Intervention de Patrice Gélard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 mai 2008 : 1ère réunion
Droit pénal — Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale - examen du rapport

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

a d'abord dressé un premier bilan de l'activité de la Cour pénale internationale (CPI) et observé que la politique, jusqu'à présent très prudente, conduite par le procureur de la Cour, visait à poursuivre les personnes portant la plus grande responsabilité dans les infractions mentionnées par la convention de Rome.

Le rapporteur a estimé que le projet de loi tendait à intégrer les acquis essentiels du statut de Rome dans notre droit en introduisant notamment un nouveau livre consacré aux crimes de guerre et en complétant les incriminations existantes en matière de crime contre l'humanité.

Il s'agit d'un texte d'adaptation et non de transposition (qu'aurait justifié par exemple la mise en oeuvre d'une directive communautaire en droit interne) ; cette souplesse est nécessaire afin de reformuler dans la langue et les concepts juridiques du droit pénal français certaines terminologies de la convention par trop imprécise et marquée par de nombreux emprunts au droit anglo-saxon.

a souligné trois points : les conditions de prescription des crimes et délits internationaux, la notion de « plan concerté » comme élément constitutif du crime contre l'humanité et, enfin, la question de la reconnaissance d'une compétence universelle aux juridictions françaises pour poursuivre les auteurs des infractions visées par le statut de Rome.

En premier lieu, le rapporteur a rappelé que la convention de Rome posait le principe de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, ainsi que des crimes de guerre. Il a observé que les crimes contre l'humanité étaient d'ores et déjà, en droit français, imprescriptibles. Il a indiqué que le projet de loi, sans rendre les crimes de guerre imprescriptibles, portait néanmoins de dix à trente ans le délai de prescription pour ces infractions. Reprenant les arguments développés par M. Robert Badinter lors des auditions, il a estimé qu'il convenait en effet de réserver l'imprescriptibilité au crime absolu que représentait le crime contre l'humanité.

S'agissant de la notion de plan concerté, absente de la convention de Rome, mais qui demeure, dans le code pénal l'un des éléments constitutifs du crime contre l'humanité, M. Patrice Gélard, rapporteur, a observé que ce critère permettait de mieux distinguer le crime contre l'humanité du crime de guerre pour lequel une telle condition n'est pas prévue. Il a indiqué qu'il serait néanmoins ouvert aux amendements qui pourraient être présentés sur ce sujet lors de l'examen par la commission des amendements extérieurs sur le projet de loi.

Le rapporteur a ensuite relevé que le projet de loi ne prévoyait pas de donner une compétence universelle aux juridictions françaises pour poursuivre les auteurs de crimes internationaux. Il a rappelé qu'une telle faculté permettant de réprimer des infractions commises par des particuliers en dehors du territoire de la République alors même que ni le criminel, ni la victime n'étaient des ressortissants français, avait déjà été reconnue aux juridictions françaises sur le fondement de conventions internationales pour certaines catégories d'infractions, parmi lesquelles les actes de torture et de terrorisme.

a observé, comme l'avait souligné M. Bruno Cotte, juge français, membre de la Cour pénale internationale, lors des auditions, que le préambule de la convention, posait pour principe le « devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». Il existerait ainsi, sinon une obligation formelle, du moins un engagement moral pour chaque Etat de juger l'auteur d'un crime contre l'humanité ou d'un crime de guerre quel que soit le lieu de commission de l'infraction, et quelles que soient les nationalités de l'auteur ou de la victime. Le rapporteur a indiqué que la Commission nationale consultative des Droits de l'homme ainsi que la Coalition française pour la Cour pénale internationale plaidaient en faveur de la reconnaissance d'une telle compétence universelle dans la mesure, notamment, où les moyens de la Cour ne lui permettraient de juger que quelques affaires particulièrement emblématiques chaque année.

Le rapporteur a avancé cependant plusieurs arguments contre la reconnaissance de la compétence universelle aux juridictions nationales en matière de crimes internationaux. Il a d'abord souligné que l'application actuelle de la compétence universelle pour les infractions pour lesquelles elle était admise en droit français laissait place à plusieurs incertitudes. La première touche au lien de rattachement de l'auteur de l'infraction avec la France (la condition selon laquelle la personne devait « se trouver » en France ouvrant la voie à des interprétations plus ou moins strictes). La deuxième incertitude porte sur le champ géographique d'application de la compétence universelle et la possibilité de l'exercer à l'encontre de ressortissants de pays qui ne sont pas parties à la convention autorisant cette compétence. La troisième, enfin, est relative aux difficultés pratiques, pour une juridiction française de mener une instruction sur une affaire qui s'est déroulée hors du territoire national et mettant en cause des étrangers.

a estimé que la convention de Rome n'imposait pas, en droit interne, de reconnaître aux juges nationaux une compétence universelle pour les infractions qu'elle vise. Surtout, la mise en place d'une juridiction à caractère supranational a précisément été conçue pour surmonter les situations d'impunité auxquelles peut aboutir l'application des règles traditionnelles de compétence du juge français. Le principe de complémentarité entre la compétence des juridictions nationales et celle de la CPI, posé par la convention de Rome, a en effet pour objet de donner à la Cour une compétence pour juger les auteurs de crimes internationaux lorsque les Etats parties ne peuvent ou ne veulent juger ces personnes.

a estimé qu'il incombait à la CPI et non aux Etats parties de se substituer à l'Etat défaillant qui aurait été normalement compétent pour juger l'auteur d'un crime international et que la Cour était l'instance la plus légitime pour assumer cette mission sans blesser le principe d'égalité entre les Etats au sein de la communauté internationale. Il a conclu en observant que, même si le crime n'avait pas été commis sur le territoire français et n'impliquait pas un de nos ressortissants, la France pourrait toujours saisir la Cour sur la base de l'article 14 du statut et, à la demande de la CPI, arrêter la personne mise en cause pour la remettre à cette juridiction.

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