a tout d'abord constaté la forte dégradation de la situation sécuritaire depuis la mission qu'avait effectuée la commission en 2006, en particulier au Pakistan.
La régionalisation est une des clés majeures de la solution de la question afghane. Il s'agit naturellement, comme l'ont souligné M. Jean-Pierre Chevènement et M. Didier Boulaud, du contexte régional entre l'Inde et le Pakistan mais aussi des relations de la Chine avec les trois intervenants principaux : Afghanistan, Inde et Pakistan.
La Chine est un acteur indirect majeur. Elle a, sur son territoire, une minorité musulmane ouïghoure qui s'oppose au pouvoir central. Par ailleurs, elle est directement concernée, comme les autres pays de la région, par la question de la drogue, non seulement d'un point de vue sanitaire mais, aussi, comme source de financement des mouvements extrémistes. La Chine est donc très consciente des risques que lui fait courir l'aggravation de la situation au cas où un régime fondamentaliste se réinstallerait à Kaboul.
Au cours des entretiens qu'une mission de la commission a eus récemment avec les ambassadeurs, représentants permanents chinois et russes, à l'ONU, ces derniers ont réaffirmé la nécessité du maintien des troupes de l'OTAN et des États-Unis en Afghanistan jusqu'à l'éradication de la menace des taliban.
Seul l'Iran n'a pas donné son opinion, mais il est directement impliqué dans la résolution de la question afghane à plusieurs titres. Il est, d'une part, l'allié traditionnel de la minorité chiite Hazara et avait soutenu l'alliance du Nord contre le régime taliban. Il est, par ailleurs, directement concerné par la question de la drogue dont la consommation dans le pays se développe de manière inquiétante. L'Iran accueille encore environ 2 millions de réfugiés afghans et entretient des relations économiques importantes avec ce pays. Enfin, les récents attentats au Baloutchistan iranien, qui ont visé les chefs locaux des pasdaran, ont vraisemblablement été préparés au Baloutchistan pakistanais par des organisations fondamentalistes.
L'ensemble des interlocuteurs de la mission ont souligné la nécessité d'impliquer l'Iran dans le règlement de la question afghane. Toutefois, l'opposition actuelle sur la question de la prolifération et du nucléaire militaire ne facilite pas cette inclusion.
Au-delà de ces Etats qui jouent un rôle central, il existe un second cercle composé du Tadjikistan, de l'Ouzbékistan et du Turkménistan qui sont directement concernés par les routes de la drogue et le financement qu'elle apporte aux mouvements extrémistes. La Russie, avec ses républiques islamistes du Caucase, est également directement concernée.
Ce serait une erreur de sous-estimer la contribution de l'Asie centrale au «front afghan » sur ces deux questions de lutte contre le terrorisme et contre la drogue.
Il n'y aura donc pas de solution durable de la question afghane sans une implication forte des pays de la région, principalement au niveau politique.
a indiqué que, en Afghanistan, la mission avait eu un entretien approfondi avec le général McChrystal, commandant de la FIAS (COMISAF). Dans son évaluation, celui-ci affirme que, si la situation est sérieuse et qu'elle s'est dégradée, la guerre n'est pas perdue pour peu que la coalition adopte une autre stratégie : celle de la contre-insurrection dont l'objectif est de gagner la population en assurant sa sécurité et en permettant le développement, l'établissement d'un État de droit et la mise à disposition de la population des services qu'elle est en droit d'attendre d'un État. Il s'agit donc, en particulier, de déployer des troupes, celles de la coalition et celle des forces nationales de sécurité afghane, là où la population est concentrée et de mettre en oeuvre une action civilo-militaire.
La stratégie contre-terroriste menée jusqu'à présent a montré ses limites et aboutit aujourd'hui à une impasse, notamment en raison de la multiplication des dommages collatéraux qui dressent la population contre la coalition et grossissent les rangs de l'insurrection.
L'afghanisation, tant au niveau des forces nationales de sécurité (armée et police) que des institutions et du gouvernement, est un processus clé pour que le pays puisse prendre en main son propre destin.
Le retrait de la coalition signerait son échec et permettrait le retour à court terme des taliban et de leurs alliés d'Al Qaïda.
Parmi les alternatives à la stratégie de contre-insurrection, celle proposée par le vice président Joe Biden, qui consiste en une diminution des effectifs et au recentrage de la lutte contre les seuls terroristes internationaux, n'est pas réaliste compte tenu de l'imbrication entre ces différents mouvements terroristes et les taliban.
L'option la plus vraisemblable est que le président Obama se ralliera à la proposition de mener une guerre de contre-insurrection faite par le général McChrystal mais qu'il est aujourd'hui très difficile de savoir s'il lui donnera satisfaction quant au niveau des troupes demandé.
a indiqué que les alliés, dans leur majorité, n'entendaient pas augmenter leur contingent mais qu'ils devaient faire porter leurs efforts sur l'aide civile au développement et à la reconstruction.
La tenue des élections présidentielles organisées par un régime corrompu et à l'autorité très limitée a donné un très mauvais signal à l'extérieur. La coalition sera-t-elle en mesure d'imposer au président Hamid Karzaï un gouvernement d'union nationale ? Il est indispensable d'exercer une tutelle rigoureuse sur le président Karzaï et son entourage afin de bâtir un État et une administration efficaces sans pour autant donner l'impression que ce gouvernement est manipulé par l'Occident, ce qui est une des thèses des taliban dans leur bataille de communication.
Si la stratégie proposée par le général McChrystal est la seul possible, elle doit s'appuyer sur une forte implication des voisins qui doivent participer à la garantie de la neutralisation de l'Afghanistan. La Chine et l'Iran doivent être associés et il est nécessaire de travailler activement à surmonter l'opposition entre l'Inde et le Pakistan.
Engagé dans une guerre civile, le régime pakistanais connaît sa minute de vérité et ne peut reculer faute de voir l'influence des taliban des zones tribales s'étendre à l'ensemble du pays et notamment au Pendjab.
Enfin, si une stratégie qui s'inspirerait de la politique menée par l'empire britannique paraît séduisante, le gouverneur Ghani n'a pas indiqué à la mission comment l'on pouvait empêcher les taliban d'exporter leur idéologie, d'accueillir les terroristes internationaux, non plus qu'il n'a proposé les voies et moyens d'une politique d'éradication de la drogue.
En conclusion, le président Josselin de Rohan, a souligné la complexité extrême de la situation à laquelle était confrontée la communauté internationale et régionale.