Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 30 mars 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • assurance-vie
  • contributions
  • épargne

La réunion

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La commission procède tout d'abord à l'audition conjointe de MM. Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG), Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie, Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC), et Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale, en vue de la préparation du projet de loi de finances rectificative sur la fiscalité du patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pour cette table-ronde sur la réforme de la fiscalité du patrimoine, j'ai le plaisir d'accueillir MM. Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG), Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie, Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC) et Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale.

Messieurs, comment appréhendez-vous la réforme de la fiscalité du patrimoine, notamment à la lumière des premières pistes annoncées par le Gouvernement au cours du colloque organisé à Bercy le 3 mars ?

Quels doivent être les objectifs de la réforme, et son ampleur ? Quelles pistes retenir et quelles mesures écarter absolument ? Quel pourrait être 1'impact de cette réforme sur les produits d'épargne, et donc sur le financement de l'économie ?

Debut de section - Permalien
Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG)

L'AFG regroupe environ 500 sociétés de gestion, dont 200 auprès des banques et des assurances et 300 entrepreneuriales, qui représentent environ 13 000 emplois directs et 70 000 emplois indirects, dont le seul métier est de gérer l'épargne des particuliers et des institutions.

A grands traits, nous faisons le constat suivant : en pratique, la fiscalité du patrimoine est déjà modifiée chaque année, ce qui est d'ailleurs une contrainte certaine dans notre métier et pour les épargnants. Cependant, les changements ne paraissent pas obéir à une stratégie politique visant à guider des choix de collecte et d'usage de l'épargne mais semblent plutôt répondre à des besoins ponctuels de trésorerie de l'Etat. Pour notre part, nous serions enclins à proposer deux critères pour apprécier une politique publique de l'épargne : l'objectif de collecter une épargne longue et l'apport direct au financement des entreprises. Certains produits d'épargne sont mieux à même de remplir ces objectifs, en particulier ceux qui s'attachent à l'épargne salariale et l'épargne retraite, comme le plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco).

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous êtes favorable à ce que la loi dise aux gens comment ils doivent épargner, et pour quoi faire...

Debut de section - Permalien
Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG)

De fait, je crois que la fiscalité peut orienter l'épargne vers des finalités plus utiles que d'autres - on a parlé à ce propos « d'épargne fertile » et je crois utile de mettre en place une sorte de « clause de l'épargne la plus favorisée ». Ainsi, les investissements les plus productifs ne devraient pas être discriminés par rapport à l'immobilier par exemple, comme c'est le cas actuellement.

Debut de section - Permalien
Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie

En tant que praticien, je m'attacherai à vous dire ce qui motive à souscrire un contrat d'assurance vie, et ce que nous faisons de l'épargne collectée. Je suis frappé de constater que, dans le débat public sur la fiscalité, l'assurance-vie apparaît bien souvent comme une variable d'ajustement. Or elle mérite mieux et les décisions fiscales peuvent avoir des effets très importants, qui peuvent s'éloigner de l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics.

Le cadre fiscal de l'assurance-vie est stable depuis 1998, ce qui nous laisse suffisamment de recul pour porter un jugement sur son efficacité. Ce cadre est censé favoriser l'épargne longue, puisque le prélèvement passe progressivement de 35 % en deçà de quatre ans, à 15 %, entre quatre et huit ans, et à 7,5 % au-delà de huit ans. Les chiffres montrent le succès de cette politique : l'encours des contrats d'assurance-vie est passé de 500 milliards d'euros en 1998 à 1 300 milliard aujourd'hui ; 15 millions de nos compatriotes détiennent un contrat, dans toutes les catégories socioprofessionnelles - la moitié des agriculteurs ont souscrit une assurance vie -, pour un encours moyen de 14 000 euros par contrat. En outre, il s'agit bien d'une épargne longue puisque les deux tiers des contrats datent de plus de huit ans et qu'un sur cinq dépasse même vingt ans. Avec l'assurance-vie, nos compatriotes ont donc trouvé un outil d'épargne de précaution, mais aussi un moyen de préparer leur retraite et de transmettre leur patrimoine dans les meilleures conditions possibles. Les fonds collectés sont allés prioritairement vers les entreprises : ainsi, 56 % des actifs des compagnies vie sont investis en actions ou obligations émises par des entreprises, dont 17 % - soit 285 milliards d'euros - en actions. Le solde a été prioritairement investi vers des obligations d'Etat, ce qui permet de financer la dette publique. L'Etat, de son côté, collecte en moyenne cinq milliards d'euros de prélèvements fiscaux et sociaux par an sur l'assurance vie.

On peut donc dire que l'assurance-vie a bien mis en relation l'épargne des ménages et les besoins de financement de l'économie. Cependant, l'hypothèse, annoncée depuis maintenant quelques semaines, de prélever un milliard d'euros supplémentaire sur les contrats d'assurance-vie inquiète les épargnants, de sorte que, depuis trois mois, nous constatons que l'encours a cessé de croître, pour la première fois depuis 1998. Cette perspective de pression fiscale plus forte vient au moment où les rendements de contrats d'assurance vie ont diminué, ce qui ajoute au découragement des épargnants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il ne faudrait y toucher que d'une main tremblante...

Debut de section - Permalien
Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie

Sans même évoquer la délocalisation, ils peuvent être tentés par l'achat d'or, d'oeuvres d'art, ou encore par des placements immobiliers. Ce qui compte, c'est que, au-delà des assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) aujourd'hui visés, l'ensemble des souscripteurs à l'assurance-vie peuvent se décourager de fait de ce « message » d'instabilité, au détriment du financement de l'économie.

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

Mon point de vue sera orienté vers l'emploi, puisque l'investissement en capital va d'abord aux petites et moyennes entreprises (PME), qui sont, dans notre pays, la principale source de création d'emplois. Il faut prendre en compte la concurrence internationale, en particulier la situation de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, qui ont autorisé le visa pour l'installation d'entrepreneurs accompagnés de « business angels » et où l'impôt sur les sociétés est moindre que chez nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mais en Grande-Bretagne, les plus hauts revenus sont taxés à 50 %, jusqu'en 2013...

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

Les nouvelles règles prudentielles, ensuite, vont pénaliser l'apport direct de capital dans les entreprises par les banques et les compagnies d'assurance : elles apportaient traditionnellement la moitié du capital investissement, mais leur participation a chuté de 80 % entre 2008 et 2010. C'est un tournant majeur !

Le capital développement, par lequel un investisseur abonde directement les fonds propres d'une entreprise, est en constante augmentation, progressant de 20 % depuis 2006, alors que le capital risque est stable, à son niveau de 2007 et qu'il est abondé aux deux tiers par les particuliers, à travers notamment les fonds d'investissement de proximité (FIP) et les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), mais aussi la réduction d'impôt dite « ISF-PME ». Il est à noter que les capitaux drainés grâce à l'ISF-PME ont diminué dans notre activité, en raison de la différence de traitement fiscal entre nos fonds d'une part, et l'investissement direct ou au travers de holdings d'autre part.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'ISF-PME, de votre point de vue, ne représente donc qu'un avantage marginal ?

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

Oui, mais pour la raison que je viens de vous exposer.

Notre métier consiste donc à orienter de l'épargne longue vers les fonds propres des entreprises, et d'abord des PME. Nous serions favorables, du reste, à ce que tout avantage fiscal sur l'épargne ait une contrepartie en matière d'emploi, via, par exemple, la participation aux fonds propres des entreprises.

Les nouvelles règles prudentielles, qu'il s'agisse des normes bancaires dites « Bâle III » ou de la directive n° 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (dite « solvabilité II »), vont pénaliser durement l'investissement direct dans l'entreprise, il faut s'y préparer et nous faisons plusieurs propositions pour compenser cette restriction. En particulier, nous proposons de doter les contrats d'assurance-vie en unités de compte d'avantages nouveaux à l'entrée et de renforcer l'incitation Madelin pour les investissements orientés vers l'innovation.

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale

Le banquier est un intermédiaire entre les dépôts des clients et les besoins des entreprises, sans avoir prise sur la réglementation fiscale. Le contexte nous rend cependant très inquiets dans la mesure où le déficit public est très élevé, où notre fiscalité de l'épargne est déjà quatre fois plus lourde que celle de l'Allemagne et où l'évolution des règles prudentielles va bouleverser les conditions de financement des entreprises. En effet, les banques et les compagnies d'assurance, obligées d'adosser davantage leur participation, seront moins enclines à investir en actions. Pour que les banques participent davantage, la solution est peut-être à chercher du côté de la hausse des dépôts : pourquoi ne pas revenir à un mécanisme de plan d'épargne populaire (PEP) bancaire, comme nous en avions il y a quelques années ?

La politique publique en direction de l'épargne, ensuite, gagnerait à simplifier les nombreux dispositifs qui s'enchevêtrent aujourd'hui et qui rendent plus difficile notre activité de conseil auprès des particuliers.

Enfin, s'agissant des pistes qui ont été évoquées pour la réforme elle-même, je me contenterai d'indiquer que nous sommes défavorables à toute taxation de revenus latents, c'est-à-dire de revenus qui n'ont pas été encaissés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En vous écoutant les uns et les autres, j'ai d'abord eu le sentiment que vous nous demandiez de changer le moins possible la fiscalité de l'épargne, que vous étiez - ce qui est très rare - des professionnels heureux de l'environnement fiscal dans lequel ils évoluent ; mais vous nous dites aussi qu'il faudrait infléchir la structure de l'épargne, pour qu'elle soit plus longue, et qu'il faut l'orienter davantage vers les entreprises, en particulier vers les PME, ce que notre commission appelle de ses voeux depuis longtemps. Vous nous dites encore que les changements des règles prudentielles sont un véritable défi auquel nous devons nous adapter.

N'y a-t-il pas une contradiction entre votre souci de mieux orienter l'épargne vers les entreprises, et votre souhait de n'y faire participer ni l'épargne administrée ni l'assurance-vie ? Peut-on mieux servir les entreprises en fonds propres, sans rien toucher à la fiscalité de l'assurance-vie ? Nous devons réduire la dépense fiscale, d'au moins trois à quatre milliards par an si nous voulons respecter les dispositions de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui ne représentent d'ailleurs que le minimum des efforts à consentir. Pensez-vous raisonnablement qu'on y arriverait sans rien changer à la fiscalité de l'assurance-vie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La fiscalité est-elle déterminante dans le choix d'un contrat d'assurance-vie ?

Debut de section - Permalien
Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie

Certainement, avec les performances du produit lui-même.

Debut de section - Permalien
Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG)

La détermination du taux d'imposition relève naturellement du Parlement ; nous nous sommes contentés de dire que la fiscalité pourrait différencier l'épargne longue et l'épargne courte, ainsi que l'usage qui en est fait.

Ensuite, je souhaite préciser le propos de M. Schricke : la part de l'ISF-PME captée par les fonds d'investissement est passée de 320 millions d'euros à 259 millions d'euros de 2009 à 2010 parce que la fiscalité a mieux traité l'investissement direct dans l'entreprise, mais la différence de traitement a disparu dans la dernière loi de finances ; nous verrons cette année quelle est l'évolution de la répartition de ces capitaux.

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

Certains des dispositifs que nous proposons ne coûteraient rien à l'Etat puisqu'il s'agirait d'encourager l'orientation de l'épargne collectée vers les fonds propres des entreprises de manière réglementaire, sans toucher à la fiscalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. le président, au sein du comité de suivi du plan de financement de l'économie française, nous avons constaté l'insuffisance du crédit octroyé aux entreprises. Nous avons réagi en faisant adopter, dans le cadre de la loi de régulation bancaire et financière, un dispositif imposant aux établissements de crédit de consacrer au moins les trois quarts de l'augmentation de leur encours sur livrets A ou sur livrets de développement durable (LDD) non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à des prêts aux PME ou à des prêts d'économies d'énergie. Alors que cette initiative avait, à l'origine, suscité des réserves de la part du Gouvernement, ses mérites ont été soulignés, depuis lors, par le Président de la République.

Mais, s'agissant de l'investissement en fonds propres, on évoque de l'épargne collectée sur livrets par le système bancaire. Est-on certain que des contreparties sous forme de fonds propres ne tomberaient pas sous le coup de la nouvelle réglementation prudentielle ?

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale

Effectivement, les banques ne peuvent pas s'engager dans cette voie si un tel dispositif vient à modifier leur bilan, l'équilibre entre actif et passif.

Notre fiscalité, cela dit, est loin d'être incohérente puisqu'elle privilégie l'épargne longue en actions plutôt que l'épargne courte, à l'exception du livret A. En revanche, la Cour des comptes l'a souligné concernant le plan d'épargne en actions, pourquoi réunir des titres cotés, qui sont plus liquides, et des titres non cotés dans les mêmes catégories fiscales ? Il faudrait davantage inciter au risque ; prévoir plus d'incitations pour les titres non cotés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Un vrai sujet ! De toute façon, le financement des PME ne dépend pas seulement de l'orientation de l'épargne ; il serait plus facile si les conditions de rentabilité des PME étaient mieux assurées.

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale

Aujourd'hui, vendre une action directement à un client est presque une mission impossible. Il faut réhabiliter la confiance dans l'action et accompagner cette reconquête ; cela peut passer par la fiscalité.

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

Permettez-moi d'avancer une proposition à laquelle nous réfléchissons avec Oseo : la mise en place d'un mécanisme de garantie mutuelle, adossé à un fonds de garantie qui pourrait être géré par Oseo. Dans un contexte où l'on demande aux banques et assurances de renforcer leur ratio de solvabilité et, donc, de disposer davantage de fonds propres et de répondre à des exigences de rentabilité plus fortes, ce serait un moyen significatif de réduire le risque, pourvu que les montants mobilisés dans un premier temps soient suffisants - il y aurait un effet levier entre le montant initialement mobilisé et les montants garantis. A long terme, cela conduirait l'Autorité de contrôle prudentiel à diminuer ses exigences en matière de fonds propres vis-à-vis des banques et des compagnies d'assurances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En bref, un système analogue à celui de Sofaris qu'a repris Oseo. Dans ce cas, il faudrait renforcer les fonds propres d'Oseo.

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

En ce qui concerne l'innovation, la Banque européenne d'investissement est prête à mobiliser des capitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour faire quelque chose de significatif, est-ce une affaire de centaines de millions d'euros ou plutôt de milliards ?

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

Pour la dotation initiale, je considère que nous parlons en centaine de millions d'euros...

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

qui auront un impact économique se chiffrant, lui, en milliards d'euros.

Debut de section - Permalien
Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG)

C'est une très bonne piste qui, me semble-t-il, ne nécessitera pas une intervention législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Nous tombons dans le surréalisme à la française : il faut adapter la fiscalité à la longévité du portage des titres, mais quid du livret A ? On doit supprimer l'ISF pour éviter une fuite des capitaux et le conserver afin de garder des capitaux disponibles pour les PME... Après ce commentaire, deux questions. A quoi correspond le chiffre de 17 % d'actions dans le bilan de l'assurance-vie ? Est-ce un ratio réglementaire, législatif, corporatif ? Pourquoi ne pas le porter à 25 % pour financer réellement l'économie ? Ensuite, pourquoi les banques ont-elles manifestement orienté l'épargne vers les comptes d'épargne bloqués plutôt que vers l'épargne à long terme ? Est-ce de la paresse ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous abordons la réforme de la fiscalité du patrimoine avec deux préoccupations : le système actuel est injuste, l'État doit trouver de nouvelles recettes pour compenser une partie d'un déficit en constante augmentation. A vous entendre - je partage l'agacement du rapporteur général -, il faudrait ne rien changer... Et la crise ? N'a-t-elle pas montré qu'il y avait eu des excès bancaires ? Nous avons maintenant une coresponsabilité. J'aurais aimé vous entendre faire des préconisations plus offensives. Comment alimenter la croissance par les flux d'épargne ? Quelles incitations créer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Que pensez-vous d'une imposition complémentaire sur l'assurance-vie à partir d'un certain seuil de montant de contrat d'assurance-vie ? Actuellement, la courbe de l'imposition est en forme de cloche...

Debut de section - Permalien
Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie

Mon propos était de montrer que l'assurance-vie n'a pas à rougir de son bilan, non d'affirmer qu'il ne faut rien changer. La fiscalité devrait favoriser l'investissement à long terme et en actions. L'assurance-vie est en ligne avec ces objectifs généraux ; certes, on peut toujours améliorer un dispositif, mais la stabilité fiscale est importante pour les épargnants.

Monsieur Fourcade, concernant la part des actions dans nos bilans, nos clients ont deux façons d'acheter des actions dans le cadre de l'assurance-vie : soit directement via les unités de comptes, soit indirectement via les fonds en euros, lesquels sont composés d'actions, d'obligations et d'immobilier - de moins à moins, à vrai dire. Les futures règles de solvabilité pénalisent les actions dans les fonds en euros. Le mouvement n'est pas complètement engagé : actuellement, chez Groupama Gan Vie, la part des actions représente 16 %, à laquelle il faut ajouter 6 % d'unités de compte, soit 22 %. « Solvabilité II », même si tout n'est pas joué, risque de réduire la part en actions. C'est extrêmement regrettable pour notre économie, qui a besoin d'être financée, et pour nos assurés, pour lesquels la diversification des placements est essentielle. Nous incitons donc nos clients à détenir davantage d'actions directement via les unités de compte. Cela n'est pas simple, comme le rappelait M. Suet, car acheter une action, c'est prendre un risque.

Un prélèvement complémentaire sur l'assurance-vie pour les personnes qui resteront assujetties à l'ISF ? D'abord, pourquoi viser l'assurance-vie en particulier, et non toute l'épargne ? Ensuite, attention aux effets de seuil : prenons un taux de 0,25 % au titre du patrimoine, une personne qui aurait son patrimoine de 1,3 million d'euros placé en assurance-vie devrait payer 10 000 euros pour un euro de plus. Ce n'est pas très raisonnable...

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale

Monsieur Fourcade, les banques ont privilégié les comptes d'épargne bloqués, d'une part, en raison des taux d'intérêt à court terme qui ont rendu les placements sur les sociétés d'investissement à capital variable (Sicav) monétaires extrêmement peu rentables, d'autre part, à cause de la situation des liquidités et des prévisions qui ont conduit les banques à mieux rémunérer les dépôts. Cette tendance ne signifie pas que le reste ait été abandonné ; nous faisons des propositions en fonction du profil du client. Les placements en actions à long terme sont effectivement les plus rentables, mais encore faut-il en convaincre nos clients. Ne rien changer ? Non, nous devons accompagner l'évolution en gardant à l'esprit que les épargnants ont la mémoire longue - la stabilité est essentielle pour eux - et en évitant les effets de seuil.

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

Des préconisations offensives ? Il faut privilégier l'innovation, qui est la chance de la France dans la compétition mondiale, et bâtir un fonds de garantie mutuelle. A long terme, celui-ci serait relativement peu coûteux ; le risque étant mutualisé, il serait faible. Nous avons juste besoin d'une aide pour le créer ; on pourrait d'ailleurs imaginer un effort public, mais aussi un effort collectif du secteur.

Debut de section - Permalien
Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG)

Je soutiens la proposition d'Hervé Schricke : il faut créer un fonds de garantie et une clause de l'épargne la plus favorisée. Le principe de base serait que toute épargne est soumise à un prélèvement forfaitaire libératoire qui diminuerait en fonction de la durée de l'épargne - épargne à moyen terme et raisonnablement en actions ; épargne à long terme et fortement en actions via les plans d'épargne en actions, les plans d'épargne entreprise et les plans d'épargne pour la retraite collectif. Pour les petits épargnants, il faudrait prévoir une franchise. Voilà, me semble-t-il, le chemin sur lequel nous devons nous engager.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Envisagerions-nous la fiscalité du patrimoine sous le même angle si nous n'étions pas rongés par la dette et le déficit ? Dans un autre contexte, quelle fiscalité envisager ?

Enfin, le « marronnier » du financement des PME... Le problème est réel, je le sais pour avoir été à la tête d'une PME. Néanmoins, beaucoup de choses ont été faites. Y a-t-il une réelle appétence des PME pour se développer ? Les financeurs ne sont-ils pas, tel Soubise cherchant son armée à la lueur de sa lanterne, à la recherche d'entreprises candidates au développement à l'instar de leur homologues allemandes ?

Debut de section - Permalien
Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC)

Dans l'industrie, il y a encore des efforts à fournir pour expliquer le mérite des fonds propres. Le capital développement est en croissance forte, il y a un souhait de dynamisation. La vocation de notre métier est aussi d'aider à la croissance. Les entreprises en ont-elle envie ?, demandez-vous. Je répondrai : l'offre est-elle suffisamment attractive et abondante pour qu'elles en aient envie ?

Debut de section - Permalien
Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG)

Le monde nouveau vers lequel nous allons sera caractérisé par une économie de chocs, non plus par une croissance régulière de 3 % par an. Dans ce monde plus incertain, les entreprises devront être mieux capitalisées. Or les banques, avec « Bâle III », leur prêteront moins facilement de l'argent ; elles ne pourront plus utiliser leur pouvoir de transformation des dépôts. Le marché, plus que les banques et les assureurs, sera appelé à financer l'économie, sur le modèle américain. La logique serait donc de construire une fiscalité favorable à l'action. On ne peut pas continuer à s'en remettre aux fonds souverains chinois et aux pouvoirs publics. L'épargne française est abondante, sans être excessive - elle n'est pas supérieure à l'épargne allemande. Pour la rendre utile, la cohérence voudrait de « mettre le paquet » sur le financement direct par le marché, les actions.

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale

Relativisons : l'an dernier, sur un encours de crédits aux entreprises de 760 milliards d'euros, un tiers a été dirigé vers les PME, soit une augmentation de 4,5 %. A ce stade, le financement de l'économie ne pose pas de difficultés majeures. Nous avons besoin de 100 à 200 milliards d'euros en fonds propres pour basculer vers le monde nouveau quand l'assurance-vie représente 1 400 milliards d'euros. Il faut déplacer les flux de financement, mais les grands équilibres resteront inchangés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Puis la commission entend une communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur les contributions financières de la France aux organisations internationales.

Dans mon rapport d'octobre 2007, je mettais en exergue l'écart significatif entre les sommes destinées au financement des organisations internationales inscrites au budget et la dépense réelle de l'État. Cet écart, rappelions-nous à M. Josse, directeur du budget, et à M. Driencourt, alors secrétaire adjoint du Quai d'Orsay lors de leur audition, le 26 septembre 2007, commandait un retour au principe de sincérité budgétaire. J'ai eu envie de poursuivre ce premier travail sur la qualité de l'information donnée au Parlement. Durant près de deux ans, j'ai effectué un contrôle dans nos représentations permanentes et les organisations internationales : l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à Paris ; l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à Bruxelles ; l'Organisation internationale du travail (OIT), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds mondial contre le sida à Genève ; le Conseil de l'Europe à Strasbourg ; et, enfin, l'Organisation des Nations Unies (ONU) à New York. Récemment, je me suis également déplacé à Londres, songeant qu'il y avait peut-être matière à tirer quelques enseignements de l'exemple britannique.

Pour commencer, quelques chiffres. Rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », je me suis principalement intéressé aux contributions obligatoires, soit la quote-part du budget général des organisations internationales que la France doit acquitter en sa qualité de membre. En loi de finances pour 2011, leur estimation était de 842,5 millions, dont 560 millions pour l'ONU et les opérations de maintien de la paix (OMP) et des contributions de plus de 10 millions pour une douzaine d'organisations telles que l'OTAN, l'OCDE, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'OMS ou encore l'OIT. Au total, ces contributions représentent désormais près de la moitié des crédits du programme 105, le grand programme politique du Quai d'Orsay. A périmètre constant, l'analyse des contributions obligatoires de 2005 à 2010 fait apparaître une augmentation de 31 % de celles-ci, soit une progression moyenne de 5,6 % par an, et une réduction de l'écart entre la prévision et l'exécution au fil des ans. Notre commission y est sans doute pour quelque chose... Dans la loi de finances pour 2011, il a été ainsi tenu compte de l'évolution du taux de change entre l'euro et le dollar. Dans le détail, on observe que le budget des contributions, en augmentation de 2,2 % par an, a été relativement maîtrisé, contrairement à celui des OMP qui a progressé de 10 % par an. En bref, la forte augmentation des contributions obligatoires s'explique par la progression des OMP et une plus grande sincérité budgétaire. Le Gouvernement ne se voile plus les yeux en loi de finances initiale pour augmenter le déficit en loi de finances rectificative. Compte tenu de l'importance de ces contributions, j'ai voulu me pencher sur la gestion interne de ces organisations, l'adéquation des quotes-parts de la France ainsi que l'action du Quai d'Orsay et de nos représentations permanentes auprès de ces organisations - au reste, la seule compétence qu'accorde la LOLF au rapporteur spécial.

Lors de mes déplacements, j'ai constaté, malgré la diversité des situations de ces organisations, le développement d'une culture de bonne gestion. Le contexte y est favorable : les États, contraints de réaliser d'importants efforts de maîtrise des dépenses, attendent de la part des organisations qu'ils financent la même rigueur dans la gestion. Autre facteur, la hausse des contributions volontaires dans le budget total - la France se distingue d'ailleurs des autres États sur ce point, nous y reviendrons - qui conduit les donateurs à exiger davantage de « retour sur investissement ». A l'OMS, ces contributions représentent désormais 80 % du budget, contre 20 % il y a vingt-cinq ans. Résultat, les organisations recourent de plus en plus à des maquettes proches de nos projets annuels de performance : chaque budget est assorti d'objectifs précis et d'indicateurs de performance. Par exemple, l'OMS, dans son budget pour la période 2010-2012 décline treize objectifs. Cette organisation suit un processus budgétaire assez représentatif. Deux ans avant l'adoption du budget, l'administration centrale élabore un avant-projet qu'elle transmet à ses six comités régionaux ; en fonction des retours de ces derniers, la direction en charge du budget revoit sa copie - je l'ai constaté sur le terrain -, puis la transmet au Conseil exécutif, composé de trente-quatre états membres désignés par leurs pairs. Une fois passée cette première année, l'administration, en tenant compte des observations du Conseil exécutif, met au point un projet de budget définitif ; celui-ci est soumis à l'Assemblée des États au sein de laquelle le consensus est de mise. Le budget est donc une création commune de l'administration centrale, des comités régionaux - les services de terrain - et des États-membres. Lorsque vient le temps de la clôture des comptes et de leur soumission à des certificateurs externes, chaque État membre reçoit un rapport, comparable à nos rapports annuels de performance, qui retrace l'exécution budgétaire et le suivi des objectifs.

Les structures de contrôle des organisations internationales apparaissent généralement robustes. Prenons le cas de l'OIT : elle est dotée d'un auditeur interne indépendant qui bénéficie d'un réel pouvoir - entre autres, il a un accès direct au conseil d'administration - et, en fonction de son analyse des risques, contrôle, chaque année, 10 % des structures de l'organisation. En sus, un auditeur externe intervient. Son rôle est davantage de vérifier la régularité des opérations et l'exactitude des comptes. Il s'agit généralement d'une « Cour des comptes » nationale, voire de plusieurs. En l'espèce, l'OIT avait confié son mandat à la Vérificatrice générale du Canada. Sous l'impulsion de son ancien Premier président Philippe Séguin, notre Cour des comptes joue un rôle croissant en ce domaine. La Cour a exercé jusqu'à onze mandats, elle en a huit actuellement ; le rapport sur l'OMC, que M. Séguin était venu présenter lui-même, avait été très apprécié à Genève ! Les suites données à ces conclusions, qu'elles émanent de l'audit interne ou de contrôleurs externes, dépendent de la pression que les États membres exercent ou non sur le secrétariat...

Ce cadre commun masque une diversité réelle entre les organisations. Plus le nombre d'États membres est élevé, plus on observe une absence de corrélation entre le poids politique de chaque État et sa responsabilité financière - je reviendrai sur l'exemple emblématique de l'ONU.

Plus le poids des contributions volontaires dans le budget global est élevé, plus les organisations se plient, sous la pression des contributeurs, à la rigueur gestionnaire. Enfin, la culture économique de certaines organisations, par exemple l'OMC, les incite à la rigueur.

Certaines organisations font face à des coûts particuliers : la construction de nouveaux sièges, pour l'OTAN ou l'OMC, ce qui me semble d'ailleurs correspondre à des besoins réels ; les règles de rémunération des organisations dites coordonnées, très favorables au personnel car l'évolution des rémunérations est notamment indexée sur l'inflation ; enfin, la croissance de l'activité, qui devrait, par exemple, conduire la Cour européenne des droits de l'homme à recruter soixante-quinze nouveaux juristes par an de 2010 à 2012, ce qui pèse sur les finances du Conseil de l'Europe dont la Cour fait partie.

J'en arrive à l'ONU. Je ne sais si cette organisation est un « machin », mais c'est, en tout cas, une grosse machine ! Le monde entier ou presque y est représenté, selon la règle : un pays, une voix. L'organigramme est fort complexe, avec 44 000 fonctionnaires répartis dans de nombreux pays et de nombreuses directions.

Le processus budgétaire est très rigide et doit aboutir à un consensus. J'ai été frappé, lors du lancement de la négociation des quotes-parts pour 2010-2011, par le « choc » des pétitions de principe. Mes entretiens avec divers représentants permanents m'ont confirmé la diversité des points de vue ainsi que le poids du « Groupe des 77 et de la Chine » (G77), qui regroupe les pays en développement, plus la Chine. Ces derniers payent très peu tout en demandant beaucoup à l'ONU ; toutefois, il faut souligner que nombre d'entre eux contribuent d'une autre façon aux charges de l'organisation, par exemple en fournissant des troupes aux OMP.

D'un autre côté, les États-Unis tiennent farouchement au plafonnement de leur quote-part à 22 % - alors qu'ils représentent 26 % à 27 % de l'économie mondiale. Les Européens et le Japon sont donc les « banquiers » du système. Ainsi, les pays de l'Union européenne, qui représentent environ 30 % du PIB mondial, financent l'ONU à hauteur de 40 %. Français et Britanniques payent de surcroît une prime liée à leur statut de membre permanent du Conseil de sécurité. Nos intérêts convergent donc pleinement avec ceux du Royaume-Uni. En revanche, l'Allemagne, qui souhaite obtenir un siège de membre permanent, est plus réceptive aux demandes du G77...

Le contrôle de la gestion existe à l'ONU ; il est même pléthorique : bureau des services de contrôle interne, comité des opérations d'audit, corps commun d'inspection, comité consultatif indépendant pour les questions d'audit... Au risque, à empiler ainsi les structures, de diluer la responsabilité de chacun.

Comment notre administration gère-t-elle ces contraintes et comment essaie-t-elle de maîtriser l'évolution de cette dépense ?

Je salue le souci de rigueur du ministère des affaires étrangères, lui-même soumis à une forte contrainte budgétaire. Notre action, les messages que nous adressons aux organisations internationales sont cohérents. La France est identifiée comme un État soucieux de rigueur budgétaire et de retour sur investissement. J'ai constaté que nous nous efforcions de faire partager cette vision, notamment à nos partenaires européens. Nous nous cherchons des alliés afin de maîtriser la dépense.

Cependant, cette action se heurte à une réalité parfois déplaisante. Le poids de certaines structures, comme l'ONU ou l'OTAN, freine les efforts de rationalisation. D'autre part, nous ne comptons pas toujours beaucoup d'alliés, a fortiori dans les grandes organisations. Enfin, la France concentre son action multilatérale sur le Fonds européen de développement (FED), avec 804 millions d'euros en 2011, et le Fonds mondial contre le SIDA, avec 300 millions. Nos contributions volontaires autres sont très faibles : 48,9 millions pour l'ensemble du système des Nations-Unies, moins que la Suède. Ce n'est pas un facteur d'influence... Cette faiblesse m'a été maintes fois soulignée, tant par les organisations que par nos postes et par le Quai d'Orsay.

Au vu de ce panorama, j'espère que vous comprenez pourquoi je m'oppose chaque année aux amendements diminuant la ligne des organisations internationales au motif qu'il « n'y a qu'à » payer moins... Il s'agit d'une illusion, car les moyens d'actions du ministère sur ces dépenses sont contraints.

Il y a tout de même des marges de progression. Ainsi, j'estime que nous devons, certes, payer notre part, mais seulement notre juste part du budget des organisations. De plus, s'agissant des contributions volontaires, il faut mesurer l'adéquation de nos financements à nos objectifs afin de permettre au Parlement de trancher en connaissance de cause. Enfin, nous devons faire en sorte de renforcer les contrôleurs des organisations internationales. Je vais vous détailler chacune de ces « têtes de chapitres ».

Au préalable, je soulignerai simplement qu'une certaine inefficience d'organisations telles que l'ONU est inévitable. Malgré tout, nous devons garder en mémoire que la France bénéficie globalement du multilatéralisme, en termes d'influence politique, mais aussi en termes financiers : les OMP, dont nous sommes l'un des premiers prescripteurs au Conseil de sécurité, coûtent moins cher qu'un déploiement équivalent de soldats français !

Mais, comme je l'ai indiqué, nous n'avons pas à payer plus que notre juste part du fardeau. Il nous faut, d'une part, maintenir la pression sur les administrations des organisations internationales de sorte qu'elles « tiennent » leur budget, et, d'autre part, trouver des alliés pour les négociations sur les quotes-parts. Ce ne sera pas simple... mais nous y arriverons peut-être à condition d'agir au niveau politique - et pas seulement technique -, et d'agir en amont, avant que le G77 n'ait arrêté sa position. À nous de convaincre certains pays francophones que les grands pays émergents doivent payer davantage ; nos amis britanniques pourraient faire passer le message au sein du Commonwealth...

Enfin, la France devra veiller à la renégociation de la rémunération des personnels des organisations coordonnées. Pourquoi le traitement des fonctionnaires de certaines organisations internationales serait-il indexé sur l'inflation ?

La concentration de nos contributions volontaires sur deux fonds traduit un vrai choix. Du reste, le Fonds mondial fait preuve d'une grande rigueur et d'une réelle transparence. Néanmoins, au vu de ses conséquences en termes d'influence de notre pays dans le monde, ce choix gagnerait à être débattu devant le Parlement, comme l'a d'ailleurs suggéré notre collègue Yvon Collin, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement ». Un tel débat devrait être préparé avec soin pour éviter tout clientélisme. Nous pourrions nous inspirer de l'exemple britannique : à l'issue d'un contrôle de plus d'un an, le ministère britannique du développement vient de rendre public un rapport sur l'efficacité des sommes engagées dans les diverses organisations internationales, et a proposé à la Chambre des communes, selon les cas, d'augmenter, de stabiliser, de diminuer, voire de supprimer ces lignes budgétaires.

Enfin, en matière de contrôle, il faudrait promouvoir la candidature de la Cour des comptes auprès d'organisations internationales, ainsi que celle d'autres Cours qui s'attachent à l'optimisation de la gestion. L'allongement du mandat des auditeurs externes à six ans renforcerait le poids des contrôleurs. De manière générale, il faut faire pression sur les organisations internationales pour que les recommandations des contrôleurs soient suivies d'effets.

L'implication du Parlement national apporte une véritable valeur ajoutée, en confortant le Gouvernement dans son message de rigueur : celui-ci peut faire valoir qu'il subit la pression de son Parlement ! Nous devons nous approprier ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je félicite et remercie Adrien Gouteyron, dont la largeur de vue honore notre commission.

Peut-on dire que les priorités politiques de la France et les contributions versées aux organisations internationales ainsi que leur contrôle sont en totale cohérence ? Faisons-nous de nos contributions un levier pour défendre nos positions ?

Dans le contexte actuel, je me félicite que les organisations internationales se plient à une plus grande rigueur de gestion. Nos représentations permanentes auprès de ces organisations internationales ont-elle le même souci de rigueur que les postes diplomatiques classiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Difficile de répondre à votre première question. Il me semble que, plus nous sommes rigoureux et présents dans le contrôle de gestion, plus notre influence peut être grande, d'autant que cette préoccupation est largement partagée.

Le multilatéralisme, qui « mange » l'essentiel des crédits du programme 105, a ses avantages. Mais, du fait de l'importance des contributions obligatoires et du choix fait en faveur de deux fonds, nos contributions volontaires sont très faibles dans la plupart des organisations, ce qui nous prive de leviers d'action, comme on me l'a souligné à maintes reprises, notamment à l'OMS. Le questionnement sur l'affectation des moyens doit être permanent.

La nature de mon contrôle, qui portait sur nos contributions elles-mêmes, ne me permet pas de répondre sur la gestion de nos représentations permanentes. J'ai toutefois pu mesurer la qualité et l'implication des fonctionnaires de notre représentation auprès de l'ONU engagés dans la négociation budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

À mon tour de féliciter Adrien Gouteyron pour son excellent rapport, sur un sujet touffu et difficile. Il met le doigt sur la nécessité de renforcer le contrôle. La France, qui a un savoir-faire en la matière, doit exiger une meilleure traçabilité des aides.

Il me paraît naturel que chaque État contribue à la hauteur de ses moyens. À la France d'agir pour que l'équilibre soit rétabli. Enfin, en matière de développement, si le multilatéralisme a des vertus, l'aide bilatérale fait sans doute mieux apparaître l'implication de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

J'ai écouté avec passion le rapporteur spécial. Travaillant actuellement à un rapport sur le Conseil de l'Europe, j'ai rencontré les mêmes satisfactions et les mêmes questions que lui.

Une observation : il est structurellement difficile de budgéter les OMP, comme les opérations extérieures (Opex) au plan national, qui sont par nature imprévisibles.

Il est difficile de faire la synthèse de la mouvance du multilatéralisme et de la faire appréhender par le Quai d'Orsay. Il faut pourchasser les doubles emplois : il est absurde de financer les mêmes réflexions, les mêmes opérations, à travers l'UEO, l'OTAN et l'OSCE !

Le ministère des affaires étrangères ne propose pas d'interlocuteur unique sur le Conseil de l'Europe : j'ai été renvoyé soit à la direction des droits de l'homme, soit aux Affaires européennes. Le Quai d'Orsay a du mal à faire la synthèse, ce qui peut expliquer le manque de cohérence dans les décisions...

Votre rapport cite le Conseil de l'Europe parmi les organisations intergouvernementales, mais celui-ci ne figure pas dans le tableau des financements que montrait une de vos diapositives. Est-ce une omission, ou la traduction des documents budgétaires du Quai d'Orsay ? Vous disiez pourtant que la dotation du Conseil était largement entamée par les crédits nécessaires à la Cour européenne des droits de l'homme...

Il faut une unicité de l'autorité française. Les experts français dans les organisations internationales n'ont pas d'instructions, et ne rendent pas de comptes ; les représentations permanentes en ignorent parfois la présence ! Il faut « resserrer les boulons » et s'assurer du fait que le message est univoque.

Il faut se servir de ces organisations, les utiliser correctement, à commencer par celles dont le siège est en France.

L'Union européenne n'est pas une organisation intergouvernementale, mais le décideur reste le même, et les dotations à l'Union européenne et au Conseil de l'Europe peuvent faire double emploi : c'est le cas avec la création à Vienne de l'Agence européenne des droits fondamentaux, avec un budget de 20 millions d'euros par an, contre 17 millions d'euros pour l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ! Les autorités françaises étaient contre, afin de préserver les compétences du Conseil de l'Europe. Le manque de cohérence est flagrant. Au Parlement de pousser vers plus de rationalité, de sagesse, de rigueur, et d'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Vous allez dans mon sens, et mettez l'accent sur des difficultés particulières. Je ne sais pourquoi le Conseil de l'Europe ne figure pas dans le tableau des financements de ma diapositive... Sans doute est-ce une omission.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Peut-être est-ce un signe de la difficulté qu'a le Quai d'Orsay à situer certaines organisations !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis d'accord avec vous sur les doublons, le manque de cohérence, la place des experts. L'Union européenne n'entrait pas dans le champ de mon rapport, mais connaît les mêmes problèmes de limites.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis favorable à ce que nous travaillions ensemble sur ces sujets.

Les OMP, imprévisibles par nature, sont en effet difficiles à budgéter. Quand le Conseil de sécurité prend la décision d'engager une OMP, a-t-il à l'esprit le coût prévisible de l'opération ? Une déclaration du 5 août 2009 du président du Conseil de sécurité va toutefois dans notre sens : il dit souhaiter développer, au sein du Conseil, la sensibilisation aux incidences de ses décisions sur les ressources et l'appui aux missions, et demande qu'une estimation de ces incidences soit communiquée au Conseil. C'est un début.

Yvon Collin a insisté sur la nécessité de mieux contrôler. Il faudra agir ensemble, monsieur le rapporteur spécial.

Je craignais que les organisations internationales se montrent peu réceptives à mes investigations, mais elles se sont montrées compréhensives ; elles apprécient que les parlementaires français s'intéressent à leurs activités. Notre pays a tout intérêt à développer une action parlementaire forte dans cette direction.

Enfin, la commission désigne M. Adrien Gouteyron en qualité de rapporteur sur le projet de loi n° 359 (2010-2011) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises, relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ainsi que sur le projet de loi n° 360 (2010-2011) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Cook relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.