Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 27 mars 2008 à 9h30
Politique de lutte contre l'obésité — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Mes chers collègues, vous le savez tous, la progression de l'obésité dans notre pays est attestée depuis plusieurs années par une série d'études épidémiologiques concordantes. Sa fréquence est en forte augmentation, puisqu'elle est passée en cinq ans de 8 % à 11 % chez les adultes et de 2 % à 4 % chez les enfants et les adolescents. Aujourd'hui 1, 5 million de nos jeunes souffrent d'obésité. Sans catastrophisme aucun, on peut dire qu'avec un taux de croissance annuelle de 5, 7 % l'obésité pourrait bien être le fléau sanitaire du xxie siècle.

Si la France est, avec les Pays-Bas et la Suède, l'un des pays de l'Union européenne où la prévalence de l'obésité infantile est la moins importante, il nous faut tout de même amplifier notre effort, afin de faire face à un problème majeur de santé publique, qui concerne la santé d'un Français sur cinq. Si nous ne faisons rien, les équilibres de nos organismes de protection sociale seront singulièrement et durablement mis à mal et nos capacités de développement social et économique seront altérées.

Nous devons faire face à cette transformation de nos modes de vie, qui a débuté il y a de nombreuses années et dont nous voyons à peine aujourd'hui les premières conséquences. Le défi est d'importance, il faut répondre avec vigueur, tout en sachant que la lutte contre l'obésité devra s'inscrire dans la durée.

Comme le souligne le rapport de notre collègue Gérard Dériot, rédigé à la fin de l'année 2005 au nom de l'OPEPS, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, « les déterminants de l'obésité sont multiples et leur interaction complexe ». Aux facteurs biologiques ou génétiques de chaque individu se mêlent des déterminants socio-économiques liés à l'environnement, mais aussi au contexte culturel, sociétal, politique et législatif, qui se retrouvent dans le système alimentaire et les normes sociales. À cet égard, je tiens à dire mon accord total avec les propos que vient de tenir M. Gérard Dériot.

Ainsi, la variété des facteurs d'explication de l'obésité rend impossible une réponse simple et unique. Il n'y a pas une solution miracle pour lutter contre l'obésité, mais bien un ensemble de réponses et d'axes d'actions. C'est le sens du programme national nutrition-santé, le PNNS, mis en place dans notre pays depuis l'an 2000, qui privilégie une approche pluridisciplinaire concernant le diagnostic, le traitement, la prise en charge et la prévention de l'obésité. Il nous faut poursuivre dans cette voie.

Il n'en reste pas moins que l'alimentation tient un rôle prépondérant dans le développement de l'obésité. Si l'on veut donc offrir à chacun, notamment aux enfants, des conditions favorables à l'équilibre alimentaire, il est indispensable de mettre en place une véritable politique nutritionnelle.

Parmi les réponses apportées dans ce domaine, la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 a permis plusieurs avancées, en ce qui concerne tant la présence de distributeurs automatiques dans l'enceinte des établissements scolaires - je suis en désaccord avec Gérard Dériot sur ce point, mais ce n'est pas fondamental -, que la taxation des « premix » ou, encore, les messages d'information à caractère sanitaire dans les publicités.

On peut aussi se féliciter de l'entrée en vigueur de l'étiquetage nutritionnel des aliments. Encore faut-il savoir lire ces étiquettes, ce qui n'est pas forcément le cas de tout le monde, j'oserai même dire du plus grand nombre d'entre nous. Il faudrait sans doute rendre cet étiquetage plus accessible et plus lisible. Plusieurs pistes sont à étudier, notamment celle d'un pictogramme, idée défendue par Mme Payet, ou d'un étiquetage de couleur en fonction de la concentration du produit alimentaire en sucres, en sel et en matières grasses.

Le programme national nutrition-santé avait, dès 2001, fixé des objectifs chiffrés relatifs à la nutrition et à l'alimentation des Français. Les principaux d'entre eux avaient été intégrés dans la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Parmi ces objectifs figurait la question de l'obésité : il s'agissait de diminuer de 20 % la prévalence du surpoids et de l'obésité chez l'adulte et de stabiliser l'augmentation de la prévalence du surpoids et de l'obésité chez les enfants.

L'étude nationale nutrition-santé, l'ENNS, qui s'est déroulée de février 2006 à février 2007, a permis de montrer les premiers effets positifs de la politique mise en place depuis 2000, ainsi que les efforts qui restent à faire. Incontestablement, l'état nutritionnel des Français s'améliore lentement.

Parmi les avancées, on note déjà la stabilité de la prévalence du surpoids et de l'obésité chez les enfants. Les données nationales et régionales semblent démontrer que l'on s'approche de cet objectif avec, au niveau national, 3, 5 % pour l'obésité et 14, 3 % pour le surpoids.

On constate également la progression de la consommation moyenne de fruits par les adultes - celle-ci ne diminue pas chez les enfants - et la stabilisation de la consommation de légumes.

Par ailleurs, la consommation de sel a diminué de plus de 5 % depuis 1999 et l'activité physique a augmenté.

Il s'agit d'avancées, sans doute encore insuffisantes, mais qu'il faut noter. C'est un encouragement à continuer dans cette voie : il est très difficile de changer les habitudes alimentaires et nous devons poursuivre nos efforts sur tous les champs, par une politique nutritionnelle de plus en plus volontariste.

Un bon comportement alimentaire doit être adopté dès le début de la vie. En 2005, Gérard Dériot s'interrogeait notamment sur les conséquences respectives de l'allaitement et de l'alimentation par lait industriel sur le poids et la morphologie des nourrissons et proposait de renforcer la recherche dans ce domaine. A-t-on avancé sur ce sujet ?

La question la plus préoccupante aujourd'hui est celle des personnes défavorisées, dont la situation se dégrade, d'après les données présentées dans l'ENNS. Il s'agit probablement du plus grand défi de ces prochaines années. Or les problèmes de pouvoir d'achat que connaissent aujourd'hui de plus en plus de ménages français compliquent la situation, en particulier lorsque la hausse des prix concerne les céréales, le lait, les fruits et les légumes, autant de produits essentiels à une alimentation équilibrée.

Parmi les mesures que vous avez annoncées, madame la ministre, le 4 février dernier, celle qui a le plus retenu mon attention concerne les publicités diffusées au cours des programmes télévisés destinés aux enfants. La surreprésentation des produits déséquilibrés nutritionnellement dans les publicités télévisées à destination des enfants, notamment au moment des programmes qui leur sont spécifiquement destinés, doit être très contrôlée. On ne peut nier que ces publicités ont une influence directe sur le comportement alimentaire des plus jeunes.

Je dois avouer que, si j'adhère parfaitement à l'objectif que vous avez annoncé, je suis plus circonspect concernant le moyen d'y parvenir. Vous apporterez certainement des réponses à cette interrogation.

Comme l'a montré l'évaluation que vous avez fait faire sur l'impact des messages sanitaires accompagnant les publicités de l'industrie agro-alimentaire, l'influence de la publicité sur les enfants est indéniable. Ainsi, 47 % des 8-14 ans disent que les publicités qu'ils regardent leur donnent envie de manger ou de boire ; 62 % d'entre eux demandent à leurs parents d'acheter les produits dont ils ont vu la publicité à la télévision - Gérard Dériot y a fait allusion tout à l'heure -, et, peut-être encore plus grave, 91 % d'entre eux obtiennent ce qu'ils ont demandé !

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