Après avoir fait part du plaisir qu'il avait eu à travailler avec son collègue M. Roland Ries, M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a précisé que les rapporteurs n'avaient pas souhaité aborder la question de l'existence ou non de délits d'initiés commis au sein d'EADS. Il a ensuite rappelé, en guise d'introduction, que le groupe, leader européen de l'aéronautique, réalisait de remarquables performances commerciales, encore confirmées au Salon international du Bourget : près de 30 milliards d'euros de commandes fermes pour 425 appareils. La gouvernance de l'entreprise a toutefois connu des désordres qui ont provoqué des difficultés industrielles, notamment dans le programme A380. Dès lors, la nécessité d'une restructuration s'impose, surtout pour Airbus, afin de rendre au groupe sa compétitivité dans la concurrence avec Boeing : ceci est d'autant plus nécessaire que l'aéronautique est une industrie primordiale pour les économies européennes en matière de progrès technologiques, d'exportation et d'emplois.
Après avoir souligné que l'ambition du rapport était de mettre en lumière les défis à relever pour relancer Airbus et EADS, M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a abordé la présentation du groupe. Il a été créé en juillet 2000 sur une base intergouvernementale caractérisée par un équilibre franco-allemand, sous l'impulsion de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de l'Espagne, qui souhaitaient créer un champion européen de l'aéronautique. Issu du rapprochement d'entreprises « nationales » (Aérospatiale Matra, DASA, British Aerospace et Casa), il comporte aujourd'hui cinq divisions - Airbus, Avions de transport militaire, Eurocopter, Astrium, Défense et sécurité- et a réalisé un chiffre d'affaires de 39,4 milliards d'euros en 2006. La part de ses activités consacrées au militaire ne s'élève qu'à 25 %, contre 55 % pour Boeing, ce qui induit pour EADS une plus grande sensibilité aux cycles économiques auxquels est soumise l'aéronautique civile. Par ailleurs, le groupe compte 116.000 salariés, dont 75 % en France et en Allemagne.
Le rapporteur a ensuite précisé que la filiale dominante du groupe, Airbus, employait la moitié des effectifs et représentait les 2/3 du chiffre d'affaires d'EADS. Elle répond à plus de 7.000 commandes d'avions pour 250 clients dans le monde depuis 1970 et ses parts de marché sont passées de 15 % en 1990 à 52 % en 2006. Toutefois, son résultat d'exploitation était négatif en 2006 (- 572 millions d'euros), alors qu'il était positif en 2005 (+ 2,3 milliards d'euros). En outre, l'entreprise a connu d'importants déboires industriels avec les retards de l'A380.
a ensuite identifié cinq grandes causes expliquant les dysfonctionnements. La première, a-t-il estimé, réside dans la rigidité du pacte d'actionnaires conclu en 2000 entre des entreprises et des Etats et reposant sur une quasi-parité dans le capital entre Allemands et Français (Lagardère et l'Etat français d'un côté, DaimlerChrysler de l'autre), la participation espagnole s'élevant à 5,5 %. L'actionnariat comporte également des actionnaires flottants, notamment russes (banque VTB). Il a ajouté que l'Etat français, bien que présent au capital, ne disposait pas de pouvoir de décision, tandis que l'Etat allemand, non présent au capital, influait par le biais de sa relation proche avec DaimlerChrysler.
S'agissant de la deuxième cause de dysfonctionnement, M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a relevé que la gouvernance était complexe, avec un système de double commande franco-allemande à tous les niveaux et un conseil d'administration où les Chairmen ont le pouvoir de direction exécutive à la place des présidents exécutifs. Il a précisé que cette gouvernance bicéphale avait été la condition de création d'EADS, dans la mesure où, sans ce compromis de préservation des intérêts nationaux dans un secteur hautement stratégique, cette entreprise n'aurait pas vu le jour. Il a ensuite jugé que la troisième cause de dysfonctionnement résidait dans des erreurs graves de management, marquées par des rivalités franco-françaises pour la direction du groupe EADS et des erreurs industrielles non décelées dans la chaîne de contrôle.
La quatrième cause était la faiblesse du dollar par rapport à l'euro. En effet le dollar, monnaie de facturation dans l'aéronautique, défavorise Airbus dont la moitié des coûts est en euros : lorsque le dollar baisse de 10 cents, Airbus perd 1,2 milliard d'euros de recettes. Or depuis 2001, date de lancement de l'A380, le dollar a perdu 40 % de sa valeur. En six ans, la perte de compétitivité liée à la baisse du dollar par rapport à l'euro est donc de 20 %.
Enfin, M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a évoqué les aides indirectes du gouvernement américain à son champion Boeing, rappelant qu'un soutien massif était accordé à celui-ci par l'intermédiaire des programmes de recherche militaire et de la NASA, aboutissant à des transferts de dépenses et de technologie gratuits du militaire vers le civil. Au total, Airbus reçoit 53 millions d'euros, contre 600 pour la branche civile de Boeing. Au regard de ces chiffres, l'aide à la recherche de la part des gouvernements européens et de l'Union européenne pour EADS apparaît insuffisante. Airbus n'a pas réussi à temps sa révolution « matériaux composites », comme Boeing l'a fait avec son B787, celui-ci ayant cinq ans d'avance sur l'A350 XWB. Le rapporteur a précisé que l'essentiel des avions produits par Boeing était fabriqué par des partenaires industriels, celui-ci n'étant plus que concepteur et assembleur.