Intervention de Serge Lagauche

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission médias livre et industries culturelles - examen du rapport pour avis

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » :

Monsieur le président, Mes chers collègues, les arcanes de la maquette budgétaire pour 2011 nous conduisent, Philippe Nachbar et moi-même, à nous répartir les crédits destinés au livre et aux industries culturelles dans le programme 180. Il nous faudra sans doute remettre à plat nos avis budgétaires à l'occasion du prochain renouvellement du Sénat, afin de retrouver une répartition plus simple.

Il me revient donc de vous présenter :

- d'une part, les crédits consacrés à l'édition, la librairie et les professions du livre, qui recouvrent 22,3 millions de fonctionnement et 19,3 millions d'euros de dépenses d'intervention, dont la majeure partie correspond au droit de prêt en bibliothèque, destinés à la rémunération des auteurs et éditeurs ;

- et d'autre part, les crédits alloués aux autres industries culturelles, avec 26 millions d'euros destinés à la musique enregistrée, le cinéma, le patrimoine cinématographique, et la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) qui recevra 12 millions d'euros, compte tenu de sa montée en puissance. J'ai néanmoins choisi de me concentrer sur le secteur musical, le cinéma et la Hadopi faisant l'objet d'un autre rapport, avec le spectacle vivant, que je vous présenterai la semaine prochaine.

J'évoquerai tout d'abord la mutation numérique de ces industries culturelles. A cet égard, j'ai trouvé beaucoup d'intérêt à participer, avec plusieurs collègues de la commission, au Forum d'Avignon qui s'est tenu du 4 au 6 novembre derniers. Nous avons pu ainsi mesurer l'impact de cette nouvelle révolution, qui concerne la « consommation » de biens culturels, mais aussi, bien entendu, leur mode de création et de diffusion. D'une certaine façon, le « consommateur » de biens culturels peut aussi en devenir le créateur.

Toutes ces évolutions ont pour conséquence :

- de créer le besoin d'une nouvelle intermédiation et éditorialisation, l'abondance de biens à disposition ne les rendant pas forcément plus accessibles à tous, dans toute la richesse de leur diversité ;

- de rendre indispensables un renforcement des actions éducatives, afin de former et d'aiguiser le regard critique des jeunes, et l'accompagnement des mutations économiques.

Pour ce qui concerne le livre, cet accompagnement relève surtout des missions du Centre national du livre (CNL). C'est la raison pour laquelle ses ressources doivent être confortées. Tel était l'objet de la réforme, en 2007, de la taxe relative aux appareils de reprographie, de reproduction ou d'impression. Mais son produit a néanmoins baissé et, au total, sur l'ensemble de l'année 2010, 5 millions d'euros devraient manquer au CNL.

C'est pourquoi je demanderai au ministre de préciser les intentions du Gouvernement en vue de modifier une nouvelle fois l'assiette de cette taxe, en vue d'y inclure, le cas échéant les consommables, tout en réduisant le taux.

Il est vrai que si le secteur du livre représente la première industrie culturelle, il demeure la moins subventionnée.

Une politique ambitieuse a néanmoins été conduite ces dernières années en faveur de la filière du livre et nous y avons récemment contribué en adoptant la proposition de loi de nos collègues Catherine Dumas et Jacques Legendre sur le prix du livre numérique.

J'insiste dans le rapport sur le fait que le numérique doit devenir un nouveau moteur de création de valeur, sachant qu'à l'horizon 2015, le marché du livre numérique devrait s'établir à 15 à 20 % du marché du livre, contre 1 % aujourd'hui. Une étude montre qu'il pourrait représenter 20 à 28 % des profits de l'industrie concernée.

Mais je m'interroge sur la répartition de cette valeur. Car, contrairement au secteur du cinéma, où les économies réalisées par le distributeur en raison du passage au numérique sont partagées avec les exploitants en vue de financer l'équipement des salles, dans le secteur du livre, le modèle de partage de ce « dividende numérique » reste à définir, de même, il est vrai, que le niveau de ces économies. Dans tous les cas, il conviendra de veiller à ce que les libraires et les auteurs s'y retrouvent...

J'évoque plus précisément dans mon rapport écrit l'ensemble des mesures de soutien aux librairies, car nous sommes tous bien conscients de l'importance de leur rôle culturel dans nos villes. Le projet de portail de la librairie indépendante sur Internet, baptisé « 1001libraires.com », sera lancé fin 2010. C'est essentiel s'ils veulent prendre le virage du numérique. Ce projet est aidé sous la forme d'un prêt économique à moyen terme d'environ 500 000 euros, accordé par le CNL.

S'agissant des autres industries culturelles, les préconisations du rapport « Création et Internet » de MM. Zelnik, Cerutti et Toubon, de janvier 2010, constitue une bonne feuille de route pour développer l'offre légale de contenus culturels sur Internet, améliorer la rémunération des créateurs et financer les industries culturelles.

La première concerne la mise en oeuvre d'une Carte musique pour les jeunes de 12 à 25 ans. Elle a été lancée le 25 octobre 2010 et près de 10 000 cartes ont été créées en une semaine. Elle sera subventionnée à 50 % par l'État, pour un budget total de 25 millions d'euros par an, pendant trois ans.

Nous pouvons soutenir cette mesure incitative qui vise à modifier les comportements des jeunes sur Internet en rendant l'offre légale plus accessible à leurs budgets contraints.

Il me semble néanmoins nécessaire qu'une évaluation de cette mesure soit réalisée à la fin de chacune des trois années de son application.

Après avoir perdu plus de 60 % de son chiffre d'affaires depuis 2003, le marché de la musique enregistrée semble en voie de stabilisation. Mais je relève que les différents acteurs de la filière musicale se sont historiquement moins structurés que d'autres secteurs en vue de solliciter de l'État une régulation.

Il semble qu'il ait fallu attendre la crise liée à la transition numérique pour qu'un dialogue s'engage entre eux.

C'est ainsi, par exemple, que le crédit d'impôt phonographique bénéficie à la production phonographique mais pas aux producteurs de spectacles vivants et de musique de variété. Ces derniers assument pourtant une part croissante des dépenses de promotion des nouveaux talents musicaux, notamment à l'occasion des tournées musicales. Dès lors, il pourrait être équitable d'étendre en leur faveur ce dispositif. Mais ce dernier étant peu opérant en l'état, son amélioration apparaît également souhaitable. C'est pourquoi j'appelle de mes voeux des négociations interprofessionnelles, afin que les acteurs puissent présenter un projet cohérent aux pouvoirs publics.

Je rappelle, par ailleurs, que M. Emmanuel Hoog s'est vu confier par le ministre, en mars 2010, une mission de concertation et de médiation en vue de permettre aux producteurs et artistes-interprètes de trouver un accord concret pour un régime de gestion collective sous une forme volontaire. A défaut, la voie législative devrait s'imposer.

Enfin, je demanderai au Gouvernement de poursuivre une concertation avec les professionnels afin de réfléchir à une meilleure régulation du secteur. Notre commission pourrait aussi participer à cette démarche au travers d'une table ronde au premier semestre 2011.

Je prévois aussi un développement sur la numérisation des oeuvres dans le cadre des investissements d'avenir. Mais je n'y reviens pas, notre collègue Philippe Nachbar l'ayant déjà évoqué.

Enfin, je vous proposerai un amendement tendant à appliquer le taux de TVA à taux réduit au livre numérique, comme nous l'avions décidé à l'unanimité lors de l'adoption de la proposition de loi sur le prix du livre numérique.

En conclusion, je vous proposerai de donner un avis favorable aux crédits concernés par les actions que je vous ai présentées.

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