Intervention de Jean Faure

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Audition du général jacques mignaux directeur général de la gendarmerie nationale

Photo de Jean FaureJean Faure :

Je souhaiterais, Mon Général, vous poser quatre questions.

Ma première question porte sur la réforme de la concertation au sein de la gendarmerie, que vous avez déjà évoquée dans votre intervention.

Dans le cadre des conclusions du groupe de travail sur l'avenir de la gendarmerie nationale, que je présidais, nous avions estimé qu'une réforme du système de concertation de la gendarmerie nationale était indispensable dans le contexte du rattachement au ministère de l'intérieur mais que cette réforme devait absolument préserver le caractère militaire de la gendarmerie et écarter toute tendance à la « syndicalisation » de cette force armée.

Pourriez-vous, Mon Général, nous présenter de manière plus détaillée la réforme de la concertation que vous avez engagée récemment, avec l'arrêté du 23 juillet 2010, et en particulier nous préciser la manière dont cette réforme préserve le caractère militaire de la gendarmerie ?

Ma deuxième question porte sur les crédits de la gendarmerie pour 2011 et sur la période 2011-2013.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, les crédits consacrés à la gendarmerie progressent de 1,28 % alors que ceux destinés à la police nationale augmentent de 3,86 %. Comment justifiez-vous cet écart ?

Par ailleurs, l'analyse des crédits, hors dépenses de personnel, de la loi de programmation triennale fait apparaître une diminution de 482 millions d'euros en crédits de paiements, soit une baisse de 12 %, pour la gendarmerie nationale, sur la période 2011-2013 par rapport aux montants indiqués dans la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2). Comment expliquez-vous cette différence ?

Ma troisième question porte sur les réductions des effectifs de la gendarmerie

L'application de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite devrait se traduire par la suppression de 957 emplois en 2011 et de près de 3000 emplois sur la période 2011-2013.

Alors que la gendarmerie a déjà rationalisé ses écoles et supprimé de nombreux postes au sein des états-majors ou des escadrons de gendarmerie mobile, quels sont les postes qui devraient être supprimés à l'avenir ?

Le maillage territorial assuré par les brigades territoriales sera-t-il préservé ?

Le ministre de l'intérieur a annoncé récemment la suppression des tâches indues, comme les transfèrements judiciaires par exemple, qui mobilisent un nombre important de gendarmes et de policiers, ce que notre commission avait appelé de ses voeux à de nombreuses reprises par le passé. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?

Enfin, ma dernière question porte sur l'immobilier et les grands programmes d'équipement, comme le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères

En raison de la forte diminution des crédits d'investissement, plusieurs programmes, comme l'immobilier ou le renouvellement des véhicules blindé et des hélicoptères de la gendarmerie, ont été différés ces dernières années.

Or, 70 % du parc domanial de la gendarmerie a plus de 25 ans et certains logements ont un état de vétusté préoccupant.

De même, l'état des véhicules blindés est préoccupant, puisque leur taux de disponibilité n'était que de 71 % en 2007.

Enfin, le remplacement de la flotte des hélicoptères de type Écureuil, dont certains datent des années 1970, s'impose au regard de la réglementation européenne, qui interdit le survol des zones urbaines aux appareils monoturbines.

J'aimerais donc connaître votre sentiment sur l'immobilier et les grands programmes d'équipement au regard de la diminution des crédits d'investissement.

Général Jacques Mignaux - Concernant tout d'abord votre première question relative à la réforme de la concertation, je rappellerai que la gendarmerie est d'abord une « force humaine », la force de la gendarmerie reposant avant tout sur les militaires et les personnels qui la composent. C'est la raison pour laquelle je suis particulièrement attentif à tout ce qui concerne la condition des personnels dans son ensemble.

En matière de dialogue interne, l'arrêté du 23 juillet 2010 relatif à la participation et la circulaire n°86 000 en date du 23 juillet 2010 définissent le cadre d'un dialogue rénové à travers la mise en place de nouvelles instances locales de participation.

Ces deux textes et leur mise en oeuvre sont le résultat de nos expériences, de la maturité acquise et d'une réflexion qui a associé l'ensemble des acteurs de la concertation.

Dans le respect de l'identité et des valeurs de la gendarmerie, elle offre une chance d'enrichir et d'approfondir le dialogue interne.

Concrètement, le nombre des acteurs de la concertation devrait passer de 2 000 présidents de catégorie à 800 présidents et vice-présidents des personnels militaires. Ce changement améliorera leur visibilité et leur donnera les moyens de remplir cette fonction. Nous mettrons en place, aux côtés des commandants de région et de groupement, un personnel conseiller ou un référent, qui contribuera à faire vivre la concertation. Je crois que beaucoup des problèmes peuvent être réglés à cette échelle sans avoir à remonter au niveau central.

Cette réforme du système de la concertation préserve le caractère militaire de la gendarmerie. La gendarmerie continuera de siéger au sein des instances de concertation, avec les autres armées, au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), ce qui est fondamental pour la préservation de la militarité de l'arme, et du Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG), que copréside désormais le ministre de l'intérieur. Celui-ci tient d'ailleurs, lors de chaque session, à recevoir l'ensemble du conseil et à s'exprimer devant lui, ce qui n'était pas toujours le cas précédemment. Je me félicite de cet engagement car il crédibilise le CFMG. Il ne s'agit en aucune manière de transposer le système syndical au sein de la gendarmerie.

Concernant ensuite l'enveloppe globale des crédits, il est vrai que les crédits de la gendarmerie, dans le cadre de la loi de programmation triennale sur la période 2011-2013, sont en diminution de 482 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 12 %, par rapport aux arbitrages hors titre 2 rendus en mars 2009 dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2). La gendarmerie participe ainsi à l'effort de réduction de la dépense publique, même s'il est important de préserver le fonctionnement courant des unités.

A cet égard, la police nationale connaît la même situation que la gendarmerie et la différence que vous avez mentionnée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 s'explique par des modifications de périmètres.

S'agissant de l'évolution des effectifs, la gendarmerie participe également à l'effort de réduction des personnels, au titre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Ces dernières années, nous avons ainsi supprimé quatre écoles de gendarmerie sur huit, ce qui a permis d'économiser 450 ETPT, pour le même service, de rationaliser les fonctions de soutien et les états-majors ou encore de supprimer huit escadrons de gendarmerie mobile, auxquels s'ajouteront huit escadrons supprimés d'ici l'été prochain, soit quinze escadrons sur cent vingt-trois au total.

Compte tenu du nombre d'interventions outre-mer et sur les théâtres d'opérations extérieures, il me paraît difficile d'aller au-delà concernant la gendarmerie mobile.

Nous avons également diminué la présence de gendarmes dans les zones de compétence de la police nationale, même si cette présence reste parfois nécessaire, comme à Paris par exemple, compte tenu de la présence d'une forte communauté militaire.

Enfin, la suppression des escadrons de gendarmerie mobile a permis de transformer 750 postes de gendarmes mobiles en gendarmes départementaux, ce qui a permis de renforcer les brigades territoriales dans les départements confrontés à une forte hausse de la population et de la délinquance.

En définitive, en matière de personnels, on ne trouve plus aujourd'hui de niches et la gendarmerie se retrouve « à l'os ». Ainsi, on ne trouve qu'un seul personnel de soutien pour douze personnels opérationnels, contre une moyenne de un pour huit au sein de l'Etat.

Compte tenu de la présence de la gendarmerie sur le territoire et de la proximité avec la population, il n'est pas envisagé de toucher au « maillage territorial », assuré par les brigades territoriales.

Dans ce contexte, je ne vous cache pas qu'il sera difficile pour la gendarmerie de poursuivre sur une longue période la politique de non-remplacement d'un personnel sur deux partant à la retraite.

La gendarmerie peut toutefois compter sur le renfort des réservistes opérationnels et a mis en place des dispositifs permettant de renforcer ses unités, notamment en période estivale, sur le littoral ou en zone de montagne, grâce au renfort des réservistes, de gendarmes mobiles ou départementaux ou encore d'élèves des écoles.

Par ailleurs, la suppression des tâches indues, comme les transfèrements judiciaires, les gardes-statiques ou les procurations de vote, devraient permettre de renforcer la capacité opérationnelle de la gendarmerie et la présence de gendarmes sur le terrain.

Conformément à l'accord conclu entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice, à partir du 1er janvier 2011 et sur une période de trois ans, la police et la gendarmerie devraient transférer à l'administration pénitentiaire la responsabilité des transfèrements judiciaires et 800 ETPT correspondants pour une tâche évaluée à 1 200 ETPT. Ces transfèrements judiciaires présentaient non seulement l'inconvénient de mobiliser un nombre important de gendarmes et de policiers, mais surtout de désorganiser profondément le fonctionnement des unités. Les policiers et les gendarmes continueront cependant d'assurer les transfèrements des détenus les plus dangereux.

Les gardes dans les unités hospitalières devraient également relever à l'avenir de l'administration pénitentiaire.

Enfin, nous continuons de réduire les gardes-statiques, comme au ministère de la justice par exemple, où dix-huit gardes républicains étaient employés, ce qui représente l'équivalent des effectifs de trois brigades territoriales de six gendarmes.

Concernant les véhicules blindés et les hélicoptères, la situation budgétaire ne nous permet pas de renouveler notre matériel comme nous le souhaiterions.

Les véhicules blindés (VBRG) que nous utilisons sont à bout de souffle et nécessiteraient une rénovation complète. Nous sommes contraints à les « cannibaliser », Renault n'ayant plus de stock de pièces de rechange. Malgré ces difficultés, nous parvenons à maintenir un parc d'environ 70 à 80 véhicules. Face à cette situation tendue, j'ai choisi de privilégier l'entretien du matériel disposé outre-mer pour qu'il soit opérationnel en cas de désordres sociaux. Il en va de même pour les opérations sur les théâtres d'opérations extérieures, tels que le Kosovo ou la Côte d'Ivoire, les autres véhicules étant regroupés à proximité de la capitale, à Versailles Satory.

En Afghanistan, les gendarmes utilisent également les véhicules de l'avant blindés (VAB) que l'armée de terre a très obligeamment mis à notre disposition.

Le parc actuel est donc encore utilisable mais il génère des dépenses de maintenance de plus en plus importantes et nous ne pourrons pas repousser éternellement leur remplacement.

La flotte aérienne de la gendarmerie se compose de 53 hélicoptères, qui sont utilisés au profit à la fois de la gendarmerie nationale et de la police nationale, notamment lors des grandes manifestations pour prévenir les troubles à l'ordre public. Il existe un contraste important entre les derniers appareils EC 135 entrés en service et les Écureuil, âgés de 28 ans en moyenne. Le maintien en condition opérationnelle du parc est très coûteux et nous y consacrons chaque année plus de 20 millions d'euros.

Face au risque d'une annulation et du lancement d'un nouvel appel d'offres sur le marché pour le remplacement des hélicoptères Ecureuil par des EC135, j'ai choisi de poursuivre la modernisation de la flotte. Les négociations portent actuellement sur la réalisation de la tranche conditionnelle avec l'acquisition de trois EC 135 pour les trois ans à venir. Il nous faut aboutir sur ce dossier pour éviter de dénoncer le contrat en cours.

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