Intervention de Éric Woerth

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 mai 2010 : 1ère réunion
Très petites entreprises et démocratie sociale — Audition de M. Eric Woerth ministre du travail de la solidarité et de la fonction publique

Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

Ce texte complète la loi du 20 août 2008, qui a réformé les critères de représentativité des syndicats en mettant fin à la présomption irréfragable de représentativité, en vigueur depuis les lendemains de la guerre. Désormais, les syndicats fondent leur représentativité sur l'élection, les salariés désignent ceux qui les représentent pour négocier les accords les concernant : c'est un progrès essentiel, tant la démocratie est indissociable de l'élection.

Cependant, la voix des salariés des entreprises de moins de onze salariés n'est pas prise en compte dans l'évaluation de la représentativité des syndicats, puisque les très petites entreprises (TPE) n'ont pas l'obligation d'organiser des élections professionnelles. Les partenaires sociaux signataires de la position commune d'avril 2008, à savoir le Medef, la CGPME, la CGT et la CFDT, avaient prévu à l'origine de mettre en place par la suite un mécanisme pour prendre en compte la position des salariés des TPE, et la loi du 20 août 2008 a renvoyé le sujet à une loi ultérieure. Une négociation entre les cinq centrales, le Medef, la CGPME et l'UPA devait aboutir avant le 30 juin 2009 : elle n'a pas abouti, le Gouvernement le regrette.

Le 20 janvier dernier, cependant, l'UPA et quatre syndicats de salariés adressaient une lettre au Gouvernement demandant que les salariés des TPE soient pris en compte ; c'est cette lettre que le Gouvernement a prise comme base pour ce projet de loi.

Les salariés des TPE représentent 20 % des salariés du privé, soit quatre millions de personnes, qui ne sont jamais consultés sur la représentativité de syndicats pourtant chargés de négocier les accords de branche qui les concernent directement. Les accords de branche eux-mêmes perdent de la valeur dès lors qu'on ne s'assure pas de la représentativité de ceux qui les négocient. Priver des salariés du droit d'expression au prétexte qu'ils travaillent dans une très petite entreprise, c'est comme si l'on privait des citoyens du droit de vote à l'élection présidentielle au prétexte qu'ils habitent dans un très petit village.

La loi de 2008 a donc prévu des règles transitoires, dans l'attente de celles qui permettront de mesurer la représentativité des syndicats en 2013. Il faut donc, d'ici là, organiser la prise en compte de tous les salariés, y compris ceux des TPE, par des élections.

Lors du sommet social du 15 février dernier, le Président de la République a fixé deux échéances : une loi pour cette année et une consultation électorale dès la fin 2012.

La réforme que je vous propose est simple, pragmatique, sans idéologie, et elle fait confiance à la négociation collective.

En premier lieu, elle institue la mesure de l'audience des syndicats de salariés auprès des salariés des TPE. L'Etat organisera tous les quatre ans un scrutin auprès des quatre millions de salariés concernés. Par souci de souplesse et pour qu'il ne représente pas une charge nouvelle pour l'entreprise, nous prévoyons un vote électronique ou par correspondance. Tous les syndicats qui présenteront des candidats au premier tour des élections professionnelles pourront mesurer leur audience dans les TPE.

Cette consultation se fera sur les sigles de syndicats. Certains auraient préféré une élection avec des candidats identifiés mais on ne peut désigner de candidats qu'à la condition qu'ils siègent ensuite dans une instance. Nous n'avons pas affaire ici à des fonctions, il n'y aura qu'une mesure de l'audience. D'où cette élection par sigles qui permettra de mesurer le poids électoral de chaque syndicat, par branche et au niveau interprofessionnel, en prenant en compte l'expression de tous les salariés.

Le secteur agricole dispose déjà, avec les élections aux chambres d'agriculture, d'un bon outil pour mesurer la représentativité des syndicats ; le secteur agricole y étant attaché, nous prévoyons de nous en tenir à ces élections aux chambres d'agriculture pour mesurer l'audience des syndicats agricoles.

En second lieu, ce texte renvoie à la négociation collective la possibilité de mettre en place des commissions paritaires pour les salariés des TPE. Les signataires de la lettre du 20 janvier 2010 ont demandé des commissions paritaires régionales, des discussions sont engagées entre partenaires sociaux. De telles commissions existent depuis la loi du 4 mai 2004 pour de nombreuses entreprises et dans l'artisanat depuis 2001 ; elles ont toujours dépendu de la négociation collective et de la volonté des partenaires sociaux. Des commissions paritaires existent ainsi dans le Gers, dans le Lot, en Loir-et-Cher ; elles réunissent des organisations patronales interprofessionnelles et des organisations de salariés. Les commissions paritaires pour les TPE auraient des attributions plus limitées, sans pouvoir, par exemple, négocier des accords.

Enfin, ce texte reporte de deux ans les élections prud'homales, pour éviter d'organiser la même année des élections professionnelles différentes, dont les résultats pourraient être contradictoires. Ce report donne aussi du temps à la réflexion. J'ai reçu hier le rapport de Jacky Richard sur l'avenir des élections prud'homales ; nous allons prendre le temps d'examiner les pistes qu'il propose. Les élections prud'homales coûtent 90 millions, mais la participation est toujours plus faible, à un point tel qu'on peut s'interroger sur leurs modalités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion