En tant que praticien, je m'attacherai à vous dire ce qui motive à souscrire un contrat d'assurance vie, et ce que nous faisons de l'épargne collectée. Je suis frappé de constater que, dans le débat public sur la fiscalité, l'assurance-vie apparaît bien souvent comme une variable d'ajustement. Or elle mérite mieux et les décisions fiscales peuvent avoir des effets très importants, qui peuvent s'éloigner de l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics.
Le cadre fiscal de l'assurance-vie est stable depuis 1998, ce qui nous laisse suffisamment de recul pour porter un jugement sur son efficacité. Ce cadre est censé favoriser l'épargne longue, puisque le prélèvement passe progressivement de 35 % en deçà de quatre ans, à 15 %, entre quatre et huit ans, et à 7,5 % au-delà de huit ans. Les chiffres montrent le succès de cette politique : l'encours des contrats d'assurance-vie est passé de 500 milliards d'euros en 1998 à 1 300 milliard aujourd'hui ; 15 millions de nos compatriotes détiennent un contrat, dans toutes les catégories socioprofessionnelles - la moitié des agriculteurs ont souscrit une assurance vie -, pour un encours moyen de 14 000 euros par contrat. En outre, il s'agit bien d'une épargne longue puisque les deux tiers des contrats datent de plus de huit ans et qu'un sur cinq dépasse même vingt ans. Avec l'assurance-vie, nos compatriotes ont donc trouvé un outil d'épargne de précaution, mais aussi un moyen de préparer leur retraite et de transmettre leur patrimoine dans les meilleures conditions possibles. Les fonds collectés sont allés prioritairement vers les entreprises : ainsi, 56 % des actifs des compagnies vie sont investis en actions ou obligations émises par des entreprises, dont 17 % - soit 285 milliards d'euros - en actions. Le solde a été prioritairement investi vers des obligations d'Etat, ce qui permet de financer la dette publique. L'Etat, de son côté, collecte en moyenne cinq milliards d'euros de prélèvements fiscaux et sociaux par an sur l'assurance vie.
On peut donc dire que l'assurance-vie a bien mis en relation l'épargne des ménages et les besoins de financement de l'économie. Cependant, l'hypothèse, annoncée depuis maintenant quelques semaines, de prélever un milliard d'euros supplémentaire sur les contrats d'assurance-vie inquiète les épargnants, de sorte que, depuis trois mois, nous constatons que l'encours a cessé de croître, pour la première fois depuis 1998. Cette perspective de pression fiscale plus forte vient au moment où les rendements de contrats d'assurance vie ont diminué, ce qui ajoute au découragement des épargnants.