Puis la commission a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sur le projet de loi de finances pour 2009 (missions « Relations avec les collectivités territoriales », « Sécurité », « Sécurité civile » et « Administration générale et territoriale de l'Etat »).
a rappelé que le budget pour 2008 avait permis de lancer les réformes nécessaires à la modernisation de son ministère et que le budget pour 2009 avait l'ambition de conforter les orientations précédemment définies dans un contexte marqué par un certain nombre de défis.
La ministre a tout d'abord indiqué qu'à compter du 1er janvier 2009, la gendarmerie serait placée sous sa responsabilité, dans des conditions préservant la vocation militaire des gendarmes. Estimant que cette intégration représentait une opportunité fondamentale pour l'efficacité de la sécurité intérieure, elle s'est déclarée à l'écoute de toutes les inquiétudes que ce rapprochement pourrait susciter et prête à répondre à toutes les questions des élus sur ce sujet.
Elle a ensuite rappelé que le budget pour 2009 était doublement contraint par le contexte de crise économique que connaît actuellement notre pays et par l'objectif de suppression des déficits publics à l'horizon 2012. Elle a affirmé que, dans ce cadre, le ministère participerait pleinement aux efforts budgétaires nécessaires, dans les limites requises par la préservation de la sécurité des Français.
La ministre a rappelé que de réelles menaces pesaient à l'heure actuelle sur la sécurité de nos compatriotes. Soulignant le fait que les pays européens, dont la France, demeuraient une cible privilégiée pour des mouvements terroristes inspirés par Al-Qaïda (notamment pour Al-Qaïda au Maghreb), et que des actions avaient été menées par ces mêmes mouvements contre des intérêts et des ressortissants français dans plusieurs pays d'Asie et d'Afrique, elle s'est félicitée des nombreuses interpellations d'activistes islamistes réalisées récemment (89 en 2007, 65 depuis le début de l'année 2008) grâce à l'efficacité des services de renseignement français animés par l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT). Elle a attiré l'attention des membres de la commission sur le fait qu'il existait également une menace terroriste nationale appelant une vigilance constante, faisant notamment référence aux attentats commis en Corse et au Pays Basque, ainsi qu'aux faits commis récemment par une frange de l'ultra-gauche contre des installations de la SNCF. Abordant la question de la lutte contre la délinquance, elle a indiqué que la délinquance générale avait reculé de 2,3% au cours des douze derniers mois, en dépit d'une augmentation de 10% des délits révélés par l'initiative des services, notamment dans la lutte contre les stupéfiants. Elle a toutefois précisé que cette diminution générale de la délinquance cachait des disparités importantes : ainsi, au cours des douze derniers mois, la délinquance de proximité a diminué de 8,2 % (ce qui correspond à 140.000 victimes potentielles en moins), les violences dites « crapuleuses » ont chuté de 9,6% et les violences aux personnes ont modérément progressé de + 0,43% ; en revanche, les violences intrafamiliales et les escroqueries ont continué de progresser. Dans ce contexte, Elle s'est félicitée de l'amélioration substantielle du taux d'élucidation (passé de 35,7 % à 37,7 % en un an, alors qu'il n'était que de 25% en 2001), qui constitue un élément de dissuasion important pour les délinquants. De façon générale, elle a fait remarquer que ces violences étaient le reflet de notre société, et que la question de l'augmentation des violences « gratuites » dépassait le seul champ de compétences des services de police et de gendarmerie. Constatant l'augmentation des escroqueries (« classiques » ou sur internet), la ministre a annoncé son intention de présenter très prochainement un plan national d'action destiné à lutter contre ces dernières.
Dans ce contexte, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a expliqué que le budget de son ministère avait pour triple objectif de renforcer la protection des Français, de rapprocher l'Etat des citoyens et de valoriser les hommes et les territoires. Relevant que la protection des Français passait par une plus grande capacité d'anticipation des nouvelles menaces, elle s'est félicitée de la mise en place de la Délégation à la prospective et à la stratégie, chargée d'analyser les nouvelles formes de délinquance et de réfléchir aux moyens susceptibles d'y faire face. Insistant sur la nécessité de moderniser les moyens mis à la disposition des policiers et des gendarmes, elle a par ailleurs indiqué que 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40 millions d'euros en crédits de paiement seraient consacrés, en 2009, à l'extension de la vidéoprotection (qui a fait ses preuves dans des villes telles que Strasbourg ou Mulhouse) et des moyens de la police technique et scientifique. Elle a également annoncé que 11 et 14 millions d'euros seraient respectivement attribués aux policiers et aux gendarmes dans le but d'améliorer leur équipement et de mieux les protéger contre les menaces auxquelles ils sont confrontés (lunettes de protection, gilets tactiques, nouvelles tenues de maintien de l'ordre). En outre, la ministre a insisté sur l'importance des risques liés aux évènements industriels et climatiques, faisant notamment référence aux précipitations très violentes et très localisées qui se sont abattues sur certaines parties du territoire récemment, ou encore à la tornade qui a dévasté plusieurs villes du nord de la France au cours de l'été. Précisant que la Délégation à la prospective et à la stratégie travaillait sur ces nouvelles menaces, elle a rappelé que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avait intégré la protection civile dans la mission de protection de l'Etat. Elle a ainsi indiqué que des crédits avaient été mobilisés afin de moderniser les systèmes d'alerte (sirènes, mais également téléphones portables, ordinateurs de poche, panneaux urbains, etc.) et, rappelant que le risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC) constitue un risque réel, elle a annoncé que des moyens de protection contre de telles menaces seraient mis à la disposition de la sécurité civile, dont les capacités de décontamination seront triplées afin de parvenir à 200 chaînes et 16 véhicules de détection, de prélèvement et d'identification biologique et chimique. Elle a également indiqué que les équipements des services opérationnels de la DSC (formations militaires et service du déminage) en matière de lutte contre la menace NRBC seraient renforcés. Enfin, dans le contexte du redéploiement des équipements militaires, elle a annoncé l'acquisition de trois hélicoptères destinés à la Martinique et à la Réunion, ainsi que deux hélicoptères Dauphin destinés à la Polynésie française ; la gendarmerie nationale disposera en outre de quatre hélicoptères de manoeuvre affectés en Guyane et en Nouvelle-Calédonie.
Abordant la question des relations entre l'Etat et ses usagers, la ministre a estimé qu'il était nécessaire de clarifier le fonctionnement de l'Etat et de rapprocher les services des usagers. Elle a ainsi rappelé que les préfectures contribuaient de façon essentielle à assurer la présence de l'Etat sur l'ensemble du territoire national et que la présence des sous-préfectures dans les territoires les plus en difficulté était plus que jamais une priorité. A ce sujet, elle s'est engagée à ce qu'aucune sous-préfecture située dans un territoire en difficulté ou dans un territoire isolé ne soit supprimée. En revanche, il conviendra selon elle de s'interroger sur le maintien de sous-préfectures situées dans des agglomérations à proximité des préfectures. Elle a par ailleurs souhaité que le rôle du préfet comme unique interlocuteur des conseils généraux et régionaux soit renforcé. Enfin, elle a souhaité voir les nouvelles technologies contribuer au rapprochement des services avec les usagers, prenant pour exemple les nouveaux modes de délivrance des titres : ainsi, le système d'immatriculation à vie des véhicules (SIV) permettra aux particuliers de formuler leurs demandes directement auprès de leur concessionnaire, ce qui représentera un gain de temps ; en outre, la délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité pourra se faire en mairie, avec le concours de l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS), ce qui permettra d'accroître la rapidité et la sécurité de la délivrance de ces titres.
Elle a ensuite abordé la question des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales : estimant qu'il était légitime que ces dernières soient pleinement associées à la maîtrise des dépenses publiques car les concours financiers aux collectivités territoriales représentent près de 20% du budget de l'Etat, elle a fait observer que l'ensemble de ces concours (dont la DGF) progresseraient en 2009 de + 2%, et ce alors même que le gouvernement a récemment revu à la baisse sa prévision d'inflation, désormais estimée à 1,5% en 2009. Elle a observé qu'une telle progression correspondait à une augmentation de 1,103 milliard d'euros des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Dans ce contexte, elle a estimé qu'un effort particulier devait être réalisé en faveur des collectivités les plus en difficulté, et, en particulier, que la dotation de solidarité urbaine (DSU) devait être mieux ciblée sur les villes pauvres accueillant une population pauvre. Relevant que le projet de réforme de cette dotation initialement retenu par le gouvernement avait suscité de nombreuses inquiétudes chez les élus locaux, elle a annoncé que l'année 2009 constituerait la première étape d'une réforme qui sera mise en oeuvre sur trois ou quatre années : ainsi, en 2009, les 70 millions d'euros d'augmentation de la DSU seront concentrés sur les 150 premières villes les plus pauvres ; les 327 communes suivantes verront leur dotation de DSU augmenter de 2% ; enfin, les villes appelées, à terme, à sortir du dispositif seront assurées de percevoir en 2009 la même dotation qu'en 2008, et leur sortie du dispositif sera étalée sur trois ou quatre années, à partir de critères qui seront définis par le Comité des finances locales au printemps prochain.
La ministre a ensuite tenu à aborder la question particulière de l'outre-mer, soulignant le fait qu'à l'heure de la mondialisation, les départements et les collectivités d'outre-mer constituaient un véritable atout pour la France. Elle a notamment rappelé que le développement durable avait contribué à faire prendre conscience de la richesse naturelle de ces territoires, envisagée notamment sous l'angle du développement durable (par exemple, le territoire de St-Pierre et Miquelon se prête au développement d'une énergie éolienne). De ce point de vue, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, qui sera prochainement examiné par le Sénat, devra permettre de renforcer la mise en valeur des départements et collectivités d'outre-mer, en procédant aux ajustements nécessaires et en prévoyant d'abonder de 200 millions d'euros par an les dispositifs qui existent à l'heure actuelle. Il appartiendra ensuite aux élus et aux chambres de commerce et d'industrie de définir les territoires qui feront l'objet d'un effort prioritaire.
Enfin, elle a estimé que, pour l'exercice de l'ensemble des missions qu'elle venait d'évoquer, il était plus que nécessaire de valoriser les atouts des hommes et des femmes travaillant au sein de son ministère. Elle a notamment annoncé que des personnels administratifs supplémentaires seraient recrutés afin de permettre aux policiers et aux gendarmes de se recentrer sur le coeur de leur métier. Elle a également appelé de ses voeux la suppression des tâches mécaniques et répétitives, rendue possible par la dématérialisation des procédures et l'accroissement des possibilités de formation permanente offertes aux agents, lesquelles devront contribuer à l'évolution des plans de carrière de chacun.
La ministre a, dans ce cadre, précisé que les crédits des missions relevant de sa responsabilité progresseraient globalement en 2009 de 2% : les crédits des missions « sécurité » et « sécurité civile » augmenteront respectivement de 2,5% et 2,4%, tandis que ceux de la mission « administration générale et territoriale de l'Etat » diminueront de 0,7 % pour s'établir à 2,6 milliards d'euros ; toutefois cette diminution doit être mise en parallèle avec la diminution des tâches permise par la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de délivrance des titres sécurisés et par la dématérialisation des procédures. Elle a par ailleurs fait observer que la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ne pouvait s'appliquer sans discernement aux personnels relevant de son ministère, compte tenu de la spécificité des missions qui y sont exercées : ainsi, en 2009, le non-remplacement représentera globalement 41% avec des ratios différents selon les missions et les possibilités de modernisation de l'activité ; dans le domaine de la sécurité, ce taux de non-renouvellement sera limité à 36%. Elle a précisé qu'en contrepartie de la mise en oeuvre de cette règle, les rémunérations des personnels bénéficieraient d'une amélioration.
Enfin, la ministre a affirmé, en ce qui concerne la police, que la mise en oeuvre du protocole « corps et carrière » serait poursuivie et que l'encadrement intermédiaire serait renforcé par la création de 2.300 postes de brigadiers, de 460 postes de brigadiers-majors et de 175 responsables locaux d'unités locales de police. Au-delà du protocole de 2004, elle a indiqué qu'un protocole additionnel signé en octobre avec un syndicat d'agents du corps d'encadrement et d'application (ACEA) permettrait d'augmenter sur trois ans l'allocation de maîtrise et l'indemnité de sujétion spéciale police (ISSP). En ce qui concerne la gendarmerie, la ministre a affirmé que les engagements de plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) seraient tenus et qu'elle veillerait au respect du principe de parité entre policiers et gendarmes. Enfin, concernant l'administration territoriale et centrale, elle a indiqué que le ministère bénéficierait en 2009 d'une enveloppe de mesures salariales de 13,8 millions d'euros et que le plan de requalification serait poursuivi, avec 1.100 promotions supplémentaires. Elle a estimé que l'ensemble de ces mesures permettrait au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de remplir au mieux les missions qui lui sont confiées.