Monsieur le président, monsieur le Médiateur de la République, mes chers collègues, les rapports d'activité que vous nous remettez, année après année, illustrent de manière spectaculaire le chemin parcouru depuis la création du Médiateur de la République, il y a trente-cinq ans.
Observatoire des plaintes, centre d'information et d'orientation, incubateur de réformes, telles sont les trois facettes complémentaires d'une institution qui jouit - les hommes de terrain que nous sommes le savent bien - d'une notoriété croissante auprès de nos concitoyens.
Cette notoriété apparaît nettement au travers de la progression continue du volume d'activité de la Médiature, que vous avez rappelé. En 2007, elle a reçu plus de 65 000 dossiers, soit une hausse de 3, 5 % par rapport à 2006 ; cette hausse était déjà du même ordre l'année dernière. Depuis 1973, vous avez traité 750 000 dossiers, ce qui est considérable.
Il faut dire que si « le réflexe Médiateur » gagne du terrain, c'est en grande partie parce que nos concitoyens connaissent de mieux en mieux l'efficacité de vos interventions, menées tant par les services centraux que par vos délégués : comme ces dernières années, près de 80 % d'entre elles ont abouti à un accord, ce qui constitue un remarquable « indice de performance » de votre institution. Cela n'est pas seulement dû au bruit médiatique !
Cette notoriété, vous la devez, dans une large mesure, à l'action menée par les délégués du Médiateur de la République, dont vous avez cité le nombre. Répartis sur toute la France, ils traitent 90 % des affaires transmises à votre institution en assurant proximité, efficacité et rapidité, notamment au profit des plus vulnérables et des moins bien informés de nos concitoyens. Les délégués du Médiateur sont, comme vous l'avez rappelé, non seulement dans les préfectures, les sous-préfectures parfois, mais également au coeur des quartiers sensibles, dans les structures de proximité et, depuis 2005, auprès des détenus, point auquel la commission des lois est particulièrement attentive.
À cet égard, je tiens à réaffirmer solennellement que la privation de liberté ne signifie pas la privation de l'accès au droit. C'est pourquoi la mise en place de délégués du Médiateur dans les prisons a été couronnée de succès et mérite d'être encouragée et amplifiée : depuis 2005, 1 500 saisines de détenus ont ainsi été recensées avec un taux de réussite des interventions des délégués auprès de l'administration pénitentiaire variant de 60 % à 70 %, ce qui est tout à fait remarquable.
Parallèlement à la mise en place des délégués dans les prisons, votre institution a, je le sais, pris une part très active aux réflexions qui ont abouti, le 30 octobre 2007, au vote de la loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, deux ans après la signature par la France du protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture. Il importe désormais de procéder - je le dis à M. Bussereau, présent en cet instant au banc du Gouvernement - à la nomination du contrôleur afin de mettre en place ce contrôle indépendant dans les plus brefs délais.
Mais ce thème est loin d'épuiser le champ de votre action.
Il est édifiant de constater que votre rôle consiste souvent à guider le citoyen dans les méandres des circuits administratifs. J'ai ainsi relevé que 46 % des affaires traitées par vos services étaient des demandes d'information et d'orientation. Ce chiffre, certes en léger repli par rapport à 2006, témoigne de l'impérieuse nécessité, que vous avez rappelée tout à l'heure, de poursuivre inlassablement le chantier de simplification du droit.
Il s'agit là non seulement d'un impératif juridique - l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi sont des objectifs de valeur constitutionnelle, que le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de rappeler à propos de certains textes inintelligibles - mais également et surtout d'une exigence politique. La simplification répond en effet à une attente forte de nos concitoyens, déroutés par l'abondance et la complexité des normes, de nos entreprises, freinées dans leurs initiatives par la multiplicité des démarches administratives à accomplir, et des administrations publiques elles-mêmes, conscientes que l'inflation des textes et leur insuffisante clarté nuisent à l'efficacité de l'action des pouvoirs publics et en augmentent sensiblement le coût. Quand je parle des administrations publiques, je pense particulièrement aux administrations locales. Ce que vous avez cité en matière d'urbanisme est révélateur des difficultés croissantes que rencontrent les collectivités locales dans ce domaine et du peu d'assistance qu'elles peuvent désormais attendre des services de l'État.
On connaît tous la mise en garde du Conseil d'État formulée dans ses rapports annuels de 1991 et 2006 : « quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête qu'une oreille distraite ».
On connaît moins celle de Montaigne : « Nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ensemble, et plus qu'il n'en faudrait à régler tous les mondes d'Épicure... Qu'ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers et à y attacher cent mille lois ? Les lois les plus désirables, ce sont les plus rares, plus simples et générales. »