Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission action extérieure de l'etat programme 185 action culturelle et scientifique extérieure - examen du rapport pour avis

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis :

Je vais présenter d'abord les aspects plutôt positifs du nouveau programme 185 « diplomatie culturelle et d'influence », puis j'évoquerai ses aspects négatifs.

Concernant tout d'abord les aspects positifs, on peut se féliciter de la nouvelle maquette budgétaire qui réunit l'ensemble des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence dans le programme 185. La répartition de ces crédits entre les programmes 185 et 209 était fondée sur une logique géographique, fixée par l'OCDE, et la liste des pays évoluait d'une année sur l'autre, rendant difficile les comparaisons. Surtout, elle n'était pas cohérente, car l'action culturelle n'est pas différente dans un pays développé et dans un pays en développement, et elle ne permettait pas aux rapporteurs du Parlement d'avoir une vue d'ensemble. Le nouveau programme 185 regroupe désormais l'ensemble des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence, quels que soient les pays concernés. Cette nouvelle architecture, plus claire et plus cohérente, facilitera les redéploiements.

Deuxièmement, la mise en place des nouveaux opérateurs, prévus par la loi relative à l'action extérieure de l'Etat du 27 juillet dernier, laisse augurer un net progrès par rapport à la situation antérieure de CulturesFrance. L'année 2011 devrait ainsi être marquée par la mise en place de l'Institut français. Je me suis longuement entretenue à ce sujet avec M. Xavier Darcos et Mme Laurence Auer, et je tiens à saluer leur professionnalisme et leur engagement. L'Institut reprendra les missions exercées actuellement par CulturesFrance, auxquelles s'ajouteront de nouvelles missions, en particulier concernant le recrutement et la formation des personnels du réseau culturel à l'étranger - pour lesquelles une expérimentation sera conduite dans treize postes pilotes. Après avoir suscité des craintes, le nombre de candidatures pour cette expérimentation a été très élevé. L'Institut français devrait inaugurer ses nouveaux locaux, dans le XVe arrondissement en février 2011 et bénéficier d'une subvention de 37 millions du ministère des affaires étrangères et européennes et d'un transfert de 41 agents qui s'ajouteront aux 99 personnes employées actuellement par CulturesFrance. Si M. Xavier Darcos et son équipe se sont déclarés plutôt satisfaits de ces moyens, ils ont en revanche regretté l'absence de liens entre l'Institut français et l'audiovisuel extérieur de la France.

Troisième élément de satisfaction -satisfaction modérée-, la stabilisation de l'enveloppe des bourses destinées aux étudiants étrangers et le prochain regroupement de la gestion de ces bourses par le transfert des activités internationales du CNOUS au nouvel établissement public CampusFrance. Ces dernières années, comme je l'avais regretté à de nombreuses reprises, les financements consacrés aux bourses par le ministère des affaires étrangères avaient beaucoup diminué. De plus, en raison de la diminution globale des crédits, de nombreux postes diplomatiques ont utilisé l'enveloppe des bourses pour faire face à des dépenses courantes. Selon la Cour des comptes, les crédits des bourses ont diminué de 40 % entre 2007 et 2010. Et le nombre de boursiers a chuté de 30 % entre 2002 et 2009. De plus, sur 120 millions programmés en 2009, seuls 98 ont été réellement dépensés. Certes, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les universités et les grandes écoles françaises augmente car le nombre et la mobilité internationale des étudiants progressent dans le monde. Mais la diminution du nombre de bourses ne nous permet pas de sélectionner et de jouer sur la qualité des étudiants accueillis en France. Le ministère a décidé de stabiliser l'enveloppe destinée aux étudiants étrangers sur la période 2011-2013 et la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats devrait envoyer des instructions aux postes diplomatiques assorties de sanctions, pour que ces crédits soient réellement utilisés à cette fin.

Après ces remarques plutôt positives, j'en viens à mon premier sujet de préoccupation: Les crédits consacrés à la coopération culturelle et d'influence, qui avaient fortement diminué les années précédentes, devraient connaître à nouveau une forte baisse sur la période 2011-2013. Les crédits de fonctionnement et d'intervention diminuent de 5 % en 2011 et cette baisse devrait atteindre 10 % en 2013. Dans ce contexte, ne risque-t-on pas de compromettre la réforme de l'action culturelle ? Comment justifier, par exemple, que la subvention aux Alliances françaises soit réduite, alors que le ministère vient de signer une convention avec la Fondation ?

Deuxième motif d'inquiétude: la forte réduction des personnels du réseau culturel. Le ministère des affaires étrangères et européennes avait déjà connu une diminution de 10 % de ses effectifs ces six dernières années. Malgré cela, sur la période 2011-2013, il devrait connaître une nouvelle réduction de 610 emplois, au titre du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Toutefois, le ministère a demandé et obtenu que ces nouvelles réductions d'effectifs portent davantage sur des postes de contractuels ou de recrutés locaux que sur les postes de titulaires. Le souci d'éviter un conflit social avec des syndicats puissants n'est sans doute pas étranger à ce choix. En conséquence, sur 610 postes supprimés, seulement 150 sont des postes de titulaires et la plus grande partie sont des postes de détachés, de contractuels ou de recrutés locaux. Or, ce sont sur eux que repose le fonctionnement du réseau culturel et de coopération ; ce sont eux qui sont la mémoire des postes et instituts culturels, ce sont eux dont le carnet d'adresses est si utile aux titulaires qui débarquent et qui repartent, souvent, avant d'avoir noué le moindre contact utile....

Enfin, j'insisterai sur la situation financière très difficile de l'AEFE (Agence pour l'enseignement du français à l'étranger). Le Sénat vient de voter une loi de programmation des finances publiques 2011/2013 dont l'article 11 interdira aux établissements publics de souscrire des emprunts remboursables en plus de 12 mois. La liste de ces établissements n'est pas encore parue mais l'inquiétude est grande au sein de l'AEFE car cela lui interdirait pratiquement tout emprunt en vue de la rénovation ou de la construction d'établissements. Depuis 2005, l'Agence a engagé un programme immobilier scolaire d'un montant de 202 millions alors que sa subvention totale est stabilisée à 420 millions sur les trois prochaines années. Un emprunt global de 97 millions a permis de financer 48 % de ce programme immobilier. Or, si c'est L'AEFE qui emprunte, ce sont les établissements - donc les familles - qui devront rembourser cet emprunt, via l'augmentation des droits de scolarité. Et tous ces emprunts sont remboursables sur 15 ans, les établissements commençant à rembourser dès la remise des clés. Par exemple, le lycée de Dakar que le ministre de l'éducation nationale inaugure aujourd'hui - alors que ce ministère n'a pas participé à son financement - a fonctionné pendant des années sous des tentes, puis dans des Algéco. Le coût en a été de 21 millions, dont une partie a été financée par l'emprunt. Le remboursement coûtera aux familles 325 euros par élève et par an, soit une augmentation de 13 % des frais de scolarité. Ce cas de figure est général et tous les proviseurs préviennent à l'avance les familles de cette obligation de remboursement.

En 2011, le poids de l'immobilier à la charge de l'AEFE devrait encore s'alourdir puisque l'État va lui transférer 95 sites scolaires -soit la totalité de l'existant. Comment cela sera-t-il possible ? Le coût sera de 140 à 300 millions. Comment donc l'Agence pourra-t-elle financer cette dépense supplémentaire alors que son fonds de roulement n'est que de 11 jours ? La seule solution, c'est l'emprunt, même s'il impose un lourd sacrifice pour les familles.

Je suggère donc que la commission demande que l'article 11 de la loi de programmation budgétaire triennale ne soit pas appliqué à l'AEFE.

Pour conclure, en dépit de l'insuffisance des crédits du programme 185, je suppose que la commission émettra un avis favorable et je m'en remets donc à sa sagesse.

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