a rappelé que le chikungunya, dont le nom signifie en swahili « celui qui marche courbé », ravage l'île de la Réunion depuis près d'un an. Le virus serait apparu pour la première fois en Tanzanie en 1952 et a régulièrement sévi depuis en Afrique et en Asie du Sud-est, notamment en Thaïlande et en Indonésie, d'où proviennent les seules données épidémiologiques disponibles sur la maladie. Il s'agit d'un arbovirus, à l'instar de la dengue et de la fièvre jaune.
Depuis mars dernier, la Réunion, en particulier le Sud-est de l'île, est touchée par un virus de souche africaine, qui a d'abord été observé début 2005 en Grande Comore, puis à Mayotte et à l'île Maurice. Un dispositif de vigilance a été mis en place en avril, afin de surveiller l'évolution de la maladie. Le premier pic épidémique a été noté en mai avec 450 nouveaux malades par semaine, suivi d'une relative stabilité du virus durant l'hiver austral, puis d'une nette accélération des contaminations à partir d'octobre et de l'explosion incontrôlée de la maladie depuis le début 2006. Les derniers chiffres transmis par les autorités sanitaires font état de 157.000 personnes atteintes sur l'île depuis le début de l'épidémie - soit un Réunionnais sur cinq - ce qui correspondrait proportionnellement à douze millions de Français métropolitains, et de soixante-dix décès causés directement, pour six d'entre eux, ou indirectement par le chikungunya. Ces décès résultent essentiellement de la réactivation, par le virus, d'une pathologie existante chez des sujets fragiles : personnes âgées dans 55 % des cas, immunodépressives, alcooliques ou diabétiques. La mort est alors le plus souvent entraînée par une défaillance cardiaque ou cardio-vasculaire. Toutefois, quatre cas mortels concernent des personnes de moins de vingt ans, dont un nouveau-né.
Les symptômes constatés font état de fortes fièvres, d'inflammations articulaires, qui peuvent durer plusieurs mois, de troubles de l'expression dus à une paralysie temporaire de la langue ou du larynx, d'irruptions cutanées et d'hémorragies circonscrites. Les premières manifestations graves sont apparues au mois de septembre avec des complications médicales aiguës telles que des méningo-encéphalites, puis un premier cas de décès direct chez un enfant de dix ans, le 13 janvier. On compte désormais douze cas de méningo-encéphalites, dont six chez des enfants et trente-quatre cas de transmission entre la mère et le foetus. Au total, la maladie produit des symptômes graves dans un cas pour mille. En outre, pour près de 10 % des malades, les médecins ont observé des rechutes.
En l'absence d'antiviraux efficaces et de vaccin, le traitement est aujourd'hui limité à la prescription de paracétamol et d'anti-inflammatoires. Selon la seule étude menée sur les séquelles du chikungunya, conduite en 1982 aux Seychelles, celles-ci sont occasionnelles. Or, la virulence de l'épidémie à la Réunion laisse craindre des effets plus graves à moyen et long termes, notamment concernant le développement physique et sensoriel des enfants atteints.
Puis Mme Anne-Marie Payet a indiqué que le virus du chikungunya est transmis à l'homme par le moustique aedes albopictus, actif au lever et au coucher du soleil à une altitude inférieure à 1.200 mètres, ce qui protège les zones montagneuses de l'île. Cette espèce trouve refuge dans les eaux stagnantes en milieu naturel comme dans les zones urbaines, où elle affectionne particulièrement les déchets, les récipients utilisés pour les animaux domestiques et les pneus usagés. Chaque insecte est actif dans un rayon de 150 à 200 mètres autour de son point d'attache.
Plusieurs mesures ont été prises pour tenter d'enrayer le phénomène : 12.000 euros, puis 70.000 euros ont été débloqués en mai et octobre pour des opérations de démoustication. Leur intensification au début de l'année 2006 a même entraîné le report de la rentrée scolaire. Elles se déroulent désormais jour et nuit avec des produits moins nocifs pour l'environnement que ceux utilisés au début de la crise. Si les moyens mis en oeuvre laissent espérer une relative stabilisation de la situation dans l'immédiat, les pluies récentes qui se sont abattues sur l'île risquent de ruiner les efforts entrepris en favorisant à court terme l'expansion de l'aedes albopictus. En outre, l'épidémie s'étend désormais à l'ensemble de l'Océan indien - un décès a été constaté à l'Ile Maurice - et indirectement à la métropole, notamment à Marseille, ville privilégiée de l'immigration comorienne, où une cinquantaine de cas ont été répertoriés depuis un an.
Au niveau sanitaire, le taux d'occupation des hôpitaux de l'île atteint désormais 98 % et des renforts ont été réclamés par l'association des médecins urgentistes. Pour répondre aux besoins, vingt médecins et trente infirmières ont été envoyés de métropole et plusieurs professionnels de santé retraités ont été mobilisés. La Croix Rouge a également distribué des kits de protection aux plus démunis pour limiter la progression de l'épidémie. En outre, par mesure de sécurité, l'établissement français du sang (EFS) a suspendu ses activités de prélèvement sur le territoire réunionnais.
Evoquant les conséquences économiques de l'épidémie, Mme Anne-Marie Payet a indiqué combien elles sont dramatiques pour la Réunion, notamment pour les petites entreprises, qui représentent 80 % du tissu économique de l'île et dans lesquelles un tiers des arrêts de travail sont dus au chikungunya. Les artisans ont ainsi enregistré une diminution de leur activité de l'ordre de 20 % à 30 % et les entreprises du bâtiment perdent près de 200.000 euros de recettes chaque jour en raison du manque de personnel sur les chantiers.
Face à cette situation, Mme Anne-Marie Payet a considéré que les pouvoirs publics ont trop longtemps sous-estimé l'ampleur de l'épidémie. Celle-ci dégrade encore la situation sanitaire de la Réunion, déjà très en deçà des statistiques de la métropole pour ce qui concerne la mortalité infantile, le diabète ou l'asthme.