Présenter un texte qui doit être débattu un vendredi après-midi, et dans des délais aussi courts, n'est pas la meilleure façon de me rendre sympathique, mais je plaide non coupable ! Je suis bien sûr volontaire pour présenter ce texte, mais pas dans ces conditions. C'est la dure loi des travaux du Sénat ! Que Mme Khiari veuille bien excuser ce bousculement du calendrier !
Le problème auquel ce texte entend apporter une réponse est important. Grâce à la numérisation des livres, les ouvrages du XXIe siècle sont désormais disponibles en version numérique, tandis que la bibliothèque nationale de France (BnF) et ses homologues d'autres pays engagent d'importants efforts pour numériser les oeuvres du passé, qui sont libres de droits d'auteur, avec Gallica, Europeana, etc. Ainsi nous accéderons par voie numérique à toute oeuvre jusqu'à la fin du XIXe siècle. Mais les oeuvres du XXe siècle, qui nous est si proche, ne bénéficieront pas du même dispositif, parce que les auteurs conservent leurs droits ou parce que certaines oeuvres à faible rendement économique ne trouvent pas facilement des éditeurs pour les mettre sur le marché.
La situation est étonnante : nous disposerons des oeuvres contemporaines et de celles du passé lointain, puisque la protection des droits d'auteur dure 70 ans, plus les années de guerre. Nous aurons donc beaucoup de mal à accéder aux oeuvres du XXe siècle, que certains se croient autorisés à pirater sans se préoccuper des détenteurs de droits. La réponse consiste à éditer par voie numérique ces oeuvres, qu'elles aient encore des ayants droit ou qu'elles soient orphelines. Ma proposition de loi prévoit la création d'une base de données répertoriant ces oeuvres indisponibles, afin qu'elles puissent être éditées, avec un mécanisme de gestion collective des droits d'exploitation numérique, qui tienne compte des avis et des droits des auteurs comme des éditeurs et offre des possibilités de sortie. Des dispositions sont à prendre pour respecter les droits des auteurs, tout en permettant l'accès aux oeuvres du XXe siècle. Il y a naturellement des obligations à respecter et j'ai été stupéfait par certaines prises de position diffusées sur Internet, selon lesquelles le Sénat remettrait en cause le droit de propriété. Tel n'est évidemment pas notre objectif ! Il s'agit de respecter les droits des auteurs tout en permettant l'accès aux oeuvres relativement récentes.
Dans quelle mesure ce dispositif pourrait-il restreindre l'accès aux oeuvres payantes, que les bibliothécaires tiennent à mettre à disposition dans leurs établissements ? Des mesures peuvent être prises à cet égard. Nous devons aussi examiner comment les sommes dégagées, qui ne peuvent être remises aux auteurs et aux éditeurs, peuvent être utilisées au mieux. Je propose qu'elles servent à la mise à disposition numérique des oeuvres du XXe siècle. Ce texte est facile à expliquer, mais sa mise en oeuvre pose des problèmes techniques non négligeables.