Intervention de Christophe Béchu

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 novembre 2011 : 1ère réunion
Droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des étrangers résidant en france — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Christophe BéchuChristophe Béchu :

Je suis en désaccord avec vos conclusions, Mme Benbassa, mais j'estime que nous ne pouvions avoir de meilleur rapport, en raison de sa cohérence et de sa profondeur historique. M. Michel, c'est un débat où la sérénité est de mise. Elle vous a manqué lorsque vous avez évoqué un « diktat allemand ». Vous avez dit, Mme Benbassa, que cette réforme est nécessaire au pays des droits de l'homme. Au nom de ces droits-là, qu'on ne caricature pas les positions divergentes. On peut être parfaitement républicain sans être favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales. On peut y être opposé, sans être suspect de racisme ou de complaisance avec les thèses du Front national. Je n'accepte pas le raccourci selon lequel la gauche irait chercher ses bataillons électoraux pour les élections locales, non plus que celui qui diaboliserait les opposants, accusés de manquer de générosité ou d'épouser certaines thèses.

La note de droit comparé que vous avez citée est légère, partiale et incomplète. Sur treize pays étudiés, seuls trois dénient le droit de vote aux étrangers lors des élections locales, mais pourquoi n'en avoir examiné que treize ? Si l'échantillon avait été plus vaste, cette proportion aurait été supérieure. On décrit un bloc de dix pays accordant ce droit, mais certains d'entre eux l'assortissent de conditions de réciprocité tellement sévères qu'elles vident ce droit de sa substance. Ainsi l'Espagne le limite aux ressortissants de neuf pays hispanophones, l'Angleterre aux ressortissants du Commonwealth, avec des conditions strictes. Il n'y a que la moitié de ces dix pays qui l'appliquent dans les conditions où vous l'envisagez. Une étude de droit comparé complète aurait mis le droit de vote en perspective des conditions requises pour acquérir la nationalité. Notre pays a fait le choix d'un accès à la nationalité large et ouvert. C'est aujourd'hui la nationalité qui constitue la réponse à celles et ceux qui veulent participer à notre vie citoyenne. Il serait paradoxal de présenter le droit de vote comme un signe d'ouverture supplémentaire, dans des pays où les étrangers ne peuvent acquérir la nationalité.

Si ce texte doit passer, il faut l'amender pour que la citoyenneté européenne ne soit pas plus restrictive. Invoquer l'égalité serait discutable. Quant à l'équité, elle consiste à traiter de façon comparable les personnes qui sont dans une situation comparable. C'est ce qui justifie que ceux qui gagnent plus paient plus d'impôts. La dignité n'est pas non plus un argument : le choix de ne pas embrasser la citoyenneté française n'est pas indigne !

Ne prêtez pas au vote des étrangers des vertus qu'il n'a pas et évitons les phantasmes ! Il n'ouvre pas la porte à tous les communautarismes, pas plus qu'il n'est en soi un moyen d'intégration. Là où ce droit de vote est reconnu, les communautarismes existent et l'intégration n'est pas parfaite. S'inscrire et participer aux élections tous les six ans ne va pas résoudre tous les problèmes non réglés depuis trente ans !

Sur les sondages, je partage ce que vous avez dit. En revanche, l'argument selon lequel vote qui travaille et paie des impôts me laisse pantois. Je ne puis croire que ce raccourci reflète votre opinion : allez expliquer cela à ceux qui ne travaillent pas et ne paient pas d'impôts, en raison de leur fragilité sociale !

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