Intervention de Ambroise Dupont

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission écologie développement et aménagement durables - examen du rapport pour avis

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont, rapporteur pour avis :

Les crédits relatifs à la politique de la nature et des paysages sont inscrits au sein de la mission « Écologie - développement et aménagement durables », dont le champ correspond au grand ministère conduit par Jean-Louis Borloo et aujourd'hui par Nathalie Kosciusko-Morizet. Il s'élève à 9,53 milliards d'euros en crédits de paiement et à 10,03 milliards en autorisations d'engagement.

Je souhaite exprimer un regret en ce qui concerne le programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité » : il a fallu que nous relancions plusieurs fois les cabinets ministériels pour qu'ils réalisent que notre questionnaire budgétaire n'avait jamais été transmis aux services compétents, de sorte que ces derniers n'ont pas été en mesure d'apporter toutes les réponses que j'aurais dû recevoir. J'espère que cet incident regrettable ne se reproduira pas.

Le projet de loi de finances pour 2011 reconduit globalement les crédits de ce programme, sous réserve d'un transfert au ministère chargé des départements d'outre-mer (DOM), afin que les dotations correspondantes soient mieux gérées. Les moyens du programme s'élèvent à 349,9 millions en autorisations d'engagement et à 345,6 millions en crédits de paiement. L'action 7, « Gestion des milieux et biodiversité », totalise 78,8 % des crédits, le reste allant à l'action 1, « Urbanisme, aménagement et sites-planification ».

La poursuite de la révision générale des politiques publiques (RGPP) se traduit par la suppression de 788 emplois dans l'ingénierie publique concurrentielle, à laquelle doit se substituer une ingénierie ciblée sur les domaines du Grenelle. En revanche, l'accent est mis sur l'utilité des architectes et paysagistes conseils de l'État, dont ni les effectifs, ni la dotation n'ont été remis en cause. Compte tenu de leur rôle dans la protection de nos paysages, on ne peut que s'en satisfaire.

Avec une augmentation de 24 %, l'affichage des priorités du Grenelle est très net. L'on observe de fortes hausses pour la ville durable (26 %) la préservation des espèces (56 %), les matières premières minérales non énergétiques (100 %), mais les baisses atteignent 7 % pour les parcs nationaux, 4 % pour les milieux marins, 19 % pour la prospective et la gestion de l'information, et 6 % pour Natura 2000. S'il faut faire des choix, il convient aussi de ne pas vider de leur sens certaines politiques, telles que celle des parcs nationaux, au motif qu'elles ne sont pas des priorités du Grenelle. J'y serai particulièrement attentif lors du prochain projet de loi de finances.

Les nombreuses mesures et politiques regroupées dans le programme ne font intervenir pas moins de seize opérateurs ou catégories d'opérateurs. A défaut de faciliter la lecture du budget, cette multiplicité a le mérite de donner une information exhaustive des moyens accordés. Une mission sur l'organisation des opérateurs publics en matière de protection de la nature a été confiée à l'inspection générale des finances et au Conseil général de l'environnement et du développement durable. Leur rapport, remis en juillet dernier, préconise la création d'une Agence de la nature, un établissement public administratif qui serait tête de réseau des opérateurs du secteur qu'il piloterait. Les parcs nationaux de France seraient concernés au même titre que les réserves naturelles nationales, l'Atelier des espaces naturels, le Conservatoire du littoral, l'Office national des forêts ou encore celui des eaux. Ce projet mérite toute notre attention. Le conseil d'administration du Conservatoire du littoral, où je représente le Sénat, a fait remarquer que le Conservatoire ne se bornait pas à gérer les sites mais qu'il acquérait des territoires à protéger. Il ne faudrait pas oublier la raison d'être initiale de ces organismes.

Concernant la deuxième partie de mon rapport, je souhaite rappeler que la 34e session du Comité du patrimoine mondial s'est achevée le 3 août dernier par l'annonce du classement de 21 nouveaux sites, dont la cité épiscopale d'Albi et les pitons, cirques et remparts de l'île de la Réunion. 35 sites français sont désormais classés. Pourtant, alors que les candidatures à ce label se multiplient, certains sites déjà classés sont en danger : c'est le cas de Provins, dont le conseil municipal a voté la révision des deux zones de protection du patrimoine architectural, urbanistique et paysager que l'Unesco avait identifiés comme des garanties de la protection du site lors de la présentation du dossier. D'où une procédure de mise en demeure ; quant à la baie du Mont Saint-Michel, les deux préfets ayant rendu des avis différents sur le projet d'implantation d'éoliennes, la France a été sommée d'apporter des réponses avant le 1er février 2011.

Dès lors, il m'a semblé urgent de réfléchir à ce que signifie pour notre pays le classement de 35 sites au patrimoine mondial. Comment donner à la France les moyens de tenir ses engagements ? L'État présente des dossiers de candidatures et il est ensuite responsable de la protection des sites classés, ainsi que le précise l'article 4 de la convention du 16 novembre 1972. Or, une fois le classement opéré, il ne semble plus avoir les moyens de garantir la protection de ses sites : la notion de patrimoine mondial est absente de notre corpus juridique et notamment du code du patrimoine ; la compétence en matière d'urbanisme a été transférée aux collectivités territoriales, qui n'ont pas d'obligations spécifiques liées au patrimoine mondial et dont les outils de protection ne sont pas nécessairement adaptés ; enfin, la France a favorisé la reconnaissance de sites de plus en plus étendus ou en réseaux : le site classé du Val de Loire s'étend sur 280 kilomètres, touche deux régions et quatre départements. Estimons-nous que la menace de déclassement n'est pas grave et que la pression médiatique suffira à régler les cas que j'ai cités, ou bien nous efforçons-nous de réaffirmer l'exemplarité du rôle de la France en lui donnant les moyens de son ambition ? C'est dans cette seconde hypothèse que s'inscrivent les pistes suivantes, qui complèteraient la signature, le 20 septembre dernier, d'une charte pour la gestion des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Ce document, que nous devons à Yves Dauge, permettra de préciser les engagements de l'État et des collectivités territoriales dans le cadre d'un plan de gestion et d'actions, dans une logique de développement durable.

Deux éléments clefs pourraient contribuer à redonner à l'État son rôle de garant de la protection du patrimoine mondial. Il paraît d'abord indispensable d'insérer dans le code du patrimoine une disposition mentionnant la notion de patrimoine mondial et rappelant la valeur patrimoniale des sites concernés. Ensuite, il est important que l'État retrouve sa place dans le cadre de l'urbanisme décentralisé en intégrant, dans le « porter à connaissance » prévu pour les syndicats mixtes du schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui vont être généralisés, les exigences de protection incombant aux collectivités et à leur groupements au regard des engagements pris pour le classement au patrimoine mondial. Le code de l'urbanisme offre un outil supplémentaire que le préfet doit porter à connaissance, le projet d'intérêt général, qui peut être un projet de protection du patrimoine naturel ou culturel. La combinaison de ces deux propositions, qui aurait le mérite d'imposer une réflexion sur les exigences qu'impose le classement de nos sites au patrimoine mondial, est respectueuse de la libre administration des collectivités, tout en donnant à l'État les moyens d'imposer le respect de la valeur universelle exceptionnelle des sites dont il est responsable. Le patrimoine mondial induit des bénéfices touristiques considérables. Un déclassement serait assez négatif pour la France, qui n'est pas le pays le mieux doté en sites inscrits au patrimoine mondial. J'espère donc que mes conclusions feront l'objet de débats.

En attendant, je vous propose d'adopter les crédits du programme 113 tout en restant vigilants sur les politiques qui ne font pas partie du Grenelle II.

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