Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur la mission « Justice ».
a tout d'abord indiqué que la mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2010, de 6,859 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 3,4 %. Il a souligné que, dans un contexte budgétaire globalement tendu, cette progression des crédits illustre l'importance attachée à la justice et la priorité accordée à ses moyens, et cela depuis plusieurs années.
Il a rappelé que, depuis 2009, cette mission est composée de six programmes. Le programme « Justice judiciaire » compte 2,838 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une légère hausse de 0,6 %. Son plafond d'emplois progresse de 358 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) et se fixe à 29 653 ETPT, cet accroissement profitant largement aux effectifs de magistrats (+ 386 ETPT).
s'est félicité de ces moyens humains supplémentaires qui visent à mieux répondre au besoin de justice exprimé par l'ensemble des concitoyens. Toutefois, cet effort n'a de sens que s'il s'accompagne d'un effort encore plus important en faveur des greffiers, afin de ramener le ratio entre le nombre de fonctionnaires et celui de magistrats (actuellement égal à 2,46) à un niveau plus satisfaisant.
Il a ajouté que, en 2010, l'un des principaux enjeux du programme « Justice judiciaire » renvoie à la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire, le coût de cette réforme étant estimé à 427 millions d'euros sur cinq ans. A cet égard, il a apprécié la stabilité de cette estimation entre l'examen du projet de loi de finances pour 2009 et aujourd'hui. Il a souligné que, l'année prochaine, 104,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 53,5 millions d'euros en crédits de paiement viendraient financer cette réforme. A ces crédits s'ajoute une mobilisation du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » à hauteur de 15 millions d'euros en crédits de paiement. Ces montants s'entendent néanmoins hors transfert du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, dont l'implantation définitive sera située sur le site des Batignolles dans le 17ème arrondissement de Paris et dont le coût estimé oscille entre 800 millions et 1 milliard d'euros.
a observé que le budget du programme « Justice judiciaire » anticipe sur le projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel. En réponse à la suppression de l'obligation de recourir à un avoué à compter du 1er janvier 2011, 190 ETPT seront créés à mi-année 2010, permettant le recrutement de 380 personnes dans les greffes des juridictions. Ainsi, ce sont 19 assistants, 139 greffiers et 222 adjoints administratifs qui seront recrutés, principalement parmi les salariés des offices d'avoués.
Enfin, il a souligné une recrudescence inquiétante du montant des frais de justice. Au rythme actuel de consommation, l'autorisation initiale de crédits pourrait être dépassée de 31 millions d'euros à la fin de l'année. Or, pour 2010, l'enveloppe allouée à ces frais s'élève à 395 millions d'euros, soit un niveau inférieur à celui, déjà probablement insuffisant, de 2009. M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est donc interrogé sur la sincérité du budget prévu pour le programme « Justice judiciaire » et a proposé un amendement visant à mieux garantir ce principe en 2010.
Il a indiqué que le programme « Administration pénitentiaire » comporte 2,699 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression importante de 9,7 %. Ses effectifs enregistrent, en 2010, un nouvel accroissement de 840 ETPT, cette augmentation permettant notamment de répondre à l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires.
A cet égard, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est inquiété de la surpopulation carcérale dans les onze établissements ou quartiers d'établissements dont la densité reste supérieure à 200 % dans lesquels se trouvent actuellement 2 060 détenus. Il a relevé que, à l'issue du programme dit « 13 200 » de construction et de rénovation d'établissements pénitentiaires, le nombre de places de détention s'élèvera à 64 000, cette augmentation devant être mise en perspective avec le scénario moyen d'évolution de la population pénale évaluée à 75 000 personnes écrouées en 2012.
Il a indiqué qu'un nouveau plan de création de 11 000 places est d'ores et déjà projeté et que, par ailleurs, 5 000 nouvelles places ont été annoncées par le Président de la République.
Il a constaté que, outre la construction et la rénovation d'établissements pénitentiaires, l'accent mis sur le développement des aménagements de peines et des alternatives à l'incarcération explique également l'amélioration du taux d'occupation des établissements, citant notamment le financement de 7 000 bracelets électroniques prévu dans le budget pour 2010.
Il s'est étonné que, bien que ce bracelet se révèle très efficace dans la lutte contre la récidive des délinquants sexuels, une trentaine de placements sous surveillance électronique mobile (PSEM) seulement soient actuellement ordonnés.
En outre, il a souligné la pénurie de psychiatres intervenant en milieu carcéral, pénurie d'autant plus préjudiciable qu'environ 20 % à 25 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques.
Concernant le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué qu'il s'appuie sur une enveloppe de 776,8 millions d'euros en crédits de paiement, en légère baisse de 0,9 %. Il a rappelé que, depuis 2009, ce programme est marqué par un recentrage sur la prise en charge des mineurs délinquants, qui représente 71 % de ses crédits de paiement. Les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) s'élèvent à 8 618 ETPT, en baisse de 333 ETPT par rapport à 2009.
Au titre de la performance de ce programme, il a relevé une amélioration sensible des taux d'occupation des établissements. Ce taux passe, par exemple, pour les centres éducatifs fermés, de 73 % en 2008 à 74 % en 2009, avec une cible de 80 % en 2011.
Il a rappelé le coût de 637 euros d'une journée en centre éducatif fermé. Ce coût, bien que relativement élevé, doit toutefois être remis en perspective avec la montée en charge progressive de ce dispositif et des charges fixes qui pourront être « lissées » dans les années à venir.
Il a souligné que, au total, l'action de la PJJ débouche sur un résultat encourageant : 64 % des jeunes pris en charge au pénal n'ont ni récidivé, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui a suivi la clôture de la mesure.
a indiqué que les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent de 7,2 % en crédits de paiement, en passant de 317,9 millions à 295 millions d'euros. Il a noté que l'aide juridictionnelle (AJ), notamment, voit passer sa dotation de 297,8 millions d'euros en 2009 à 275 millions d'euros. Cette baisse de 7,6 % doit toutefois être relativisée, dans la mesure où elle se fonde sur un rétablissement de crédits à hauteur de 24 millions d'euros au titre du recouvrement de l'AJ.
Il a déploré que ce taux de recouvrement reste faible, avec un objectif de 11 % en cible pour 2010 et que, par ailleurs, le nombre d'admissions à l'aide continue de progresser : 935 000 bénéficiaires en prévision pour 2010.
Il a estimé que, dans un tel contexte, la réforme de l'aide juridictionnelle ne peut plus guère être différée.
Il a indiqué que le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » comporte 244,1 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 3 % par rapport à 2009. Ce programme peut être considéré comme le programme de soutien à l'action du ministère de la justice et des libertés. Il présente comme principal enjeu la poursuite des efforts en faveur du développement des applications informatiques de la justice : le budget de cette action est doté de 86,2 millions d'euros en crédits de paiement.
Dans cette perspective, il s'est félicité de l'aboutissement, prévu pour 2010, du déploiement de l'application Cassiopée, qui procède à la dématérialisation de la chaîne pénale.
En revanche, il a déploré que les indicateurs de retard et de coût pour les opérations immobilières conduites par le ministère n'enregistrent aucune amélioration significative alors que des progrès sont nécessaires.
Enfin, il a rappelé que le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice (hors Chorus) » est un programme résiduel, à vocation transitoire, ne permettant que la gestion des dépenses déconcentrées d'action sociale et de fonctionnement des magistrats de liaison à l'étranger.
En conclusion, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a proposé l'adoption des crédits de la mission « Justice », modifiés par un amendement.
En effet, il a rappelé que l'enveloppe allouée au titre des frais de justice pour l'exercice 2009 s'élève à 409 millions d'euros mais que 364,6 millions d'euros ont déjà été consommés au 25 octobre 2009. A ce rythme de consommation, le montant total des frais de justice à supporter en 2009 pourrait dépasser l'autorisation initiale de 31 millions d'euros. L'année 2009 s'est d'ailleurs d'ores et déjà caractérisée par des difficultés de paiement, par exemple dans les cours d'appel de Versailles et d'Angers.
Il a souligné que, pour 2010, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 395 millions d'euros et que, paradoxalement, alors que l'année en cours enregistre une reprise de la dynamique à la hausse de ces frais, cette enveloppe est inférieure à celle prévue pour 2009. Il a estimé que le phénomène de déstockage des mémoires observé en 2009 ne devrait pas s'interrompre brutalement en 2010, mais, au contraire, se poursuivre. De même, l'augmentation du nombre de procédures pénales et la diversification des possibilités offertes par les nouvelles technologies, au service de la recherche de la preuve, représentent des tendances de fond qui feront très vraisemblablement sentir leurs effets au-delà du seul exercice 2009.
Au total, il a douté de la sincérité du budget proposé pour le programme « Justice judiciaire » et a donc proposé un amendement qui vise à abonder de 30 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, l'action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » de ce programme.
Il a ajouté que, en contrepartie, cet amendement minore de 7,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement :
- l'action n° 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » du programme « Administration pénitentiaire » ;
- l'action n° 1 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » ;
- l'action n° 1 « Aide juridictionnelle » du programme « Accès au droit et à la justice ». Sur cette action, la minoration de crédits pourra être compensée par un meilleur taux de recouvrement de l'aide juridictionnelle, celui-ci n'étant prévu pour 2010 qu'à hauteur de 11 % ;
- l'action n° 9 « Action informatique ministérielle » du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».
Un large débat s'est ensuite instauré.