Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 24 février 2006 à 10h30
Égalité des chances — Question préalable

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

... car les problèmes sur le terrain - puisque, comme moi, vous aimez le terrain ! - sont vraiment très sérieux.

On peut se demander si vous avez écouté la présentation de cette motion tendant à opposer la question préalable. Je n'en suis pas sûr, car je constate que vous avez soigneusement évité de répondre à nos principales interrogations. Surtout, vous avez évité de démentir nos affirmations.

Ce projet de loi, dont le contrat première embauche constitue maintenant l'enjeu principal, a un objet qui apparaît de plus en plus clairement à la population : précariser totalement la société, généraliser l'insécurité sociale, rendre les salariés malléables à merci et les soumettre en permanence à l'arbitraire patronal qui, du jour au lendemain, peut décider du devenir d'une femme, d'un homme, d'un jeune.

Le modèle social français - ou ce qu'il en reste -, qui est au coeur de tant de polémiques, a été acquis de haute lutte. Le droit du travail, le contrat à durée indéterminée, les droits des travailleurs, ne sont pas nés de rien. Ils ont été arrachés après des décennies de lutte à ceux qui détiennent les richesses et l'outil de production. Combien de grèves, combien de mobilisations, combien de victimes, pour, pas à pas, construire une protection sociale ? Tout cela sera certainement rappelé lorsque sera célébré le centenaire du ministère du travail...

C'est d'ailleurs un véritable esprit de revanche que laissent transparaître aujourd'hui, texte après texte, les propositions gouvernementales.

Les puissants, les patrons, profitent de la violence de la mondialisation libérale pour démolir, à un rythme dramatiquement rapide, les garanties qui permettraient de vivre à ceux qui n'ont rien d'autre que le fruit de leur travail. Vous affirmez que votre volonté est, bien au contraire, d'aider ceux qui sont aujourd'hui sans emploi ou en situation de précarité. C'est bien évidemment faux, et c'est particulièrement mensonger.

Déjà, nombre d'observateurs, d'experts, de directeurs des ressources humaines, de chefs d'entreprise même, ont souligné les conséquences extrêmement limitées qu'aura le CPE sur le marché de l'emploi. En revanche, chacun note qu'avec son grand frère, le CNE, il se substitue au CDI ou au CDD.

Comment dissimuler plus longtemps à la jeunesse que le CPE n'a qu'un seul objectif : permettre d'embaucher des jeunes, notamment diplômés, et pouvoir les jeter à la rue du jour au lendemain pendant une période de deux ans ? C'est la précarité absolue, nous ne l'acceptons pas, et les jeunes ne l'acceptent pas.

Bien entendu, le CPE constitue l'élément le plus en vue de ce projet de loi et justifie à lui seul que l'on y oppose la question préalable. Mais bien d'autres articles, monsieur le ministre, pourraient la motiver. Que dire, par exemple, de ce contrat de responsabilité parentale, outil de culpabilisation de familles déjà plongées dans la misère et le désarroi ? Que dire, pire encore, du retour à l'apprentissage d'antan, à quatorze ans ?

Sur ces deux sujets, l'apprentissage et les sanctions par le biais des allocations familiales, l'idée ne pas tenir compte des avis que vous avez sollicités - parce que, sur ces points, vous avez consulté, monsieur le ministre - ne vous a guère gênés. Quels ont été les avis rendus ? Je les rappelle brièvement, une nouvelle fois. La Caisse nationale des allocations familiales a émis un avis négatif sur le contrat de responsabilité parentale et la suspension des allocations familiales. Qu'en avez-vous fait ? Vous l'avez balayé d'un revers de main. Quant à celui qu'a formulé sur l'apprentissage le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, avis tout aussi négatif, il n'a pas non plus été suivi d'effet.

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