Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, sur le projet de loi de finances pour 2011.
Nous allons auditionner M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur le projet de budget pour 2011, en le priant d'excuser une commission partagée entre un débat en séance publique et cette audition.
Je déplore l'organisation de notre travail, qui contraint une partie de nos collègues à ne pas pouvoir assister à nos travaux puisqu'ils examinent en séance publique un texte sur les activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur.
Je comprends, mais vous savez comme moi que le calendrier est très serré. Le débat en séance publique se prolonge au-delà de ce qui avait été prévu, et le ministre de l'éducation nous a demandé d'avancer l'audition compte tenu d'une triste actualité.
Seize mois après mon arrivée au ministère de l'éducation nationale, deux mois après la rentrée et trois jours après avoir été reconduit dans mes fonctions, je suis heureux de vous présenter les grandes lignes du budget de l'éducation nationale, sachant que M. Daubresse vous a déjà présenté les crédits de la jeunesse et de la vie associative. Je vous présenterai également les innovations de cette année.
Une finalité conduit mon action depuis que j'ai assumé ces fonctions : passer de l'école pour tous à la réussite de chacun. Car si l'école est parvenue à s'ouvrir à tous les enfants de France - 66 % d'une génération se présente au baccalauréat - elle n'assure pas encore la réussite de chacun. Les tests PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves), les redoublements, les décrochages, l'inégalité des chances qui perdure, démontrent que nous avons encore des progrès à faire.
Pour assurer la réussite de chaque élève, nous personnalisons le suivi de chaque élève, pour répondre précisément à ses besoins ; nous donnons plus de responsabilité aux établissements, qui sont les mieux à même d'évaluer ces besoins ; enfin, nous proposons aux professeurs un nouveau pacte de carrière.
Nous personnalisons les parcours, dès la maternelle et le primaire avec les deux heures hebdomadaires d'aide personnalisée ; plus d'un million d'élèves de primaire en bénéficient ; avec les stages de remise à niveau en français et en mathématiques; avec, à l'école et au collège, l'accompagnement éducatif entre 16 h et 18 h pour les élèves qui ne bénéficient pas chez eux de l'encadrement et du soutien propices à la réussite. Cette personnalisation est également au coeur de la réforme du lycée, j'y reviendrai.
Mais pour travailler au plus près des attentes des élèves, nous donnons davantage d'autonomie à ceux qui connaissent la singularité de chaque territoire éducatif : les recteurs, les inspecteurs d'académie, les chefs d'établissement mais aussi, bien sûr, les professeurs qui souhaitent s'engager dans des projets pédagogiques novateurs. C'est ce que préconisait la Cour des comptes dans son rapport : une différenciation des approches pour un gain d'efficacité.
Avec la réforme des lycées, nous allons renforcer cette autonomie avec les heures d'accompagnement personnalisé en seconde ; au total, le quart des dotations horaires des classes de seconde seront librement organisées par les équipes.
Dans certaines situations et pour des programmes spécifiques requérant une forte mobilisation (internats d'excellence, programme CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite)), nous irons plus loin, notamment dans le recrutement des personnels sur profil.
Enfin, le rapport que m'a remis le député M. Reiss propose de sortir du modèle de l'école unique, valable pour tous les territoires. En prônant l'esprit d'initiative des équipes, l'élaboration d'expérimentations à partir d'un projet commun, M. Reiss rejoint les orientations de notre politique éducative.
Pour mener à bien la personnalisation, il nous faut une politique de ressources humaines plus ambitieuse : c'est le sens du nouveau pacte de carrière que ce projet de budget traduit. D'abord avec une meilleure formation des enseignants, initiale et continue : le recrutement à bac+5, les 20 heures annuelles du droit individuel à la formation cumulables sur trois ans, le tutorat y contribuent. Ensuite, un meilleur accompagnement des enseignants tout au long de leur carrière : nous mettons en place, par exemple, un bilan de santé à 50 ans pour tous les enseignants, j'ai passé une convention dans ce sens avec la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) le 8 septembre. Nous renforçons la mobilité, l'évaluation des enseignants, et nous accordons une nouvelle place à l'entretien professionnel. Enfin, nous revalorisons les rémunérations, conformément à l'engagement du Président de la République d'y affecter la moitié des économies réalisées grâce au non-renouvellement d'un départ sur deux à la retraite. Dès septembre, quelque 190 000 enseignants en début de carrière ont vu leur rémunération augmenter, de 10 % pour les stagiaires : 196 millions y sont consacrés cette année.
Parmi les nouveautés de la rentrée, la réforme du lycée occupe une place de choix. Le Président de la République l'a annoncée en octobre 2009, elle conforte l'orientation choisie, les passerelles entre les séries générales et professionnelles, le tronc commun, elle reporte la spécialisation plus tard dans la scolarité, en particulier à la classe de terminale et elle met en place deux heures d'accompagnement personnalisé pour tous, que les élèves en difficultés consacreront au rattrapage et les élèves qui ont des facilités consacreront à l'approfondissement. La réforme passe également par l'ouverture du lycée à son environnement, en particulier culturel, avec la désignation d'un professeur chargé de l'animation culturelle, l'ouverture de la plateforme cinélycées et un accent mis sur le partenariat avec les régions pour les équipements culturels.
L'allongement à bac+5 de la formation initiale des enseignants étendra leur spécialisation : nous recrutons les meilleurs dans leur discipline, qui auront eu une année supplémentaire pour s'initier à la recherche et perfectionner leurs méthodes. L'excellence académique et la transmission des savoirs ne sont pas contradictoires : le nouveau concours réserve une place à chacune d'elle, à l'écrit, pour les connaissances, et à l'oral, avec une séquence d'enseignement. Il s'agit de développer la formation par la pratique professionnelle, et non pour la pratique comme le faisaient les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Les candidats se seront formés dès le master avec deux fois 108 heures de stage en observation et en responsabilité.
La réforme est appliquée depuis cette année, nous l'évaluerons et nous l'ajusterons si besoin est.
Nous nous mobilisons également contre l'illettrisme, à travers un plan de prévention. J'ai rencontré les correspondants missionnés dans les académies et nous nous concertons avec les associations. Des assises de l'illettrisme seront organisées dans chaque académie.
Nous utilisons toutes les possibilités offertes par la loi d'orientation de 2005 pour mener des expérimentations. Pour cette rentrée, nous avons ouvert onze nouveaux internats d'excellence, afin d'accueillir les élèves qui réussissent et dont on sait que la réussite sera confortée par un éloignement de leurs familles, souvent de condition très modeste : nous donnons tout son sens à l'école de la méritocratie. Nous expérimentons également sur les rythmes scolaires : j'ai installé en juin le comité de pilotage de la conférence nationale et j'ai lancé en septembre, après un déplacement au Danemark consacré au sujet, la grande consultation publique qui durera jusqu'en décembre et qui sera suivie de conférences régionales sur les rythmes scolaires. Parallèlement, nous avons mis en place l'expérience « Cours le matin, sport l'après-midi » dans 126 établissements scolaires, ce qui représente plus de 7 000 élèves. Enfin, nous lançons dans 105 collèges et lycées le programme CLAIR : le chef d'établissement choisit les enseignants sur profil de candidats volontaires et sur la base d'une adhésion au projet de l'établissement, les enseignants s'engagent pour cinq ans, les innovations pédagogiques sont nombreuses et un préfet des études coordonne la vie scolaire et les questions de discipline, en lien avec les familles.
En avril dernier, les États généraux de la sécurité à l'école ont ouvert sur un ensemble de mesures très concrètes et sur l'élaboration d'un tableau de bord, auquel j'attache une très grande importance. Nous développons la formation des enseignants à la gestion des conflits et à la prévention de la violence, avec un portail Internet de ressources et un DVD sur la tenue de classe pour les professeurs stagiaires. Le 30 septembre, j'ai présenté devant le Conseil supérieur de l'éducation des mesures qui remettent la règle au coeur de l'école, en particulier le rappel des règles de civilité et le déclenchement systématique de procédures disciplinaires en cas de violences verbales ou physiques visant les personnels, dans le sens préconisé par le rapport Bauer de 2009.
Pour les élèves très perturbateurs, nous avons créé des établissements de réinsertion scolaire : dix ont été ouverts, pour accueillir 150 élèves, car les solutions passent par l'école, surtout lorsque les jeunes concernés sont encore d'âge scolaire. Nous poursuivons le plan de sécurisation des établissements, avec un diagnostic de sécurité et le déploiement des équipes mobiles de sécurité lorsque c'est nécessaire.
S'agissant du schéma d'emploi, je veux concilier la construction d'un système éducatif qui mène chacun à la réussite et l'impératif de la responsabilité budgétaire. L'éducation nationale est le premier employeur de l'État. Nous appliquons la règle du non-renouvellement d'un départ sur deux en retraite, mais j'ai voulu qu'au lieu de décider d'en haut quels postes ne seraient pas renouvelés, nous partions désormais de l'analyse des acteurs de terrain, des chefs d'établissement et des inspecteurs d'académie. Nous recensons les bonnes pratiques de gestion et les solutions innovantes expérimentées, pour améliorer la qualité et l'efficacité de l'enseignement.
L'importance du budget et le nombre de nos initiatives démontrent que l'école demeure une priorité du Gouvernement, pour que l'école apporte à chaque élève une solution à la fin de la scolarité obligatoire.
J'ai toujours considéré l'éducation moins comme une dépense que comme un investissement et je vous félicite, monsieur le ministre, pour vos priorités autant que pour vos nombreuses initiatives. A titre personnel, je me réjouis aussi que le remaniement vous ait maintenu à votre poste : la continuité est un atout pour la réforme.
Les parents d'élèves, cependant, ne comprennent toujours pas pourquoi il est si difficile, dans l'école publique, de remplacer les professeurs absents, y compris lorsque l'absence est prévisible, comme dans le cas de congés de maternité. Les difficultés tiennent-elles à un manque de moyens, ou à des défauts dans l'organisation ?
Ils s'inquiètent également des difficultés de recrutement sur les postes médico-sociaux, en particulier les infirmières, pourtant si importantes comme confidentes et soutiens lorsque les élèves rencontrent des difficultés. Comment rendre ces postes plus attractifs, sachant qu'un médecin scolaire débute à 1 700 euros par mois ? L'enveloppe de 80 millions supplémentaires sur l'action consacrée à la santé scolaire contribuera-t-elle à augmenter les rémunérations ?
Je vous ai déjà interrogé cette année sur la formation des enseignants, en particulier sur l'équilibre à donner entre la formation académique et la préparation pratique au métier d'enseignant lui-même. Vous m'avez annoncé qu'un rapport d'étape vous serait rendu : où en est-on ? Ne pensez-vous pas qu'il faudrait modifier la maquette des masters ?
Enfin, vous prévoyez l'an prochain de supprimer 1 633 postes dans le privé et 16 000 postes dans le public, alors que les suppressions y ont été respectivement de 1 400 et 16 000 postes cette année. Pourquoi le rythme augmente-t-il dans le privé seulement ? Loin de moi l'idée de rallumer la guerre scolaire entre le public et le privé, chacun participe à la mission du service public de l'éducation, mais je m'inquiète, sachant que les moyens dans le privé sont très serrés, de voir la suppression de postes s'y accélérer : une centaine d'établissements seraient menacés de fermeture.
Je ne partage pas l'optimisme de mon collègue : ce budget poursuit le « dégraissage » dans l'éducation, alors que les effectifs d'élèves repartent à la hausse. Vous supprimez encore 16 000 postes dans le public en 2011, après 16 000 postes l'an passé, 13 000 en 2009, 12 000 en 2008 et 11 000 en 2007. Pour la première fois cette année, nous ne sommes pas informés de la répartition de ces suppressions entre la maternelle, le primaire et le secondaire. Lors des questions d'actualité, j'avais dénoncé le schéma d'emploi et les choses se passent exactement comme je l'ai craint : le Parlement signe pour un volume de suppression de postes, sans rien savoir de leur répartition. Il y aurait 4 800 postes supprimés dans le second degré : le Président de la République ayant annoncé que la réforme du lycée se ferait à moyens constants, les suppressions de postes vont devoir se faire au collège et dans les lycées d'enseignement professionnel, alors que vous affirmez que les filières techniques sont revalorisées et que vous savez que les effectifs y progressent.
Vous annoncez ensuite, au détour d'une phrase, qu'une correction technique du plafond d'emplois vous le fait réviser de 20 359 équivalent temps plein travaillé (ETPT) en plus. Chaque suppression de poste étant douloureuse là où elle se produit, vous découvrez opportunément un « gisement » de plus de 20 000 postes : à croire que ces emplois fantômes n'étaient là que pour être supprimés au bon moment... On a de quoi s'interroger sur la sincérité de votre budget ! Depuis trois ans, je dénonce régulièrement l'insincérité du budget de l'éducation nationale. L'an passé, vous avez utilisé le fusil à un coup de la suppression des stagiaires en IUFM, cette année vous recourez à une révision technique du plafond d'emplois : si vous tenez vos objectifs, c'est par des artifices comptables ! Et pour les tenir dans les années à venir, vous allez devoir vous attaquer à la structure même de l'école, à la qualité de notre éducation nationale, que vous allez sacrifier pour des raisons comptables et, plus profondément, pour des motifs idéologiques.
Sur le terrain, les répercussions de votre politique sont considérables. Si je comprends bien vos tableaux budgétaires, 12 000 enseignants vont quitter le 1er degré l'an prochain mais seulement 3 000 postes seront ouverts au concours : vous n'en n'êtes pas au non-remplacement d'un départ sur deux en retraite, mais de trois sur quatre !
Je m'inquiète, ensuite, pour les emplois de vie scolaire et les postes de réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). A force de faire pression sur ces postes, vous empêchez l'école publique de remplir ses missions, en particulier pour l'accueil des enfants handicapés. Les organisations syndicales le dénoncent, mais aussi la presse, qui rapporte, ce matin encore, le découragement de parents qui doivent renoncer à envoyer leur enfant handicapé à l'école.
Sur la formation des stagiaires, vous passez d'un système unifié à une différenciation par académie, au point que votre propre administration, dans un rapport de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), déplore une « diversité kaléidoscopique » et souligne le risque de recours juridictionnel des stagiaires au motif d'une rupture d'égalité dans le traitement que vous leur réservez.
Mme Férat, retenue par des obligations dans son département, s'excuse de ne pas pouvoir vous interroger dans le cadre de son avis sur l'enseignement agricole.
Le remplacement des enseignants absents ne fonctionne pas bien à l'éducation nationale, M. Carle a raison : le problème n'est pas celui des moyens, mais de l'organisation. Si la proportion de titulaires sur zone de remplacement (TZR) occupés est passée de 60 à 80 %, il reste des disponibilités, mais des classes demeurent sans remplaçants : c'est bien la preuve que le système est trop rigide. Nous avons pris des mesures importantes, en prévoyant des mouvements entre académies, en supprimant le délai de carence de 15 jours pendant lequel le rectorat n'était pas censé intervenir, et en mettant à disposition du chef d'établissement, dès le premier jour d'absence, un vivier de remplaçants possibles où se trouvent des stagiaires, des enseignants retraités et des étudiants.
L'éducation nationale a encore du mal à pourvoir ses postes médico-sociaux puisque 10 % des postes de médecins - 120 sur 1250 - et d'infirmières scolaires - 650 sur 7 000 - sont vacants. Nous réfléchissons aux moyens de renforcer l'attractivité de ces postes, des négociations sont en cours. Nous préparions avec Mme Bachelot un vaste plan santé, avec des mesures de revalorisation salariale, j'espère pouvoir annoncer bientôt son lancement. Nous explorons également des possibilités d'échange avec les centres hospitaliers universitaires (CHU) et d'accord entre les rectorats et les agences régionales de santé (ARS).
La formation initiale des enseignants comprend un volet académique et un volet pratique. La cinquième année d'étude aidera les futurs enseignants à se familiariser avec la recherche dans leur discipline, ce sera un acquis pour toute leur carrière. Mais elle sera aussi l'occasion d'approfondir leur expérience du métier, avec le tutorat, dont j'aurai bientôt un premier bilan. Nous n'écartons pas, également, la possibilité d'adapter la maquette du master pour introduire des séquences pratiques, voire de mettre en place un master en alternance.
J'invite chacun à ne pas caricaturer la « mastérisation ». Nous suivons de très près les effets de la cinquième année de formation et les premiers éléments dont nous disposons sont positifs. Une enquête réalisée auprès de la moitié des académies démontre que les stagiaires à bac+5 n'éprouvent pas plus de difficultés à prendre leurs postes qu'à bac+4 : le nombre de démissions ou de demandes de changement d'affectation est stable, le taux d'arrêt maladie passe de 5 % à 3 %.
S'agissant de l'enseignement privé, j'applique la règle non écrite et déjà ancienne consistant à proportionner les dotations au nombre d'élèves scolarisés dans le privé : le privé représente 20 % des élèves, il reçoit donc 20 % des dotations et les économies suivent la même règle. Pour 16 000 suppressions de postes dans le public, il faudrait donc s'attendre à 3 200 suppressions dans le privé, mais l'assiette n'est pas la même puisqu'il n'y a pas de surnombre dans le privé, ni de postes de RASED. Il y aura 1 633 suppressions de postes l'an prochain, c'est davantage que les 1 400 de l'an passé, car les suppressions portaient alors sur les postes de stagiaires.
Madame Gonthier-Maurin, je crois qu'il vaut mieux partager avec les acteurs de terrain les mesures de suppression de postes, plutôt que de les décider depuis la rue de Grenelle. Les recteurs et les chefs d'établissement sont les mieux placés pour mettre en place l'accompagnement personnalisé des élèves et pour mutualiser des moyens, ce qui fera gagner en efficacité sans rien céder sur la qualité de l'offre d'éducation.
Quant à la correction technique du plafond d'emploi, elle vient de Bercy et elle découle des nouveaux modes de calcul, à la suite notamment de l'introduction du système informatique CHORUS. Ces ajustements tiennent au fait que nos procédures deviennent plus transparentes : cela va dans le bon sens même si, effectivement, ces changements dans les chiffres n'ont pas d'impact sur les effectifs réels.
Dans le premier degré, il y aura 9 800 départs en retraite cette année et nous ouvrons 3 000 postes l'an prochain, mais il faut compter les 5 600 postes de candidats reçus mais qui sont en surnombre. Et nous avons pensé également que l'an prochain, du fait de la « mastérisation », les candidats auront pu se présenter deux fois, à bac+4 et à bac+5.
Enfin, l'Assemblée nationale a prévu 20 millions d'euros supplémentaires pour les emplois de vie scolaire, pour répondre aux besoins locaux des établissements.
Vous nous dites devoir par solidarité faire des économies budgétaires au même titre que tous les budgets de l'État, mais Mme Pécresse, la semaine dernière, nous a confirmé que son propre budget échappait à cette obligation. L'université exige une mobilisation exceptionnelle, mais n'est-ce pas le cas aussi de l'école ? Toutes les études démontrent que notre école doit faire des progrès, que ses résultats ne sont plus ce qu'ils étaient, en particulier dans le primaire, comme le montrent les tests PISA !
Vous avez évoqué le modèle unique pour l'école, que M. Reiss souhaite réformer : pouvez-vous nous en dire davantage ?
Je déplore, ensuite, la baisse des crédits pédagogiques, en particulier dans le primaire. Ces crédits sont nécessaires aux expérimentations dont vous vantez les mérites : si vous les diminuez, les écoles devront y renoncer, ou bien elles devront se tourner vers les collectivités locales. Je déplore également la baisse des crédits pour la formation des enseignants.
J'avais critiqué la « mastérisation » et mes craintes s'avèrent fondées. J'ai la chance d'en avoir fait une expérience personnelle, avec ma petite-fille qui est au CM1 dans une école de la région parisienne : sa maîtresse partie en congé maternité a été remplacée par un enseignant formé à bac+5 qui a donné un devoir de géographie sur l'Europe dont je vous passe le détail, tant il confine au ridicule pour des enfants de 7 ans ! Je vous alerte sur les dangers de ce type de fonctionnement !
Je déplore, encore, que la scolarisation à 2 ans ne puisse que reculer, alors que ses effets bénéfiques sont partout reconnus et qu'elle passe pour une priorité.
J'attire votre attention, enfin, sur les effets de la réforme des retraites : je connais plusieurs enseignantes mères de trois enfants, qui vont prendre leur retraite en juin, pour ne pas être pénalisées par l'allongement de deux ans de la durée de service. Attendez-vous à des départs en retraite plus nombreux !
A plusieurs reprises, le ministre de l'éducation nationale a évoqué le lancement d'un vaste plan numérique pour l'école, pour équiper les établissements avec du matériels et pour former les enseignants. Les collectivités territoriales sont prêtes à jouer le jeu. Où en êtes-vous ?
Vous assurez la continuité, monsieur le ministre. M. Carle s'en réjouit ; moi, un peu moins... En vous écoutant, j'avais le sentiment que vous teniez le même discours que l'an dernier. On est seulement passé de deux à onze internats d'excellence. Cela dit, je ne m'attendais pas à vous entendre remettre en cause votre philosophie de l'éducation.
Nous n'avons jamais, au sein de cette commission, rallumé la guerre scolaire. Mais le fait de n'avoir pas de RASED à supprimer dans l'enseignement privé montre bien que les établissements publics et les privés n'ont pas les mêmes missions, pas le même métier !
Quand l'expérimentation des internats d'excellence et des programmes CLAIR s'achèvera-t-elle et donnera-t-elle lieu à évaluation, peut-être à généralisation ? Car, pour l'instant, l'affichage bat son plein, mais des centaines de milliers d'élèves attendent !
Le rapport de la Cour des comptes souligne comme une difficulté majeure pour les élèves la rupture brutale entre le primaire et la sixième. Y réfléchissez-vous ? Que comptez-vous faire ?
Entre 130 000 à 150 000 élèves, selon les estimations, sortent chaque année du système éducatif. Est-il vrai que ce chiffre est à la baisse ? Quant à l'orientation, quelles mesures vous autorisent à affirmer qu'elle est désormais « choisie » et non plus « subie » ?
La formation des maîtres est toujours perfectible, comme l'illustre l'anecdote sur ce jeune maître qui entreprenait de dresser une chronologie historique, Louis XIV, Napoléon, etc. dans une classe de petits qui ne comptaient pas encore jusqu'à 10.
La presse a rapporté des incidents dans les établissements de réinsertion scolaire (ERS). Si des élèves doivent être retirés du milieu scolaire, est-il judicieux de les déplacer de 500 kilomètres, pour les plonger dans un autre milieu scolaire ? Ne vaudrait-il pas mieux les isoler dans un beau chalet de montagne, plutôt que de créer d'autres perturbations dans un autre collège ?
Votre ministère comporte une dimension internationale, via les partenariats avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), la Mission laïque française et le Centre national de l'enseignement à distance. Or ce réseau est à la croisée des chemins. Le nombre d'inscriptions augmente régulièrement, mais le ministère des affaires étrangères n'est pas en mesure d'assurer correctement l'enseignement français à l'étranger, qui est sous-financé. Le nombre de Français qui s'installent à l'étranger croît de 3 à 4 % par an. Priorité d'inscription est donnée aux enfants français. L'AEFE fête ses vingt ans d'existence mais son fonds de roulement ne dépasse pas un mois de fonctionnement... Quel peut être le partage de l'effort financier entre l'État et les familles ? Des investissements de mise au niveau dans l'immobilier s'imposent aussi, pour 300 millions d'euros. Monsieur le ministre, comme partenaire de l'enseignement français à l'étranger, vous engagez-vous à faire tout votre possible afin que l'enseignement à l'étranger perdure à la satisfaction des familles ?
Si j'imitais Mme Pécresse, sachant que l'éducation nationale représente la moitié des effectifs de la fonction publique, le non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite dans la fonction publique n'aurait plus grand sens... Cependant, je vous rappelle que notre pays compte 45 000 enseignants de plus qu'au début des années quatre-vingt dix, mais 700 000 élèves de moins : le taux d'encadrement a considérablement augmenté.
Il ressort des tests PISA que les pays en tête de classement ne sont pas ceux qui consacrent les plus gros moyens au système éducatif ; du reste la Cour des comptes s'interroge plutôt sur la répartition des ressources et sur notre capacité d'intervention ciblée, par exemple pour combattre l'échec scolaire.
Tous les ministères doivent réduire leurs dépenses de fonctionnement : or les crédits pédagogiques n'étaient pas toujours consommés, vous connaissez ces trésoreries abondantes et dormantes, provenant des dotations de l'État et de la région. Je rappelle que, dans tous les budgets, selon la lettre de cadrage du Premier ministre, les crédits d'intervention doivent diminuer de 10 % ! Quant aux crédits correspondant à la formation initiale des enseignants, nous avons pu les réduire parce qu'une partie est prise en charge par l'enseignement supérieur dans la cadre des masters ; les financements des postes de professeurs stagiaires après le concours relèvent, eux, de mon ministère.
Rien n'a changé depuis 2005 quant à la scolarisation des enfants de 2 ans. Ceux qui ont atteint cet âge le jour de la rentrée scolaire peuvent être admis, dans la limite des places disponibles. Les moins de 3 ans sont accueillis, en priorité, dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP) et les milieux ruraux dépourvus de nombreux services aux familles. Il est vrai que l'accueil des petits tend, sur la longue période, à se réduire.
Je présenterai le 25 novembre prochain, au salon de l'éducation, le plan numérique. Certaines mesures m'ont été inspirées par le rapport Fourgous, comme les ressources pédagogiques et la formation des enseignants. Je travaille sur ce sujet avec l'association des régions de France et celle des départements. Tout le monde souhaite une meilleure coopération. Un accord cadre national sera élaboré, décliné ensuite par les présidents de région et les recteurs d'académie.
M. Bodin me rassure : je suis cohérent avec moi-même ! Je me réjouis de ma reconduction à la tête de ce ministère où l'action exige du temps et une volonté constante, pour vaincre les lourdeurs et les inerties administratives. Quintupler le nombre d'internats d'excellence, cela s'appelle du volontarisme, reconnaissez-le !
Les RASED n'ont pas été supprimés mais leur nombre réduit. Le secteur privé fonctionne sans ces réseaux mais il accueille lui aussi des élèves en grande difficulté éducative.
Les expérimentations en cours des programmes CLAIR seront évaluées par l'inspection générale de mon ministère et par les États généraux de la sécurité à l'école. Ces dispositifs ne concernent aujourd'hui que 5 % de privilégiés, mais seront étendus si les résultats sont probants. Souvenez-vous qu'avant la réforme des lycées, il y eut une centaine d'expérimentations ; ce fut l'occasion d'affiner les nouvelles mesures, l'accompagnement personnalisé ou le calcul des dotations horaires, en particulier.
Sur les collèges, oui, la réflexion a commencé. Je suis défavorable à un examen d'entrée en sixième qui accuserait encore la coupure avec le primaire et serait contraire à la loi de 2005. Je souhaite au contraire un accompagnement tout au long de l'année des enfants en difficulté sur les fondamentaux, rôle qui pourrait être assumé au collège par des professeurs des écoles.
Non, des professeurs en titre. La sixième est une année de bouleversement, huit professeurs au lieu d'un maître, changement d'établissement, changements de classes, etc. Et les professeurs qui reçoivent ces nouveaux collégiens entendent leur enseigner les mathématiques et non le calcul, la littérature et non la lecture.
Les nouvelles mesures touchant l'orientation ont été mises en oeuvre seulement depuis la rentrée scolaire, il est donc un peu tôt pour un bilan. Des professeurs - volontaires - accompagneront du début à la fin de l'année les élèves des familles qui ignorent tout du système éducatif, qui ne peuvent conseiller et soutenir leur enfant dans ce parcours. Les conseillers d'orientation sont des experts, non des accompagnateurs au quotidien.
Dans les lycées réformés, les orientations seront plus progressives, le choix plus tardif, les passerelles systématiques - avec un tronc commun renforcé, les changements de série, voire de filière seront plus aisés.
L'éloignement ne fait pas partie des principes régissant les ERS ! Simplement, en Seine-Saint-Denis, nous n'avons pas trouvé de structure susceptible d'accueillir les jeunes extraits de leur établissement. Avec les ERS, l'école est son propre recours pour les élèves perturbateurs... mais non délinquants ! Généralement ils ont été renvoyés une fois, deux, voire trois. Avec une certaine hypocrisie, on se les passe d'établissement en établissement.
Mais faut-il les envoyer à Craon où l'on n'a jamais vu à quoi ressemble un élève de Seine-Saint-Denis ?
La mixité est importante. Je dois dire que j'ai été choqué par certaines réactions de la part de certains acteurs de la communauté éducative. Nous cherchons à donner leur chance à des élèves qui n'ont pas dépassé l'âge de la scolarité obligatoire. Les moyens mis en oeuvre pour l'encadrement sont presque du « 1 pour 1 ». Je participerai prochainement à une réunion de travail avec les parents d'élèves et les professeurs de Craon. Le sujet est très délicat, mais persévérons.
Je suis très attentif, monsieur Duvernois, à l'enseignement du français à l'étranger, même s'il ne relève pas de la compétence directe de mon ministère. Quand je me rends à l'étranger, je m'efforce toujours de rencontrer la communauté éducative. Je serai vendredi à Dakar à la conférence des ministres de l'éducation nationale de la francophonie ; j'en profiterai pour inaugurer le nouveau lycée français. Une direction de l'international au ministère est consacrée aux questions internationales, l'AEFE en relève. Je suis responsable en outre de l'homologation de tous les établissements ainsi que du suivi de la carrière des enseignants. Une part importante du travail de l'Inspection générale de l'éducation nationale consiste à évaluer l'enseignement français à l'étranger.
Je préside le groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest ; à ce titre j'ai visité cette magnifique réalisation qu'est le lycée de Dakar. Tous les établissements ne comportent pas de pareils équipements ! Il manque, hélas !, un internat, qui dans cette région aurait été fort utile. C'est dommage.