Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Audition du général jacques mignaux directeur général de la gendarmerie nationale

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

Nous sommes très heureux de vous accueillir pour la première fois, Mon Général, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour cette audition consacrée aux crédits de la gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances pour 2011.

Diplômé de Saint-Cyr, vous avez effectué toute votre carrière militaire au sein de la gendarmerie, alternant des postes de commandement et des postes à la direction générale. Vous avez également occupé des fonctions de conseiller auprès de différents ministres de l'intérieur, dont l'actuel Président de la République. Major général depuis l'été 2008, vous avez été nommé directeur général de la gendarmerie nationale, le 9 avril dernier, en remplacement du général Roland Gilles.

Avant de nous présenter les grandes lignes du budget de la gendarmerie nationale pour 2011, peut être pourriez vous, Mon Général, nous dire quel bilan vous tirez du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur et de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ?

Comme nous le savons tous ici, le contexte budgétaire du projet de loi de finances pour 2011 est particulièrement difficile et la gendarmerie nationale n'échappe pas à l'effort général de maîtrise des dépenses publiques.

Pour autant, la sécurité reste une préoccupation majeure des Français et cette préoccupation se traduit dans les moyens consacrés par le gouvernement à la police et à la gendarmerie, qui sont en progression sur la période 2011-2013, en particulier au regard de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2), qui a fait l'objet d'une première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Nous aimerions donc connaître les grandes lignes du budget de la gendarmerie pour 2011 et les perspectives pour la période 2011-2013.

Nous souhaiterions également vous entendre sur la préservation du caractère militaire de la gendarmerie, auquel nous sommes tous ici particulièrement attachés.

Comme vous le savez sans doute, la revalorisation salariale dont bénéficient les gendarmes a suscité certains remous au sein des autres armées, notamment de l'armée de terre, au moment où les armées sont engagées dans une réforme très exigeante.

D'un autre côté, certains syndicats policiers ont dénoncé les avantages dont bénéficieraient, selon eux, les gendarmes, en invitant même les policiers à intégrer la gendarmerie.

Nous souhaiterions donc connaître votre sentiment sur ce sujet.

Enfin, peut être pourriez-vous nous dire un mot de l'action des gendarmes engagés sur les théâtres d'opérations extérieures, notamment en Afghanistan.

Lors d'un récent déplacement aux Nations unies, on nous a fait savoir que la France se montrait réticente à la participation de gendarmes à des opérations extérieures.

Qu'en est-il exactement ?

Voilà, Mon Général, quelques questions d'ordre général, mais le rapporteur du budget de la gendarmerie, notre collègue Jean Faure, ainsi que d'autres collègues, auront certainement d'autres questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire.

Général Jacques Mignaux - Comme l'ensemble des composantes du ministère qui est désormais le sien, et comme d'ailleurs l'ensemble des ministères, la gendarmerie nationale contribue à l'effort demandé pour diminuer la dépense publique. Il est de ma responsabilité de préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie dans une tendance au resserrement budgétaire.

Je n'oublie pas, naturellement, que ma responsabilité est aussi de conforter notre intégration au sein de la communauté de la sécurité intérieure, sans préjudice de notre appartenance à la communauté militaire.

La gendarmerie n'a pas changé de nature. Elle doit toujours faire face aux problèmes de sécurité en donnant une réponse pragmatique et modulée, adaptée aux spécificités de chaque bassin de vie.

Avant d'évoquer le projet de loi de finances pour 2011, je souhaite revenir sur nos principaux chantiers.

L'intégration de la gendarmerie au ministère de l'intérieur s'est passée dans de bonnes conditions, et dans le respect du cadre que vous avez tracé en votant la loi du 3 août 2009. Je l'estime désormais réalisée.

En prenant appui sur la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, qui doit donner aux deux forces de sécurité intérieure les moyens d'accroître leur performance dans la lutte contre l'insécurité, une nouvelle étape sera franchie dans notre coopération par l'approfondissement de la mutualisation des moyens logistiques et des capacités de soutien.

En matière de synergies opérationnelles et au terme d'arbitrages justes et équilibrés, des structures communes, composées de gendarmes et de policiers, ont été mises en place à chaque fois que le besoin s'en faisait sentir. La gouvernance relève des deux directeurs généraux.

Certaines sont rattachées organiquement au directeur général de la police nationale, comme la direction de la coopération internationale, qui doit renforcer la cohérence et la visibilité de l'action internationale du ministère, ou encore l'unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun.

D'autres me sont organiquement rattachées, comme le Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure, l'Unité de coordination pour la lutte contre l'insécurité routière (UCLIR) ou encore l'Unité de coordination des forces d'intervention (UCoFI), qui coordonne le GIGN de la gendarmerie et la Force d'intervention de la police nationale (FIPN), qui regroupe notamment le RAID.

Enfin, lorsque la création de structures communes n'apparaissait pas comme la meilleure option, nous avons travaillé différemment : dans le domaine du renseignement d'ordre public ou information générale, par exemple, dans la mesure où il s'agissait d'une mission partagée par les deux forces, nous avons opté pour un lieu de synthèse unique (le service départemental d'information générale - SDIG) qui reçoit l'ensemble des renseignements obtenus par l'une ou l'autre force et rédige une synthèse départementale, sous double timbre, qu'il transmet au préfet et aux deux responsables des policiers et des gendarmes du département.

Au plan départemental comme au plan central, l'affectation de gendarmes dans ces structures a permis d'améliorer la circulation de l'information.

En ce qui concerne la condition des gendarmes et le dialogue interne, cette intégration s'est déroulée dans le respect des équilibres - le symbole de cet équilibre étant le fait que le ministre de l'intérieur co-préside désormais le Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG) et reçoit, lors de chaque session, l'ensemble du conseil.

J'ai veillé à faire vivre la notion de parité globale de traitement et de carrières entre les gendarmes et les policiers : le Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), qui constitue le pendant du programme « corps et carrières » de la police nationale, qui a été lancé début 2005, sera achevé fin 2012. Vous avez parlé de revalorisation salariale, nous travaillons effectivement à la revalorisation de la grille indiciaire des sous-officiers de gendarmerie, suite à l'adaptation de la nouvelle grille indiciaire de la catégorie B au corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement ? Je rappelle qu'au début de cette réflexion la question a été posée au ministère de la défense pour connaître sa position par rapport au nouvel espace statutaire. La réponse n'est pas de mon ressort.

Au sujet de l'éventuelle transposition aux sous-officiers des autres armées de la grille indiciaire du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, il convient de rappeler que le Premier ministre a validé l'existence d'une grille indiciaire spécifique à la gendarmerie, conformément aux dispositions de la loi du 3 août 2009.

Pour ma part, j'insiste sur le fait que la parité entre la police et la gendarmerie est bien une parité globale, et en aucun cas une parité stricte. En effet, l'objectif n'est pas de rechercher l'identité qui résulterait d'une comparaison étroite point par point, mais un équilibre dynamique, prenant en compte la totalité des paramètres sur l'ensemble de la carrière, entre les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie. Cette parité globale ne peut donc s'envisager que dans le respect des règles de gestion propres à la gendarmerie et de son statut militaire dans tout ce qu'il implique (mobilité, disponibilité, déroulement de carrière, logement en caserne, etc.)

Parallèlement, nous travaillons à la modernisation du dialogue interne avec la concentration du nombre des acteurs et la mise en place de conseillers du commandement au niveau groupement et région.

S'agissant de la participation de la gendarmerie aux opérations extérieures (OPEX), l'intégration de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne remet nullement en cause sa participation aux missions de défense.

J'en veux pour preuve l'engagement des gendarmes français en Afghanistan. Après 6 mois de préparation intense, plus de 170 gendarmes français sont engagés dans la zone de responsabilité de la brigade La Fayette.

Ils remplissent une mission de tutorat et d'accompagnement auprès de la police afghane, l' « Afghan Uniform Police » (AUP). Nous avons actuellement 5 unités (« Police operational mentoring and liaison team - POMLT) en Kapisa et Surobi. Simultanément, nous sommes investis dans la formation initiale de l'« Afghan National Civil Order Police » -ANCOP, qui s'apparente à la gendarmerie mobile, dans un centre au nord de l'Afghanistan, à Mazar-e-Shariff, et prochainement nous renforcerons notre dispositif de formation, avec l'envoi de quarante gendarmes supplémentaires, dans un centre qui s'ouvrira dans le Wardak au sud-ouest de Kaboul. Loin de faire preuve de réticence, la gendarmerie française renforce son engagement sur ce théâtre.

Mes échanges réguliers et étroits avec le chef d'état-major des armées confirment la qualité de l'action de nos gendarmes aux côtés des autres militaires français.

Si l'on en juge par ailleurs, selon les autorités afghanes et les responsables militaires américains, le travail des gendarmes français est unanimement apprécié.

Au total, la gendarmerie déploie plus de 700 militaires en opérations extérieures, notamment en Afghanistan, en République de Côte d'Ivoire, à Haïti, en Géorgie et au Kosovo.

On ne peut donc pas parler de réticence au déploiement de gendarmes en opérations extérieures.

En revanche, je veille à ce que les gendarmes français déployés en opérations extérieures soient engagés sur des missions qui correspondent à notre coeur de métier et sur des opérations qui ne se prolongent pas dans la durée.

J'en viens maintenant à ce qui m'amène devant vous aujourd'hui, le projet de budget de la gendarmerie nationale pour 2011.

Le budget pour 2011 du programme 152 s'inscrit clairement dans la politique générale de maîtrise des dépenses publiques, en augmentant, en crédits de paiement, hors dépenses de personnels et pensions, de 0,4 % par rapport à l'année 2010.

En 2011, le plafond d'emplois pour la gendarmerie sera de 97 198 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Par rapport à l'année précédente, la baisse est de 957 ETPT.

Dans la gestion des ressources humaines, le volume des effectifs présents au 31 décembre 2010 sera reconduit de manière quasiment identique au 31 décembre 2011 en ne baissant que de 96 effectifs physiques (ETPE).

Pour y parvenir, la gendarmerie recrutera 9 108 personnels.

Ces recrutements viendront compenser la quasi-totalité des départs, estimés à 9 204 personnels.

En 2011, nous poursuivrons un mouvement amorcé en 2008, qui vise à recentrer les gendarmes sur leur coeur de métier. C'est pourquoi 482 postes d'officiers et de sous-officiers de gendarmerie affectés en état-major seront transformés en 105 postes d'officiers et de sous-officiers des corps de soutien et 377 postes de personnels civils. Ce plan de transformation de postes s'échelonne sur dix ans et, à échéance 2017, la gendarmerie aura doublé la part de ses personnels civils et militaires de soutien en portant leur nombre total aux alentours de 10 000.

Les crédits de masse salariale hors pensions n'intègrent pas d'hypothèse de revalorisation du point d'indice de la fonction publique pour 2011.

Ils augmentent du fait de la mise en oeuvre des mesures catégorielles suivantes :

- la nouvelle grille indiciaire des militaires à hauteur de 7,36 millions d'euros ;

- une annuité du PAGRE rénové pour 23,31 millions d'euros ;

- enfin, la grille indiciaire catégorie B, appliquée au même rythme que dans la police nationale, avec 15,15 millions d'euros.

Toujours dans le cadre de la masse salariale, les dotations de la réserve opérationnelle sont confirmées en 2011 à hauteur de ce qu'elles étaient en 2010, avec 44 millions d'euros.

Enfin, j'appellerai votre attention sur le surcoût généré par les OPEX.

Comme en 2010, le programme 152 est doté à hauteur de 11 millions d'euros pour les dépenses de personnel relatives aux OPEX. Cette année, la gestion fait apparaître une dépense de près 26 millions d'euros sur ce poste et ce surcoût devrait être résorbé par un redéploiement des dépenses de personnel.

Dans un contexte de diminution des crédits hors dépenses de personnel, j'ai fait le choix de sanctuariser les crédits de fonctionnement courant des unités. Mon objectif est en effet de leur permettre de mener leurs missions opérationnelles et ainsi de conserver le niveau de performance du programme.

D'un montant de 968,7 millions d'euros, le fonctionnement courant s'accroît de 3,6 millions d'euros par rapport à la loi de finances de 2010. Cette hausse est uniquement liée aux loyers, en raison de l'évolution des indices immobiliers et des livraisons de casernes, et ceci malgré les suppressions d'effectifs et les transformations d'emplois.

Pour ce qui concerne les autres dépenses, les montants inscrits en loi de finances de 2010 ont été reconduits : le fonctionnement des unités opérationnelles est déjà sous tension et ne peut pas être réduit davantage.

Là aussi, j'accorderai une importance particulière à la couverture des besoins OPEX. En 2010, les dépenses liées aux OPEX s'élèveront à 17 millions d'euros hors dépenses de personnel, pour une dotation de 4 millions d'euros.

Pour préserver le fonctionnement opérationnel, j'ai donc dû contraindre l'investissement, c'est pourquoi la dotation en crédits de paiement pour 2011 (262 millions d'euros) se situe nettement en retrait par rapport à la loi de finances de 2010, avec une baisse de -13%. Elle se traduit par une contraction de la capacité d'investissement de la gendarmerie en 2011.

Seront toutefois préservés :

- le maintien en condition opérationnelle des moyens aériens, ainsi que celui des systèmes d'information et de communication ;

- le renouvellement des équipements indispensables à la sécurité, l'intervention et l'instruction des personnels (munitions, protections individuelles, paquetages « écoles », matériels « GIGN », etc.).

D'ici à fin 2011, sont prévues d'être livrées les nouvelles tenues motocyclistes et de maintien de l'ordre, plus de 700 voitures opérationnelles et 600 motocyclettes routières.

La LOPPSI 2 nous permettra d'investir 8 millions d'euros en autorisations d'engagement dans les moyens à haute valeur technologique (visioconférence, dématérialisation des procédures judiciaires, radios embarquées avec géolocalisation des patrouilles et vidéoprotection). D'ici à fin 2011, ce seront plus de 160 véhicules qui seront équipés du système LAPI-vidéo embarqué.

Afin de généraliser la pratique d'une expertise de masse, de nombreux appareils perfectionnés de police technique et scientifique seront déployés pour un montant de 2 millions d'euros également inscrits en LOPPSI 2.

Outre l'équipement de 30 véhicules d'identification criminelle, ces crédits permettront d'acquérir 100 nouveaux équipements de révélation d'empreintes, 100 kits de protection des scènes de crime, 76 « crimescopes » portatifs ainsi que des kits de prélèvement de traces ADN sur les scènes de crime

La LOPPSI 2 nous permettra de lancer des opérations de construction domaniale à hauteur de 55 millions d'euros en autorisations d'engagement, principalement pour l'installation du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale à Pontoise.

En matière immobilière, notre effort portera principalement sur la maintenance. Avec 54 millions d'euros de crédits de paiement, nous pourrons ainsi poursuivre la mise aux normes de nos emprises domaniales et améliorer les conditions de travail et de vie des personnels.

Enfin, les dotations au titre des interventions s'inscrivent dans la continuité de 2010 afin de maintenir à un rythme dynamique les opérations locatives (64 projets pour 628 unités logement).

Malgré la contrainte financière, ce budget préserve l'avenir et me donne des outils, tant en termes de fonctionnement que de management, pour atteindre la performance qui nous est assignée.

Toute la gendarmerie sera donc à l'oeuvre afin de faire reculer la délinquance et traduire concrètement sur le terrain l'effort financier que l'Etat entend consacrer à la sécurité de tous les Français.

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