Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 juillet 2010 : 2ème réunion
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Examen du rapport pour avis

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur pour avis :

Je simplifierai mon exposé. Nous nous sommes saisis pour avis de l'article 12 du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, qui réforme la taxe locale d'électricité, un sujet sur lequel nous avons tenu une table-ronde il y a quelques semaines. Les tarifs réglementés, bleus, jaunes et verts, que nous connaissons tous, se heurtent en effet aux directives européennes 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003. Nous avons mis en place un dispositif temporaire pour certaines catégories d'entreprises, le « tarif de retour » ou tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché (TaRTAM), mais cette digue assez faible ne tient plus et deux procédures ont été engagées contre la France, l'une portant sur l'aide d'Etat que constitueraient les tarifs règlementés accordés aux industriels qui en bénéficient, et l'autre sur le défaut de transposition de la directive. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), au 31 mars dernier, les marchés règlementés représentaient encore 94 % des sites et 83 % de la consommation.

Le Gouvernement a recherché un nouveau compromis en chargeant une commission, présidée par M. Paul Champsaur, de trouver une solution. Il en est résulté ce projet de loi qui substitue, sauf pour les petits consommateurs, à une régulation en aval une régulation en amont. Electricité de France (EDF) aura l'obligation de céder aux autres fournisseurs jusqu'à 100 TWh de la production d'électricité nucléaire historique. Cet accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) s'établira à un prix fixé au départ « en cohérence » avec le TaRTAM, puis évoluera en fonction de paramètres économiques.

Il est difficile d'être plus clair car il s'agit d'un compromis avec le droit européen : le TaRTAM était une ambiguïté ; nous passons à une autre solution ambiguë avec ce texte dont l'équilibre et la validité reposent sur un échange de lettres entre le Premier ministre et les deux commissaires européens compétents, qui, malgré cet « imprimatur » timide, ne s'engagent pas pour la Cour de justice des communautés européennes.

Cette loi sera difficile à appliquer, d'où l'importance du régulateur, qui donne son avis notamment avant chaque arrêté de détermination du prix de l'électricité cédée selon le mécanisme de l'Arenh. Entre EDF, GdF-Suez, groupe désormais privé, et les nouveaux entrants, la matière est très conflictuelle, et c'est une raison de plus pour conforter le statut du régulateur - c'est même la condition du succès. Le prix doit être incontestable. Nous proposons donc de donner la personnalité morale à la CRE et de lui assurer une ressource, sur le modèle de l'Autorité des marchés financiers. Sa crédibilité dépendra en effet de son indépendance.

Introduit par amendement à l'Assemblée nationale, l'article 12 me paraît dans l'ensemble satisfaisant. Il respecte l'obligation de transposition de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 qui impose une taxation minimale assise sur les quantités et non sur les prix. La taxe ne peut être optionnelle, ce qui n'est pas compatible avec le régime actuel des taxes locales (TLE). La Commission vient de signifier à la France un avis motivé, le 18 mars 2010. La réforme transforme donc les TLE en accises dont les tarifs sont à définir suivant des coefficients multiplicateurs au niveau des départements, des communes et des syndicats intercommunaux : l'autonomie fiscale des collectivités locales est ainsi respectée. Une taxe intérieure sur les consommations finales d'électricité vient en complément des taxes locales afin de taxer les consommations des clients dont la puissance souscrite dépasse 250 kVA ; cette taxe d'Etat rapporterait 75 millions l'an.

La réforme est neutre pour les collectivités bénéficiaires des TLE, qui garderont la maîtrise de la recette et un pouvoir de modulation. Au total, le texte est plus satisfaisant que la première reforme que nous avions refusée en loi de finances rectificative, à la fin de 2008.

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