Seize mois après mon arrivée au ministère de l'éducation nationale, deux mois après la rentrée et trois jours après avoir été reconduit dans mes fonctions, je suis heureux de vous présenter les grandes lignes du budget de l'éducation nationale, sachant que M. Daubresse vous a déjà présenté les crédits de la jeunesse et de la vie associative. Je vous présenterai également les innovations de cette année.
Une finalité conduit mon action depuis que j'ai assumé ces fonctions : passer de l'école pour tous à la réussite de chacun. Car si l'école est parvenue à s'ouvrir à tous les enfants de France - 66 % d'une génération se présente au baccalauréat - elle n'assure pas encore la réussite de chacun. Les tests PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves), les redoublements, les décrochages, l'inégalité des chances qui perdure, démontrent que nous avons encore des progrès à faire.
Pour assurer la réussite de chaque élève, nous personnalisons le suivi de chaque élève, pour répondre précisément à ses besoins ; nous donnons plus de responsabilité aux établissements, qui sont les mieux à même d'évaluer ces besoins ; enfin, nous proposons aux professeurs un nouveau pacte de carrière.
Nous personnalisons les parcours, dès la maternelle et le primaire avec les deux heures hebdomadaires d'aide personnalisée ; plus d'un million d'élèves de primaire en bénéficient ; avec les stages de remise à niveau en français et en mathématiques; avec, à l'école et au collège, l'accompagnement éducatif entre 16 h et 18 h pour les élèves qui ne bénéficient pas chez eux de l'encadrement et du soutien propices à la réussite. Cette personnalisation est également au coeur de la réforme du lycée, j'y reviendrai.
Mais pour travailler au plus près des attentes des élèves, nous donnons davantage d'autonomie à ceux qui connaissent la singularité de chaque territoire éducatif : les recteurs, les inspecteurs d'académie, les chefs d'établissement mais aussi, bien sûr, les professeurs qui souhaitent s'engager dans des projets pédagogiques novateurs. C'est ce que préconisait la Cour des comptes dans son rapport : une différenciation des approches pour un gain d'efficacité.
Avec la réforme des lycées, nous allons renforcer cette autonomie avec les heures d'accompagnement personnalisé en seconde ; au total, le quart des dotations horaires des classes de seconde seront librement organisées par les équipes.
Dans certaines situations et pour des programmes spécifiques requérant une forte mobilisation (internats d'excellence, programme CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite)), nous irons plus loin, notamment dans le recrutement des personnels sur profil.
Enfin, le rapport que m'a remis le député M. Reiss propose de sortir du modèle de l'école unique, valable pour tous les territoires. En prônant l'esprit d'initiative des équipes, l'élaboration d'expérimentations à partir d'un projet commun, M. Reiss rejoint les orientations de notre politique éducative.
Pour mener à bien la personnalisation, il nous faut une politique de ressources humaines plus ambitieuse : c'est le sens du nouveau pacte de carrière que ce projet de budget traduit. D'abord avec une meilleure formation des enseignants, initiale et continue : le recrutement à bac+5, les 20 heures annuelles du droit individuel à la formation cumulables sur trois ans, le tutorat y contribuent. Ensuite, un meilleur accompagnement des enseignants tout au long de leur carrière : nous mettons en place, par exemple, un bilan de santé à 50 ans pour tous les enseignants, j'ai passé une convention dans ce sens avec la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) le 8 septembre. Nous renforçons la mobilité, l'évaluation des enseignants, et nous accordons une nouvelle place à l'entretien professionnel. Enfin, nous revalorisons les rémunérations, conformément à l'engagement du Président de la République d'y affecter la moitié des économies réalisées grâce au non-renouvellement d'un départ sur deux à la retraite. Dès septembre, quelque 190 000 enseignants en début de carrière ont vu leur rémunération augmenter, de 10 % pour les stagiaires : 196 millions y sont consacrés cette année.
Parmi les nouveautés de la rentrée, la réforme du lycée occupe une place de choix. Le Président de la République l'a annoncée en octobre 2009, elle conforte l'orientation choisie, les passerelles entre les séries générales et professionnelles, le tronc commun, elle reporte la spécialisation plus tard dans la scolarité, en particulier à la classe de terminale et elle met en place deux heures d'accompagnement personnalisé pour tous, que les élèves en difficultés consacreront au rattrapage et les élèves qui ont des facilités consacreront à l'approfondissement. La réforme passe également par l'ouverture du lycée à son environnement, en particulier culturel, avec la désignation d'un professeur chargé de l'animation culturelle, l'ouverture de la plateforme cinélycées et un accent mis sur le partenariat avec les régions pour les équipements culturels.
L'allongement à bac+5 de la formation initiale des enseignants étendra leur spécialisation : nous recrutons les meilleurs dans leur discipline, qui auront eu une année supplémentaire pour s'initier à la recherche et perfectionner leurs méthodes. L'excellence académique et la transmission des savoirs ne sont pas contradictoires : le nouveau concours réserve une place à chacune d'elle, à l'écrit, pour les connaissances, et à l'oral, avec une séquence d'enseignement. Il s'agit de développer la formation par la pratique professionnelle, et non pour la pratique comme le faisaient les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Les candidats se seront formés dès le master avec deux fois 108 heures de stage en observation et en responsabilité.
La réforme est appliquée depuis cette année, nous l'évaluerons et nous l'ajusterons si besoin est.
Nous nous mobilisons également contre l'illettrisme, à travers un plan de prévention. J'ai rencontré les correspondants missionnés dans les académies et nous nous concertons avec les associations. Des assises de l'illettrisme seront organisées dans chaque académie.
Nous utilisons toutes les possibilités offertes par la loi d'orientation de 2005 pour mener des expérimentations. Pour cette rentrée, nous avons ouvert onze nouveaux internats d'excellence, afin d'accueillir les élèves qui réussissent et dont on sait que la réussite sera confortée par un éloignement de leurs familles, souvent de condition très modeste : nous donnons tout son sens à l'école de la méritocratie. Nous expérimentons également sur les rythmes scolaires : j'ai installé en juin le comité de pilotage de la conférence nationale et j'ai lancé en septembre, après un déplacement au Danemark consacré au sujet, la grande consultation publique qui durera jusqu'en décembre et qui sera suivie de conférences régionales sur les rythmes scolaires. Parallèlement, nous avons mis en place l'expérience « Cours le matin, sport l'après-midi » dans 126 établissements scolaires, ce qui représente plus de 7 000 élèves. Enfin, nous lançons dans 105 collèges et lycées le programme CLAIR : le chef d'établissement choisit les enseignants sur profil de candidats volontaires et sur la base d'une adhésion au projet de l'établissement, les enseignants s'engagent pour cinq ans, les innovations pédagogiques sont nombreuses et un préfet des études coordonne la vie scolaire et les questions de discipline, en lien avec les familles.
En avril dernier, les États généraux de la sécurité à l'école ont ouvert sur un ensemble de mesures très concrètes et sur l'élaboration d'un tableau de bord, auquel j'attache une très grande importance. Nous développons la formation des enseignants à la gestion des conflits et à la prévention de la violence, avec un portail Internet de ressources et un DVD sur la tenue de classe pour les professeurs stagiaires. Le 30 septembre, j'ai présenté devant le Conseil supérieur de l'éducation des mesures qui remettent la règle au coeur de l'école, en particulier le rappel des règles de civilité et le déclenchement systématique de procédures disciplinaires en cas de violences verbales ou physiques visant les personnels, dans le sens préconisé par le rapport Bauer de 2009.
Pour les élèves très perturbateurs, nous avons créé des établissements de réinsertion scolaire : dix ont été ouverts, pour accueillir 150 élèves, car les solutions passent par l'école, surtout lorsque les jeunes concernés sont encore d'âge scolaire. Nous poursuivons le plan de sécurisation des établissements, avec un diagnostic de sécurité et le déploiement des équipes mobiles de sécurité lorsque c'est nécessaire.
S'agissant du schéma d'emploi, je veux concilier la construction d'un système éducatif qui mène chacun à la réussite et l'impératif de la responsabilité budgétaire. L'éducation nationale est le premier employeur de l'État. Nous appliquons la règle du non-renouvellement d'un départ sur deux en retraite, mais j'ai voulu qu'au lieu de décider d'en haut quels postes ne seraient pas renouvelés, nous partions désormais de l'analyse des acteurs de terrain, des chefs d'établissement et des inspecteurs d'académie. Nous recensons les bonnes pratiques de gestion et les solutions innovantes expérimentées, pour améliorer la qualité et l'efficacité de l'enseignement.
L'importance du budget et le nombre de nos initiatives démontrent que l'école demeure une priorité du Gouvernement, pour que l'école apporte à chaque élève une solution à la fin de la scolarité obligatoire.