Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 novembre 2009 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2010 — Audition du général elrick irastorza chef d'état-major de l'armée de terre

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

est ensuite intervenu pour souligner que si l'Inde est indiscutablement le pays dominant dans la région avec 1,1 milliard d'habitants et un nationalisme fort, le Pakistan pose, quant à lui, le problème de fond, plus encore que l'Afghanistan, avec sa nécessaire réorientation politique et ses zones tribales agitées et auto-administrées, frontalières de l'Afghanistan qui du reste, ne sont pas représentées au Parlement. Pays de 170 millions d'habitants, le Pakistan est le troisième État musulman après l'Indonésie et l'Inde.

Citant l'aphorisme du fondateur du Pakistan, Muhammad Ali Jinnah, qui constatait que tout le monde connaît la différence entre un musulman turc et un musulman égyptien mais qu'entre un Pakistanais et un Hindou il n'y en avait pas, M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que le Pakistan est un État « mal né » de la partition du « Raj » britannique en 1947 et qu'il vit dans une opposition existentielle vis-à-vis de l'Inde. À ce traumatisme initial s'est ajouté celui de la perte du Bangladesh en 1971. Il a souligné que, si l'on totalisait les populations musulmanes du Pakistan, du Bangladesh et de l'Inde, 45 % des habitants du sous-continent étaient de confession musulmane.

Le Pakistan, qu'on peut analyser comme une « nation en formation », reste un État fragile qui subit de très fortes tensions, comme l'ont montré encore récemment les attentats qui ont visé notamment le quartier général de l'armée à Rawalpindi. Depuis 1979, et avec la prise de pouvoir par le général Zia et l'élimination de M. Ali Bhutto, le gouvernement militaire a imprimé au pays une tendance fondamentaliste et tenté de faire de cette version de l'Islam un facteur d'homogénéisation.

Ce pays fragile a bénéficié d'une aide importante du fait que, à l'époque de l'invasion de l'Afghanistan par les troupes de l'URSS, il était devenu la plate-forme de la résistance à cette invasion et aux gouvernements communistes de Kaboul. L'armée et ses services secrets (ISI) ont été dotés alors, par les Etats-Unis d'Amérique, des outils nécessaires pour organiser celle-ci. Cela a conduit d'abord à favoriser le Hezb-e-islam (HiG) de Hekmatyar Gulbuddin et à laisser intervenir une véritable légion étrangère sous l'impulsion d'Oussama Ben Laden, qui est devenu Al Qaïda par la suite, en 1998.

Le Pakistan aussi a été le principal soutien des taliban puis de leur régime après qu'ils ont eu pris le pouvoir à Kaboul, en 1994. Il est un des seuls pays, avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, à avoir reconnu ce régime.

Avec les attentats du 11 septembre 2001, le général Musharaf, qui avait renversé M. Sharif par un coup d'Etat militaire en 1999, a cherché à réorienter la politique du Pakistan contre le terrorisme. Les États-Unis lui ont donné les moyens de cette politique (12 milliards de dollars, dont une partie aurait été détournée vers d'autres buts).

Depuis 2008, le pays connaît une transition démocratique, avec l'arrivée au pouvoir du PPP (parti du peuple pakistanais de Mme Benazir Bhutto, puis de M. Asif Ali Zardari) et l'existence, jusqu'à présent, d'une opposition modérée de la Ligue musulmane. Le plan de lutte contre le terrorisme présenté par le président Zardari a été adopté à l'unanimité par le Parlement.

La délégation a pu rencontrer le premier ministre, M. Yousouf Raza Gilani, qui s'est en particulier élevé contre la notion d'AFPAK dont il conteste l'application à son pays, lequel est doté d'institutions démocratiques et d'une armée solide, ce qui ne permet en aucune façon de le comparer à l'Afghanistan.

L'entretien avec le général Kayani, chef d'état-major de l'armée de terre, a permis d'attirer l'attention de la délégation sur le fait que le rôle de l'armée devait être complété par celui de la police et de la justice dans les opérations militaires en cours et dans leurs suites judiciaires. Par ailleurs, le général Kayani a souligné que, compte tenu de la nécessité de maintenir l'essentiel de ses troupes sur la frontière orientale avec l'Inde, il ne pouvait déployer dans les opérations en cours qu'environ 130 000 hommes. Cela signifie que le Pakistan n'avait peut-être pas tous les moyens de la politique qui lui était demandée.

La délégation a également eu des entretiens avec le président du Sénat, le ministre de l'intérieur, M. Rehman Malik, le secrétaire d'État aux affaires étrangères et les présidents des commissions de la défense des deux Assemblées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion