Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 6 juillet 2010 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • hypothèse
  • taxe

La réunion

Source

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission des finances, conjointement avec la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et la commission des affaires européennes, entend M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous entendons le président, accompagné de plusieurs membres de la commission pour la libération de la croissance française à la veille d'un débat d'orientation des finances publiques, qui sera l'occasion d'échanger avec le Gouvernement sur la trajectoire à suivre pour atteindre l'équilibre des finances publiques.

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Notre commission n'ayant pas encore achevé ses travaux, c'est à une réflexion à haute voix que je vais me livrer. La commission pour la libération de la croissance française, composée de quarante-trois personnes nommées par le Président de la République et le Premier Ministre, a déjà émis des propositions, dont la moitié ont été mises en oeuvre. Nous travaillons avec l'appui d'une quarantaine de rapporteurs, et la pleine coopération de l'administration, comme des commissions parlementaires. Un rapport d'étape tire le bilan des réformes mises en oeuvre. Nous achevons un deuxième rapport, qui sera rendu public par le Président de la République fin août ou début septembre.

Nous avons travaillé avec les parlementaires, dont certains ont assisté à nos groupes de travail, entendu nombre d'experts, rencontré les partenaires sociaux. Nous avons fait travailler ensemble des think tanks de convictions différentes, auditionné ministres et personnalités diverses. Nombre des réformes que nous préconisions ont déjà été mises en oeuvre : pôles de compétitivité, pôles universitaires, rupture à l'amiable du contrat de travail, auto-entrepreneur, loi de modernisation de l'économie, grand emprunt, mesures visant à renforcer la compétitivité...

Mais il reste beaucoup à faire pour réformer l'État et les collectivités territoriales - vous connaissez notre opinion sur le sujet -, et pour améliorer l'efficacité des dépenses publiques. En matière d'emploi, il faut progresser sur la gestion du travail, la formation professionnelle, l'accompagnement des chômeurs, la réforme de certaines professions réglementées... Nous ne renions aucune de nos propositions. Nous savions à l'époque que la crise se profilait : nos propositions restent valables aujourd'hui.

La crise mondiale que nous traversons entraîne pour la France de graves dérives à court et moyen termes. À politique constante, il est impensable de faire revenir le taux de chômage en deçà des 9 % d'ici 2020, et l'endettement public dépassera 100 % du PIB, si ce n'est 120 %, à cette date. Il devrait déjà atteindre 90 % en 2012-2013...

La crise est loin d'être terminée. Malgré les perspectives de reprise, les nuages s'accumulent à l'horizon : le système chinois craque, les États-Unis sont instables, la Grande-Bretagne va très mal... Le processus cumulatif de réduction des déficits va peser sur la fragile croissance, qui s'est stabilisée à un niveau médiocre. Dans cet environnement morose, la France est largement discréditée. La confiance dans la classe politique, les médias ou les dirigeants est au plus bas ; nous sommes d'autant plus mal perçus à l'étranger que nous ne tenons pas nos engagements : cela fait cinq fois que nous violons le pacte de stabilité ! Nous ne pouvons continuer à faire des promesses que nous ne tenons pas.

La réduction des déficits passe par la croissance ; la croissance, par la réduction des déficits. L'objectif de réduction du chômage et de la dette publique exige une mobilisation générale, et ne supporte pas la moindre pause, fût-ce pour les élections. Cela suppose d'admettre que nos concitoyens sont adultes et récompenseront ceux qui prendront ou proposeront des positions courageuses. Cet effort nécessaire est possible - les exemples de l'Allemagne, du Canada, de la Suède le prouvent - à condition de reposer sur la justice. Les pays qui ont mené des réformes courageuses maîtrisent aujourd'hui leur destin. Nous devons inverser la courbe de l'endettement, non par des mesures de fin de mois mais par une action entêtée pendant sept à huit ans. Il nous faut restaurer la confiance, en nous appuyant sur la crédibilité des gouvernants, la justice sociale et la relance des investissements de croissance.

La maîtrise des finances publiques est le socle de la croissance. Les marchés, c'est-à-dire les prêteurs, nous menacent d'augmenter les taux d'intérêt. Si nous n'agissons pas, nous serons contraints de le faire : Invitus invitam dimisit ! Pour maîtriser la croissance de la dette, il faut faire des économies et/ou augmenter les prélèvements. Avec une hypothèse de croissance de 2,5 % en 2011, il nous faudrait, pour ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013, trouver environ 90 milliards d'euros, dont 40 sous forme de recettes venant de la croissance - à supposer que l'inflation soit d'environ 2 %. Il faudrait réduire la progression naturelle des dépenses de 50 milliards sur la période 2011-2013, via des économies et la réduction de niches fiscales - ce qui revient à augmenter les impôts. Avec une croissance de 1,5 %, voire moindre, il faudrait un effort non pas de 17 milliards par an mais de 30 ! Pour ramener la dette à 65 % du PIB, il faut poursuivre l'effort jusqu'en 2017-2018. Sans une mobilisation générale et durable contre la dérive des dettes, les taux augmenteront, et le FMI risque de nous rendre une visite polie : ce qui est arrivé à la Grèce peut très bien nous arriver !

Il n'y a pas consensus sur le taux de croissance à retenir, ni sur le rythme de maîtrise souhaitable. Peut-on revenir dans les clous du pacte de stabilité en trois ans, ou faut-il prendre plus de temps - quitte à fâcher les marchés et nos partenaires ? Il faudra trouver 30 milliards supplémentaires chaque année...

Nous avons un problème de gouvernance de la dépense publique. Il faut modifier le cadre institutionnel de fixation des règles budgétaires, revoir la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales, assurer la crédibilité des engagements. Il faut renforcer l'efficacité de nos services publics, en réviser la carte ; il faut en finir avec la distinction entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale ; prévoir, par exemple, de transformer des subventions de l'État en investissements, l'État conservant ainsi la valeur patrimoniale de son placement. Nous proposons également que les prestations sociales et allocations diverses soient systématiquement versées sous conditions de ressources.

Il faut transformer profondément notre fiscalité archaïque en fiscalité de croissance. À prélèvements obligatoires constants, la fiscalité sur le foncier et la fiscalité environnementale pourraient être largement augmentées, la progressivité de l'impôt renforcée. Il faut s'interroger sur les niches fiscales, le bouclier fiscal, l'articulation entre ISF et impôt sur les successions... Une hausse de la TVA, en revanche, aurait un impact négatif sur la croissance. Cela dit, notre commission n'a pas encore arrêté sa position...

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Il faut des mesures sévères pour maîtriser les dépenses publiques, y compris celles des collectivités locales, qui sont à l'origine de la croissance des dépenses : cela passe soit par un pacte entre l'État et les collectivités, soit par une réappropriation par l'État du contrôle des dépenses des collectivités, ce qui serait revenir sur la décentralisation.

En matière d'emploi, nous réfléchissons au contrat unique, à un bonus-malus pour renforcer la durabilité des contrats, à une flexi-sécurité à la française, à un contrat d'évolution, à un transfert des charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des entreprises vers la TVA ou la taxe carbone... Pour les PME, un small business act, une réduction des charges administratives, une ouverture des marchés. Pour l'emploi des jeunes, une formation d'alternance, une meilleure orientation.

Notre grande faiblesse est celle de notre système éducatif. Il faut enrayer la dérive tragique de l'école primaire : nous sommes tombés à la dix-septième place dans le classement de l'OCDE, en dépensant autant que la Finlande, qui se classe en tête ! Il faut agir dès la maternelle, en finir avec la méthode globale, lutter contre l'échec scolaire, améliorer la gestion des ressources humaines dans l'Éducation nationale, évaluer en permanence. Il faut encore renforcer l'autonomie des universités et réformer leur gouvernance. Nous sommes loin de nos partenaires, qui se réforment bien plus rapidement !

Il reste également beaucoup à faire pour les secteurs d'avenir. Nous proposons notamment de sécuriser l'accès aux matières premières, enjeu stratégique. Nous devons lancer une croissance verte par l'agriculture. La mer représente également un grand potentiel de croissance. Il faut investir dans les grandes infrastructures, notamment les ports. Il faut prendre des mesures en matière de concurrence, de brevets, de culture, de tourisme.

La France doit oeuvrer à ce que l'Europe soit le relais de la croissance. L'Union européenne n'est pas endettée : elle pourrait émettre des bons du Trésor pour financer des investissements, afin d'équilibrer l'impact des mesures de maîtrise des dépenses. Il faudrait également revenir sur des contraintes que nous avons acceptées trop rapidement, comme Bâle III ou Solvabilité II, qui pénalisent nos grandes entreprises.

La rénovation du dialogue social est en marche ; il faut aller plus loin, notamment pour les PME et les TPE. C'est la clé du pacte social, la condition de la réforme. Le pays doit se mobiliser s'il veut éviter le déclin qui le guette !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le diagnostic fait consensus. Je vous trouve même optimiste d'envisager une dette à 90 % en 2013 ! Nous entamerons les travaux pratiques dans 48 heures avec un débat sur l'orientation des finances publiques pour 2011.

La fiscalité écologique, si elle fonctionne, n'est-elle pas appelée à disparaître au fur et à mesure que changent les comportements ? Pourquoi refuser d'augmenter la TVA ? Il est temps de remettre en cause le postulat, certes politiquement correct, selon lequel certains impôts sont payés par les entreprises, d'autres par les ménages : dans une économie ouverte, tous les impôts de production ne sont-ils pas in fine payés par le consommateur ? Le poids des charges sociales est un accélérateur de délocalisations d'activité et d'emploi. Il est donc temps d'apprendre à aimer l'impôt de consommation ! Est-il juste que celui qui ne consomme que des biens importés ne participe pas au financement de sa protection sociale ?

L'idée de bons du Trésor européens est formidable, mais qui va rembourser ? Il faudrait d'abord une gouvernance européenne ! En l'état, ne serait-ce pas une fuite en avant, condamnée à l'échec ?

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

L'impôt écologique est certes appelé à disparaître, mais de l'eau coulera sous les ponts d'ici là ! La France est l'un des pays de l'OCDE dont la fiscalité écologique est la plus faible : nous devons rattraper notre retard.

La commission n'a pas encore arrêté sa position sur la TVA. À titre personnel, j'étais plutôt favorable à une augmentation, d'autant que l'inflation est faible et qu'il faut bien trouver des recettes ! Toutefois, tous les modèles montrent qu'un point de TVA en plus, c'est un point de croissance en moins...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je ne propose pas d'augmenter la TVA pour financer les retraites, mais pour compenser l'exonération de charges sociales. Si la concurrence joue, les prix sur le marché seront réduits, hors TVA, du montant des charges sociales.

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

La question de l'impact inflationniste ne se pose pas ; le risque est celui d'une ponction sur la consommation, qui serait facteur de récession. Une hausse de TVA entamerait la croissance - et je ne parle pas de l'injustice sociale ! Hausse des recettes, baisse des prestations : de toute façon, la pilule sera amère.

Oui à une gouvernance européenne. L'Union doit pouvoir emprunter, comme elle l'a fait pour la Hongrie, la Roumanie et la Lettonie. Il y aurait fuite en avant si l'on ajoutait une dette aux dettes, mais quand une entreprise est en difficulté, elle commence par se donner de l'air ; ensuite, elle se réforme !

En 1790, les États-Unis n'avaient ni capitale, ni gouvernement stable ; les États fédérés étaient gravement endettés, au point de faire redouter une explosion... Le 26 juillet 1790, Jefferson, Madison et Hamilton décidèrent et de la capitale et de l'émission de bons du Trésor : les États-Unis étaient nés. La dette des États fut récupérée, le système rapidement assaini. Pourquoi ne serions-nous pas capables de récupérer une partie de la dette des États pour créer une puissance commune ? Il n'y aucune dette au niveau confédéral : c'est une chance !

Debut de section - Permalien
Christian de Boissieu, président du Conseil d'analyse économique, membre de la commission pour la libération de la croissance française

Nous avons déjà évoqué dans cette enceinte la « TVA sociale ». Il faut peser les avantages à long terme mais aussi les problèmes de transition. La conjoncture difficile, le brouillard ambiant poussent le taux d'épargne des ménages à la hausse. Il faut veiller à ne pas trop peser à court terme sur la croissance, alors que l'investissement productif des entreprises est toujours au point mort.

A l'instar de Jacques Attali, je considère que nous ne devons pas prendre, dans les deux ou trois ans à venir, de mesures qui risqueraient de peser sur la consommation. Quant à la structure optimale en régime permanent, la question de l'opportunité de substituer de la TVA à une part des cotisations sociales reste entière.

J'en viens maintenant à l'emprunt européen. Un consensus peut se former autour de l'idée que nous devons marcher sur deux jambes : la réduction du déficit public et une stratégie volontariste de croissance. Sans cela, nos pays iront droit dans le mur. Pour financer une telle stratégie sans création monétaire excessive, c'est-à-dire sans peser sur des concours de la BCE, nous devons utiliser l'atout de l'Europe : l'épargne. Celle-ci ne pose pas un problème de quantité, mais de qualité. En fait la question est : comment financer hors budget, si j'ose dire, une partie importante de ces dépenses afin de relever le sentier de croissance et, donc, de mordre sur le chômage ? Un emprunt européen pourrait certes avoir un impact à court terme sur le budget - cela reste à vérifier - mais le problème central est celui de la « tuyauterie » : comment canaliser l'épargne vers les dépenses d'avenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous avons déjà eu ce débat à l'occasion du Grand emprunt. Je suis frappé par le fait que les Français souscrivent seulement un tiers de la dette publique, les deux autres tiers étant respectivement portés par des investisseurs européens non français et des fonds souverains et fonds de pension extra-européens... Je n'insiste pas sur la TVA, nous en reparlerons. Pour autant, - je vous renvoie au débat sur la taxe carbone -, la fiscalité sur les entreprises n'est-elle pas toujours répercutée sur les prix aux consommateurs ?

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Nous pourrions discuter de ce sujet à l'infini... L'important est de trouver dès aujourd'hui entre 20 à 30 milliards d'économies ou d'impôts nouveaux par an pendant sept ou huit années.

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

La fourchette que j'indique représente déjà une somme considérable. Les mesures à prendre, que je viens de détailler, représentent un gigantesque défi. Je ne sais pas si la représentation nationale, à l'aube des vacances, a conscience que, indépendamment des circonstances électorales, la mobilisation doit être générale. Sinon, nous courons à la catastrophe. Notre rôle est de répéter qu'une telle politique est possible, chiffres à l'appui, à condition d'avoir pour souci constant la justice sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Monsieur Attali, au regard des efforts très importants des grands pays pour la recherche et développement, les moyens consacrés à cet effet dans le Grand emprunt vous semblent-ils suffisants pour libérer la croissance ?

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Nous travaillons étroitement avec la commission de René Ricol chargée de la mise en oeuvre du Grand emprunt. Cet instrument aura un impact intelligent sur la recherche et développement. Autres instruments efficaces, Oséo et les universités. Quant à la question de l'effort financier, la recherche privée n'est pas à la hauteur. L'État, quant à lui, joue son rôle en matière de recherche publique, malgré les difficultés, et nous nous félicitons qu'il ait suivi certaines de nos recommandations concernant le CNRS dans notre précédent rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

La prise de conscience est générale : chacun sait que nous ne pouvons pas continuer ainsi. En revanche, la réponse nationale à la crise ne sera pas suffisante, elle le sera moins encore demain. Ne pensez-vous pas que l'idée d'un semestre européen permettant de synchroniser l'évaluation des politiques budgétaires et structurelles des Etats membres est de bon augure pour la convergence et l'harmonie de nos gouvernances économiques ? Si nous sommes loin du fédéralisme budgétaire, une architecture a été esquissée... En outre, vous avez cité l'exemple des politiques particulièrement vertueuses menées par le Canada et la Suède, mais leurs pays voisins ne se trouvaient pas dans la même situation difficile. La France doit aujourd'hui agir dans un contexte différent.

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

D'où l'importance d'agir avant la crise, et non sous la contrainte des événements. Par exemple, il est plus simple de réaliser des économies en période de croissance qu'en temps de crise. Quel dommage d'avoir abandonné cette très bonne idée de la cagnotte budgétaire et de l'avoir dilapidée ! Je suis très inquiet du financement de la sécurité sociale, de la manière dont les différentes caisses se financent avec des moyens dont l'orthodoxie reste à prouver.

Tant que nous n'établirons pas nos budgets nationaux en échangeant les données avec les États membres de l'Union et que nous n'aurons pas de stratégie commune avec l'Allemagne concernant le rôle de la Commission, il est difficile d'envisager une relance européenne, même si l'Europe sera l'accélérateur quand nous devrons mettre un frein au niveau national et au niveau des collectivités territoriales, principales sources de la croissance des dépenses en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Pour sécuriser l'approvisionnement en matières premières, n'y a-t-il pas urgence à adopter une politique européenne de l'énergie ?

Enfin, nous savons votre opposition au principe de précaution. Ne pourriez-vous pas défendre l'idée qu'il faut également inscrire le principe d'innovation dans la Constitution pour faire entrer la France dans le XXIe siècle ?

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

L'article 5 de la Charte de l'environnement, en raison de sa rédaction trop obscure, est dramatiquement dangereux : il laisse entendre que le principe de précaution est d'application générale, collectivités territoriales comprises. Cet article ôte à l'adoption de tout principe d'innovation toute crédibilité. Je vous demande instamment de circonscrire le principe de précaution au domaine pour lequel il a été créé : l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous avons observé des dérives. En réalité, l'article 5 de la Charte de l'environnement doit être lu conjointement avec ses articles 8 et 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le premier principe de précaution, c'est l'équilibre des finances publiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Si la plupart de vos recommandations ont été suivies, avez-vous expliqué, les évolutions sont plus lentes concernant notre système éducatif si bien que nous serions aujourd'hui l'un des derniers pays européens. Pourquoi une telle inertie avec des moyens budgétaires qui ont doublé en vingt ans pour atteindre 60 milliards cette année ? S'explique-t-elle par l'organisation du système, la gestion des ressources humaines ? Ne faut-il pas accorder davantage d'autonomie aux établissements.

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Oui, il faut davantage d'autonomie. Les expérimentations, notamment celle menée dans la région de Grenoble, donnent des résultats formidables. Le problème majeur dont souffre notre système éducatif est de ne plus avoir l'obsession de l'égalité. Le système explose car il reproduit aujourd'hui de façon implacable les hiérarchies sociales. D'après une récente étude, les étudiants des grandes écoles viennent de quelque deux cents maternelles, les fils d'ouvriers et les autres n'y ont plus leur place. L'autonomie doit être l'instrument pour apporter aux élèves en difficulté une assistance personnalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Parmi les mesures proposées, j'aurais aimé vous entendre sur deux points importants que vous n'avez pas abordés. Premièrement, comment rendre utilisable l'épargne des ménages français - 16 à 17 % du PIB - importante, mais trop liquide et de court terme, pour financer l'investissement dans les secteurs économiques stratégiques ? Deuxièmement, comment remédier au tragique déficit de notre balance commerciale au regard des bonnes performances allemandes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

N'y a-t-il pas contradiction entre la libération de la croissance et l'acharnement depuis de nombreuses années à maintenir la consommation via un système économique par trop redistributeur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Ne devons-nous pas faire nos preuves avant d'espérer convaincre nos partenaires européens, et surtout l'Allemagne, de la nécessité d'un emprunt européen ? Durant la période de restrictions budgétaires, ne devons-nous pas craindre une hausse du niveau de chômage ? Que pensez-vous de l'abandon par le Gouvernement, à cause de l'opposition des Verts, du projet d'autoroute entre Gap et Grenoble ? Une grande entreprise de BTP française était prête à investir 2 milliards sans la moindre aide budgétaire de l'État dans ce projet créateur de richesses et d'emplois. N'était-ce pas justement la logique à promouvoir ? Enfin, mes collègues seront peut-être surpris de cette question politique, mais l'ampleur de la crise ne justifie-t-elle pas la formation d'un gouvernement de coalition ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Après Christian de Boissieu et Jean-Pierre Fourcade, permettez-moi d'insister aussi sur la nécessité de mieux orienter l'épargne des ménages vers l'investissement productif. Ensuite, s'il faut réaliser, dites-vous, 30 milliards d'économies, prenons garde à sélectionner les dépenses à réduire en fonction du paramètre de l'emploi. Les Britanniques viennent d'annoncer que leur plan d'austérité conduira à une perte de 1,3 million d'emplois... Enfin, au nom de la justice sociale, condition nécessaire à la réussite de ce dispositif selon votre commission, vous considérez que la TVA n'est pas le meilleur levier de croissance et qu'il faut, en matière fiscale, placer l'accent sur les stocks - la rente, le foncier, l'épargne improductive -, et non sur les flux. Que préconisez-vous en matière de fiscalité sur le capital ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je veux, quant à moi, parler de la compétitivité de notre industrie. Le Grand emprunt ne risque-t-il pas, comme le crédit impôt recherche que les grandes entreprises ont utilisé pour faire de la recherche et développement de routine, d'être un véritable gâchis ? La recherche privée est effectivement insuffisante : elle n'atteint pas l'objectif de 1 % du PIB sur les 3 % pour la recherche que nous nous étions fixés. Pourquoi ne pas l'orienter directement vers les PME innovantes ? Autre question, la comparaison avec l'Allemagne fait apparaître un problème de structures de nos PME. Ne faudrait-il pas favoriser les regroupements pour atteindre la taille critique nécessaire à l'innovation ? Enfin, notre système éducatif. L'ascenseur social est en panne. Aujourd'hui, ni François Marc ni moi-même ne pourrions faire des études supérieures. Ce gâchis de potentiels humains pèse sur le climat social !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Les parlementaires ne sont pas en vacances... Dans mon territoire, le taux de chômage est de 13 %. Je suis assailli de problèmes sociaux. Le pire serait une croissance molle. Attention à privilégier, dans les montages, l'industrie, la recherche et développement et l'innovation trop souvent négligées depuis une décennie dans nos politiques publiques. L'épargne des ménages doit être, certes, orientée vers l'investissement. Mais quoi de plus naturel que l'épargne quand le chômage et la précarité s'accroissent ? Le mot n'a pas été prononcé mais il est sur toutes les lèvres : la confiance. L'enjeu essentiel est de la rétablir la confiance pour inciter les ménages à investir dans le secteur productif. La relance de la croissance passe aussi par l'emploi des jeunes. Les emplois-jeunes ont correspondu à un bond de croissance : une jeune au SMIC, parce qu'il doit s'équiper, consomme. L'emploi des jeunes doit donc être, pour nous, une obsession. Il y va de la justice, de l'avenir de notre pays et de la croissance. Enfin, concernant la fiscalité, une taxe carbone européenne ne permettrait-elle pas d'éviter les délocalisations ? Que pensez-vous de la fiscalité sur les mouvements de capitaux, autrement dit de la taxe Tobin ?

Debut de section - Permalien
Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Monsieur Fourcade, notre commission fera des propositions sur l'épargne. Je signale que la mise en oeuvre de la directive « Solvabilité II » limite la capacité des compagnies d'assurance à financer les entreprises.

Monsieur Jégou, y a-t-il trop de consommation ? Pour répondre par une boutade, tout dépend de ce que vous gagnez. Ce sujet nous renvoie à la question générale de la justice sociale.

Monsieur Bernard-Reymond, l'accent doit être mis sur les contrats d'évolution qui réduisent la durée du chômage. La flexisécurité ou la sécurité sociale professionnelle est un instrument efficace pour combattre le chômage. Concernant le dossier de l'autoroute entre Gap et Grenoble, voilà un bel exemple de ce qui manque toujours le plus en politique : le courage.

Monsieur Marc, s'agissant de l'impact des économies sur l'emploi, il faut d'abord réduire les dépenses avant de s'intéresser aux recettes. En matière d'impôts nouveaux, si notre doctrine n'est pas faite, nous pensons a priori à la taxe écologique, à la TVA appliquée au domaine social, à l'impôt sur les successions et aux impôts fonciers. Si nous en revenions à la fiscalité de 1999, nous gagnerions 5 à 6 points de PIB en recettes...

Monsieur Raoul, Mme Weissmann défend, comme vous, l'idée d'orienter les aides à la recherche et développement vers les PME innovantes.

Monsieur Bourquin, passer d'une croissance potentielle de 1,5 % à 3 % est possible. Cela est nécessaire pour l'emploi des jeunes. La confiance est la clé de la réussite. Et il n'y aura pas de confiance sans justice sociale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Merci de votre présence. Nous aurons le plaisir de vous auditionner une nouvelle fois lorsque votre commission rendra son rapport définitif.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport d'information de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le débat d'orientation des finances publiques pour 2011 (DOFP).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous venons d'entendre Jacques Attali qui nous a livré la quintessence des orientations du groupe qu'il préside pour libérer la croissance française. Nous l'avons rassuré, nous sommes conscients de la réalité et entendons les quelques propositions esquissées par son groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

procédant par vidéo-projection). - Notre rapport est très substantiel cette année. Il faut dire que le débat d'orientation des finances publiques prend un tour nouveau : pour la première fois il se conclura par un vote - qui portera cependant sur une déclaration du Gouvernement, non sur un texte discuté et amendé. Nous aurons à nous prononcer sur la trajectoire du programme de stabilité et de croissance. Je vous présenterai donc notre propre chiffrage de convergence, qui va au-delà de celui du Gouvernement. Nous méritons votre indulgence car nous avons dû reconstituer des données que le Gouvernement ne nous a pas transmises en temps utile.

La programmation 2010-2013 présentée par le Gouvernement est quasiment inchangée par rapport au programme de stabilité 2010-2013 transmis à Bruxelles en février dernier. Celui-ci comprend des objectifs et des prévisions de soldes pour l'Etat, la Sécurité sociale et les administrations locales. La base dont nous partons aujourd'hui est légèrement meilleure qu'en février. Le déficit 2009 était alors estimé à 7,9 %, il s'établit finalement à 7,5 %. Pour 2008, la prévision est de 8 % et non plus de 8,2 %. Le programme demeure d'actualité, les hypothèses n'ont pas été modifiées. L'Etat dit vouloir s'appliquer une nouvelle norme de dépense, le zéro pour cent en valeur hors pensions et charge de la dette remplaçant le zéro pour cent en volume élargi. Les résultats de cette nouvelle norme sont toutefois voisins de ceux de l'ancienne. L'ONDAM table toujours sur une croissance annuelle de l'ordre de 1,25 % en volume et de 3 % en valeur. Les dotations de l'Etat aux collectivités locales sont gelées en euros courants. Le Gouvernement entend ainsi faire porter l'effort sur les dépenses et, pour une faible part, sur les niches fiscales et sociales.

Il se fixe un objectif d'amélioration du solde, en fin de période, d'une centaine de milliards d'euros. Il y a, d'une part, la simple prise en compte des effets de la croissance sur les recettes publiques, 2,5 % par an ; le coefficient d'élasticité reste inchangé par rapport à février, l'amélioration automatique du solde est de 40 milliards d'euros, en prenant en compte la part conjoncturelle de la diminution du ratio dépenses/PIB. Le plan de relance et l'effet de trésorerie de la réforme de la taxe professionnelle arrivent à leur fin, ce qui économisera encore 15 milliards d'euros, soit un total de 55 milliards. Il y a, d'autre part, l'action volontariste du Gouvernement, pour 60 milliards d'euros : réduction de niches fiscales pour 8,5 milliards et plus de 50 milliards d'économies de dépenses - plus exactement, d'inflexion du taux de croissance des dépenses par rapport à la tendance observée les années passées, et non de diminution arithmétique. Il faut faire cette distinction, qui n'est pas sans analogie avec celle que l'on faisait entre les « services votés » et les « mesures nouvelles » sous l'empire de l'ordonnance de 1959.

Lors de la deuxième conférence sur les finances publiques, il a été annoncé que les concours de l'Etat aux collectivités locales, hors fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), seraient gelés en valeur dans le budget triennal 2011-2013. Faut-il comprendre qu'il y aura stabilisation en valeur de toutes les dotations sous enveloppe, hormis le FCTVA ? Ou stabilisation en valeur de l'enveloppe et de ses composantes, les évolutions du FCTVA étant compensées par les variables d'ajustement ? Malgré la réponse que nous a faite François Baroin la semaine dernière, l'ambiguïté demeure.

L'enjeu essentiel concerne les dotations résultant de la réforme de la taxe professionnelle. Nous avons tous entendu Christine Lagarde dire que la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) comme les attributions au titre du Fonds national de la garantie individuelle de ressources (FNGIR) ne serviraient pas de variables d'ajustement à l'enveloppe des concours aux collectivités. C'est une déclaration de bon sens, mais il faudra être vigilant.

Les efforts annoncés par le Gouvernement en matière de réduction de la dépense fiscale et sociale sont en progrès : 6 milliards d'euros en février dernier, 8,5 milliards le 25 juin, à la conférence de presse du Premier Ministre, puis « au moins 8,5 milliards » dans le rapport transmis par le Gouvernement. Sur les 3 milliards d'euros de mesures dans le cadre de la réforme des retraites, l'annualisation du calcul de l'allègement de charges sur bas salaires en représente 2. A quoi s'ajoute un cocktail de mesures non détaillées, à hauteur de 3,2 milliards, pour stabiliser la situation de la Cades. Il restera 2,3 milliards de mesures d'économies sur la dépense fiscale à définir : le « rabot », réduction proportionnelle, en ferait partie, mais sur quelle assiette jouera-t-il ?

Le Gouvernement prévoit de ramener la croissance annuelle en volume de la dépense publique de 2,4 % depuis le début des années 2000 à 0,6 % en moyenne par an, de 2011 à 2013. Nous retrouvons les 55 milliards d'euros d'économies. Mais certaines indications nous inquiètent car elles sont liées à des conditions improbables. Le ralentissement de la croissance des dépenses des « autres administrations de sécurité sociale », en particulier l'assurance-chômage, doit dégager 7,5 milliards d'euros. Mais ce calcul repose sur l'hypothèse d'une forte diminution du chômage et sur celle d'une croissance de 2,5 % par an... Je suis sceptique. Je le suis encore plus concernant le ralentissement des dépenses des collectivités locales, avec 12,5 milliards d'euros d'économies attendues, ce qui supposerait que l'évolution des dépenses en volume chute de 3 % à 0,9 % par an. Cela semble improbable et le Gouvernement, n'a du reste, aucun moyen de l'imposer.

La France, parmi les Etats de la zone euro, se situe en place honorable quant aux prévisions d'ajustements structurels : dans le plan allemand, l'ajustement est de 0,7 point de PIB par an, mais notre voisin prévoit un déficit 2010 de seulement 5,5 % du PIB. Le plan du Royaume-Uni est de loin le plus important : près de 2 points de PIB par an, soit deux fois notre effort affiché.

J'en viens à la nouvelle norme de dépense de l'Etat : est-ce une avancée ou un simple changement de vocabulaire ? De la courbe en volume ou de la courbe en valeur, laquelle est la plus favorable ? Tout dépend des hypothèses. Aucune ne semble avoir un avantage décisif sur l'autre. Par conséquent, je m'étonne du changement de terminologie, sans contester cependant la nouvelle règle.

Le plan du Gouvernement comporte une diminution de 10 % des dépenses de fonctionnement. L'annonce en a été faite après les conférences sur les déficits des finances publiques et le ministre du budget, le 30 juin dernier, a indiqué une réduction de 10 % au total sur la période 2011-2013 des crédits d'intervention et de fonctionnement. Autrement dit, les dépenses d'intervention en 2013 devraient passer de 66 à 59,4 milliards d'euros et les dépenses de fonctionnement de 43 à 38,7 milliards. En réalité, le discours du Gouvernement ne correspond pas à ses intentions : il entend là encore réduire la progression des dépenses de fonctionnement et d'intervention par rapport à l'évolution spontanée. Si l'on prend comme référence une indexation sur l'inflation, une réduction de 10 % correspond d'ici 2013 à une diminution par rapport à 2010 de 2,8 milliards pour les dépenses de fonctionnement et de 4,3 milliards pour celles d'intervention.

Les dépenses de fonctionnement représentent 43 milliards d'euros. Mais n'oublions pas que l'Etat s'est « agencisé » au fil du temps et qu'il verse aux opérateurs 24,2 milliards d'euros - contre 18,4 milliards de dépenses de fonctionnement directes. Certaines enveloppes sont plus aisément ajustables, par une mutualisation et une rationalisation des structures. Il apparaît que 94 % des transferts sont concentrés sur sept missions et 70 % sur la seule mission « recherche et enseignement supérieur ». Citons également, au titre de l'écologie et du développement durable, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, Voies navigables de France, Météo France, les Parcs nationaux, l'IGN, l'Ademe, etc.

Plus de 28 milliards d'euros, soit plus de 40 % des dépenses d'intervention, correspondent à des dépenses de guichet - aide au logement, anciens combattants, bourses...- dont le paiement intervient automatiquement lorsque les bénéficiaires potentiels remplissent les critères inscrits dans les lois ou règlements. A quoi s'ajoutent 10 milliards de dotations, telles que les subventions d'équilibre aux régimes de retraite par exemple, ou les transferts aux collectivités locales. Restent 42 % de dépenses d'intervention à caractère plus discrétionnaire et c'est sur cette masse que les vraies économies peuvent porter. Certaines dépenses sont très concentrées, d'autres relèvent du saupoudrage, avec 1 milliard d'euros versés en 2008 à diverses associations, par exemple.

Pour le fonctionnement, il suffit d'appliquer une « toise » comme le Budget a l'habitude de le faire, et d'adapter les dépenses en conséquence. Mais pourquoi ne pas moduler l'effort en fonction des performances de gestion ? La LOLF a introduit des indicateurs de performance mais ils semblent oubliés ! Il a fallu beaucoup de réflexion pour les définir, mais qui s'en sert ? Les économies futures doivent tenir compte des résultats. Et tous les opérateurs doivent y contribuer, car leur part relative s'accroît continûment.

Tous les dispositifs d'intervention doivent être réexaminés ; il faut concentrer les aides publiques sur les plus vulnérables, responsabiliser les bénéficiaires par le recours à des mécanismes de ticket modérateur, lutter contre la fraude aux prestations. Il faut également éviter les phénomènes d'« abonnement » c'est-à-dire la dépendance à l'égard des aides et conditionner ces dernières à des contreparties. C'est un art d'exécution difficile...

Une évolution est aisément mesurable : celle des effectifs, dont la diminution se poursuit. Il en résulte une économie sensible, 800 millions d'euros en 2009, hélas compensée par 550 millions d'euros de mesures catégorielles, 630 millions d'augmentation des rémunérations, 120 millions de glissement vieillesse-technicité et 370 millions d'euros de mesures d'ajustement. La masse salariale progresse de 1 %, à effectifs décroissants. Faire des économies par le seul jeu des effectifs est donc illusoire, il faut agir sur le point d'indice. Par rapport à une augmentation de 0,5 %, un gel pendant trois ans représenterait 2,25 milliards d'euros d'économies. Et sur les pensions de retraite, l'économie potentielle par rapport à l'indexation actuelle sur l'inflation est de 700 millions d'euros. Soit au total environ 3 milliards d'euros sur trois ans.

Comment ramener le déficit à 3 % en 2013 ? La programmation présentée par le Gouvernement m'inspire des doutes. Jamais dans le passé un processus de stabilisation des dépenses n'a été respecté. Toujours on a entendu un double langage. Les prévisions de croissance des dépenses publiques n'ont jamais été tenues. Or le présent programme est l'un des plus ambitieux jamais présentés. Il repose sur une hypothèse de croissance des dépenses, en volume, de 0,6 % par an : voilà qui est très optimiste ! Quant aux dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM progressera vraisemblablement non pas selon le taux prévu mais jusqu'au seuil de déclenchement de la procédure d'alerte, ce qui ramènera l'impact annuel sur le taux de croissance des dépenses publiques à 0,2 point au lieu de 0,3 point. La progression des dépenses des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraite ralentirait : cela repose sur une hypothèse de forte baisse du taux de chômage, résultant d'une hypothèse de 2,5 % de croissance annuelle. La croissance des dépenses des collectivités territoriales passerait de 3 % à moins de 0,9 % en volume. Cela n'est pas crédible. Nul ne connaît la croissance du PIB des années à venir. Une bonne surprise n'est pas à exclure, par exemple si la dépréciation de l'euro se concrétise, mais la croissance potentielle française a été estimée à 2 % - et la France est le pays de la zone euro qui retient l'hypothèse la plus au-dessus de sa croissance potentielle. J'ai des doutes... Je préfèrerais une hypothèse neutre, de 2 % par an. Or, en retenant ce taux de croissance, toutes les hypothèses d'ajustement du Gouvernement deviennent caduques. Et il est difficile de penser que le déficit en 2013 pourra dans ce cadre être inférieur à 5 points de PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Selon moi, il manque 50 milliards ou plus : 30 milliards d'euros au titre des recettes et 25 milliards d'euros environ au titre des dépenses. Comment les trouver ? Il est temps d'adapter la gouvernance, sinon une forte défiance va s'exercer à l'encontre de la France.

C'est la première fois que le Parlement s'associe au Gouvernement dans un tel exercice. Mais au-delà du vote, que faire ? La notion de trajectoire est essentielle. Pour être crédible, celle-ci doit reposer sur deux règles simples : la sincérité, ou pour le dire autrement, des hypothèses prudentes et identiques dans la loi de finances et dans les documents relatifs à la trajectoire ; et la responsabilité, avec une procédure pour corriger rapidement les écarts. Nous souhaitons donc une révision constitutionnelle - je vous renvoie au rapport Camdessus.

La trajectoire doit être détaillée par la loi cadre pluriannuelle, laquelle s'imposerait aux lois annuelles ; le Conseil constitutionnel serait le « gendarme » s'assurant de cette conformité. Enfin, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale devraient avoir le monopole des décisions financières significatives.

Si l'on annonce pareille trajectoire et si elle n'est pas respectée, il en résultera un discrédit. Comment se paiera-t-il au niveau de la cotation de nos dettes ?

Des mesures concrètes sont nécessaires, qui figurent, avec leur ordre de grandeur, dans le tableau qui vous est soumis. Il s'agit d'une « boîte à outils » pour voir comment il serait possible d'opérer les ajustements supplémentaires, tant en dépenses qu'en recettes : non-indexation de certaines rubriques, mise en oeuvre d'une RGPP des administrations de sécurité sociale ; dette sociale ; réduction des niches fiscales qui peuvent aller plus loin. Si l'on veut un ajustement véritable et rapide des recettes, il n'y a pas de meilleure solution que la TVA : l'on dégagerait 7 milliards en portant le taux réduit de 5,5 % à 8 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Même les Anglais n'ont pas voulu le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

On peut réduire les exemptions d'assiette de sécurité sociale voire, en fin de période, comme l'ont fait l'Allemagne et l'Espagne, augmenter d'un point le taux normal. J'avais déjà évoqué l'an dernier l'idée non maastrichtienne d'un emprunt obligatoire pour les contribuables les plus imposés, ce qui représenterait 5 milliards d'euros avec 10 % de plus pour les 10 % de contribuables les plus imposés. C'est symbolique ? Mais ne réclame-t-on pas des efforts équitablement répartis ?

Nous pouvons réduire de 10 milliards de plus les dépenses fiscales. Commençons par les plus coûteuses. Si l'on additionne les propositions de Christian Gaudin et de plusieurs collègues de l'Assemblée nationale, on peut plafonner à 100 millions d'euros les dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche (CIR), soit une économie de 200 millions d'euros, prendre en compte pour le plafond l'ensemble du groupe et non chaque filiale, soit un gain de 400 millions d'euros, ramener de 75 % à 33 % la part des dépenses de personnel prise en compte pour déterminer les frais de fonctionnement des entreprises, ce qui rapporterait encore 900 millions. Voilà au total 1,5 milliard sur 4 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ramener la prime pour l'emploi de 1,4 à 1,2 SMIC dégagerait 1,1 milliard et réduire son taux de 10 %, 300 millions. Une sortie en sifflet du crédit d'impôt durable économiserait 1,5 milliard, et 600 millions pour la suppression de l'avantage en faveur du photovoltaïque.

Sur la fiscalité immobilière, on peut éviter la coexistence du taux zéro et de la déductibilité des intérêts d'emprunt. Nous avons lancé une étude sur le « Scellier » et le « Demessine » ; l'enjeu cumulé est de l'ordre du milliard d'euros.

Il n'est pas impossible de taxer plus lourdement les sorties anticipées de l'assurance-vie. Doit-on en effet utiliser celle-ci comme un instrument de trésorerie ? Je ne le crois pas et l'on peut dégager quelques centaines de millions d'euros sans déstabiliser ce régime important.

Certaines mesures d'assiette peuvent être remises en cause. Nous avons une foule d'exonérations, d'abattements et de déductions, qui concernent l'impôt sur le revenu, mais aussi l'ISF et l'impôt sur les sociétés : à mon sens il faut passer le « rabot » sur tous les impôts et sur une surface intégrant les mesures d'assiette, ce que ne fait pas le Gouvernement.

Même si toutes ces mesures peuvent représenter une dizaine de milliards supplémentaires, il ne saurait y avoir d'ajustement significatif si l'on ne touche pas à la TVA. Augmenter le taux réduit d'un point aurait rapporté 2,6 milliards en 2008. A terme, il faudra aller plus loin avec le basculement des charges sociales vers la TVA ; un point supplémentaire de taux normal de TVA constituerait une mesure de rendement.

S'agissant des recettes de la sécurité sociale, nous avions déjà proposé de revaloriser la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) de 1,8 milliard. La porter à 0,65 % en 2011 peut s'ajouter aux mesures proposées par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je ne peux qu'abonder dans le sens de ceux qui proposent d'abaisser le point de sortie des allègements généraux de charges sociales à 1,5 smic en 2012, ce qui dégagerait 2,5 milliards.

Les exemptions d'assiette de sécurité sociale constituent aussi des niches. Le total de cette rubrique atteint 40 milliards. Ne touchons pas aux 20 milliards d'allègements du coût du travail ni aux 10 milliards concernant les prestations sociales. Restent 10 milliards, portant notamment sur les stock-options, les indemnités de départ et les plus-values immobilières. Ne vaudrait-il pas mieux que les stock-options soient assujetties aux cotisations sociales plutôt qu'à une contribution spécifique ? Dans le cas de l'exemption dont bénéficient les plus-values immobilières, faudrait-il toucher à celles concernant la résidence principale ? Je n'en suis pas certain. Les livrets règlementés représentent 600 millions. Sans reprendre les estimations de la Cour des comptes, il y a dans tout cela un potentiel supérieur à 5 milliards. Nous verrons si le Gouvernement y pense.

Cet ajustement ne pourra pas s'effectuer si l'on ne fait pas une partie du chemin avec la dépense, qu'il s'agisse de non-indexations temporaires, d'un meilleur contrôle de l'évolution de la masse salariale, de la révision de régimes de différents guichets d'intervention ou encore de celle des lois de programme déjà votées. Du côté de la sécurité sociale, est-il absurde de se fixer l'objectif de demander aux régimes d'économiser 1 % de leur dépense totale, soit 5 milliards ? Nous ne pouvons ici articuler que des ordres de grandeur. Il faut néanmoins éviter tout ce qui compliquerait la réforme des retraites : tout ce qui jetterait le doute sur celle-ci est à proscrire. Enfin, on ne peut pas avoir un programme crédible en termes de dépenses sociales si l'on se contente d'affirmer un taux normatif d'évolution sans avoir les moyens de contrôler celles-ci.

Si des mesures volontaires sont adoptées sur les dépenses de l'Etat, les collectivités locales pourront prendre leur part, à condition que les règles soient claires et après la réforme de la réforme de la taxe professionnelle.

Je n'ai pas le beau rôle en présentant ce tableau qui a le mérite d'exister. Il y a quelques semaines, nous étions dans l'épisode grec, puis ceux qui ont suivi ont conditionné toutes les conversations. Or, aujourd'hui, on a presque l'impression qu'avec le fonds de stabilité financière, l'obstacle est franchi. Le croire serait une grave erreur et notre devoir est d'aider le Gouvernement à faire percevoir les enjeux actuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Vous avez résolument pris le parti de ne pas rester dans un rôle beau mais convenu. Il y a maintenant consensus sur le diagnostic. Chacun a-t-il pris la mesure de ce qu'il implique ? On ne peut plus attendre les décisions sans porter atteinte à l'indépendance nationale. Or l'approche du Gouvernement reste optimiste. Quelle position prendrons-nous lorsque celui-ci nous demandera d'exprimer un vote sur sa déclaration ? Il doit tenir compte de nos remarques et propositions. Je ne suis pas sûr qu'il y ait sur celles-ci un large consensus, mais elles illustrent ce qu'il convient de faire et nous permettent de prendre la mesure de cette quasi-révolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Sur un plan général, le taux de croissance retenu par le Gouvernement appelle les critiques les plus évidentes. Il n'est pas raisonnable de proposer une hypothèse trop optimiste afin d'avoir les résultats demandés. Mieux aurait valu travailler à partir d'un scénario pessimiste, quitte à engranger des améliorations.

La croissance résulte d'une augmentation de la production en France, qui ne peut intervenir si l'on reste éternellement à la traîne pour le travail mais en tête pour les charges sociales parce qu'alors, faute d'être compétitif, on délocalise. La croissance, ce n'est pas ça ! Il faut réunir les éléments qui la créent : travailler plus, ne plus avoir les 35 heures, ne pas avoir ces charges sociales. Il faut donc aller plus loin sur les charges de sécurité sociale. Que préconisez-vous sur les aides fiscales et sociales, ces 50 milliards qui constituent mon budget de l'emploi, et qui sont attribuées sans limitation de durée ? Le Gouvernement ne semble pas près de les supprimer alors qu'il faut poser une limite à cela.

Il faudrait réagir par un vote si l'Etat conservait cette hypothèse de croissance car calculer ainsi la croissance, c'est, à terme, du surendettement. Que donnerait une hypothèse de croissance de 1,5 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

A 1,5 % de croissance, il faut trouver 20 milliards de plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

On n'a pas parlé des allègements de charges. On ne peut pas faire en même temps la relance et la rigueur, par laquelle il faudrait commencer.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

On peut partager certains éléments de l'analyse, mais pas forcément le diagnostic, non plus que la trajectoire et son rythme. Mme Lagarde explique qu'il faut pratiquer le double débrayage et réduire le déficit tout en soutenant la croissance - au travers, donc, de la puissance publique puisque la solution ne viendra pas de l'investissement privé. Le rapporteur général a-t-il pris en compte le coût pour l'emploi de la contraction de la consommation, qui est le seul moteur de la croissance qui marche encore chez nous ?

Je n'ai pas eu le rapport Camdessus, mais j'avais lu le rapport d'étape. Le groupe était divisé sur des normes constitutionnelles, très contraignantes - comment le Conseil constitutionnel pourrait-il apprécier leur application ? -, alors qu'il faut de la flexibilité pour affronter les crises. Si l'on ne veut pas sortir de la crise au prix d'une autre crise, y a-t-il des éléments de flexibilité dans le rapport final de M. Camdessus ? Quand il y a crise, toutes les digues sautent, et heureusement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Le diagnostic mériterait qu'on s'y attarde plus. Quand j'entends M. Dassault, je me dis qu'il ne faut pas continuer à reproduire un système fondé sur l'exportation et qui n'est pas la réponse la plus efficace.

Vous avez évoqué le « rabot fiscal » comme si la LOLF nous donnait les outils les plus pertinents pour mesurer l'efficacité des mesures budgétaires. Vos propos sur le crédit d'impôt-recherche confirment ce que nous disions de son efficacité. Il y a d'autres niches fiscales à investiguer. Vos propositions ne concernent guère ceux qui sont les plus susceptibles de contribuer au budget général. Si nous ne pouvons que partager vos interrogations sur le taux optimiste de croissance retenu par le Gouvernement, la non-revalorisation des prestations légales de retraite serait contreproductive. Nous avons bien deux visions différentes des interventions possibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je remercie chaleureusement le rapporteur général de cette présentation claire, quoiqu'un peu déprimante. Le diagnostic est sévère. Si l'on doit relever le taux réduit de TVA, par exemple dans la restauration, ne vaudrait-il pas mieux s'en tenir à un taux intermédiaire, comme le préconise Jean Arthuis ? La TVA sociale offre-t-elle une piste ? Enfin, est-ce qu'une taxation en fonction de l'utilisation des ressources, je n'ose évoquer ici la taxe carbone, ne pourrait pas constituer une meilleure solution que l'augmentation des charges sociales ou celle de l'imposition des produits de première nécessité ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

J'ai noté avec satisfaction la clarté de l'exposé. Les difficultés que nous connaissons risquent d'être durables. N'y a-t-il pas une position presque philosophique à prendre quand l'éventail des revenus et des patrimoines s'est autant accru ? Dans cette période difficile, est-il illusoire de considérer que l'enrichissement sans cause devrait être lourdement ponctionné ? Qu'a fait le propriétaire dont le terrain vaut soixante ou cent fois plus cher parce qu'il est devenu constructible ? Quel est son mérite ? A mes yeux, il n'a aucun titre à une telle plus-value. Ne serait-il pas judicieux de lui en prendre la plus grande partie ?

De même, l'on attaque souvent des personnes, artistes, footballeurs ou professionnels de la grande distribution, qui s'enrichissent sur le sol national mais s'exilent dans un pays voisin. Leur prendre une partie de leur patrimoine ne me choquerait pas. C'est affaire de patriotisme. Ces mesures peuvent être difficiles à mettre en place, mais je voulais les verser au dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il y aura une économie facile en 2011, il s'agit des 15 milliards du plan de relance de 2010 et de l'effet de trésorerie de la réforme de la taxe professionnelle qui ne se retrouveront pas l'année suivante : il convient de raisonner après correction des dépenses 2010, et cela vaut pour la « queue » du plan de relance comme pour le régime de croisière de la réforme de la taxe professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En effet, cela ne doit pas apparaître dans le tableau de l'effort à accomplir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

On peut discuter des hypothèses, mais il y a 15 milliards d'euros de constatation. Quant aux 40 milliards liés à la conjoncture, le risque est que la croissance ne soit pas au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Sur la TVA, l'alternative est celle qu'a exposée Fabienne Keller, avec un taux intermédiaire pour l'économie de proximité (restauration, rénovation immobilière), qui pourrait rapporter 3 à 4 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J'essaierai de convaincre M. Fortassin que ses formules sont irréelles. On impose d'ailleurs déjà les plus-values sur les terrains devenus constructibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Le débat d'orientation budgétaire va prendre une dimension tout à fait différente cette année. Sera-t-il public et est-on sûr que l'analyse des grandes lignes de la programmation du Gouvernement est bien complète ? Celui-ci a peut-être d'autres réponses à fournir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il y aura jeudi, devant le Sénat, une déclaration du Gouvernement ; notre commission n'a pas à prendre position et chaque sénateur se prononcera par un vote en son âme et conscience.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les années précédentes, la commission avait éclairé le débat, mais il n'y avait pas eu de vote. Pour ma part, cette année je voterai la confiance, ce qui ne m'empêche pas de dire ici les doutes que m'inspire le scénario du Gouvernement. Le plus simple serait de courber la tête en considérant que c'est l'affaire de celui-ci, mais telle n'est pas ma conception. L'hypothèse sur la trajectoire du déficit, c'est 6% du PIB en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous aurez tout dans le rapport. On ne pouvait faire plus vite avec un minimum d'informations. Nous sommes de « bons garçons » en acceptant de travailler dans des conditions aussi acrobatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Tout le monde a conscience du risque de contraction de la consommation, mais si le scénario de la convergence n'est pas crédible, la dette nous coûtera sensiblement plus cher et il faudra ajuster.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous sommes déjà dans la main des prêteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Parce que nous finançons le budget général avec de la dette.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous n'avez pas évoqué la sanctuarisation des recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est une question de terminologie : j'ai proposé des mesures de rendement fiscal sur les revenus élevés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

On est toujours dans la main des prêteurs quand on veut emprunter.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Et ceux qui veulent chasser les riches s'y mettent davantage. Le rapport Camdessus est en ligne sur le site de Matignon : vous pouvez le consulter.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je vous ai parlé de la flexibilité des règles.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le rapport propose que la loi-cadre s'impose aux lois annuelles qui devront y être conformes. La loi de programmation que nous avons votée est irréelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La loi pluriannuelle dont nous débattrons sera actualisée chaque année et l'on aura un plancher de recettes et un plafond de dépenses. La révision constitutionnelle ne portera que sur le positionnement juridique de la loi cadre, pour permettre le contrôle des lois annuelles, et sur le monopole de la loi fiscale. Cela ne préjuge en rien des choix de fond. Même si des mesures peuvent impacter la croissance, il faut s'interroger sur les moyens d'atteindre les 3 % en 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est celle de la zone euro et de la convergence. Si l'on n'y reste pas, on l'assumera en payant notre dette plus cher. J'étais en Espagne où vos amis sont au pouvoir tandis que les autres critiquent. Quel que soit le parti au pouvoir, il ne peut être très populaire dans ces conditions - vous ne le seriez pas non plus. Je n'ai pas entendu proposer de sortir de l'euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J'ai bien noté les remarques de Fabienne Keller, mais la taxe carbone n'a-t-elle pas un impact sur la compétitivité de nos entreprises ?

A l'issue de ce débat, la commission donne acte à M. Philippe Marini, rapporteur général, de sa communication, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence de M. Yann Gaillard, vice-président -

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 556 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOMÉ).

Examen du rapport pour avis

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je simplifierai mon exposé. Nous nous sommes saisis pour avis de l'article 12 du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, qui réforme la taxe locale d'électricité, un sujet sur lequel nous avons tenu une table-ronde il y a quelques semaines. Les tarifs réglementés, bleus, jaunes et verts, que nous connaissons tous, se heurtent en effet aux directives européennes 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003. Nous avons mis en place un dispositif temporaire pour certaines catégories d'entreprises, le « tarif de retour » ou tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché (TaRTAM), mais cette digue assez faible ne tient plus et deux procédures ont été engagées contre la France, l'une portant sur l'aide d'Etat que constitueraient les tarifs règlementés accordés aux industriels qui en bénéficient, et l'autre sur le défaut de transposition de la directive. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), au 31 mars dernier, les marchés règlementés représentaient encore 94 % des sites et 83 % de la consommation.

Le Gouvernement a recherché un nouveau compromis en chargeant une commission, présidée par M. Paul Champsaur, de trouver une solution. Il en est résulté ce projet de loi qui substitue, sauf pour les petits consommateurs, à une régulation en aval une régulation en amont. Electricité de France (EDF) aura l'obligation de céder aux autres fournisseurs jusqu'à 100 TWh de la production d'électricité nucléaire historique. Cet accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) s'établira à un prix fixé au départ « en cohérence » avec le TaRTAM, puis évoluera en fonction de paramètres économiques.

Il est difficile d'être plus clair car il s'agit d'un compromis avec le droit européen : le TaRTAM était une ambiguïté ; nous passons à une autre solution ambiguë avec ce texte dont l'équilibre et la validité reposent sur un échange de lettres entre le Premier ministre et les deux commissaires européens compétents, qui, malgré cet « imprimatur » timide, ne s'engagent pas pour la Cour de justice des communautés européennes.

Cette loi sera difficile à appliquer, d'où l'importance du régulateur, qui donne son avis notamment avant chaque arrêté de détermination du prix de l'électricité cédée selon le mécanisme de l'Arenh. Entre EDF, GdF-Suez, groupe désormais privé, et les nouveaux entrants, la matière est très conflictuelle, et c'est une raison de plus pour conforter le statut du régulateur - c'est même la condition du succès. Le prix doit être incontestable. Nous proposons donc de donner la personnalité morale à la CRE et de lui assurer une ressource, sur le modèle de l'Autorité des marchés financiers. Sa crédibilité dépendra en effet de son indépendance.

Introduit par amendement à l'Assemblée nationale, l'article 12 me paraît dans l'ensemble satisfaisant. Il respecte l'obligation de transposition de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 qui impose une taxation minimale assise sur les quantités et non sur les prix. La taxe ne peut être optionnelle, ce qui n'est pas compatible avec le régime actuel des taxes locales (TLE). La Commission vient de signifier à la France un avis motivé, le 18 mars 2010. La réforme transforme donc les TLE en accises dont les tarifs sont à définir suivant des coefficients multiplicateurs au niveau des départements, des communes et des syndicats intercommunaux : l'autonomie fiscale des collectivités locales est ainsi respectée. Une taxe intérieure sur les consommations finales d'électricité vient en complément des taxes locales afin de taxer les consommations des clients dont la puissance souscrite dépasse 250 kVA ; cette taxe d'Etat rapporterait 75 millions l'an.

La réforme est neutre pour les collectivités bénéficiaires des TLE, qui garderont la maîtrise de la recette et un pouvoir de modulation. Au total, le texte est plus satisfaisant que la première reforme que nous avions refusée en loi de finances rectificative, à la fin de 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Serons-nous suivis par la commission de l'économie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cela devrait être en partie le cas pour la réforme des TLE. Je n'en suis pas certain pour la personnalité morale de la CRE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quand on taxait à la facture, il était facile de localiser la recette. Qu'en sera-t-il quand on taxera la fourniture ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est notamment pour cette raison qu'il y a un dispositif de contrôle renforcé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cela dépend-il de la consommation sur le territoire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

On pourra localiser les consommations sur lesquelles les taxes sont assises. Les accises ne peuvent porter que sur les consommations. Le Gouvernement avait d'abord proposé un dispositif forfaitaire qui aurait fait beaucoup de perdants. Si l'on applique les coefficients maximums, il ne devrait pas y avoir de perte de recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cela peut être une incitation supplémentaire à développer le chauffage électrique : les communes les plus équipées percevront plus de TLE...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je ne serai rassuré qu'après avoir vérifié le rendement.

Examen des amendements

Article additionnel après l'article 8

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'amendement n° 1 est un amendement de principe sur le statut de la CRE qui se verrait reconnaître la personnalité morale et l'autonomie financière. Je ne suis pas certain que la commission de l'économie y soit favorable.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 12

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'amendement n° 2 réduit les frais que prélèveront les redevables, de 2 % à 1,5 % du montant versé. En outre, si la taxe est uniforme sur le territoire d'un syndicat intercommunal, il n'y a pas lieu que le redevable prélève des frais.

L'amendement n° 2 est adopté.

L'amendement n° 3 indexe le tarif de la taxe communale et départementale sur l'inflation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Si l'on s'en tient à la seule assiette « quantité » d'électricité consommée, la recette a effectivement vocation à diminuer...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ce n'est pas sûr. Par exemple, si vous créez un nouveau quartier, elle augmentera.

L'amendement n° 3 est adopté.

L'amendement n° 4 prévoit que le décret d'application de l'article 12 précise la notion de puissance souscrite.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article additionnel après l'article 14

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'amendement n° 5 traite d'une question dont j'ai été saisi : GdF-Suez n'ayant pas un capital majoritairement public, l'Unedic a résilié la convention existante, qui l'assimile à une entreprise publique et lui permet donc de bénéficier d'un régime particulier « d'auto-assurance-chômage ». Cela pose un problème pour les salariés ; d'où cette proposition de maintien du régime actuel.

L'amendement n° 5 est adopté.

La commission des finances émet un avis favorable au projet de loi ainsi modifié et donne mandat au rapporteur pour avis de défendre en séance publique, le cas échéant en les adaptant, les amendements et parties d'amendements de la commission qui ne seraient pas intégrés dans le texte issu des travaux de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.