Je ne partage pas l'optimisme de mon collègue : ce budget poursuit le « dégraissage » dans l'éducation, alors que les effectifs d'élèves repartent à la hausse. Vous supprimez encore 16 000 postes dans le public en 2011, après 16 000 postes l'an passé, 13 000 en 2009, 12 000 en 2008 et 11 000 en 2007. Pour la première fois cette année, nous ne sommes pas informés de la répartition de ces suppressions entre la maternelle, le primaire et le secondaire. Lors des questions d'actualité, j'avais dénoncé le schéma d'emploi et les choses se passent exactement comme je l'ai craint : le Parlement signe pour un volume de suppression de postes, sans rien savoir de leur répartition. Il y aurait 4 800 postes supprimés dans le second degré : le Président de la République ayant annoncé que la réforme du lycée se ferait à moyens constants, les suppressions de postes vont devoir se faire au collège et dans les lycées d'enseignement professionnel, alors que vous affirmez que les filières techniques sont revalorisées et que vous savez que les effectifs y progressent.
Vous annoncez ensuite, au détour d'une phrase, qu'une correction technique du plafond d'emplois vous le fait réviser de 20 359 équivalent temps plein travaillé (ETPT) en plus. Chaque suppression de poste étant douloureuse là où elle se produit, vous découvrez opportunément un « gisement » de plus de 20 000 postes : à croire que ces emplois fantômes n'étaient là que pour être supprimés au bon moment... On a de quoi s'interroger sur la sincérité de votre budget ! Depuis trois ans, je dénonce régulièrement l'insincérité du budget de l'éducation nationale. L'an passé, vous avez utilisé le fusil à un coup de la suppression des stagiaires en IUFM, cette année vous recourez à une révision technique du plafond d'emplois : si vous tenez vos objectifs, c'est par des artifices comptables ! Et pour les tenir dans les années à venir, vous allez devoir vous attaquer à la structure même de l'école, à la qualité de notre éducation nationale, que vous allez sacrifier pour des raisons comptables et, plus profondément, pour des motifs idéologiques.
Sur le terrain, les répercussions de votre politique sont considérables. Si je comprends bien vos tableaux budgétaires, 12 000 enseignants vont quitter le 1er degré l'an prochain mais seulement 3 000 postes seront ouverts au concours : vous n'en n'êtes pas au non-remplacement d'un départ sur deux en retraite, mais de trois sur quatre !
Je m'inquiète, ensuite, pour les emplois de vie scolaire et les postes de réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). A force de faire pression sur ces postes, vous empêchez l'école publique de remplir ses missions, en particulier pour l'accueil des enfants handicapés. Les organisations syndicales le dénoncent, mais aussi la presse, qui rapporte, ce matin encore, le découragement de parents qui doivent renoncer à envoyer leur enfant handicapé à l'école.
Sur la formation des stagiaires, vous passez d'un système unifié à une différenciation par académie, au point que votre propre administration, dans un rapport de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), déplore une « diversité kaléidoscopique » et souligne le risque de recours juridictionnel des stagiaires au motif d'une rupture d'égalité dans le traitement que vous leur réservez.