Intervention de Jean-Jacques Hyest

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 mars 2010 : 1ère réunion
Entrepreneur individuel à responsabilité limitée — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

Enfin, la commission a examiné le rapport de M. Jean-Jacques Hyest et établi le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 302 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

En premier lieu, se référant au rapport établi au nom de la commission des lois par M. Jean Arthuis, en 1985, sur le projet de loi relatif à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a souligné que l'idée du patrimoine professionnel d'affectation agite les milieux juridiques et économiques depuis une trentaine d'années. Le projet de loi rompt avec le principe d'unicité du patrimoine tel qu'il figure à l'article 2284 du code civil, en érigeant un patrimoine d'affectation distinct du patrimoine personnel. Cette réforme, qui s'adresse aux 1,5 million d'entrepreneurs individuels, soit près de la moitié des entreprises françaises, est promise à un retentissement considérable dans les milieux du commerce, de l'artisanat, des professions libérales, mais également de l'agriculture.

a insisté sur la nécessité de concilier simplicité et protection dans le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Il a rappelé que, actuellement, un entrepreneur individuel est responsable sur l'ensemble de son patrimoine en cas de dettes professionnelles. Aussi a-t-il déploré la réticence des entrepreneurs français à exercer en société, réticence qui serait due à des freins psychologiques à l'encontre de la complexité administrative et qui se traduit, notamment, dans le faible succès de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, malgré les avantages fiscaux dont cette formule est assortie. Pour autant, on observe une montée progressive de la part des créations d'entreprises sous forme de société, ainsi qu'un relatif succès de l'exploitation agricole à responsabilité limitée.

Outre la création, en 1985, de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a rappelé les interventions successives du législateur en vue de réduire la vulnérabilité du patrimoine familial de l'entrepreneur individuel en cas de revers professionnels : la loi dite « Madelin » en 1994, qui prévoit un ordre de priorité entre les biens de l'entrepreneur en cas d'exécution d'une dette professionnelle, puis le mécanisme de l'insaisissabilité, institué en 2003 par la loi pour l'initiative économique et élargi en 2008 par la loi de modernisation de l'économie, qui permet de préserver de la saisie le domicile familial en cas de défaillance de l'entreprise.

Ayant rappelé que le patrimoine d'affectation constituait la forme habituelle de l'entrepreneuriat allemand, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a estimé que la notion de patrimoine d'affectation était étrangère au système juridique français, à l'exception de la « fortune de mer », codifiée en 1681, ainsi que de quelques dispositifs s'en rapprochant (bien de famille, acceptation de succession sous bénéfice d'inventaire, substitutions fidéicommissaires). La fiducie, quant à elle, constitue davantage une affectation de patrimoine qu'un patrimoine d'affectation. Aussi la notion de patrimoine d'affectation a-t-elle mis trente ans à aboutir, à l'issue de nombreux rapports, les derniers, datant de 2008, ayant été à l'origine du projet de loi annoncé en décembre 2009 par le Premier ministre dans un discours devant la chambre de métiers d'Alsace.

a ensuite présenté les différents aspects du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ouvert aux artisans, aux commerçants, aux professionnels libéraux et, à l'initiative de l'Assemblée nationale, aux exploitants agricoles. Ayant rappelé les règles générales d'affectation des biens, droits, obligations et sûretés nécessaires à l'activité professionnelle ou utilisés dans son exercice et notamment des dettes d'origine professionnelle, il a fait état des règles spécifiques concernant les biens immobiliers, les biens d'une valeur supérieure à un montant fixé par décret et les biens communs et indivis. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué que la publicité à l'égard des tiers, et notamment des créanciers de l'entrepreneur, était la question essentielle du patrimoine affecté. L'obligation annuelle de dépôt des comptes de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée a pour finalité d'assurer la publicité de l'évolution du patrimoine affecté et doit, à ce titre, faire l'objet d'une sanction lorsqu'elle n'est pas respectée. Concernant l'évolution du patrimoine affecté, l'Assemblée nationale a précisé la possibilité de reprise sans liquidation après décès de l'entrepreneur, de cession à titre onéreux et d'apport en société.

a indiqué que le régime fiscal de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée était, au nom de l'égalité fiscale entre les différentes formes d'entreprises, aligné sur celui de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, permettant à l'entrepreneur d'opter soit pour l'impôt sur les sociétés, soit pour l'impôt sur le revenu. En cas d'option pour l'impôt sur les sociétés, une clause dite « anti-abus » prévoit l'assujettissement aux cotisations sociales des dividendes versés dans le patrimoine personnel au-delà d'un certain seuil, ce qui est de nature à inciter l'entrepreneur à constituer des fonds propres.

Evoquant la question fondamentale de l'accès au crédit des entrepreneurs individuels, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a craint que la création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée puisse être perçue par les établissements bancaires comme un risque nouveau, les conduisant à demander davantage de sûretés sur les biens personnels de l'entrepreneur. Aussi a-t-il appelé au développement des mécanismes de caution mutuelle, rappelant l'engagement d'OSEO d'intervenir aux côtés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée pour garantir à hauteur de 70 % leurs crédits bancaires.

Enfin, abordant les principaux amendements qu'il soumet à la commission, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a proposé de maintenir la déclaration d'insaisissabilité, au nom de la simplicité et de la liberté de choix des entrepreneurs individuels, de revenir sur l'opposabilité de la déclaration d'affectation du patrimoine professionnel aux créanciers antérieurs, car sa constitutionnalité n'est plus assurée et elle représente un aléa dans les relations économiques, de conditionner l'entrée en vigueur du futur statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à la publication de l'ordonnance destinée à lui adapter les procédures du livre VI du code de commerce, de façon à lever toute incertitude juridique en cas de défaillance de l'entrepreneur, et de mieux prendre en compte la situation de pluriactivité de certains entrepreneurs en autorisant la pluralité des patrimoines d'affectation pour isoler des activités différentes.

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