Commission des affaires sociales

Réunion du 26 mai 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Cette audition est organisée dans la perspective de la tenue du débat « La loi Hôpital, patients, santé et territoires : un an après » en séance publique le mardi 15 juin 2010, demandé par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Le comité que j'ai l'honneur de présider a été créé par un amendement du Sénat. L'article 35 de la loi HPST est ainsi rédigé : « Il est créé un comité de suivi de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé, placé auprès du ministre chargé de la santé. Sa composition et ses missions sont définies par voie réglementaire. Il remet un rapport au Parlement deux ans après la promulgation de la présente loi. »

Le décret définissant ses missions a été publié le 4 février 2010. Son titre s'écarte quelque peu du texte législatif, puisqu'il est ainsi libellé : « Décret relatif au comité d'évaluation de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ».

Le décret lui assigne trois missions :

- évaluer la mise en oeuvre de la réforme de la gouvernance hospitalière et en dresser un bilan ;

- évaluer et faire le bilan des procédures de suivi et d'amélioration de la qualité dans les établissements de santé ;

- évaluer la mise en oeuvre des mesures ayant pour objet de favoriser les coopérations entre établissements de santé.

Le comité d'évaluation compte douze membres : un sénateur et un député, un représentant des associations d'usagers, six représentants des personnels médicaux et non médicaux et des personnels de direction des établissements de santé, trois personnalités qualifiées choisies en raison de leur connaissance du système de santé.

Le comité a été installé par la ministre de la santé et des sports à Beauvais le 8 février dernier. Il a défini un programme d'auditions qui se poursuivra jusqu'à l'été. Il a également examiné les projets de décrets d'application et a pu faire connaître à la ministre de la santé les observations que certains d'entre eux avaient suscitées, en particulier le projet de décret sur les missions de service public dont la rédaction est apparue au comité non conforme à la loi en ce qu'il définissait une procédure d'attribution des missions de service public ne tenant pas compte de la situation antérieure à la publication de la loi. Il est par ailleurs saisi par la conférence des présidents de commissions médicales des établissements universitaires d'une « charte » par laquelle ils s'engagent à saisir la commission médicale d'établissement (CME) pour avis sur les questions dans lesquelles la loi ne le requiert pas. Il va également s'intéresser à la mission confiée à Elisabeth Hubert sur la médecine de proximité.

Après l'été, il commencera une série de visites d'hôpitaux dans plusieurs régions. Il doit arrêter à sa prochaine séance un programme d'enquête auprès des directeurs généraux d'agences régionales de santé (ARS), de présidents de conseil de surveillance, de directeurs et de présidents de commissions médicales d'établissements.

Le comité est parti d'un premier constat. Depuis la promulgation de la loi HPST, l'hôpital public n'est plus un établissement public local. Il n'a plus de collectivité de rattachement, mais un « ressort », c'est-à-dire qu'il a vocation à prendre en charge une population à différents niveaux définis par la loi. Le rattachement historique à la commune n'existe plus. Même si ce rattachement avait peu d'incidence sur le fonctionnement concret de l'hôpital, qu'il s'agisse du financement, de la désignation des responsables ou de la responsabilité financière, c'est un lien symbolique qui est rompu. Sans le dire, la loi HPST fait des établissements publics de santé des établissements d'Etat, sous l'autorité renforcée de l'ARS.

Le comité va s'attacher à mettre en évidence les implications de cette évolution. La première question qu'il se pose est celle de savoir comment va évoluer le positionnement des élus et, au premier chef, des maires des communes d'implantation dans la nouvelle configuration institutionnelle, caractérisée par le remplacement du conseil d'administration par un conseil de surveillance aux compétences plus limitées et par la place plus réduite des élus dans ce conseil, qui n'est plus présidé de droit par le maire. Ces changements vont-ils conduire les élus à prendre de la distance ou au contraire à maintenir une relation étroite avec l'hôpital, en raison de l'importance que revêt celui-ci dans la vie locale, tant sur le plan symbolique que sur le plan pratique ?

On retrouve dans cette dernière interrogation des questions essentielles relatives à l'hôpital : comment s'exerce la liberté de choix des patients ? Comment concilier proximité, qualité des soins et bonne utilisation des ressources publiques consacrées à l'hôpital et plus globalement à la santé ? Derrière ces sujets apparaissent des préoccupations bien connues des élus locaux : l'avenir des petites maternités et des petits services de chirurgie ; la prise en charge des urgences et de la permanence des soins de ville ; la répartition des médecins sur le territoire.

L'ambition de la loi HPST est d'apporter des éléments de réponse à ces différentes questions en favorisant les coopérations entre établissements de santé, mais aussi entre hôpitaux, professionnels de ville et structures médico-sociales, en diversifiant les modes d'exercice médical à l'hôpital, en permettant l'hospitalisation à domicile dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

A travers les nombreuses auditions auxquelles il procède, le comité s'intéresse aux conditions dans lesquelles la loi permettra d'améliorer l'offre de soins avec la réorganisation de l'hôpital et la mise en place des ARS qui ont compétence non seulement dans le domaine sanitaire, mais aussi dans le champ médico-social. L'insertion des établissements médico-sociaux dans le dispositif pose d'ailleurs certaines difficultés qui devront être prise en compte.

En ce qui concerne la gouvernance hospitalière, la loi HPST modifie les équilibres de pouvoirs au sein de l'hôpital public. Les pouvoirs du directeur sont renforcés mais il les partage avec le président de la commission médicale d'établissement (CME). Il doit en déléguer une partie à d'autres médecins, les chefs de pôle, qui doivent bénéficier d'une délégation de gestion. Ce changement de positionnement des acteurs de l'hôpital a conduit le comité de suivi à se poser un certain nombre de questions :

- Comment va évoluer le positionnement du chef d'établissement et quels seront ses rapports avec l'ARS ?

- Comment le président de CME va-t-il concilier son rôle de représentant de la communauté médicale et la tâche essentielle qui lui est confiée pour l'élaboration du projet médical ? Comment va fonctionner le lien entre président de la CME, directeur et chefs de pôle ?

- Comment le directeur va-t-il organiser son management ? Avec la suppression du conseil exécutif et un directoire très ramassé, il devra trouver des modes différents de fonctionnement avec les responsables de pôle.

- Comment la fonction de chef de pôle va-t-elle se mettre en place ?

Les coopérations sont un autre volet important de la loi HPST. Celle-ci comporte à cet égard deux grandes innovations : la communauté hospitalière de territoire et le groupement de coopération sanitaire « établissement de santé ». L'enjeu de ces deux dispositifs est le même : il s'agit de faciliter la création de structures viables au regard de leur fonctionnement médical. Plusieurs facteurs risquent en effet de fragiliser le tissu hospitalier.

Le premier de ces facteurs est la perspective d'arrêt de l'activité d'une génération de praticiens très polyvalents à dominance masculine, pratiquant au sein d'équipes parfois très réduites et qui acceptent des contraintes importantes de permanence des soins.

Le deuxième est que les nouvelles générations de praticiens souhaitent intégrer des équipes importantes leur permettant des échanges, le développement de techniques pointues, avec une charge de permanence des soins moins lourde.

Le troisième est la féminisation du corps médical (maternité, vie de famille, éducation des enfants) et la difficulté à trouver des postes pour les deux membres d'un couple dans une localité de taille modeste.

Ces facteurs de fragilité des hôpitaux et des cliniques conduisent à rechercher des regroupements. Le risque, dans la recherche de ces coopérations, est de rassembler dans de grands hôpitaux la totalité des fonctions au détriment des autres établissements.

Pour parvenir à concilier proximité et qualité, il est souhaitable d'utiliser à la fois les structures de coopération entre établissements publics et les groupements de coopération sanitaire (GCS) avec des établissements privés. En l'état de la réflexion, ces coopérations soulèvent plusieurs interrogations :

- les rivalités entre villes voisines et la peur des petits établissements de se voir défavorisés peuvent-elles être surmontées pour créer de véritables pôles hospitaliers dotés d'équipes médicales réellement communes et apporter une réponse aux problèmes posés par les déplacements des patients et de leurs familles ?

- La formule du GCS « établissement de santé », qui est une structure d'intégration, ne fera-t-elle pas hésiter les établissements potentiellement intéressés, notamment certains Ehpad, qui ne veulent pas perdre leur statut privé ?

- Comment traiter la question des territoires les moins peuplés, sachant que le déficit d'activité pour les équipes médicales hospitalières se double généralement de problèmes aigus pour le recrutement des médecins généralistes ?

- Comment les rapprochements public-privé peuvent-ils s'articuler avec la constitution de groupes de cliniques dont plusieurs s'appuient sur des fonds d'investissement ?

Le comité s'intéressera également aux relations entre directeurs généraux d'hôpitaux et ARS, qui seront naturellement très différentes selon que l'établissement de santé est un CHU ou un hôpital plus modeste. Cette question se posera de manière particulièrement sensible pour l'AP-HP à Paris et pour les établissements de Lyon et Marseille. Les organisations hospitalières de Paris, Lyon et Marseille sont celles qui accusent les déficits les plus importants, ce qui peut s'expliquer par de nombreux facteurs, tels que leur taille, leur attractivité, l'absence jusqu'il y a peu de facturation des consultations externes.

Beaucoup d'autres questions devront être abordées et le comité a été informé des difficultés d'application des nouvelles possibilités d'exercice médical, qu'il s'agisse des contrats des praticiens cliniciens ou du recours à des praticiens libéraux dans les hôpitaux publics. Sur des sujets tels que celui-ci, le comité aura une approche plus qualitative que quantitative, compte tenu des délais qui lui sont donnés pour travailler. Certains décrets d'application ne sont en effet pas encore pris et il est possible que certains ne soient jamais pris, par exemple sur les missions de service public, dans la mesure où la loi apparaît finalement suffisamment explicite.

Tel est l'état des travaux du comité. La mise en place d'une telle structure susceptible de recueillir l'avis des professionnels et de faciliter la mise en oeuvre de la loi est une initiative particulièrement intéressante. Le comité a déjà procédé à une vingtaine d'auditions et a notamment entendu les directeurs de l'école des hautes études en santé publique et de l'école nationale de la sécurité sociale, les fédérations hospitalières, l'agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé (Anap), les directions concernées du ministère de la santé et la Cnam.

Trois éléments essentiels ressortent des premières auditions :

- sur la gouvernance, les rapports entre directeurs d'hôpitaux et présidents de CME sont bien meilleurs qu'on ne le dit parfois ; en outre, en ce qui concerne les personnels médicaux, et notamment les cadres infirmiers, la mise en place de la réforme se passe dans de bonnes conditions, avec une inquiétude relative au partage des responsabilités entre président du directoire et chefs de pôle ; enfin, la mise en place des conseils de surveillance méritera d'être observée avec attention : qui seront les personnalités qualifiées désignées ? Qui présidera ces conseils ?

- le mouvement de regroupement et de coopération est engagé et il conviendra d'évaluer la manière dont il se développe ;

- il est trop tôt pour conclure sur l'évolution des rapports public-privé et l'organisation du maillage complet de l'offre de soins, intégrant les médecins de ville, est encore un objectif à moyen terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le comité d'évaluation a parfaitement compris les intentions du législateur, tant en ce qui concerne la gouvernance de l'hôpital que la réorganisation de la médecine et des relations entre les secteurs public et privé ou encore la mise en place des ARS. A-t-il été saisi des difficultés particulières rencontrées dans les hôpitaux psychiatriques auxquels s'applique pleinement la loi HPST et où plusieurs présidents de CME, voire des CME tout entières, ont récemment démissionné, comme par exemple à l'hôpital de Montfavet ? La question n'est pas tant celle des relations personnelles entre les directeurs d'hôpitaux et les présidents de CME que celle des relations institutionnelles entre ces deux autorités, en particulier pour la nomination des chefs de pôle.

L'évaluation des relations entre les ARS et les directeurs d'établissement est encore prématurée puisque les ARS n'ont été officiellement mises en place que le 1er avril. Ce sujet est cependant essentiel notamment pour organiser la coopération entre établissements de santé. La question du leadership sur un territoire sanitaire devra être posée surtout si le mouvement constaté actuellement de regroupement des cliniques privées dans un objectif de plus grande efficacité par rapport au secteur public se poursuit.

La composition et les compétences du conseil de surveillance des établissements de santé avaient fait l'objet de longs débats au Sénat. Il est indispensable que son rôle ne soit pas encore amoindri par les décrets d'application.

A l'occasion des auditions préparatoires à l'examen de la loi HPST, il était apparu que l'école des hautes études en santé publique de Rennes avait des ambitions extrêmement élevées ; elle devra toutefois faire de la formation opérationnelle des directeurs d'hôpitaux une priorité. La création de l'Anap a également répondu à un souhait du Sénat.

Enfin, il conviendra de bien surveiller la mise en place des différentes formes de regroupement définies par la loi, communautés hospitalières de territoire et groupements de coopération sanitaire, car l'objectif est de mutualiser les moyens des établissements et non de fragiliser certains d'entre eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Un problème particulier se pose pour les hôpitaux psychiatriques qui se considèrent mal traités par la loi. Néanmoins, en rencontrant plus d'une centaine de présidents de CME, le comité n'a pas perçu de difficultés majeures qui pourraient justifier des démissions en masse. Les présidents de CME ont adopté une charte qui établit bien leurs souhaits. Deux sujets restent sensibles : la nomination des chefs de pôle et la présence du corps médical au sein des conseils de surveillance. Sur les relations entre les ARS et les directeurs d'hôpitaux, il est encore trop tôt pour porter un jugement. Les regroupements en cours de cliniques privées se font à l'évidence souvent autour des secteurs les plus rentables. Le rapprochement entre des établissements publics et privés au sein de GCS sera d'autant plus difficile que les cliniques seront entre les mains d'actionnaires comme des fonds de pension ou surtout étrangers. L'école de Rennes a créé un institut du management qui pourrait être très intéressant pour la formation des directeurs d'hôpitaux, de leurs adjoints et des chefs de pôle mais son positionnement n'est pas encore suffisamment clair ; l'un des membres du comité d'évaluation, professeur à l'Essec, suit de plus près cette question. Les actions de l'Anap et de cet institut devront être coordonnées.

Debut de section - Permalien
Guy Collet, rapporteur général

Certes, des membres de CME ont menacé de démissionner, mais la plupart n'ont pas été plus loin. Le malaise constaté dans les hôpitaux psychiatriques tient à un mode d'organisation très spécifique et à une inquiétude sur l'insertion de ces structures dans les projets médicaux de territoire. Le rapport Couty n'a pour l'instant pas eu de suite alors que la question du positionnement des hôpitaux psychiatriques dans l'offre de soins d'une région nécessite une réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

L'évolution des hôpitaux généraux dans les villes moyennes est préoccupante. Les parcours professionnels de plus en plus divergents de certains spécialistes, notamment les chirurgiens, les gynécologues-obstétriciens et les anesthésistes obligent ces hôpitaux, du fait de la pénurie, à recruter des médecins étrangers. Cette situation conduit souvent à une chute de leur activité et à une baisse de la qualité des soins, les cliniques privées étant les grandes bénéficiaires de cette évolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Le comité d'évaluation a bien identifié les points importants à suivre dans le cadre de l'entrée en application de la loi. Un récent exemple local permet de regretter un manque de loyauté dans la pratique concrète des textes en ce qui concerne la nomination des directeurs ; sur la nomination des membres du conseil de surveillance, la désignation des membres du corps médical s'est passée dans de bonnes conditions, celle des personnalités qualifiées est toujours en attente. Le préfet pourrait jouer un rôle d'arbitre utile en la matière. Ce qui est surtout inquiétant, c'est le sentiment partagé qui semble poindre sur l'inutilité du conseil de surveillance. Or, celui-ci aura un rôle essentiel au moment de la création des CHT car celles-ci ne devront pas se faire dans le cadre de rapports de pouvoirs mais dans le sens d'une plus grande excellence pour l'organisation de la santé sur un territoire donné. Le directeur général de l'ARS du Nord-Pas-de-Calais a nommé quatre adjoints territoriaux afin de permettre une meilleure proximité dans le suivi des dossiers. Cela apparaît comme une bonne mesure et il serait sans doute intéressant que le comité de suivi puisse recenser des bonnes pratiques comme celles-ci pour ensuite permettre leur diffusion auprès des autres ARS.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Le comité d'évaluation a-t-il pu, malgré le caractère encore très récent de la mise en place des ARS, examiner la question de la gestion du risque, son partage entre l'assurance maladie et les ARS et son articulation entre le niveau national et le niveau régional ? Dans quelles conditions les CHT pourront-elles intégrer des établissements publics et des établissements privés ? Dans le domaine médico-social, quelles devront être les relations avec les conseils généraux et comment doit se passer la procédure d'appel à projets ? Enfin, deux journées de stage au CHU de Lille m'ont montré la très grande qualité de gestion de cet établissement qui, à bien des égards, apparaît exemplaire, notamment pour les relations nouées entre les professionnels de santé et les responsables administratifs, la coordination entre les soins de ville et l'hôpital et les relations avec les établissements privés voisins. En outre, cet établissement présente un budget pratiquement à l'équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

De nombreuses observations du comité d'évaluation recoupent les questionnements de la commission des affaires sociales et du groupe socialiste, exprimés lors des débats d'il y a un an sur la loi HPST. En qualifiant le conseil de surveillance d'organisme « croupion », l'opposition au Sénat montrait bien quel était le risque ; seule la présence d'élus est une garantie pour éviter les débordements ; l'approbation du budget et du plan d'investissement était aussi une nécessité. On assiste aujourd'hui à une étatisation insidieuse des établissements et à une mutation réelle des structures hospitalières. Il aurait mieux valu faire des élus des alliés et des partenaires plutôt que des adversaires.

Sur la gouvernance interne des hôpitaux, il n'y a pas de raison que les relations entre le directeur et le président de la CME qui étaient bonnes hier ne le soient plus demain car chacune de ces deux autorités découle d'une légitimité différente. En revanche, la question de la nomination des chefs de pôle pose problème car la loi confère au chef de pôle une légitimité provenant exclusivement du directeur, ce qui pourrait entraîner des conflits avec le corps médical et même le président de la CME ; cette source de fragilité pourrait au final avoir un impact sur la qualité des soins.

Sur les coopérations entre établissements, les risques pourront être écartés si chaque acteur garde la mesure de ses responsabilités, si les rapports sont équilibrés entre les différents partenaires ; à l'inverse, si l'un des établissements décide d'adopter une position dominante, les élus et les populations ne pourront que rejeter le projet. Le mouvement actuel de regroupement des cliniques favorisé par les fonds d'investissement avec un autre objet que la présence équilibrée des structures sur le territoire créera des tensions inévitables. Les relations actuelles entre les fédérations hospitalière de France (FHF) et de l'hospitalisation privée (FHP) sont peu propices à la création d'un bon climat dans ce domaine. C'est avant tout un problème de logique et de culture alors même que l'on souhaite appréhender d'une nouvelle manière les missions de service public de l'hôpital.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Le peu d'intérêt des élus pour le secteur psychiatrique est regrettable. L'articulation entre les conseils de surveillance de l'ARS et des établissements posera des problèmes aux élus membres de ces conseils. Il est essentiel qu'une relation se noue entre les ARS et les conseils généraux pour le secteur médico-social qui devra notamment bénéficier d'une meilleure interface avec le secteur hospitalier. Il est également important que de bonnes relations existent entre le pouvoir médical, les élus, les usagers, les associations. Les réseaux de santé devraient favoriser des intégrations plutôt qu'être des lieux de pouvoir. La question des coopérations transfrontalières est un sujet qui mérite d'être évalué dans le cadre de la mise en place de la loi HPST. Le processus d'accréditation des établissements est-il modifié par la réforme ? S'est-on penché sur la question fondamentale de la transmission des données entre établissements et professionnels ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les manifestations des infirmiers-anesthésistes à la gare Montparnasse, les perturbations dans de nombreux services de l'AP-HP et les grèves constatées depuis trois mois au CHU de Nantes sont des manifestations de la fébrilité qui existe aujourd'hui à l'hôpital. La mise en oeuvre de la loi HPST permettra-t-elle de ramener le calme ou bien est-elle la raison de cette fébrilité ? Le Sénat avait parfaitement analysé, il y a un an, la nécessité de faire présider le conseil de surveillance des établissements par un élu ; un amendement avait d'ailleurs été adopté à l'unanimité en ce sens avant d'être rejeté en CMP. Qu'en est-il du contrat d'engagement de service public, l'une des mesures les plus positives de la loi HPST, qui permet d'accorder des bourses aux étudiants en médecine qui s'engagent à exercer en zone médicale déficitaire ? De même, où en est-on pour les contrats de coopération ? N'est-ce pas une disposition en grande partie inapplicable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

De quelle manière se mettent en place les premiers partenariats public-privé ? Les acteurs concernés ont-ils une visibilité suffisante sur les orientations que l'on souhaite donner à ces coopérations, essentielles pour assurer l'offre de soins au plan territorial ? La place du médico-social est encore difficile à appréhender dans cette nouvelle organisation et les instances qui en seront chargées auprès des directeurs d'ARS paraissent tarder à se mettre en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Il est incontestable, comme l'a souligné Gilbert Barbier, que beaucoup de villes moyennes et d'hôpitaux font face à une pénurie de spécialistes. Il faut reconnaître que les ordres des médecins donnent parfois le sentiment de s'opposer à la présence de médecins étrangers qui assurent le fonctionnement de beaucoup de services. Peut-être vaudrait-il mieux les évaluer et les intégrer lorsque cela est possible.

La notion de bonnes pratiques, évoquée par Jean-Marie Vanlerenberghe, est essentielle pour la mise en oeuvre de la réforme. En ce qui concerne la composition du conseil de surveillance, la nomination des personnalités qualifiées sera très importante puisque celles-ci participeront à l'élection du président. Si le maire s'investit au sein du conseil de surveillance, il sera à coup sûr écouté. Quant à la nomination des directeurs, elle a toujours été marquée par une certaine opacité et un rôle important des syndicats.

Sur les rapports public-privé, si certaines cliniques se regroupent actuellement sous l'influence de fonds de pension, la Mutualité française a elle-même créé un fonds d'intervention pour racheter des cliniques, ce qui peut contrebalancer l'intervention de ces fonds de pension. L'évolution des rapports entre public et privé est encore difficile à prévoir, mais il peut y avoir une forte concurrence à proximité d'hôpitaux régionaux.

On ne constate pas aujourd'hui de rejet des coopérations, mais davantage des difficultés à les mettre en oeuvre. La coopération transfrontalière évoquée par Jean-Louis Lorrain sera effectivement un enjeu important.

Sur la question de la transmission des dossiers médicaux, le comité a entendu les représentants de l'Asip (agence des systèmes d'information partagés de santé) car il est indéniable que la gestion des échanges d'information sera essentielle pour le bon fonctionnement des coopérations.

Sur la gouvernance de l'hôpital, il est excessif de dire que le conseil de surveillance est mis à l'écart. Il sera notamment maître de la stratégie en matière de coopérations. Il n'est pas possible encore de savoir si le maire sera le plus souvent président du conseil de surveillance, d'autant plus qu'il délègue parfois à des adjoints le soin de participer au conseil. Il serait préférable que le président du conseil soit un élu et il y a de grandes chances qu'il s'agisse du cas le plus fréquent.

Les rapports entre ARS, établissements médico-sociaux et conseils généraux demeurent limités, ce qui est normal dès lors que l'intervention du médico-social dans le champ de compétences des ARS est une novation importante. La notion d'appel à projet par les ARS suscite des inquiétudes car beaucoup de structures n'ont pas l'habitude de cette procédure.

Debut de section - Permalien
Guy Collet, rapporteur général

Les fonds de pension qui rachètent des cliniques choisissent des établissements à proximité d'un hôpital public de façon à obtenir des contrats de service public. L'un des groupes détenteurs de cliniques privées a décidé de rémunérer des étudiants en médecine qui s'engagent à travailler dans ses cliniques.

En ce qui concerne les contrats de service public, il faut rappeler que les cliniques qui ne respecteraient pas leurs engagements pourront se voir infliger des pénalités. Le projet de décret finalement non publié par le Gouvernement sur les missions de service public prévoyait une remise à plat de l'ensemble des missions de service public, ce qui n'a pas paru raisonnable au comité.

Le GCS est l'outil privilégié pour organiser la coopération entre public et privé. Il s'agit d'un instrument destiné à faciliter la prise en charge des patients sur un territoire. Des difficultés se posent néanmoins dès lors que les textes d'application de la loi en préparation prévoient que les GCS « établissements de santé » auront un statut public, de sorte que les établissements privés, y compris à but non lucratif, refusent de s'engager dans une structure qui les conduirait à perdre leur statut privé.

En ce qui concerne le conseil de surveillance, il aura un rôle essentiel dans la stratégie de l'établissement, notamment en matière de coopération. Il pourra s'autosaisir de toute question de son choix et intervenir sur de nombreux sujets s'il s'approprie les dispositions de la loi. Certes, le budget ne lui est pas soumis, mais dès lors qu'il est responsable des résultats financiers, il ne pourra s'en désintéresser. Il est très vraisemblable que le conseil sera présidé par un élu dans la quasi-totalité des cas.

Selon la loi HPST, le secteur médico-social est désormais un partenaire du secteur sanitaire, ce qui est extrêmement important. Actuellement, les places nouvelles en établissements reviennent presque exclusivement au secteur commercial, qui choisit ses régions d'installation, ce qui est logique mais néanmoins contestable en termes d'aménagement du territoire et d'accès au service public. Les fenêtres de temps dans lesquelles s'inscrivent les appels à projet risquent de ne pas permettre aux Ehpad publics d'être candidats, compte tenu des contraintes procédurales auxquelles ils sont soumis. Par ailleurs, il conviendra d'évaluer les conditions dans lesquelles les ARS assurent leurs compétences à l'égard des personnes âgées ; la loi prévoit en particulier l'obligation pour les ARS de passer des accords avec les conseils généraux de façon à offrir une offre sanitaire et médico-sociale cohérente.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

En ce qui concerne les établissements privés et la permanence des soins, la volonté de la commission des affaires sociales, lors de l'examen du projet de loi, était de faire en sorte que la permanence des soins puisse être assurée par le secteur privé si elle n'est pas assurée en tout ou partie par le secteur public.

Debut de section - Permalien
Patrick Broudic, rapporteur

Sur la question des hôpitaux psychiatriques, soulevée par Alain Milon, il convient de rappeler qu'un rapport a été établi par une commission présidée par Edouard Couty, portant principalement sur l'organisation territoriale de la psychiatrie ; ce rapport fait le constat que le secteur psychiatrique, qui a constitué une révolution en 1960, est en charge non seulement du soin psychiatre mais aussi de la vie quotidienne des malades, des questions sociales et de logement en particulier. Or, si certains secteurs peuvent assumer parfaitement ces différentes missions, tel n'est pas le cas partout, loin s'en faut, de sorte que certains malades psychiatriques ne sont pas suivis et laissés à eux-mêmes, ce qui peut conduire à des décompensations.

La commission dirigée par Edouard Couty a donc proposé que le secteur soit recentré sur les aspects médicaux et puisse se coordonner avec les acteurs sociaux, qui pourraient prendre en charge la vie quotidienne des patients au sein d'un dispositif incluant les collectivités territoriales et les autres structures sociales devant assurer ce suivi. Ce rapport a été publié voilà un an et demi et n'a eu aucune suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Il existe des services d'accompagnement de la vie sociale (SAVS), qui peuvent être des interfaces entre le secteur psychiatrique et les conseils généraux. Il faut tenir compte de ce qui existe déjà au niveau local.

La commission procède à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur le projet de loi n° 446 (2009-2010) complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ce texte complète la loi du 20 août 2008, qui a réformé les critères de représentativité des syndicats en mettant fin à la présomption irréfragable de représentativité, en vigueur depuis les lendemains de la guerre. Désormais, les syndicats fondent leur représentativité sur l'élection, les salariés désignent ceux qui les représentent pour négocier les accords les concernant : c'est un progrès essentiel, tant la démocratie est indissociable de l'élection.

Cependant, la voix des salariés des entreprises de moins de onze salariés n'est pas prise en compte dans l'évaluation de la représentativité des syndicats, puisque les très petites entreprises (TPE) n'ont pas l'obligation d'organiser des élections professionnelles. Les partenaires sociaux signataires de la position commune d'avril 2008, à savoir le Medef, la CGPME, la CGT et la CFDT, avaient prévu à l'origine de mettre en place par la suite un mécanisme pour prendre en compte la position des salariés des TPE, et la loi du 20 août 2008 a renvoyé le sujet à une loi ultérieure. Une négociation entre les cinq centrales, le Medef, la CGPME et l'UPA devait aboutir avant le 30 juin 2009 : elle n'a pas abouti, le Gouvernement le regrette.

Le 20 janvier dernier, cependant, l'UPA et quatre syndicats de salariés adressaient une lettre au Gouvernement demandant que les salariés des TPE soient pris en compte ; c'est cette lettre que le Gouvernement a prise comme base pour ce projet de loi.

Les salariés des TPE représentent 20 % des salariés du privé, soit quatre millions de personnes, qui ne sont jamais consultés sur la représentativité de syndicats pourtant chargés de négocier les accords de branche qui les concernent directement. Les accords de branche eux-mêmes perdent de la valeur dès lors qu'on ne s'assure pas de la représentativité de ceux qui les négocient. Priver des salariés du droit d'expression au prétexte qu'ils travaillent dans une très petite entreprise, c'est comme si l'on privait des citoyens du droit de vote à l'élection présidentielle au prétexte qu'ils habitent dans un très petit village.

La loi de 2008 a donc prévu des règles transitoires, dans l'attente de celles qui permettront de mesurer la représentativité des syndicats en 2013. Il faut donc, d'ici là, organiser la prise en compte de tous les salariés, y compris ceux des TPE, par des élections.

Lors du sommet social du 15 février dernier, le Président de la République a fixé deux échéances : une loi pour cette année et une consultation électorale dès la fin 2012.

La réforme que je vous propose est simple, pragmatique, sans idéologie, et elle fait confiance à la négociation collective.

En premier lieu, elle institue la mesure de l'audience des syndicats de salariés auprès des salariés des TPE. L'Etat organisera tous les quatre ans un scrutin auprès des quatre millions de salariés concernés. Par souci de souplesse et pour qu'il ne représente pas une charge nouvelle pour l'entreprise, nous prévoyons un vote électronique ou par correspondance. Tous les syndicats qui présenteront des candidats au premier tour des élections professionnelles pourront mesurer leur audience dans les TPE.

Cette consultation se fera sur les sigles de syndicats. Certains auraient préféré une élection avec des candidats identifiés mais on ne peut désigner de candidats qu'à la condition qu'ils siègent ensuite dans une instance. Nous n'avons pas affaire ici à des fonctions, il n'y aura qu'une mesure de l'audience. D'où cette élection par sigles qui permettra de mesurer le poids électoral de chaque syndicat, par branche et au niveau interprofessionnel, en prenant en compte l'expression de tous les salariés.

Le secteur agricole dispose déjà, avec les élections aux chambres d'agriculture, d'un bon outil pour mesurer la représentativité des syndicats ; le secteur agricole y étant attaché, nous prévoyons de nous en tenir à ces élections aux chambres d'agriculture pour mesurer l'audience des syndicats agricoles.

En second lieu, ce texte renvoie à la négociation collective la possibilité de mettre en place des commissions paritaires pour les salariés des TPE. Les signataires de la lettre du 20 janvier 2010 ont demandé des commissions paritaires régionales, des discussions sont engagées entre partenaires sociaux. De telles commissions existent depuis la loi du 4 mai 2004 pour de nombreuses entreprises et dans l'artisanat depuis 2001 ; elles ont toujours dépendu de la négociation collective et de la volonté des partenaires sociaux. Des commissions paritaires existent ainsi dans le Gers, dans le Lot, en Loir-et-Cher ; elles réunissent des organisations patronales interprofessionnelles et des organisations de salariés. Les commissions paritaires pour les TPE auraient des attributions plus limitées, sans pouvoir, par exemple, négocier des accords.

Enfin, ce texte reporte de deux ans les élections prud'homales, pour éviter d'organiser la même année des élections professionnelles différentes, dont les résultats pourraient être contradictoires. Ce report donne aussi du temps à la réflexion. J'ai reçu hier le rapport de Jacky Richard sur l'avenir des élections prud'homales ; nous allons prendre le temps d'examiner les pistes qu'il propose. Les élections prud'homales coûtent 90 millions, mais la participation est toujours plus faible, à un point tel qu'on peut s'interroger sur leurs modalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le ministre, j'ai cinq questions à vous poser.

Peut-on garantir le secret et la fiabilité du vote électronique ou par correspondance ?

Quel est, ensuite, l'échelon territorial pertinent pour la commission paritaire ? Comment recevrez-vous des amendements qui préciseraient le rôle des commissions, et notamment le fait qu'elles ne seront titulaires d'aucun pouvoir de contrôle dans l'entreprise ?

Pensez-vous que l'heure soit venue d'ouvrir le dossier de la représentativité patronale ?

Quelles sont les préconisations du rapport de Jacky Richard ?

Enfin, ne pensez-vous pas que le Haut Conseil du dialogue social pourrait s'exprimer sur la mesure de l'audience syndicale auprès des salariés des TPE, ou sur les moyens de garantir le secret du vote ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je ne pense pas que l'on puisse mesurer la représentativité avec des élections sur sigles. Vous donnez l'exemple des habitants d'un petit village, qui seraient privés de vote à l'élection présidentielle ; mais avec votre texte, vous ne faites que leur proposer de voter pour un parti, qui désignerait ensuite le maire ! Voter pour un sigle n'est pas satisfaisant ; il serait bien préférable de voter pour des candidats.

Je regrette aussi que les commissions paritaires ne soient pas obligatoires. Elles sont actuellement déjà facultatives. Qu'apporte donc de plus ce texte aux quatre millions de salariés des TPE ?

Pour les agriculteurs, vous allez mesurer l'audience syndicale à partir des élections aux chambres d'agriculture, mais les seuils pour déterminer la représentativité nationale ne sont-ils pas plus exigeants lors des élections agricoles ? Le mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), par exemple, me semble se heurter à de tels seuils et il est dommage qu'il ne soit pas mieux pris en compte !

Vous déplorez, comme nous, l'abstention grandissante aux élections prud'homales, mais la tendance touche aussi les élections politiques sans, cependant, qu'on remette en cause leur légitimité. Vous allez examiner les pistes du rapport Richard, j'espère que vous écarterez celle qui mène à une élection à deux degrés - sur le modèle des sénatoriales... - car les salariés des TPE n'auraient alors plus aucune possibilité d'être représentés.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Les quatre millions de salariés des TPE seront appelés à voter pour des sigles, avant que des candidats ne soient désignés, lesquels pourront être issus de métiers et d'environnements professionnels sans rapport avec ceux des TPE : ce n'est pas du tout motivant. Le discours lénifiant qui présente la toute petite entreprise comme une organisation familiale harmonieuse a de beaux jours devant lui !

Nous regrettons aussi que les commissions paritaires ne soient pas obligatoires : elles sont déjà facultatives. En quoi ce texte représente-t-il un progrès ?

Enfin, le report des élections prud'homales me semble un pur cavalier législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Comme élue, je suis également choquée de l'élection en fonction de sigles : ce n'est guère mobilisateur et, comme le dit Raymonde Le Texier, on risque de voir finalement désignés des négociateurs de grandes centrales syndicales, dont le métier n'a pas grand-chose à voir avec les TPE et qui ne sont pas décisionnaires. Les régionales ont confirmé les défauts du scrutin de liste, qui éloigne les candidats du terrain, et on ne fait là qu'aller dans ce mauvais sens.

S'agissant des prud'homales, pourquoi se contenter maintenant de repousser la date des élections, au lieu d'envisager une réforme plus large, sur la base du rapport de Jacky Richard ?

Enfin, même si je ne suis pas favorable à des commissions paritaires obligatoires, ne peut-on pas envisager une troisième voie, par exemple une expérimentation pendant quelques années, avec une forte incitation ? Et s'agissant du mode d'élection, je ne me prononcerai pas a priori contre un scrutin à deux degrés, qui peut représenter un progrès sur le plan de la participation.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Les outils techniques existent pour garantir la fiabilité et le secret du scrutin électronique ou par correspondance ; nous avons opté pour ces techniques parce qu'elles sont simples et qu'elles évitent que l'élection ne devienne une charge pour l'entreprise. Si un chef d'entreprise veut organiser le scrutin, il pourra le faire, mais des outils seront aussi disponibles pour alléger sa tâche.

Pourquoi adopter ce texte dès maintenant ? Mais parce que le calendrier est serré : nous devons constituer une liste électorale de quatre millions d'électeurs, passer un appel d'offres pour ce faire, laisser du temps aux organisations syndicales pour qu'elles puissent s'organiser et faire campagne. Tout cela prend du temps.

Les commissions paritaires sont régionales ; nous avons préféré cet échelon car des commissions locales paraissent moins appropriées, mais on peut aussi imaginer des commissions à un niveau géographique différent, au cas par cas. Tel est le sens de l'article 6. Le Parlement aura toute latitude pour préciser les missions et la composition de ces commissions paritaires, étant entendu qu'elles auront un rôle généraliste, consistant d'abord à examiner si les accords de branche et interprofessionnels sont bien appliqués dans les TPE. Le paternalisme a ses limites, et sans aller dans le sens des grandes entreprises comme Renault ou Areva et sans délier les liens personnels qui peuvent s'établir entre l'employeur et ses salariés, il s'agit d'organiser et de faire vivre le dialogue social dans la petite entreprise.

Enfin, je vous confirme que le dossier de la représentativité patronale n'est pas à l'ordre du jour.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Chaque chose en son temps...

Le rapport de Jacky Richard envisage trois scénarios pour l'avenir des élections prud'homales. D'abord, le maintien du suffrage universel assorti de mesures facilitant le vote, comme le vote électronique, pour enrayer l'abstention ; cependant, Jacky Richard remarque qu'on n'a jamais consacré autant de moyens qu'aux dernières élections prud'homales, pour une participation qui n'a jamais été aussi faible. Deuxième scénario, la désignation des conseillers prud'hommes à partir de l'audience syndicale consolidée mesurée en 2013 ; l'obstacle serait alors juridique, puisque ce serait faire de l'appartenance à un syndicat un filtre pour l'accès à la fonction de conseiller prud'homme, alors que rien n'oblige à être syndiqué pour être conseiller. Troisième scénario, une élection à deux degrés, avec un corps électoral composé de tous les délégués du personnel et de représentants des TPE, ce qui aurait l'avantage de représenter un nombre d'électeurs important, et de garantir une forte participation électorale.

Nous allons expertiser ces pistes. Les élections prud'homales coûtent cher, plus cher par électeur que l'élection présidentielle ...

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Elles se déroulent pendant le temps de travail, alors que la présidentielle a toujours lieu le dimanche !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je parle des seuls coûts d'organisation : 4,77 euros par électeur prud'homal, contre 4,73 euros par électeur présidentiel.

S'agissant du Haut Conseil au dialogue social, je crois effectivement utile de l'associer au processus.

D'une manière générale, ce texte ne vise pas à doter les TPE de délégués du personnel ni à assurer une représentation syndicale dans les TPE, mais à veiller à ce que les syndicats soient plus représentatifs, en tenant compte des salariés des TPE. Dans une négociation, on se demande toujours ce que pèse un négociateur, et le meilleur critère, en démocratie, demeure l'élection. Mais la représentativité est bien ici le seul enjeu : c'est pourquoi une élection en fonction du sigle suffit, plutôt qu'une élection pour des candidats qui, de surcroît, n'auraient pas de rôle précis à jouer puisque leur élection ne serait liée à aucune fonction.

En fait, les commissions paritaires répondent à une autre demande, formulée dans la lettre du 20 janvier dernier. Je sais que le Medef et la CGPME craignent une politisation dans les TPE, mais ce texte ne vise en rien à faire intervenir des élus syndicaux dans la vie de ces entreprises ; il a pour seul objectif d'améliorer la représentativité générale des syndicats.

Les commissions paritaires sont facultatives et leur rôle sera non pas de trancher des différends au sein des entreprises, mais d'examiner les conditions d'application des accords de branche et interprofessionnels, de contribuer à la négociation en faisant bien prendre en compte certaines spécificités des TPE.

Les seuils de représentativité dans les élections aux chambres d'agriculture ne me paraissent pas spécifiques, mais je vais vérifier ce point.

Enfin, nous repoussons les prud'homales de deux ans pour la bonne raison que nous ne sommes pas prêts et qu'il faut, comme je l'ai dit, lancer toute une procédure en amont.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Les délégués seront élus pour quatre ans. Comment ce délai est-il compatible avec la rotation rapide des salariés dans les TPE, avec les contrats aidés, avec les salariés en congé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Combien ces élections coûteront-elles et qui les paiera ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le corps électoral est fixé à un moment donné avant le scrutin, comme pour les autres élections, et il n'y aura pas de « délégués ». Les commissions paritaires seront composées de représentants syndicaux désignés par les organisations représentatives.

Le coût d'organisation est évalué à 20 millions ; l'Etat paiera, car c'est à lui qu'il revient d'organiser les élections et de garantir leur impartialité. Ces 20 millions s'ajouteront aux 90 millions des élections prud'homales, ce qui donne à réfléchir quand on sait que la représentativité des syndicats sera établie en 2013. La question des prud'homales n'est certainement pas que financière : quand la participation au vote atteint difficilement 25 %, c'est la légitimité même des élus qui est fragilisée.

- Présidence de Mme Catherine Procaccia, vice-présidente - 

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

La représentativité syndicale sera connue en 2013 et vous envisagez un dialogue avec les partenaires sociaux sur la réforme des élections prud'homales. Comptez-vous négocier avec les syndicats représentatifs actuels, ou bien en tenant compte de la représentativité connue en 2013 ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous allons négocier avec les syndicats qui sont reconnus représentatifs aujourd'hui. Quant à la réforme des élections prud'homales, elle relève de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

S'il s'agit seulement de mesurer la représentativité des syndicats, pourquoi le Medef et la CGPME ont-ils quitté la table des négociations ? Qu'avez-vous donc édulcoré dans le texte que vous nous proposez ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Effectivement, il n'y avait pas de quoi quitter la table des négociations, même si l'application des nouvelles règles de la démocratie sociale ne va pas de soi. Ce texte est dans le droit fil de la loi d'août 2008 et veut asseoir la démocratie sociale sur les élections. Les partenaires sociaux ont demandé des commissions paritaires : elles figurent dans ce texte et le débat parlementaire pourra en préciser le contenu.