Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 25 novembre 2008 : 1ère réunion
Pjlf pour 2009 — Mission enseignement scolaire - examen du rapport pour avis

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis :

Enfin, la commission a entendu le rapport pour avis de Mme Brigitte Gonthier-Maurin sur les crédits consacrés à l'enseignement professionnel au sein de la mission « Enseignement scolaire» dans le projet de loi de finances pour 2009.

Après avoir rappelé que, depuis plus d'un an, l'enseignement professionnel était sous les feux de l'actualité en raison de la réforme du baccalauréat professionnel, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis, a formulé les observations suivantes :

- alors que la réforme du lycée se fait à budget constant, la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans se traduit par une baisse de 0,27 % des crédits de paiement qui lui sont consacrés. Cette différence de traitement n'est pas sans susciter des interrogations ;

- ce n'est pas la création du baccalauréat professionnel en 3 ans, mais sa généralisation, qui fait naître des inquiétudes. Si la naissance de ce nouveau cursus permettra en effet d'attirer vers l'enseignement professionnel de nouveaux profils d'élèves, elle risque également de nuire aux élèves qui ne seront pas capables de supporter ce rythme accéléré. Celui-ci permettra toutefois de dissiper la lassitude que ressentaient certains élèves qui suivaient le cursus en 4 ans ;

- les expérimentations engagées depuis 2000 montrent que le principe d'une formation en 3 années permet d'améliorer très nettement les résultats des élèves qui obtiennent le baccalauréat professionnel, mais que sa mise en oeuvre se traduit aussi par de nombreux échecs et arrêts d'études à hauteur de près de 50 %. Les élèves concernés, qui jusque là obtenaient au moins pour une large part un brevet d'études professionnelles (BEP), sortent alors du système éducatif sans aucune qualification ;

- le maintien du BEP n'est qu'un succédané, dès lors que les formations spécifiques qui y conduisent sont supprimées. La part du contrôle en cours de formation (CCF) dans l'évaluation prévue au sein de ce diplôme le prouve ;

- la préparation du BEP permettait pourtant d'atteindre deux objectifs, en donnant à des élèves souvent fragiles le temps de reprendre confiance et en les conduisant à une qualification qui permettait dans tous les secteurs, sauf un, une meilleure insertion qu'un certificat d'aptitudes professionnelles (CAP). Le CAP devenant désormais le seul diplôme de remédiation, il peut en découler une baisse du niveau de qualification des élèves concernés ;

- la généralisation va donc à l'encontre de la souplesse et du pragmatisme qui devraient gouverner la voie professionnelle, cette dernière accueillant des élèves aux profils très différents qui se voyaient offrir jusque là une grande diversité de filières, chacune correspondant à des besoins particuliers ;

- la réforme se fait dans une certaine précipitation, les référentiels et les programmes étant encore en cours d'élaboration moins d'un an avant son entrée en vigueur. Il est également possible de s'interroger sur l'accompagnement pédagogique qui sera proposé aux enseignants. Un tel bouleversement supposerait en effet un véritable pilotage de la part des corps d'inspection du ministère, car l'essentiel de la réforme se jouera dans les classes ;

- par ailleurs, la promotion de l'apprentissage ne doit pas conduire à occulter le rôle essentiel tenu par l'enseignement professionnel sous statut scolaire. Chacune de ces formes d'enseignement a un rôle à jouer, l'apprentissage permettant une meilleure insertion à court terme et la voie scolaire ouvrant la voie à des reprises d'études futures ;

- le projet de loi de finances pour 2009 traduit quelques avancées en direction des professeurs de lycée professionnel (PLP). Celles-ci restent toutefois timides, les inégalités symboliques qui séparent les corps demeurant très fortes. La représentation des PLP dans les différentes instances du ministère devrait ainsi faire l'objet d'études plus approfondies ;

- les mentalités doivent changer, afin de mettre fin à l'orientation par l'échec vers la voie professionnelle, qui reste la règle au collège. Pour que des vocations naissent, il faudra toutefois que les élèves puissent découvrir l'enseignement professionnel. Tel n'est pas le cas actuellement, le collège unique demeurant avant tout un collège d'enseignement général. Le sort réservé à l'option de découverte professionnelle le prouve, celle-ci restant dans les faits réservée aux élèves susceptibles de rejoindre la voie professionnelle, qu'il s'agisse du module de 3 heures ou de celui de 6 heures ;

- la mise en place du parcours de découverte des métiers et des formations aurait pu se traduire par un changement d'esprit, mais les premiers textes parus sont très en retrait par rapport à l'esprit initial du dispositif. Les élèves devaient visiter un lycée général et technologique, un lycée professionnel et un centre de formation d'apprentis (CFA). Finalement, ce sera l'un de ces établissements au choix. De même, ils devaient passer 10 jours en entreprise durant les quatre années passées au collège. Le ministère indique finalement qu'au sein de ces 10 journées, l'on peut compter le temps passé en relation avec un professionnel ;

- l'orientation demeure une préoccupation secondaire, nul n'en étant réellement responsable. Il conviendrait donc d'attribuer à chaque élève un adulte-référent qui aurait la charge, tout au long des quatre années de collège, de suivre sa scolarité, de s'entretenir avec l'élève de ses projets et de l'aider à les mûrir. Cela offrirait un peu de stabilité aux élèves et garantirait l'engagement de l'adulte en question. Ce dernier serait désigné parmi l'ensemble des personnels concourant à la mise en oeuvre du service public d'éducation au sein de l'établissement ;

- quant aux conseillers d'orientation psychologues (COP), ils devraient voir leur fonction pérennisées, leur travail étant en effet essentiel bien que souvent invisible. Pour l'heure, le corps semble avoir été mis en extinction, même si aucune décision officielle n'a été prise à ce sujet. Il conviendrait que le ministère apporte des précisions sur le sujet ;

- les COP pourraient au demeurant gérer des banques de stage pour les élèves de 3e dans chaque établissement. Cela éviterait que ces séquences d'observation ne soient l'occasion pour les logiques de reproduction sociale de jouer à plein ;

- quant au parcours de découverte des métiers et des formations, il devrait devenir plus ambitieux et permettre aux élèves de s'ouvrir progressivement à la diversité des métiers. Pour ce faire, il faut commencer tôt, les collégiens mûrissant d'autant mieux leur projet que leur réflexion ne se construit pas sous la pression d'une décision d'orientation prochaine.

Après avoir indiqué que de telles orientations supposaient une volonté politique, mais aussi des moyens budgétaires et que ceux-ci ne figuraient pas dans le projet de loi de finances pour 2009, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits pour 2009 de la mission « Enseignement scolaire ».

Un large débat a suivi l'intervention du rapporteur pour avis.

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