Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 novembre 2008 : 2ème réunion
Pjlf pour 2009 — Mission direction de l'action du gouvernement - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis des crédits du programme « Protection des droits et libertés » :

Au cours d'une seconde séance qui s'est tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Claude Peyronnet sur le projet de loi de finances pour 2009 (mission « Direction de l'action du Gouvernement »).

a indiqué que la création du programme résultait des efforts conjugués du Président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, de M. Patrice Gélard, auteur d'un rapport, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, sur les autorités administratives indépendantes, et de Mme Jacqueline Gourault, ancien rapporteur pour avis des crédits de ces autorités, alors inscrits dans le programme « Coordination du travail gouvernemental ».

Il a souligné que le programme comprenait les autorités suivantes :

- le Médiateur de la République ;

- la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ;

- le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) ;

-le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ;

- la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) ;

- la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) ;

- la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) ;

- la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ;

- la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), qui n'est pas stricto sensu une autorité administrative indépendante.

Le programme, a-t-il précisé, regroupe également opportunément la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Il a indiqué avoir plus particulièrement examiné, dans le cadre du rapport, deux questions essentielles : le périmètre d'intervention du futur Défenseur des droits, créé par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la pertinence de la déconcentration des actions des autorités administratives indépendantes (AAI).

Sur le premier point, il a indiqué s'être posé une double question : est-il pertinent, opérationnel et efficace de concevoir une structure unique qui regrouperait tout ou partie des AAI du programme ? Ces dernières pourraient-elles conserver leur spécificité au sein de cet ensemble ?

Pour répondre à ces interrogations, il a déclaré s'être appuyé sur un questionnaire adressé à toutes les autorités concernées ainsi que sur trois auditions, organisées par la commission : celle du Président de la CNIL, de la Défenseure des enfants et du Médiateur de la République.

Il a jugé cette démarche d'autant plus nécessaire que les intentions du Gouvernement quant au champ de compétences du futur Défenseur des droits lui semblaient encore floues, comme l'illustraient le temps de réponse aux questions qui lui avaient été adressées et le manque de précision des réponses apportées.

En ce qui concerne les AAI elles-mêmes, il a précisé que, seul, le Médiateur avait une position très favorable à la création du Défenseur des droits et qu'il escomptait de la réforme un élargissement de ses attributions.

Il a signalé que certaines AAI avaient, à juste titre, répondu qu'elles n'avaient pas vocation à cette intégration : la commission consultative du secret de la Défense nationale, le comité consultatif national d'éthique, la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, le CSA et la commission nationale consultative des Droits de l'Homme.

Concernant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il a rappelé qu'un large consensus s'était fait jour pour attendre l'expiration de son premier mandat avant d'envisager un éventuel rattachement au Défenseur des droits.

Les autres autorités, a-t-il précisé, ont marqué une vive opposition fondée sur des arguments similaires :

- la crainte de la perte d'indépendance ;

- la crainte de perte de visibilité et de notoriété à l'égard des usagers comme de leurs homologues européens avec lesquels elles ont noué des liens ;

- la crainte d'un alourdissement de la procédure ;

- la crainte de la dilution de leur savoir-faire et de leur compétence dans un ensemble généraliste, ajoutant que la CNIL, la HALDE et la CADA avaient mis en avant la nature quasi juridictionnelle de certaines procédures applicables devant elles ;

- enfin, le scepticisme au sujet des économies budgétaires que la réforme est censée apporter.

S'il regrettait la profusion des AAI, quelque peu déroutante pour le citoyen, il a indiqué, en conséquence, qu'il serait très difficile de procéder à leur regroupement compte tenu de la diversité de leurs missions. Il a dit partager le scepticisme des autorités sur les économies budgétaires escomptées. Il a également déclaré que l'objectif, poursuivi par la création du Défenseur des droits, d'améliorer la protection des droits des usagers, risquait de n'être pleinement satisfait que si la réforme s'accompagnait d'un renforcement des moyens juridiques, humains et financiers des autorités regroupées.

Il a mis en avant la nécessité que le regroupement envisagé préserve la spécificité de fonctionnement de chaque instance. Après avoir souligné que la loi constitutionnelle instituant le Défenseur des droits prévoyait la possibilité que ce dernier fût « assisté d'un collège pour l'exercice de certaines attributions », il a marqué sa préférence pour plusieurs collèges spécialisés, ou, à tout le moins, pour un collège à géométrie variable.

Abordant le second thème du rapport, à savoir la pertinence de la déconcentration des actions des AAI, il a expliqué qu'il avait conduit sa réflexion au moyen d'un questionnaire, adressé à toutes les autorités du programme ainsi qu'à la Défenseure des enfants, complété par un déplacement dans les Yvelines pour y rencontrer deux délégués du Médiateur de la République.

Quatre autorités, a-t-il précisé, disposent d'un réseau de délégués : le Médiateur de la République, la HALDE, le Défenseur des droits et le CSA. La CNIL et la CADA bénéficient de la collaboration de correspondants externes exerçant des fonctions dans les administrations locales et, en ce qui concerne la CNIL, dans les entreprises. Il a rappelé que lors de son audition par la commission, M. Alex Türk, président de la CNIL, avait regretté que les collectivités territoriales, sans doute mal informées, n'aient pas désigné plus de correspondants et qu'il avait espéré franchir une étape supplémentaire en créant une dizaine d'antennes régionales intégrées à l'institution, financées par une redevance acquittée par les collectivités et entreprises. Le rapporteur a approuvé une telle perspective.

Il a également signalé que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, hostile pour l'heure à l'institution de contrôleurs régionaux, avait fait valoir que l'efficacité et la pérennité de l'institution reposaient sur l'élaboration centralisée d'une méthode de contrôle et d'une déontologie propres à l'institution.

Revenant sur son déplacement dans les Yvelines, il a expliqué qu'il avait rencontré deux délégués du Médiateur, l'un pour l'ensemble des usagers, l'autre pour le milieu carcéral. Il a déclaré en être revenu avec une très bonne impression, fondée sur les points suivants :

- des conditions de travail satisfaisantes ;

- une formation régulière et approfondie ;

- une évaluation continue des délégués au travers d'études de cas transmises par Intranet à l'ensemble du réseau ;

- une mutualisation des savoir-faire et des expériences ;

- une grande qualité des délégués, apparus comme disponibles et compétents ;

- une proximité qui favorise le contact avec les usagers et facilite le traitement des dossiers ;

- un faible impact budgétaire pour l'institution.

Il a déclaré que cette expérience, qu'il a reconnue limitée et dont l'analyse devait être poursuivie dans les années à venir, lui permettait de conclure provisoirement au fonctionnement très positif de ce réseau.

Par ailleurs, il a jugé peu réaliste d'imaginer, dans l'hypothèse où le Défenseur des droits comprendrait plusieurs autorités administratives indépendantes à réseaux, qu'une même personne, déléguée du Défenseur des droits, puisse, seule, exercer les compétences actuellement dévolues à plusieurs.

Sur un plan budgétaire général, il a formulé trois observations.

En premier lieu, après s'être étonné du montant particulièrement élevé des loyers acquittés par certaines AAI, citant le Médiateur de la République, la Halde et le CSA, il a souhaité que ces autorités acceptent, à l'avenir, de quitter les beaux quartiers parisiens pour s'installer, par exemple, en périphérie de Paris.

En deuxième lieu, il a indiqué avoir obtenu du ministère du budget la revalorisation des indemnités des membres de la CNDS et a souhaité, au-delà, que le Gouvernement harmonise dans les meilleurs délais les indemnités versées aux membres des différentes AAI.

Il a indiqué s'être longuement interrogé sur le bien-fondé de la réduction des crédits de certaines AAI, votée, à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, par les députés lors de la première lecture du projet de loi de finances pour 2009. Soucieux, dans le contexte actuel, de contenir les déficits publics et dans l'attente de la position de la commission des finances du Sénat, il a jugé acceptable cette réduction des crédits dès lors, en premier lieu, qu'elle n'amputait les crédits du programme, proposés par le gouvernement pour 2009, que d'environ 1 % et que, en second lieu, ceux-ci poursuivaient globalement leur progression (de 24 % pour les autorisations d'engagement et de 4,7 % pour les crédits de paiement en tenant compte de la réduction votée par les députés). Enfin, prise isolément, aucune autorité administrative indépendante ne voyait son budget réduit en 2009. Il a toutefois souligné que la HALDE, à laquelle l'amendement retirait plus de 500.000 euros, avait considéré que cette moindre progression de son budget retarderait le déploiement de son réseau territorial et contrarierait l'exercice de la compétence, acquise en 2006, de sanction transactionnelle.

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