Je voudrais, pour ma part, souligner un autre passage.
La Cour de justice des Communautés européennes pour condamner la France déclare qu'« en maintenant dans sa législation l'exigence de la nationalité française pour l'accès aux emplois de capitaine et d'officier (second de navire) à bord de tous les bateaux battant pavillon français » - j'insiste sur ce « tous » - « la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 39 CE ».
Il ressort de ce dernier considérant que la législation française aurait pu prévoir des solutions différentes en fonction de la durée et des distances du déplacement en mer.
Or le projet de loi ne s'embarrasse pas du détail.
En effet, des navires armés au long cours et au cabotage international, pour lesquels M. le rapporteur avait noté que le capitaine est amené, ne serait-ce qu'en matière disciplinaire, à exercer réellement ses prérogatives de puissance publique, ne font pas l'objet d'une exception.
Imaginez la situation d'un capitaine de nationalité étrangère au large de Singapour qui devra entrer en contact avec les autorités françaises pour pouvoir exercer ses prérogatives d'officier de police judiciaire. En admettant que cet officier parle français, sera-t-il en mesure de comprendre les instructions juridiques transmises par l'autorité compétente et sera-t-il en mesure de joindre rapidement cette autorité ? Je ne le pense pas.
Pour avoir les informations, il appellera probablement sa compagnie, qui les trouvera et les lui communiquera dans un délai plus ou moins long. Ainsi, par la multiplication des interlocuteurs, votre texte rendra impossibles les réactions d'urgence.
Les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ont été l'occasion de révéler, me semble-t-il, l'artifice du système proposé. Le débat est clair de ce point de vue.
Face aux difficultés pratiques, avec le renvoi aux autorités publiques à terre, certaines compétences qui relèvent de la procédure pénale ont été rendues au capitaine ; je pense aux cas de crime ou de délit flagrant.
Enfin, nous estimons que la multiplication des langues parlées sur un navire présente l'inconvénient de ralentir la réaction de l'équipage face aux dangers potentiels, avec tous les risques que cela peut engendrer.
Bref, sans remettre en cause les qualifications des officiers étrangers, nous voterons contre ce texte, qui n'apporte pas de remède à la pénurie d'officiers, qui pose des problèmes pratiques en ce qui concerne l'exercice des prérogatives de puissance publique, enfin qui risque d'engendrer des dangers en ce qui concerne la sécurité des bâtiments.