Intervention de Robert Durdilly

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 30 juin 2010 : 1ère réunion
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Audition de M. Robert duRdilly président de l'union française de l'électricité

Robert Durdilly, président de l'Union française d'électricité :

L'Union française de l'électricité (UFE) rassemble les producteurs, vendeurs et distributeurs d'électricité : EDF bien sûr, mais aussi GDF-Suez, Poweo, des entreprises locales, ainsi qu'Électricité réseau distribution France (ERDF) et Réseau de transport d'électricité (RTE). Il faut faire évoluer notre législation pour favoriser la concurrence. L'UFE y réfléchit depuis deux ans : elle a participé aux travaux de la commission Champsaur et à l'étude de MM. Bruno Sido et Serge Poignant sur l'électricité de pointe.

Considérons d'abord le modèle de concurrence. Nous avons cherché à décomposer le prix de l'électricité pour une PME moyenne, dont la facture s'élève à un million d'euros par an environ. A la fourniture proprement dite, il faut ajouter l'acheminement, la charge de service public de l'électricité (CSPE), diverses taxes locales et la TVA. Le projet de loi NOME se concentre sur le prix de la fourniture, qui correspond pour 65 % au prix de l'énergie, pour 28 % à celui de la puissance et pour 7 % au coût de la commercialisation. On voit donc que, si la concurrence ne joue qu'au niveau de la commercialisation, elle n'aura d'effet que sur une faible part du prix acquitté par le consommateur.

Il faut donc passer d'une concurrence purement commerciale à une concurrence industrielle, portant non seulement sur l'énergie, mais aussi sur la puissance - car mettre à disposition une puissance a un coût -, la maîtrise de la puissance appelée et de l'énergie et la valorisation des effacements. Une concurrence industrielle suppose la coexistence de plusieurs producteurs dotés de moyens de production variés et d'un ensemble de clients, capables de tirer parti au mieux de leur parc de production par rapport à leur clientèle : un fournisseur qui paie très cher la puissance de pointe peut envoyer un signal-prix à ses clients pour qu'ils adaptent leur consommation.

Une double exigence s'impose à tout système d'électricité : l'équilibre de la consommation et celui de la puissance, assuré aujourd'hui par RTE. Or les exemples européens montrent qu'en l'absence de régulation, l'équilibre de la puissance est mal garanti dans un système concurrentiel. En France, le prix reflète de plus en plus mal le coût de la puissance : il y a donc moins de capacités d'effacement aujourd'hui qu'il y a quelques années. Quant aux bourses d'électricité, elles prennent en compte l'énergie, non la puissance. Or les équipements nécessaires pour produire de l'électricité de pointe coûtent cher ; si le prix est seulement évalué en fonction de l'énergie fournie, il doit être très élevé, de l'ordre de 20 000 euros par mégawatt-heure, pour que les investissements soient amortis.

La loi NOME doit être l'occasion de fixer un nouveau cadre concurrentiel et de garantir la sécurité électrique. Comme aux Etats-Unis, les producteurs qui commercialisent de l'électricité en France devront prouver qu'ils sont capables de mettre à disposition la puissance appelée par leurs clients, faute de quoi ils seront soumis à une pénalité. Cela les encouragera à investir dans des moyens de production ou d'effacement.

On distingue l'électricité de base, de semi-base et de pointe. L'accès régulé à la base permettra aux fournisseurs désireux d'intervenir sur le marché français d'acheter de l'électricité de base nucléaire compétitive. Mais ce dispositif doit être transitoire, ce que le projet de loi n'énonce pas assez clairement. Il faudra un jour basculer vers une concurrence pleine et entière, y compris sur les moyens de production nucléaire, ce qui peut passer par la construction de nouveaux EPR, la passation de contrats industriels de partage des risques ou des prises de participation dans les réacteurs nucléaires. L'essentiel est que les industriels disposent de capacités de production variées, y compris à la base.

L'UFE a évalué la consommation d'électricité en France en 2020, en tenant compte des plans de maîtrise de la consommation élaborés par les pouvoirs publics, de l'évolution des usages et des transferts d'usage entre l'énergie fossile et l'électricité : le cas exemplaire est celui des véhicules électriques. La hausse de la consommation devrait être limitée, mais non nulle. Alors la France aura encore plus d'avance qu'aujourd'hui sur ses voisins dans la réduction des émissions de CO2 : dans le périmètre concerné, elles devraient baisser de 68 %, ce qui représente les deux tiers de l'effort promis par le pays. Les choses iront encore mieux si les industriels investissent, mais pour cela ils ont besoin de perspectives, car il s'agit de cycles d'investissement longs, d'une durée comprise entre cinq et dix ans.

Le prix de l'électricité est aujourd'hui inférieur de 30 % en France par rapport aux pays voisins, et cet avantage comparatif se maintiendra, même s'il faudra relever les prix pour investir. Cet avantage comparatif sera accentué par nos bonnes performances du point de vue des émissions de CO2 : la quantité de CO2 émise par kilowattheure produit est l'une des plus faibles d'Europe, et si la tonne de CO2 coûte 100 euros, l'avantage du parc français s'élèvera à 30 euros par mégawatt-heure.

Nous suggérons plusieurs amendements au projet de loi. L'un vise à affirmer clairement que la loi NOME est un relais vers un modèle industriel de concurrence : si les fournisseurs comptent avoir accès durablement à l'énergie de base au tarif régulé, ils n'auront aucun intérêt à investir. Il faudrait aussi donner une dimension pluriannuelle à l'ARENH, car les consommateurs réclament de la visibilité. Nous recommandons en outre de renforcer l'obligation faite aux fournisseurs de développer leurs capacités de production, notamment en énergie de pointe, afin de garantir la sécurité du système. Pour modifier les droits des consommateurs professionnels, il serait judicieux d'attendre la publication de la directive européenne.

Dans le domaine social, deux problèmes se posent. D'une part, la loi de 1946 accordait le statut de salarié des industries électriques et gazières (IEG) à tous ceux qui travaillaient dans le domaine de la production ou de la distribution d'électricité, cette dernière incluant à l'époque la commercialisation. Aujourd'hui, le flou est tel que le statut n'est pas uniformément appliqué. D'autre part, les entreprises dont les salariés étaient protégés par le statut du personnel des IEG ne cotisent traditionnellement pas à l'assurance chômage. Mais aujourd'hui, l'Unedic considère que les entreprises privées du secteur doivent cotiser, ce qui créerait une distorsion de concurrence entre les entreprises publiques et privées.

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