Intervention de Pierre Hérisson

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 novembre 2008 : 1ère réunion
Pjlf pour 2009 — Mission economie - examen du rapport pour avis

Photo de Pierre HérissonPierre Hérisson, rapporteur pour avis :

s'est ensuite penché sur la manière dont le budget 2009 de la mission « Economie » permettait de favoriser le développement des postes et des communications électroniques.

Il n'a pas souhaité s'attarder sur La Poste, bien que s'y attache une ligne budgétaire importante du programme « Développement des entreprises et de l'emploi », soit 159 millions d'euros pour compenser les surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse et 1,7 million d'euros correspondant aux courriers des particuliers adressés en franchise postale, en raison du travail conduit en ce moment par la Commission Ailleret, que le Président de la République a chargé :

- d'évaluer l'impact sur La Poste du contexte concurrentiel ;

- d'identifier ses forces et faiblesses dans la perspective de l'ouverture complète à la concurrence au 1er janvier 2011 ;

- et d'étudier les différentes voies de développement et les besoins financiers pour y parvenir.

Rappelant que son collègue Charles Guené, membre de la commission des finances, et lui-même étaient membres de cette commission, il a jugé malvenu d'interférer aujourd'hui avec le travail qu'elle réalise, ne voulant pas risquer d'anticiper sur ses conclusions, attendues pour mi-décembre.

Il a donc préféré évoquer les grands enjeux du secteur des télécommunications pour 2009 et le financement de son développement. Les grandes lignes du développement numérique de la France viennent d'être tracées par le secrétaire d'Etat chargé de son développement, M. Eric Besson, dans le plan « France numérique 2012 » qu'il a présenté le mois dernier. De ce plan très riche et complet, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a retenu trois orientations principales.

La première insiste sur la nécessité d'encourager les investissements dans le secteur numérique : l'économie numérique est le principal facteur de gain de compétitivité des économies développées. Les investissements dans l'économie numérique sont identifiés comme les plus productifs parce qu'ils améliorent la compétitivité de l'ensemble des secteurs de l'économie. Or, en France, ces investissements sont deux fois plus faibles qu'aux Etats-Unis et trois fois plus faibles que dans les pays du Nord de l'Europe, qu'au Japon ou qu'en Corée. Le Gouvernement estime ainsi que leur doublement représenterait un point de croissance supplémentaire. Par ailleurs, les emplois dans le secteur du numérique sont peu délocalisables, les réseaux de télécommunications, leur installation et leur gestion n'étant pas déplaçables et les circuits de distribution ne pouvant, eux non plus, être éloignés du client final.

Dans cette perspective, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, s'est félicité de l'élan donné par le Gouvernement, via la LME, en faveur de l'investissement des opérateurs dans la fibre optique. Cette loi crée un « droit à la fibre optique », analogue au droit à l'antenne, qui permet à chaque Français de se faire raccorder à un réseau en fibre optique s'il dispose d'une offre d'un opérateur. Parallèlement, a été mise en place une offre horizontale de location de fourreaux de France Télécom permettant aux opérateurs concurrents d'y faire passer leur fibre. Des aménagements sont aussi annoncés pour simplifier la réglementation technique et faciliter le déploiement à moindre coût de la fibre optique par les réseaux aériens, notamment électriques, et souterrains, par exemple les réseaux d'assainissement. Pour la partie verticale, le cadre légal qui permettra la mutualisation de la partie terminale du réseau existe, mais la question du point de raccordement reste largement ouverte : il faut encore trouver, entre opérateurs, des accords de mutualisation qui n'écartent a priori aucune solution technique, et notamment pas la solution multifibre préconisée par Free.

Malgré ces progrès prometteurs, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a insisté sur l'importance qu'il y avait à ne pas décourager l'investissement des opérateurs. Il s'est interrogé à ce titre sur l'impact que pourrait avoir la taxation du chiffre d'affaires des opérateurs télécoms prévue par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision pour financer la suppression de la publicité sur France Télévisions, rappelant que la commission des affaires économiques aurait l'occasion d'y revenir, puisqu'elle s'est saisie pour avis de ce texte.

Il a ensuite présenté la deuxième orientation du plan présenté par M. Eric Besson, que constitue l'ambition de développer les réseaux pour permettre l'accès de tous au haut débit en 2012. L'ambition du Gouvernement est de permettre à chaque Français de bénéficier d'un accès à l'internet haut débit à un tarif abordable, de l'ordre de 35 euros par mois (équipements d'accès inclus), alors qu'aujourd'hui, un à deux millions en restent privés.

a jugé que l'un des outils permettant cette généralisation d'accès serait notamment la voie hertzienne, qui autorise cet accès en mobilité. Or, plus de la moitié du territoire est aujourd'hui exclu des réseaux de haut débit mobile. Pour que la couverture de ce territoire ne soit pas excessivement coûteuse, des fréquences plus basses que celles sur lesquelles s'est développée la 3G sont nécessaires. Déjà, les trois opérateurs mobiles ont reçu l'autorisation, en février 2008, de réutiliser pour la 3G les fréquences de la bande 900 Mhz, mais ceci ne sera pas suffisant pour répondre à l'augmentation du trafic sur les réseaux.

Aussi bien est-il particulièrement important de prévoir l'affectation aux services de communications électroniques d'une partie du dividende numérique, ces fréquences dites « en or » (du fait de leurs qualités de propagation) que va libérer le passage de la diffusion de la télévision du mode analogique au mode numérique, fin 2011 : désormais, une sous-bande de fréquences de 72 Mhz est identifiée pour être affectée aux services de très haut débit sans fil. Selon les études réalisées par l'ARCEP et le Gouvernement, cette décision devrait se traduire, sur la période 2012-2024, par la création de 60.000 emplois supplémentaires et une augmentation différentielle du PIB de 4,8 milliards d'euros. Il reste à l'Agence nationale des fréquences à concrétiser ce dividende numérique au niveau européen, en négociant la mise en place de cette sous-bande avec l'ensemble des pays voisins de la France afin de pouvoir développer un grand projet européen pour l'industrie des télécommunications, à l'image de celui mené avec succès pour le GSM il y a vingt ans.

a enfin présenté le troisième axe du plan de M. Eric Besson reposant sur sa volonté de moderniser la gouvernance de l'économie numérique. Alors que l'organisation administrative n'a pas encore pris acte de la convergence numérique, le projet du secrétaire d'Etat, qui reprend celui esquissé par la commission des affaires économiques en juin 2007 dans son rapport d'information sur la régulation à l'ère numérique, est de créer un service réunissant les moyens humains et financiers que l'Etat consacre aujourd'hui au numérique, concernant aussi bien les réseaux que les contenus, les services et les usages. Il s'agirait d'une délégation nationale du numérique qui relèverait du secrétaire d'Etat en charge du pilotage et de la coordination de ces politiques publiques. Sur ce point, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a annoncé qu'il appellerait la vigilance du ministre sur la nécessité d'unifier tous les services concernés et non seulement certains d'entre eux, sans quoi ce projet perdrait tout son sens.

Parallèlement, le projet est de doter la France d'un organe de gouvernance adapté au numérique, qui serait une sorte d'enceinte globale de concertation associant l'ensemble des acteurs de l'Internet. Ce projet répond à un besoin évident de rationalisation des structures existantes, dont certaines sont inactives (Conseil supérieur de la télématique, Comité de la télématique anonyme, Forum des droits de l'internet...). Ce « Conseil national du numérique », qui devrait être mis en place dès le 1er janvier 2009, recevra la double mission d'élaborer des codes de bonne conduite et de régler les litiges. Toutefois, dans le budget 2009, rien n'est prévu pour son financement, alors que son coût de fonctionnement est estimé à 3 millions d'euros.

A ce sujet, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a prévu d'interroger le ministre sur le bien-fondé du projet de taxe envisagé pour financer le Conseil national du numérique, qui serait assise sur les fournisseurs d'accès à internet ou sur le chiffre d'affaires d'acteurs du secteur du nommage français, tels que l'Association française de gestion des noms de domaine (AFNIC). En effet, il serait paradoxal de taxer ces acteurs nationaux du numérique au risque de les handicaper face à la concurrence mondiale. L'AFNIC, qui est une association à but non lucratif, fait observer qu'une taxe de 10 % sur son chiffre d'affaires la conduirait soit à réduire ses investissements, ce qui risque de fragiliser la gestion des extensions en .fr et de mettre en jeu la sécurité de la zone des .fr, soit à renchérir ses prestations, ce qui freinerait le développement des extensions françaises et réduirait donc la compétitivité numérique de la France. Enfin, le périmètre du Conseil national du numérique ne semble pas inclure les activités de l'AFNIC, ce qui rend encore moins légitime la taxation de son chiffre d'affaires.

Pour conclure, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a présenté le nouveau compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » rattaché à la mission « Economie ». Suite notamment aux conclusions du rapport sur l'économie de l'immatériel de MM. Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, le Gouvernement souhaite dynamiser la gestion du patrimoine immatériel de l'Etat, une meilleure gestion des fréquences hertziennes constituant un déterminant-clé du développement du secteur des télécommunications. L'objectif est donc d'inciter les utilisateurs publics du spectre à rationaliser leur utilisation en déployant des usages ou des technologies moins consommatrices de fréquences. La libération des fréquences actuellement utilisées par les ministères permettrait d'étendre les services audiovisuels ou haut débit et de développer des services innovants.

Cette politique de valorisation du spectre voit ses modalités financières retracées dans ce compte d'affectation spéciale. Y apparaissent en recettes les produits des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l'utilisation des fréquences libérées par les ministères. En dépenses, deux programmes sont prévus pour l'utilisation des crédits : le premier vise le désendettement de l'Etat, mais sa dotation est nulle dans le budget 2009 ; le second permet le financement, pour le ministère ayant libéré des fréquences, des dépenses d'investissement et de fonctionnement qui lui incombent pour évoluer vers de nouvelles techniques, de nouveaux équipements ou de nouvelles bandes de fréquences.

Dans le budget 2009, 600 millions de recettes sont prévues du fait de la libération, par le ministère de la défense, de la bande 830-862 MHz utilisée par le système Felin de l'armée de terre. Ces 600 millions doivent revenir au ministère pour permettre le renouvellement du système de surveillance radar au-dessus du territoire métropolitain et le financement d'opérations de renseignement d'origine électromagnétique.

A ce compte d'affectation spéciale, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a proposé un amendement qui, tout en maintenant le principe d'un intéressement du ministère de la défense à la libération de fréquences qu'il occupe actuellement, prévoit qu'une part des redevances collectées grâce à la réattribution de cette bande de fréquences libérée contribue au désendettement de l'Etat. Il suggère ainsi de ramener la part de la redevance qui sera rétrocédée au ministère de 100 à 85 %. Si l'intéressement reste suffisamment élevé pour inciter le ministère de la défense à optimiser sa gestion du spectre et à libérer des fréquences, 15 % du montant des redevances attendues, soit 90 millions d'euros, pourrait contribuer au désendettement de l'Etat. Ce taux de 15 % s'inspire de celui qui concerne les produits de cession des biens immeubles de l'Etat.

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