Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 24 mars 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OSEO
  • affectation
  • entrepreneur
  • individuel
  • limitée
  • unipersonnelle

La réunion

Source

La commission a tout d'abord nommé :

Debut de section - Permalien
Marie-Hélène Des Esgaulx rapporteur

de la proposition de loi n° 223 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle et de la proposition de loi n° 291 (2009-2010), présentée par Mmes Nicole Bricq, Michèle André, M. Richard Yung et plusieurs de leurs collègues, relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance ;

Debut de section - Permalien
Patrice Gélard rapporteur

de la proposition de loi n° 235 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

La commission a ensuite examiné l'amendement sur la proposition de loi n° 168 (2009-2010) autorisant l'adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Sur l'amendement, la commission a adopté l'avis suivant :

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

En réponse à M. François Zocchetto qui s'est interrogé sur l'articulation entre l'article unique de la proposition de loi et l'amendement, M. Jean-Pierre Michel a indiqué que l'amendement entend répondre aux observations formulées par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, en garantissant que le juge aux affaires familiales statue sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale en cas de séparation des partenaires de PACS. Souhaitant réserver ses propos pour la séance publique, il a néanmoins fait valoir que l'intérêt de l'enfant est bien placé au coeur du dispositif car le juge prononcera ou non l'adoption par le couple de partenaires de PACS en considération de cet intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

a estimé que l'amendement crée une contrainte pour la séparation des partenaires de PACS, qui peut s'assimiler à une dénaturation de son objet, puisque ce mode d'union est généralement choisi pour sa souplesse et son faible formalisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Contestant cette analyse, M. Bernard Frimat a fait valoir que la saisine obligatoire du juge aux affaires familiales ne porte pas atteinte à la liberté des partenaires de PACS puisqu'elle ne concerne que leurs enfants qu'elle fait ainsi bénéficier d'une protection supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

s'est interrogé sur l'opportunité qu'il y aurait à créer une telle obligation au risque de susciter un conflit dans des situations qui actuellement y échappent.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Rappelant que le mariage des partenaires emporte dissolution de leur PACS, M. Patrice Gélard a souligné l'incongruité d'imposer, dans ce cas, une saisine du juge aux affaires familiales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Tout en saluant l'avancée que pourrait constituer l'amendement, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, a indiqué qu'il ne répond pas à l'ensemble des réserves formulées dans le rapport de la commission et qu'en matière d'adoption, la plus grande prudence est requise lorsqu'on modifie les règles applicables. Par ailleurs, elle a souligné que l'absence de conflit entre les parents au moment de la séparation n'est pas toujours le signe qu'ils se sont accordés au mieux de l'intérêt de leurs enfants. Enfin, elle a rappelé que l'enfant adopté a connu un premier traumatisme et qu'il convient, en conséquence, de le faire bénéficier d'une protection renforcée.

- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président -

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Enfin, la commission a examiné le rapport de M. Jean-Jacques Hyest et établi le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 302 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

En premier lieu, se référant au rapport établi au nom de la commission des lois par M. Jean Arthuis, en 1985, sur le projet de loi relatif à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a souligné que l'idée du patrimoine professionnel d'affectation agite les milieux juridiques et économiques depuis une trentaine d'années. Le projet de loi rompt avec le principe d'unicité du patrimoine tel qu'il figure à l'article 2284 du code civil, en érigeant un patrimoine d'affectation distinct du patrimoine personnel. Cette réforme, qui s'adresse aux 1,5 million d'entrepreneurs individuels, soit près de la moitié des entreprises françaises, est promise à un retentissement considérable dans les milieux du commerce, de l'artisanat, des professions libérales, mais également de l'agriculture.

a insisté sur la nécessité de concilier simplicité et protection dans le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Il a rappelé que, actuellement, un entrepreneur individuel est responsable sur l'ensemble de son patrimoine en cas de dettes professionnelles. Aussi a-t-il déploré la réticence des entrepreneurs français à exercer en société, réticence qui serait due à des freins psychologiques à l'encontre de la complexité administrative et qui se traduit, notamment, dans le faible succès de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, malgré les avantages fiscaux dont cette formule est assortie. Pour autant, on observe une montée progressive de la part des créations d'entreprises sous forme de société, ainsi qu'un relatif succès de l'exploitation agricole à responsabilité limitée.

Outre la création, en 1985, de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a rappelé les interventions successives du législateur en vue de réduire la vulnérabilité du patrimoine familial de l'entrepreneur individuel en cas de revers professionnels : la loi dite « Madelin » en 1994, qui prévoit un ordre de priorité entre les biens de l'entrepreneur en cas d'exécution d'une dette professionnelle, puis le mécanisme de l'insaisissabilité, institué en 2003 par la loi pour l'initiative économique et élargi en 2008 par la loi de modernisation de l'économie, qui permet de préserver de la saisie le domicile familial en cas de défaillance de l'entreprise.

Ayant rappelé que le patrimoine d'affectation constituait la forme habituelle de l'entrepreneuriat allemand, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a estimé que la notion de patrimoine d'affectation était étrangère au système juridique français, à l'exception de la « fortune de mer », codifiée en 1681, ainsi que de quelques dispositifs s'en rapprochant (bien de famille, acceptation de succession sous bénéfice d'inventaire, substitutions fidéicommissaires). La fiducie, quant à elle, constitue davantage une affectation de patrimoine qu'un patrimoine d'affectation. Aussi la notion de patrimoine d'affectation a-t-elle mis trente ans à aboutir, à l'issue de nombreux rapports, les derniers, datant de 2008, ayant été à l'origine du projet de loi annoncé en décembre 2009 par le Premier ministre dans un discours devant la chambre de métiers d'Alsace.

a ensuite présenté les différents aspects du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ouvert aux artisans, aux commerçants, aux professionnels libéraux et, à l'initiative de l'Assemblée nationale, aux exploitants agricoles. Ayant rappelé les règles générales d'affectation des biens, droits, obligations et sûretés nécessaires à l'activité professionnelle ou utilisés dans son exercice et notamment des dettes d'origine professionnelle, il a fait état des règles spécifiques concernant les biens immobiliers, les biens d'une valeur supérieure à un montant fixé par décret et les biens communs et indivis. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué que la publicité à l'égard des tiers, et notamment des créanciers de l'entrepreneur, était la question essentielle du patrimoine affecté. L'obligation annuelle de dépôt des comptes de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée a pour finalité d'assurer la publicité de l'évolution du patrimoine affecté et doit, à ce titre, faire l'objet d'une sanction lorsqu'elle n'est pas respectée. Concernant l'évolution du patrimoine affecté, l'Assemblée nationale a précisé la possibilité de reprise sans liquidation après décès de l'entrepreneur, de cession à titre onéreux et d'apport en société.

a indiqué que le régime fiscal de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée était, au nom de l'égalité fiscale entre les différentes formes d'entreprises, aligné sur celui de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, permettant à l'entrepreneur d'opter soit pour l'impôt sur les sociétés, soit pour l'impôt sur le revenu. En cas d'option pour l'impôt sur les sociétés, une clause dite « anti-abus » prévoit l'assujettissement aux cotisations sociales des dividendes versés dans le patrimoine personnel au-delà d'un certain seuil, ce qui est de nature à inciter l'entrepreneur à constituer des fonds propres.

Evoquant la question fondamentale de l'accès au crédit des entrepreneurs individuels, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a craint que la création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée puisse être perçue par les établissements bancaires comme un risque nouveau, les conduisant à demander davantage de sûretés sur les biens personnels de l'entrepreneur. Aussi a-t-il appelé au développement des mécanismes de caution mutuelle, rappelant l'engagement d'OSEO d'intervenir aux côtés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée pour garantir à hauteur de 70 % leurs crédits bancaires.

Enfin, abordant les principaux amendements qu'il soumet à la commission, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a proposé de maintenir la déclaration d'insaisissabilité, au nom de la simplicité et de la liberté de choix des entrepreneurs individuels, de revenir sur l'opposabilité de la déclaration d'affectation du patrimoine professionnel aux créanciers antérieurs, car sa constitutionnalité n'est plus assurée et elle représente un aléa dans les relations économiques, de conditionner l'entrée en vigueur du futur statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à la publication de l'ordonnance destinée à lui adapter les procédures du livre VI du code de commerce, de façon à lever toute incertitude juridique en cas de défaillance de l'entrepreneur, et de mieux prendre en compte la situation de pluriactivité de certains entrepreneurs en autorisant la pluralité des patrimoines d'affectation pour isoler des activités différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

a pleinement souscrit aux appréciations de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il a notamment insisté sur la nécessité de ne pas supprimer, à l'avenir, la déclaration d'insaisissabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Evoquant sa surprise à l'occasion du dépôt de ce projet de loi, M. François Zocchetto a estimé que la formule de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée permettait de répondre pleinement aux attentes des entrepreneurs souhaitant distinguer leur patrimoine professionnel de leur patrimoine personnel, tout en renforçant leurs fonds propres à l'aide d'un régime fiscal avantageux. Il s'est interrogé sur les motivations de la réticence à créer une société, plus importante dans les milieux artisanaux que dans les milieux agricoles, soulignant, à son tour, le succès de l'exploitation agricole à responsabilité limitée. Qualifiant d'intéressante l'idée de patrimoine d'affectation, M. François Zocchetto s'est interrogé sur l'opportunité de supprimer le régime de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, de façon à ne pas faire subsister concurremment deux dispositifs redondants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

a attiré l'attention sur la nécessité d'améliorer les pratiques bancaires à l'égard des entrepreneurs individuels.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Soulignant le progrès important que représente le projet de loi pour les petites entreprises, leur permettant de limiter le risque, M. François Pillet a marqué sa ferme hostilité à l'initiative de l'Assemblée nationale visant à rendre opposable la déclaration d'affectation aux créanciers antérieurs. Contestable d'un point de vue juridique, cette initiative est en outre inopportune d'un point de vue économique. Il s'est également interrogé sur les conditions d'application de la sanction de levée d'étanchéité entre patrimoine professionnel et patrimoine personnel prévue en cas d'inobservation grave et répétée des obligations fiscales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

s'est inquiété des conditions dans lesquelles il serait possible de limiter les exigences des établissements bancaires en matière de garanties susceptibles de porter sur les biens personnels de l'entrepreneur, notamment pour la partie des prêts non couverte par la garantie OSEO. Les mécanismes de garantie, tels que ceux proposés par OSEO, permettent à la banque de ne prendre aucun risque, ce qui n'est le cas ni de l'entrepreneur lui-même ni d'OSEO en cas de défaillance de l'entrepreneur. Aussi s'est-il interrogé sur la possibilité de mettre en place un « ticket modérateur » à la charge des banques.

Par ailleurs, M. Bernard Frimat s'est étonné de la présence dans le texte d'un « cavalier législatif » concernant les médicaments, ainsi que de l'amendement de la commission des affaires économiques procédant à la réforme d'OSEO. Faisant peu de cas de la dignité du Parlement, il a estimé qu'un tel procédé est de nature, selon lui, à altérer la qualité du travail législatif, d'autant que le changement de statut d'OSEO ne pourra pas être soumis à l'Assemblée nationale avant la commission mixte paritaire en raison de l'engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En réponse à ces propos, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a considéré que l'amendement relatif au changement de statut d'OSEO présentait un lien avec le texte, dans la mesure où cet organisme contribue grandement à la création et au financement des petites et moyennes entreprises. Concernant l'accès au crédit, il a ajouté qu'il n'était pas possible de contraindre les banques à prêter aux entreprises si elles estiment qu'elles ne disposent pas de garanties suffisantes. Plus largement, il a déploré le développement insuffisant, en France, des sociétés de capital risque, des sociétés locales de garantie et des dispositifs territoriaux d'investissement et de soutien aux petites et moyennes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Estimant le texte intéressant, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx a souligné que les professionnels du conseil aux entreprises n'ont pas été favorables à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée en raison de ses modalités de liquidation. Elle a jugé que l'entreprise unipersonnelle continuerait d'exister car elle constitue l'antichambre de la société à responsabilité limitée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Concédant que le projet de loi répondait à une préoccupation ancienne, M. Alain Anziani a observé qu'il pouvait exister une contradiction entre le besoin de protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur et la nécessité de présenter des garanties pour accéder au crédit bancaire. Le projet de loi ne résout pas, selon lui, cette contradiction, de sorte que les demandes de cautions ou d'hypothèques demeureront. Par ailleurs, il a indiqué que les sociétés de développement régional existaient, mais que leurs capacités d'intervention étaient insuffisantes et que, au demeurant, elles faisaient preuve de comportements identiques à ceux des banques en matière, notamment, d'appréciation du risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Revenant sur l'intervention de M. Bernard Frimat, M. Jean-Pierre Sueur a insisté sur le fait que l'amendement relatif au changement de statut d'OSEO, présenté par la commission de l'économie, ne correspondait pas à l'objet du texte, s'interrogeant dès lors sur sa constitutionnalité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Lors de la présentation des amendements, concernant l'amendement n° 13, M. François Zocchetto s'est interrogé sur l'absence de contrôle en cas d'affectations successives de biens d'une valeur légèrement inférieure à 30 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

a indiqué que, en tout état de cause, l'intervention d'un expert pour évaluer les biens de plus de 30 000 euros concerne chaque bien individuellement, de sorte que l'hypothèse évoquée par M. François Zocchetto est plausible.

Concernant l'amendement n° 17, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a insisté sur la nécessité de l'obligation annuelle de dépôt des comptes de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, car elle permet l'information des créanciers sur l'évolution de la composition et de la valeur du patrimoine affecté. Cette obligation doit donc être assortie d'une réelle sanction, car il n'existe pas d'obligation sans sanction.

Le sort de l'ensemble des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi rédigé.