fabrication de la roquette. Cela devrait coûter 150 millions d'euros, dont 90 millions pour le lanceur et 60 pour les roquettes.
Le VHM est un véhicule tout à fait remarquable qui, indépendamment de son utilisation sur le théâtre afghan, constitue le chaînon manquant entre l'engin de débarquement et la plage. Il permet également de s'affranchir complètement des axes routiers. Il y en a actuellement en très petites quantités en Guyane, pour la zone de protection de Kourou, et dans les Alpes, pour la brigade d'infanterie de montagne. La notification de la commande de 129 véhicules devrait être effectuée avant la fin de l'année.
Pour ce qui est du Tigre, trois hélicoptères ont été déployés en Afghanistan au standard 1, qui est le standard final, dans de bonnes conditions. La seule contrainte opérationnelle est celle de la rotation des équipages, qui est de trois mois.
a lui aussi rendu hommage aux soldats tombés pour la France. Puis il a demandé au chef d'état-major si le rythme imposé pour la déflation était compatible avec l'engagement des troupes. Il a souhaité connaître les équipements qu'il convenait d'acquérir, dans la perspective où une partie du grand emprunt serait affectée à la défense. Il a interrogé le général Irastorza sur le niveau de satisfaction du drone Sperwer et sur les mini drones DRAC, et il lui a demandé s'il était souhaitable d'acheter des drones israéliens.
En réponse, le chef d'état-major a indiqué que la déflation n'avait pas eu d'impact négatif, pour l'instant. Toutefois il a estimé important de ne pas aller au-delà des rythmes imposés, car la déflation ayant été proposée et acceptée par les troupes, toute remise en cause affecterait gravement la crédibilité et la sincérité de l'état-major. Il convient aussi de ne pas oublier que les personnels transférés vers d'autres BOP le sont avec une charge de déflation à réaliser par ces BOP bénéficiaires.
Pour ce qui est des drones, il a reconnu que l'armée de terre avait connu une période un peu difficile avec deux incidents techniques sur les SDTI mais que, globalement, ces drones fonctionnent bien et donnent satisfaction. Il est nécessaire d'avoir un parc d'une vingtaine de drones. Concernant les drones DRAC, deux difficultés avaient surgi. L'une a été réglée, l'autre est en cours de règlement.
Il a également indiqué, s'agissant de l'adaptation réactive, qu'elle permet de satisfaire les besoins nouveaux et d'améliorer les équipements anciens, à hauteur d'une centaine d'opérations. Par ailleurs, sur le long terme, il faudrait vraisemblablement accélérer le remplacement des VAB qui sont de bons engins, mais très sollicités, notamment en Afghanistan.
a lui aussi rendu hommage aux trois soldats décédés en Afghanistan, alors qu'il y effectuait une visite avec le président Josselin de Rohan et M. Jean-Pierre Chevènement. Il a relevé la détermination au combat de nos troupes et leurs conditions de vie difficiles. Il s'est interrogé sur l'adéquation de rotations semestrielles. Il a également demandé des précisions sur la nature de la participation de l'armée de terre à la base française des Emirats arabes unis. Enfin, il a demandé s'il était vrai que les officiers généraux français étaient tenus à l'écart de la définition stratégique des opérations en Afghanistan.
En réponse, le général Irastorza a indiqué que la définition de la stratégie incombait aux politiques et non aux militaires. La mise à l'écart, souvent évoquée par une certaine presse, de trois officiers généraux français en Afghanistan ne correspond pas à la réalité.
Pour ce qui est de la durée des missions, celle de quatre mois s'est révélée, à l'usage, exposer davantage les soldats par un taux de rotation trop rapide et fragiliser les unités au moment des relèves. Il est en effet crucial, dans des missions qu'il a qualifié de « contrôle de zone » de s'approprier le terrain. La durée de la mission apporte l'expérience et augmente la compétence et la maîtrise des savoir faire. La France est en guerre, en Afghanistan, aux côtés des Afghans et non pas contre l'Afghanistan. Il est donc important de nouer des liens de confiance avec la population et cela prend du temps. Certes, les soldats sont fatigués mais ces missions d'une durée de six mois sont préparées en France pendant six mois et donnent lieu à des permissions durant cette phase ainsi qu'à une récupération assez longue au retour. Par ailleurs, les soldats ne peuvent être renvoyés en OPEX avant neuf à douze mois selon le théâtre considéré.
Concernant la base aux Emirats arabes unis, il a indiqué que l'état-major envisageait d'y envoyer ce qui se fait de mieux, et en particulier des unités équipées de CAESAR et de VBCI.
a interrogé le chef d'état-major sur les munitions et a posé la question de savoir si le fait de ne plus disposer de fabriquant pour les munitions légères ne posait pas un véritable problème d'indépendance nationale. Il a également souhaité connaître les enseignements que l'armée de terre tire de l'Afghanistan.
En réponse, le général Elrick Irastorza a indiqué que, s'agissant des poudres et explosifs, le directeur général de l'armement était sans doute mieux placé pour répondre.
Concernant l'Afghanistan, il a indiqué que les missions confiées, depuis 2001, aux forces armées, aussi bien au sein de l'ISAF que de l'opération Enduring Freedom - n'avaient pas changé, et qu'il s'agissait toujours de créer les conditions d'un retour à la normale, permettant ainsi la reconstruction d'un Etat qui n'existait plus en 2001. Le chemin accompli depuis lors peut être mesuré. Pour les forces françaises, une rupture a eu lieu à l'été 2008 : auparavant, elles étaient chargées du contrôle d'une zone où les taliban étaient faiblement actifs. Depuis cette date, l'intensité de l'engagement a changé, conduisant notamment à avancer des programmes d'équipements déjà lancés et à renforcer notre implication aux côtés des unités afghanes. Ainsi, dans les OMLT (operational mentor and liaison teams), des cadres sont détachés auprès des unités de l'ANA, qu'ils conseillent et guident, ce qui implique qu'ils les instruisent et s'engagent avec elles sur le terrain. Les unités afghanes sont de bonnes unités, combatives, au sein desquelles un sentiment national est en train d'émerger. Leur faiblesse réside dans leur capacité à planifier des opérations.
Un débat s'est ensuite engagé auquel ont pris part M. Josselin de Rohan, président, M. Daniel Reiner, et M. Jacques Gautier sur « l'afghanisation » du conflit.
Enfin, M. Charles Pasqua a souhaité connaître quel était le taux de désertion dans les troupes afghanes.
En réponse, M. Jacques Gautier a indiqué que ce taux était de l'ordre de 20 %, mais que ce chiffre méritait des explications complémentaires car, dans la plupart des cas, il ne s'agissait pas vraiment de désertions au sens où l'entendent de façon classique les armées occidentales.
Puis la commission a entendu une communication de MM. Josselin de Rohan, président, Didier Boulaud et Jean-Pierre Chevènement sur la mission effectuée en Inde, au Pakistan et en Afghanistan, du 22 septembre au 1er octobre 2009.
a tout d'abord rappelé que l'objectif de la mission était centré sur la situation en Afghanistan et sur le devenir de l'engagement de la France à un moment où se déroule un débat de fond sur la stratégie de la communauté internationale dans ce pays. Cette réflexion ne peut naturellement être menée indépendamment du contexte régional. C'est la raison pour laquelle la délégation de la commission qu'il a conduite, et qui était composée de M. Jean-Pierre Chevènement et de M. Didier Boulaud, s'est rendue successivement en Inde, en Afghanistan et au Pakistan afin d'analyser les interconnexions régionales et l'implication de ces différents pays dans la recherche d'une solution à la question afghane.
Il a indiqué que, afin de présenter un panorama complet des informations recueillies, M. Didier Boulaud exposera la partie indienne du déplacement, M. Jean-Pierre Chevènement se consacrera au Pakistan et que lui-même décrira la situation en Afghanistan.
a tout d'abord rappelé que, pour être exhaustive, la mission aurait dû également se rendre en Iran et dans les républiques d'Asie centrale : l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan.
La France entretient des relations étroites avec l'Inde au travers du partenariat stratégique qui porte notamment sur les questions de défense. Toutefois, la présence économique de la France est encore limitée bien que les perspectives soient considérables dans un pays qui a fait du développement sa priorité.
La part de marché française en Inde est de l'ordre de 1,7 %, ce qui fait de la France le 15ème fournisseur et le 11ème client de l'Inde. Après avoir franchi le milliard d'euros en 2001, les exportations françaises ont fortement augmenté en 2004 (+ 29 %) ainsi qu'en 2005 (+ 42 %), pour atteindre un montant total de près de 3 milliards d'euros en 2007. L'objectif fixé par le Président de la République, Smt. Prathiba Devisingh Patil et le Premier ministre indien, M. Manmohan Singh, est de porter les échanges à 12 milliards d'euros en 2012.
Aujourd'hui, plus de 300 entreprises françaises sont implantées en Inde et emploient environ 40 000 personnes. La France se situe au 7ème rang des investisseurs étrangers en Inde (soit un stock d'environ 750 millions de dollars).
En matière d'armement, les coopérations industrielles sont historiquement denses, en particulier depuis la vente de Mirage 2000 dans les années 1980. Plusieurs projets sont en cours : la construction à Bombay, en partenariat avec DCNS, de six sous-marins Scorpène et la modernisation de 51 Mirage 2000 par un consortium conduit par Thalès.
Par ailleurs, plusieurs importants projets industriels sont en discussion :
- un appel d'offres portant sur 126 avions de combat, le Rafale étant l'un des six compétiteurs,
- les missiles SR-SAM (projet de co-développement d'un missile à courte portée entre MBDA et l'Inde pour environ 2 000 missiles) ;
- des avions Multirôles de ravitaillement et de transport pour lesquels la proposition faite par Airbus a été retenue mais dont le dossier peine à franchir l'ultime étape de présentation en « conseil de défense » ;
- les hélicoptères légers pour lesquels Eurocopter est en compétition pour un marché de 197 machines ;
- les canons pour lesquels Nexter est en lice.
La concurrence est féroce mais ouverte. La Russie voit sa position historique s'effriter et est confrontée à la concurrence frontale des Etats-Unis d'Amérique et d'Israël ainsi que de la France et d'autres pays européens. La France voit sa position se fragiliser depuis quelques années alors qu'Israël effectue une percée spectaculaire, notamment en matière de missiles et de drones. Ces marchés demanderont un effort de longue haleine d'autant que les procédures administratives d'attribution des marchés sont extrêmement longues et compliquées.
Le budget d'équipement de l'armée indienne représente un montant de 6 à 7 milliards d'euros par an sur un budget total de 35 milliards d'euros, soit 2,5 % du PNB. L'effort de réarmement indien correspond à la très forte montée en puissance et à la modernisation de l'armée chinoise dont les chefs d'état-major de l'armée de l'air et de la marine se sont alarmés. L'Inde ne cherche pas à rattraper la Chine mais à faire en sorte que l'écart entre les deux forces n'augmente pas à son détriment.
a indiqué que la délégation a pu rencontrer à la fois les interlocuteurs politiques et des cercles de réflexion. Toutefois, le premier ministre, M. Manmohan Singh, et le ministre des affaires étrangères, M. Shri S.M. Krishna, qui se trouvaient alors à l'assemblée générale de l'ONU, à New York, n'ont pas pu être rencontrés.
La délégation s'est entretenue avec M. Hamid Ansari, vice président de l'Inde et président de la chambre haute du Parlement ainsi qu'avec M. Brajesh Chandra Mishra, ancien conseiller pour la sécurité nationale du premier ministre M. Atal Bihari Vajpayee. La mission a également rencontré le secrétaire d'État à la défense, M. Mangapati Pallam Raju, M. Satpal Maharaj, président de la commission de la défense et M. Vivek Katju, directeur politique du ministère des affaires étrangères.
Par ailleurs, des rencontres informelles ont été organisées et, en particulier, un déjeuner présidé par M. Kanwal Sibal, ancien ambassadeur de l'Inde à Paris qui a porté en partie sur les relations sino-indiennes. Une réunion de travail avait été organisée également avec les représentants des industriels français, notamment ceux du secteur de la défense. Enfin, la délégation a eu des échanges très intéressants avec deux instituts indiens extrêmement actifs : l'Observer research foundation (ORF) et l'Institute for défense studies analyses (IDSA).
Pour la diplomatie française, l'Inde est un des pays émergents majeurs au même titre que la Chine et le Brésil. La France et l'Inde sont liées, depuis 1996, par un partenariat stratégique très actif et partagent un grand nombre de vues convergentes sur les questions régionales et internationales majeures. Les deux pays sont attachés à la paix et la sécurité internationales, à la non-prolifération nucléaire et à la lutte contre le terrorisme. La France soutient l'entrée de l'Inde au Conseil de sécurité de l'ONU en qualité de membre permanent, ce qui rendrait les Nations unies plus adaptées aux besoins du XXIe siècle et permettrait à l'Inde de jouer le rôle qui lui correspond dans les affaires du monde. La France plaide également pour la transformation du G8 en un G13 incluant naturellement l'Inde.
Par sa taille, son potentiel énorme de développement, sa position géostratégique dans l'océan Indien et sur les voies de circulation maritime, l'Inde est un partenaire incontournable pour la France.
Paradoxalement, la diplomatie indienne paraît plus à l'aise au niveau international qu'au niveau régional. Depuis l'indépendance en 1947, l'Inde a connu des conflits avec tous ses voisins. C'est naturellement principalement le cas avec le Pakistan puisque ces deux pays se sont affrontés à plusieurs reprises à propos du Cachemire. Ce fut également le cas lors de la guerre qui a abouti à l'indépendance et à la création du Bangladesh. Cela a été également le cas du conflit de 1962 avec la Chine. Enfin, l'Inde est intervenue au Sri Lanka dans le conflit avec la minorité tamoule. Tant à l'Est qu'à l'Ouest, ses frontières ne sont pas stabilisées avec la Chine et le Pakistan. L'Inde a donc deux frontières instables à protéger, ce qui explique qu'elle mène une politique d'équipement militaire active. D'une manière générale, l'Inde est confrontée à la Chine, l'autre grand géant asiatique, avec lequel elle est en concurrence directe sur pratiquement tous les sujets.
a ensuite indiqué qu'il traiterait principalement de deux questions : les relations entre l'Inde et le Pakistan et la politique de l'Inde en Afghanistan.
S'agissant de la première question, la question du Cachemire et de la lutte contre le terrorisme est au centre du différend entre les deux Etats.
L'avantage militaire classique de l'Inde fait que le Pakistan est plus une nuisance qu'une menace. L'équilibre de la dissuasion nucléaire rend un affrontement majeur peu probable. L'Inde affiche clairement une doctrine de non-emploi en premier, alors que le Pakistan, qui utilise la dissuasion du faible au fort, laisse planer l'ambiguïté sur sa doctrine d'emploi de l'arme nucléaire.
Pourtant, les deux pays entretiennent des forces armées très importantes qui stationnent le long de leur frontière commune ou, pour ce qui concerne le Cachemire, le long de la ligne de contrôle (LOC).
Si les principaux dirigeants politiques, notamment le Premier ministre Singh et le Président Zardari promeuvent la reprise du dialogue plus ou moins sans conditions préalables, les opinions publiques et, au Pakistan, l'armée ont du mal à dépasser les sentiments de méfiance profonde entre les deux pays.
Durant quatre ans, de 2003 à 2007, des discussions ont eu lieu au sein d'un «dialogue composite » pour trouver une solution au conflit. Un accord de cessez-le-feu a été conclu sur la ligne de contrôle (LOC) en novembre 2006. Le général Musharraf avait proposé les contours d'un règlement autour de cinq principes :
- la reconnaissance de facto de la ligne de contrôle comme frontière ;
- une large autonomie des « deux Cachemire » au sein de chaque État ;
- une grande porosité de la frontière permettant le développement des échanges économiques et humains ;
- le retrait progressif des troupes stationnées dans la région ;
- la mise en place d'un mécanisme conjoint de supervision.
Ces propositions, sur lesquelles le gouvernement indien ne s'est jamais prononcé, avaient été faites au moment où le général Musharraf était confronté aux problèmes intérieurs qui l'ont conduit à la démission. Aujourd'hui ces pourparlers ne peuvent reprendre tant que le paramètre sécuritaire, c'est-à-dire la menace terroriste, n'est pas levé.
Le gouvernement indien, l'ensemble de la classe politique et l'opinion publique sont absolument persuadés, non sans raison, que le Pakistan a soutenu, financé et entraîné les groupes terroristes installés au Cachemire qui sont responsables des principaux attentats des dernières années en Inde.
Les attentats de Bombay, en 2008, ont bloqué les négociations et l'Inde met deux conditions à la reprise du dialogue composite :
- que les coupables des attentats de Bombay soient jugés rapidement et qu'ils reçoivent un châtiment exemplaire,
- qu'Islamabad donne des preuves que les groupes terroristes et leurs couvertures, qui continuaient d'opérer à partir du territoire pakistanais, sont mis hors la loi, désarmés et démantelés.
Une normalisation avec l'Inde ne saurait être envisagée tant qu'Islamabad ne tiendrait pas ses engagements, dans la lettre comme dans l'esprit, d'interdire l'utilisation de son territoire pour des actes terroristes en Inde.
Les Indiens demandent à la communauté internationale de faire pression sur le Pakistan pour qu'il lève toute ambiguïté dans sa lutte contre le terrorisme. Ils soulignent que le Pakistan est un État sous perfusion internationale, tant du point de vue économique que militaire, et que les Etats-Unis, ou la France, ont les moyens d'infléchir la politique de cet Etat en rendant conditionnelles les aides qui lui sont apportées.
La résolution de la question du Cachemire est centrale mais elle relève d'une négociation bilatérale puisque l'Inde refuse totalement l'internationalisation de la négociation. La marge de manoeuvre des diplomaties occidentales est donc limitée vis-à-vis de l'Inde.
La baisse de la tension entre les deux pays permettrait au Pakistan de mieux utiliser ses troupes à la lutte contre les taliban en transférant une partie de celles-ci sur sa frontière occidentale. Si l'Inde affirme qu'elle n'a aucune velléité d'action militaire contre le Pakistan, les Pakistanais, et notamment l'armée, sont encore persuadés du contraire.
a ensuite abordé la question de l'action de l'Inde en Afghanistan. Celle-ci est jugée très négativement par le Pakistan dont l'obsession est de disposer d'une profondeur stratégique en Afghanistan et qui soupçonne l'Inde, par son action dans ce pays, de manipuler des forces qui permettront son encerclement.
Le vice président Ansari a très clairement rappelé la position de son pays en Afghanistan :
- compte tenu de la sensibilité régionale, notamment vis-à-vis du Pakistan, l'Inde exclut toute présence militaire en Afghanistan ;
- en revanche, elle intervient en matière civile (reconstruction, humanitaire, développement) à titre bilatéral et à la demande du gouvernement afghan. Depuis 2002, l'Inde a engagé plus de 1,2 milliard de dollars d'aide à la reconstruction. 3 000 ressortissants indiens travaillent à l'heure actuelle dans le pays et l'une des préoccupations principales du gouvernement est d'assurer leur sécurité face aux risques d'attentats et de violences ;
- la dimension pakistanaise de la résolution du conflit est essentielle ;
- l'Inde est favorable à la concertation internationale sur l'Afghanistan incluant l'ensemble des acteurs régionaux ; elle accueille donc favorablement la proposition d'une conférence qui se tiendrait au mois de décembre 2009, sous réserve que les objectifs et le point d'aboutissement de cette réunion soient clairement identifiés.
Comme pratiquement tous les interlocuteurs de la délégation, le vice président a indiqué que la communauté internationale devait rester en Afghanistan. Un retrait entraînerait, dans un délai très bref, le retour des taliban au pouvoir et obligerait la communauté internationale à intervenir à nouveau, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Les interlocuteurs indiens de la mission ont mal reçu les reproches du général McChrystal, selon lesquels la présence de l'Inde en Afghanistan contribuait à la déstabilisation en inquiétant le Pakistan. M. Mohammad Hamid Ansari a fait valoir que prendre cette position, c'était tomber dans le piège des Pakistanais qui menaient en Afghanistan un combat sur des principes géopolitiques d'un autre temps.
Pour conclure, M. Didier Boulaud a souligné que l'Inde est un acteur central de la résolution du conflit en Afghanistan. Si l'on peut comprendre les raisons évidentes qui l'amènent à refuser une participation militaire, il est vital qu'elle contribue le plus possible, politiquement parlant, à la résolution du conflit. Cet engagement passe par la diminution des tensions et par des gestes de confiance avec le Pakistan, mais aussi par une concertation avec la Chine, qui est, dans la région, le meilleur allié du Pakistan.
est ensuite intervenu pour souligner que si l'Inde est indiscutablement le pays dominant dans la région avec 1,1 milliard d'habitants et un nationalisme fort, le Pakistan pose, quant à lui, le problème de fond, plus encore que l'Afghanistan, avec sa nécessaire réorientation politique et ses zones tribales agitées et auto-administrées, frontalières de l'Afghanistan qui du reste, ne sont pas représentées au Parlement. Pays de 170 millions d'habitants, le Pakistan est le troisième État musulman après l'Indonésie et l'Inde.
Citant l'aphorisme du fondateur du Pakistan, Muhammad Ali Jinnah, qui constatait que tout le monde connaît la différence entre un musulman turc et un musulman égyptien mais qu'entre un Pakistanais et un Hindou il n'y en avait pas, M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que le Pakistan est un État « mal né » de la partition du « Raj » britannique en 1947 et qu'il vit dans une opposition existentielle vis-à-vis de l'Inde. À ce traumatisme initial s'est ajouté celui de la perte du Bangladesh en 1971. Il a souligné que, si l'on totalisait les populations musulmanes du Pakistan, du Bangladesh et de l'Inde, 45 % des habitants du sous-continent étaient de confession musulmane.
Le Pakistan, qu'on peut analyser comme une « nation en formation », reste un État fragile qui subit de très fortes tensions, comme l'ont montré encore récemment les attentats qui ont visé notamment le quartier général de l'armée à Rawalpindi. Depuis 1979, et avec la prise de pouvoir par le général Zia et l'élimination de M. Ali Bhutto, le gouvernement militaire a imprimé au pays une tendance fondamentaliste et tenté de faire de cette version de l'Islam un facteur d'homogénéisation.
Ce pays fragile a bénéficié d'une aide importante du fait que, à l'époque de l'invasion de l'Afghanistan par les troupes de l'URSS, il était devenu la plate-forme de la résistance à cette invasion et aux gouvernements communistes de Kaboul. L'armée et ses services secrets (ISI) ont été dotés alors, par les Etats-Unis d'Amérique, des outils nécessaires pour organiser celle-ci. Cela a conduit d'abord à favoriser le Hezb-e-islam (HiG) de Hekmatyar Gulbuddin et à laisser intervenir une véritable légion étrangère sous l'impulsion d'Oussama Ben Laden, qui est devenu Al Qaïda par la suite, en 1998.
Le Pakistan aussi a été le principal soutien des taliban puis de leur régime après qu'ils ont eu pris le pouvoir à Kaboul, en 1994. Il est un des seuls pays, avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, à avoir reconnu ce régime.
Avec les attentats du 11 septembre 2001, le général Musharaf, qui avait renversé M. Sharif par un coup d'Etat militaire en 1999, a cherché à réorienter la politique du Pakistan contre le terrorisme. Les États-Unis lui ont donné les moyens de cette politique (12 milliards de dollars, dont une partie aurait été détournée vers d'autres buts).
Depuis 2008, le pays connaît une transition démocratique, avec l'arrivée au pouvoir du PPP (parti du peuple pakistanais de Mme Benazir Bhutto, puis de M. Asif Ali Zardari) et l'existence, jusqu'à présent, d'une opposition modérée de la Ligue musulmane. Le plan de lutte contre le terrorisme présenté par le président Zardari a été adopté à l'unanimité par le Parlement.
La délégation a pu rencontrer le premier ministre, M. Yousouf Raza Gilani, qui s'est en particulier élevé contre la notion d'AFPAK dont il conteste l'application à son pays, lequel est doté d'institutions démocratiques et d'une armée solide, ce qui ne permet en aucune façon de le comparer à l'Afghanistan.
L'entretien avec le général Kayani, chef d'état-major de l'armée de terre, a permis d'attirer l'attention de la délégation sur le fait que le rôle de l'armée devait être complété par celui de la police et de la justice dans les opérations militaires en cours et dans leurs suites judiciaires. Par ailleurs, le général Kayani a souligné que, compte tenu de la nécessité de maintenir l'essentiel de ses troupes sur la frontière orientale avec l'Inde, il ne pouvait déployer dans les opérations en cours qu'environ 130 000 hommes. Cela signifie que le Pakistan n'avait peut-être pas tous les moyens de la politique qui lui était demandée.
La délégation a également eu des entretiens avec le président du Sénat, le ministre de l'intérieur, M. Rehman Malik, le secrétaire d'État aux affaires étrangères et les présidents des commissions de la défense des deux Assemblées.
La mission s'est rendue à Peshawar, capitale des territoires de la frontière du Nord-Ouest (NWFT), où elle a pu s'entretenir avec le gouverneur M. Owais Ghani. Tenant des propos d'une grande franchise, le gouverneur a indiqué que la coalition internationale « n'étant pas chez elle en Afghanistan serait inévitablement amenée à partir », s'appuyant sur l'attitude qu'aurait eu, selon lui, dans de telles circonstances, le général de Gaulle. La coalition occidentale doit se fixer des objectifs accessibles, de nature politique, qui permettront, à terme, son retrait dont il convient de fixer les conditions et non la date. Selon M. Owais Ghani, il faut négocier avec les taliban quels qu'ils soient mais non avec les organisations terroristes « internationalistes » qu'il faut contribuer à dissocier des premiers. Il faudrait, en second lieu, éradiquer la culture de la drogue, qui est un profond ferment de corruption et de financement de l'insurrection. Enfin, il faut obtenir la neutralité de l'Afghanistan et la non-exportation de son idéologie sur ses voisins. Seul un gouvernement d'union nationale en Afghanistan est susceptible d'aboutir à ce résultat.
Rappelant la politique d'Alexandre le Grand qui avait demandé au roi Poros vaincu ce qu'il attendait de son vainqueur, et la réponse de celui-ci, « j'attends d'un roi qu'il me traite comme un roi », qui avait conduit Alexandre à le rétablir sur son trône et à s'en faire un allié, le gouverneur Ghani a appelé à méditer cette leçon. Au contraire, la stratégie menée par l'URSS, très voisine de celle menée actuellement par la coalition occidentale, est vouée à l'échec.
L'Empire britannique, après qu'il eut constaté l'impossibilité pour lui de contrôler l'Afghanistan, avait adopté une politique dont les alliés pourraient s'inspirer. Celle-ci consistait à faire du pays un Etat membre, en l'occurrence une zone tampon, à l'époque entre les empires russe et britannique, à garantir ses frontières et à subventionner le régime en échange de quoi ce dernier ne constituerait plus une menace pour l'Empire britannique et s'engagerait à interdire toute autre influence sur son territoire.
A Peshawar, la rencontre avec le chef du parti ANP, M. Afrasiab Khattak, a permis à ce dernier d'affirmer que l'Inde règle, dans les zones tribales, les comptes de la guerre que lui livre le Pakistan au Cachemire.
a ensuite indiqué que le Pakistan est un pays tenu par ses élites : l'armée, une méritocratie et des partis politiques dominés par de grands propriétaires latifundiaires. On devine à l'arrière-plan une grande misère dans ce pays dont le niveau de développement est l'un des plus bas du monde. La priorité est donnée au budget militaire. La santé et l'éducation viennent après. La moitié seulement de la population est alphabétisée.
Le fondamentalisme est une tendance qui dépasse le mouvement récent des taliban pakistanais du Therik-e-taliban (TTP), il existe aussi historiquement un important mouvement lié à l'université de Deoband. Une forte influence wahhabite venue d'Arabie saoudite est également sensible.
Si le Pakistan est une démocratie balbutiante, les partis politiques y sont très actifs, la presse libre, le droit de manifester réel et sa Cour suprême entend incarner la prééminence du droit.
M. Mian Muhammad Nawaz Sharif et la ligue musulmane attendent leur heure. Les autorités pakistanaises sont soumises à la pression des États-Unis pour lutter contre le terrorisme sur leur propre territoire. Les opérations récentes ont été considérées comme des succès, en particulier dans la vallée de Swat, par tous les interlocuteurs de la mission. Celles en cours se heurtent, au Waziristan, à une forte résistance dont témoigne le nombre élevé des attentats dans le reste du pays. Aujourd'hui, le Pakistan connaît une véritable guerre civile.
a souligné l'ambivalence de la position pakistanaise vis-à-vis des taliban afghans. En fait, le Pakistan a cherché, depuis 1979, à établir une profondeur stratégique à l'Ouest qui serait garantie par un régime ami à Kaboul. La tolérance du Pakistan vis-à-vis des taliban afghans peut être regardée comme une prise d'assurance pour l'avenir, lorsque la FIAS aura évacué l'Afghanistan.
Les relations entre l'armée pakistanaise et la coalition, en particulier entre le général Kayani et le général McChrystal, paraissent très bonnes. Du reste, ce dernier a souligné, dans son évaluation de la situation en Afghanistan, le rôle déstabilisateur que l'Inde y jouerait et a marqué une attitude compréhensive pour la prudence du général Kayani dans la conduite des opérations militaires contre les taliban.
Dans la lutte en cours, le Pakistan reçoit l'appui de la Chine, qui est son meilleur allié depuis la guerre de 1962 contre l'Inde. Le Pakistan perçoit également une aide internationale considérable, que ce soit de la part du FMI, des « amis du Pakistan démocratique » ou des États-Unis dont le Congrès vient de lui attribuer une aide conditionnelle de 5 milliards de dollars.
Pour aider l'armée pakistanaise il faudrait que l'Inde relâche la pression sur sa frontière orientale. En dépit d'un certain nombre d'ouvertures récentes, cette évolution est liée au facteur sécuritaire, notamment depuis les attentats de 2008 à Bombay, et à des engagements fermes du Pakistan dans sa lutte contre le terrorisme d'où qu'il vienne et quel qu'il soit. Il est évident qu'aujourd'hui le Pakistan n'a pas encore pris totalement conscience du retentissement international des attentats de Bombay. Les services secrets ont soutenu les mouvements terroristes infiltrés au Cachemire. L'un de ceux-ci paraît être à l'origine des attentats de Bombay. Vis-à-vis de l'Inde, le Pakistan se considère au contraire comme l'une des premières victimes du terrorisme.
a indiqué que le Pakistan devait se réorienter et engager tous ses moyens dans la lutte contre les taliban pakistanais. S'agissant de l'Afghanistan, comme la solution est de nature politique, c'est donc au niveau de la définition d'objectifs politiques accessibles qu'il faut agir. Il est nécessaire également de trouver un accord qui implique l'ensemble des voisins, y compris la Chine puisqu'il est évident que le Pakistan est un instrument dans le conflit entre l'Inde et la Chine.
En conclusion, M. Jean-Pierre Chevènement s'est montré convaincu qu'il fallait aider le Pakistan à se moderniser et à poursuivre sa « transition démocratique ».
a tout d'abord constaté la forte dégradation de la situation sécuritaire depuis la mission qu'avait effectuée la commission en 2006, en particulier au Pakistan.
La régionalisation est une des clés majeures de la solution de la question afghane. Il s'agit naturellement, comme l'ont souligné M. Jean-Pierre Chevènement et M. Didier Boulaud, du contexte régional entre l'Inde et le Pakistan mais aussi des relations de la Chine avec les trois intervenants principaux : Afghanistan, Inde et Pakistan.
La Chine est un acteur indirect majeur. Elle a, sur son territoire, une minorité musulmane ouïghoure qui s'oppose au pouvoir central. Par ailleurs, elle est directement concernée, comme les autres pays de la région, par la question de la drogue, non seulement d'un point de vue sanitaire mais, aussi, comme source de financement des mouvements extrémistes. La Chine est donc très consciente des risques que lui fait courir l'aggravation de la situation au cas où un régime fondamentaliste se réinstallerait à Kaboul.
Au cours des entretiens qu'une mission de la commission a eus récemment avec les ambassadeurs, représentants permanents chinois et russes, à l'ONU, ces derniers ont réaffirmé la nécessité du maintien des troupes de l'OTAN et des États-Unis en Afghanistan jusqu'à l'éradication de la menace des taliban.
Seul l'Iran n'a pas donné son opinion, mais il est directement impliqué dans la résolution de la question afghane à plusieurs titres. Il est, d'une part, l'allié traditionnel de la minorité chiite Hazara et avait soutenu l'alliance du Nord contre le régime taliban. Il est, par ailleurs, directement concerné par la question de la drogue dont la consommation dans le pays se développe de manière inquiétante. L'Iran accueille encore environ 2 millions de réfugiés afghans et entretient des relations économiques importantes avec ce pays. Enfin, les récents attentats au Baloutchistan iranien, qui ont visé les chefs locaux des pasdaran, ont vraisemblablement été préparés au Baloutchistan pakistanais par des organisations fondamentalistes.
L'ensemble des interlocuteurs de la mission ont souligné la nécessité d'impliquer l'Iran dans le règlement de la question afghane. Toutefois, l'opposition actuelle sur la question de la prolifération et du nucléaire militaire ne facilite pas cette inclusion.
Au-delà de ces Etats qui jouent un rôle central, il existe un second cercle composé du Tadjikistan, de l'Ouzbékistan et du Turkménistan qui sont directement concernés par les routes de la drogue et le financement qu'elle apporte aux mouvements extrémistes. La Russie, avec ses républiques islamistes du Caucase, est également directement concernée.
Ce serait une erreur de sous-estimer la contribution de l'Asie centrale au «front afghan » sur ces deux questions de lutte contre le terrorisme et contre la drogue.
Il n'y aura donc pas de solution durable de la question afghane sans une implication forte des pays de la région, principalement au niveau politique.
a indiqué que, en Afghanistan, la mission avait eu un entretien approfondi avec le général McChrystal, commandant de la FIAS (COMISAF). Dans son évaluation, celui-ci affirme que, si la situation est sérieuse et qu'elle s'est dégradée, la guerre n'est pas perdue pour peu que la coalition adopte une autre stratégie : celle de la contre-insurrection dont l'objectif est de gagner la population en assurant sa sécurité et en permettant le développement, l'établissement d'un État de droit et la mise à disposition de la population des services qu'elle est en droit d'attendre d'un État. Il s'agit donc, en particulier, de déployer des troupes, celles de la coalition et celle des forces nationales de sécurité afghane, là où la population est concentrée et de mettre en oeuvre une action civilo-militaire.
La stratégie contre-terroriste menée jusqu'à présent a montré ses limites et aboutit aujourd'hui à une impasse, notamment en raison de la multiplication des dommages collatéraux qui dressent la population contre la coalition et grossissent les rangs de l'insurrection.
L'afghanisation, tant au niveau des forces nationales de sécurité (armée et police) que des institutions et du gouvernement, est un processus clé pour que le pays puisse prendre en main son propre destin.
Le retrait de la coalition signerait son échec et permettrait le retour à court terme des taliban et de leurs alliés d'Al Qaïda.
Parmi les alternatives à la stratégie de contre-insurrection, celle proposée par le vice président Joe Biden, qui consiste en une diminution des effectifs et au recentrage de la lutte contre les seuls terroristes internationaux, n'est pas réaliste compte tenu de l'imbrication entre ces différents mouvements terroristes et les taliban.
L'option la plus vraisemblable est que le président Obama se ralliera à la proposition de mener une guerre de contre-insurrection faite par le général McChrystal mais qu'il est aujourd'hui très difficile de savoir s'il lui donnera satisfaction quant au niveau des troupes demandé.
a indiqué que les alliés, dans leur majorité, n'entendaient pas augmenter leur contingent mais qu'ils devaient faire porter leurs efforts sur l'aide civile au développement et à la reconstruction.
La tenue des élections présidentielles organisées par un régime corrompu et à l'autorité très limitée a donné un très mauvais signal à l'extérieur. La coalition sera-t-elle en mesure d'imposer au président Hamid Karzaï un gouvernement d'union nationale ? Il est indispensable d'exercer une tutelle rigoureuse sur le président Karzaï et son entourage afin de bâtir un État et une administration efficaces sans pour autant donner l'impression que ce gouvernement est manipulé par l'Occident, ce qui est une des thèses des taliban dans leur bataille de communication.
Si la stratégie proposée par le général McChrystal est la seul possible, elle doit s'appuyer sur une forte implication des voisins qui doivent participer à la garantie de la neutralisation de l'Afghanistan. La Chine et l'Iran doivent être associés et il est nécessaire de travailler activement à surmonter l'opposition entre l'Inde et le Pakistan.
Engagé dans une guerre civile, le régime pakistanais connaît sa minute de vérité et ne peut reculer faute de voir l'influence des taliban des zones tribales s'étendre à l'ensemble du pays et notamment au Pendjab.
Enfin, si une stratégie qui s'inspirerait de la politique menée par l'empire britannique paraît séduisante, le gouverneur Ghani n'a pas indiqué à la mission comment l'on pouvait empêcher les taliban d'exporter leur idéologie, d'accueillir les terroristes internationaux, non plus qu'il n'a proposé les voies et moyens d'une politique d'éradication de la drogue.
En conclusion, le président Josselin de Rohan, a souligné la complexité extrême de la situation à laquelle était confrontée la communauté internationale et régionale.
Répondant à une interrogation de M. André Vantomme, M. Didier Boulaud a rappelé que la drogue ne représentait qu'un tiers du financement des organisations terroristes des taliban, le reste provenant des régimes arabes, de la corruption et des autres trafics. De plus, les sociétés de protection, qui assurent en particulier la sécurité des entreprises de BTP, reversent aux taliban une partie des sommes qu'elles reçoivent afin d'acheter la neutralité de ceux-ci.
a rappelé les analyses d'un récent rapport de l'Office des Nations unies pour la lutte contre la drogue et le crime (UNODC) qui soulignait que l'ensemble des pays de la zone, jusqu'à la Russie, étaient touchés par le marché de la drogue.
a rappelé les analyses du gouverneur de Peshawar qui indiquait qu'une guerre de contre-insurrection ne peut être gagnée que par l'État autochtone sur le territoire duquel les insurgés agissent. Ils partagent, en effet, avec la population la même langue et la même culture. Le gouvernement central afghan doit être aidé en sorte qu'il soit un peu plus puissant que les pouvoirs régionaux rendus nécessaires par l'hétérogénéité du pays. La FIAS tout en ayant, à terme, vocation à se retirer, doit maintenir une pression sur l'insurrection, notamment en matière de moyens aériens. Le problème qui se pose à la coalition est de définir des objectifs politiques accessibles.
a rappelé l'extrême complexité de la situation et les difficultés à en appréhender les multiples dimensions. Citant l'ambassadeur de France à Kaboul, il a rappelé qu'un séjour de trois jours en Afghanistan permettait d'écrire un livre, qu'un mois autorisait la rédaction d'un article et que, au bout de six mois on ne savait plus quoi dire. Il a rappelé que 90 % du territoire est vide et que les populations, au sein desquelles les insurgés sont mêlés, sont concentrées dans les vallées.
Depuis huit ans, 200 milliards de dollars ont été promis à l'Afghanistan dont une partie significative a été dépensée sans que l'on sache exactement ce qui l'a été de manière utile. Le général McChrystal a demandé un doublement des soldes sachant qu'un policier ou un militaire sont payés 100 $ par mois alors qu'un taliban peut toucher plus de 300 $.
a émis des doutes sur la possibilité réelle de porter l'armée nationale afghane à un effectif de 240 000 hommes avant 2013.
a indiqué que, en 2001 il avait fait part au ministre des affaires étrangères de l'époque, M. Hubert Védrine, de ses réserves à l'envoi de troupes terrestres françaises en Afghanistan. S'il n'est pas question aujourd'hui, pour la coalition occidentale, d'un retrait brutal, il faut redéfinir, tout en maintenant la pression militaire, les objectifs politiques qui permettront à terme le désengagement. Selon lui, la stratégie de « contre insurrection » proposée par le général McChrystal avait toute chance de se révéler une impasse.
En conclusion, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué qu'il n'y avait pas d'autre solution que de donner sa chance à cette nouvelle stratégie et de poursuivre l'afghanisation.
La commission a ensuite approuvé la publication d'un rapport d'information.
Puis la commission a procédé à la désignation de sept candidats titulaires et de sept candidats suppléants appelés à faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
Ont été désignés comme candidats titulaires : MM. Josselin de Rohan, Marcel-Pierre Cléach, André Dulait, Yves Pozzo di Borgo, André Vantomme, Mmes Dominique Voynet et Michelle Demessine, et comme candidats suppléants : MM. René Beaumont, Didier Boulaud, Jacques Gautier, Robert Laufoaulu, Jean Milhau, André Trillard et Richard Tuheiava.
La commission a proposé à la nomination du Sénat la candidature de Mme Joëlle Garriaud-Maylam comme membre titulaire au sein de la commission nationale pour l'éducation, la science et la culture qui dépend de l'UNESCO.