J'ai proposé en commission que le texte présenté par le gouvernement soit d'adaptation, plutôt que de modernisation de l'agriculture : les lois d'orientation agricole ont été si nombreuses qu'elles ont désorienté les agriculteurs, lesquels se sont amplement modernisés depuis déjà cinquante ans, au point d'avoir désormais surtout besoin d'adaptation... On leur a demandé d'assurer l'autosuffisance alimentaire de la France, puis d'exporter en Europe et enfin dans le monde, et il faut les aider aujourd'hui à s'adapter à la mondialisation.
Les contraintes administratives et environnementales sont excessives, elles augmentent les charges au moment où les prix et le revenu baissent. Il faut absolument un moratoire. Toutes les productions sont en grande difficulté, il faut remonter aux souvenirs des années 30 pour trouver une pareille crise ! Les intentions du projet de loi sont louables, mais son dispositif pourrait se heurter aux règles européennes, en particulier sur la concurrence ? Nous risquons de vérifier rapidement qu'il faut aussi faire évoluer les normes européennes : comment encourager les regroupements quand l'Europe interdit les ententes ?
Les réglementations sont toujours plus draconiennes et coûteuses mais la France exige toujours plus que les autres pays : le projet de loi doit prévoir une évaluation des nouvelles règles environnementales, ou bien nous ne ferons qu'aggraver la situation.
Il faut mieux valoriser les produits par l'innovation, et il y a des marges importantes, en particulier pour les céréales et les oléagineux.
La contractualisation va être améliorée, mais il ne faut pas perdre de vue que trois euros de plus pour la tonne de céréales ne suffiront pas à régler tous les problèmes. Et le commissaire européen à l'agriculture ne nous rassure pas, quand il déclare que la PAC ne doit pas gêner les agricultures des autres régions du monde.
Les Américains sont beaucoup plus volontaristes, puisqu'ils ne cessent d'augmenter leurs aides à l'agriculture. L'Europe a les moyens d'agir : crédits à l'exportation à taux zéro, déblocage des restitutions à l'exportation, préférence communautaire, programme alimentaire destiné aux pays tiers dont les habitants souffrent de malnutrition, programme d'aide alimentaire aux citoyens les plus démunis, stockage, régulation des marchés... Je rappelle que 100 kg de blé rapportent aujourd'hui 10 euros à l'exploitant, soit deux paquets de cigarettes, alors qu'ils coûtent entre 14 et 17 euros à produire ! Sur les 90 centimes que coûte une baguette, 10 seulement reviennent à l'exploitant. Les agriculteurs ne rentrent même plus dans leurs frais. Il n'est pas étonnant qu'ils viennent hurler leur détresse à Paris !