Intervention de Yves Détraigne

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 novembre 2008 : 1ère réunion
Pjlf pour 2009 — Missions justice et pouvoirs publics - examen du rapport pour avis

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur pour avis :

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Yves Détraigne sur le projet de loi de finances pour 2009 (missions « Justice » et « Pouvoirs publics »).

des crédits destinés au programme « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » de la mission « Justice » ainsi que des dotations allouées au Conseil constitutionnel, à la Haute Cour et à la Cour de justice de la République, dans la mission « Pouvoirs publics », a d'abord indiqué que l'architecture de la mission Justice ne comprenait plus la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) désormais placée dans le programme « Protection des droits et libertés », créé au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Indiquant que les trois programmes relatifs à la justice judiciaire regroupaient 42 % des crédits de la mission « Justice », il a précisé que les crédits destinés aux dépenses de personnel du programme « Justice judiciaire » devraient augmenter de 4,9 % en 2009, le plafond d'équivalents temps plein travaillé (ETPT) du programme devant s'établir à 29.295 en 2009, soit une diminution de 54 ETPT due notamment au transfert vers le Conseil d'Etat des dépenses relatives au personnel de la Cour nationale du droit d'asile.

Il a expliqué que le programme devait cependant bénéficier de la création de 59 emplois de magistrat prioritairement affectés aux missions d'application des peines et aux pôles de l'instruction, ainsi que de la création de 9 emplois de greffier en chef, de 50 emplois de greffier et de 150 emplois de secrétaire administratif.

Estimant que les objectifs et indicateurs de performance du programme « Justice judiciaire » donnaient une vision globale, parfois éloignée d'une appréciation fine de la qualité du travail des juridictions, il a considéré que leur définition s'était cependant améliorée depuis 2006.

Il a jugé que l'indicateur relatif au nombre d'utilisations de la visioconférence présentait un intérêt limité, le recours de la visioconférence ne pouvant devenir en soi un objectif de l'action judiciaire. La visioconférence doit demeurer un moyen que les magistrats décident d'utiliser en tenant compte des économies qu'elle peut engendrer, par exemple en se substituant à de coûteux transfèrements de détenus, mais elle ne saurait s'imposer de façon systématique en dehors de considérations d'opportunité dont l'appréciation relève du juge.

Evoquant ensuite les effets positifs de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) sur la maîtrise des frais de justice, il a rappelé que ceux-ci avaient connu une augmentation de 42,7 % entre 2003 et 2005 avant de diminuer de 22,3 % entre 2005 et 2006. Soulignant que leur augmentation ne devrait atteindre qu'1,6 % en 2008, il a expliqué que des efforts considérables avaient été réalisés pour enrayer la progression des frais liés aux réquisitions adressées aux opérateurs de télécommunications, pour rationner les dépenses d'analyse génétique et que les magistrats, après un véritable changement de culture, étaient désormais attentifs à la nécessité de réaliser des économies budgétaires.

a cependant déclaré que les magistrats ne percevaient pas directement le bénéfice de ces efforts et considéraient souvent que l'application de la LOLF avait conduit à une reprise en main de la gestion des juridictions par l'administration centrale. Soulignant les risques d'un dévoiement de l'esprit de la LOLF, il a précisé que les mesures de fongibilité demeuraient la prérogative du responsable de programme et que les services administratifs régionaux (SAR) étaient accaparés par la production de données statistiques et financières liées à la LOLF. Les remplacements, à l'occasion par exemple d'un départ à la retraite, doivent désormais être justifiés comme s'il s'agissait de créations d'emplois et les juridictions sont amenées à recourir de plus en plus fréquemment à des emplois de vacataires pour pallier leur déficit de personnel.

Evoquant la réorganisation du ministère de la justice, il a indiqué que le secrétariat général du ministère était désormais responsable des ressources humaines, des affaires financières, de la coordination des responsables de programme de la mission justice et du pilotage de la réforme de la carte judiciaire. Il s'est félicité du lancement de la réforme de la formation des magistrats, généralisant l'obligation de formation continue à l'ensemble de la magistrature et prévoyant le recentrage du concours sur les fonctions du magistrat, suivant ainsi plusieurs recommandations de la mission d'information qu'avait conduite MM. Pierre Fauchon et Charles Gautier.

Il a expliqué qu'une sous-direction des ressources humaines avait été créée en février 2008 et proposait systématiquement un entretien de carrière aux magistrats ayant au moins deux ans de fonction.

Constatant que le ministère de la justice avait lancé le développement de nouvelles applications informatiques destinées aux juridictions, il a précisé que le logiciel Cassiopée, voué à remplacer des applications pénales vieillissantes dans les tribunaux de grande instance et les cours d'appel mobilisaient actuellement plusieurs juridictions pilote telles que le tribunal de grande instance de Rouen, dont le fonctionnement se trouvait en conséquence perturbé. Il a jugé indispensable que la mise en place de ces nouvelles applications n'intervienne que lorsque leur fiabilité paraitra suffisamment assurée. Il a expliqué que ses visites dans des juridictions lui avaient permis de constater que les cabinets d'instruction ne disposaient pas tous des équipements suffisants pour réaliser l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires en matière criminelle.

considérant que la réforme de la carte judiciaire apparaissait nécessaire depuis de nombreuses années en raison d'incohérences accumulées au fil de l'histoire, a regretté que celle-ci n'ait pas fait l'objet d'une concertation plus aboutie, les observations des chefs de cour n'ayant été que partiellement prises en compte et les réalités du terrain ayant parfois été négligées. Expliquant que la mise en oeuvre de la réforme était réalisée par un ensemble de textes réglementaires publiés en février-mars 2008 et complétés par un décret du 30 octobre 2008, il a indiqué qu'au total, la future carte judiciaire comprenait 863 juridictions, contre 1.190 aujourd'hui.

Rappelant que la réforme devait permettre aux magistrats de conserver le niveau de technicité nécessaire, assurer la collégialité dans les matières où elle est requise, garantir la continuité du service public de la justice et améliorer les durées de traitement des contentieux, il a souligné qu'elle ne devait pas constituer un alibi pour réduire les effectifs ou simplement transposer la pénurie de personnels des tribunaux supprimés vers les tribunaux d'accueil. Il a jugé que les 100.000 heures supplémentaires qui devaient être payées aux fonctionnaires des greffes illustraient le sous-effectif chronique de certaines juridictions. Relevant que le ministère de la justice évaluait le coût total de la réforme à 427 millions d'euros, dont une enveloppe de 375 millions d'euros sur 5 ans, pour financer les investissements immobiliers et 21,5 millions d'euros destinés à l'accompagnement des magistrats et des fonctionnaires, il a précisé que ces mesures devraient comporter la prise en charge des frais réels de déménagement, des frais de transport pour ceux qui choisiraient de ne pas déménager, une indemnité pour les conjoints obligés de quitter leur emploi, le recours au télétravail ou encore des facilités de détachement dans d'autres services publics.

Le rapporteur pour avis a souligné que la réforme de la carte judiciaire devait s'accompagner du développement de l'accès à la justice et au droit. Considérant que la suppression de plusieurs tribunaux d'instance pourrait constituer un problème pour l'accès à la justice d'une population vulnérable et démunie, il a relevé que la pénurie d'effectifs au sein des tribunaux d'instance rendait très difficile la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 prévoyant la révision des mesures de tutelle tous les cinq ans sous peine de caducité.

Il a expliqué que le rapport de la commission présidée par M. Serge Guinchard sur la répartition des contentieux comportait plusieurs propositions en matière d'accès à la justice, telle que la création d'un guichet universel de greffe permettant aux justiciables et aux auxiliaires de justice d'introduire l'instance judiciaire ou d'obtenir des informations concernant une procédure.

Rappelant qu'il existait actuellement 123 maisons de la justice et du droit (MJD), réparties au sein de 27 cours d'appel, il a précisé que 30 d'entre elles étaient dépourvues de greffiers et que 22 fonctionnaient uniquement avec des personnels mis à disposition par les collectivités territoriales. Il a indiqué que cette situation conduisait à l'ouverture à temps partiel de certains sites, tandis que d'autres étaient provisoirement fermés. Expliquant que la Chancellerie souhaitait créer des MJD de nouvelle génération, il a évoqué la crainte de plusieurs magistrats quant à la capacité des bornes interactives ou points visio-public à répondre aux situations les plus complexes.

Considérant que la justice française était engagée dans une mutation profonde, il a estimé qu'après un effort soutenu de création d'emplois de magistrats, il convenait désormais de renforcer les effectifs des greffes, dont le personnel se sentait souvent dévalorisé. Il a estimé que, si la réforme de la carte judicaire constituait une nécessité, le Parlement devait rester vigilant sur sa mise en oeuvre et veiller à ce qu'elle n'entraîne pas un resserrement des moyens de la justice.

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