Dans une troisième réunion qui s'est tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition, ouverte à l'ensemble des sénateurs, de M. Edouard Balladur, ancien premier ministre, président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
a, tout d'abord, traité la question de la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre.
Il a rappelé que le Comité de réflexion avait proposé d'attribuer au Président la définition de la politique de la Nation, en en réservant la conduite au Premier ministre. Il a précisé que cette disposition n'avait pas été retenue par le gouvernement au motif curieusement invoqué de difficultés supplémentaires en période de cohabitation.
Il a énoncé la proposition du Comité pour la répartition des responsabilités entre les deux têtes de l'exécutif en matière de défense. Rappelant qu'actuellement, le Président de la République est le chef des armées et le Premier ministre, le responsable de la défense nationale, M. Edouard Balladur a évoqué l'usage constitutionnel établi, sous la Ve République, à l'instigation du général de Gaulle, en fortifiant la notion de chef des armées. Il a noté que le régime de Vichy, en organisant le procès des responsabilités politiques de la défaite de 1940, avait fait comparaître, devant la Cour de Riom, les anciens présidents du conseil, les anciens ministres de la défense, mais aucun Président de la République. Le Comité avait, donc, proposé de confier au Premier ministre la seule mise en oeuvre des décisions prises en matière de défense nationale : reprise dans le texte du projet, cette idée avait été rejetée par l'Assemblée nationale en raison de l'irresponsabilité, devant elle, du Président. Il s'agissait là, selon l'ancien Premier ministre, du point essentiel sur lequel le comité n'a pas été suivi.
Il a souligné que le rapport avait été adopté à l'unanimité des membres du Comité, y compris ceux ayant exprimé des opinions particulières.
Abordant les limitations proposées à l'usage du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution (engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte), M. Edouard Balladur a remarqué que le projet de loi constitutionnelle le limitait en fait à trois usages annuels (projet de loi de finances, projet de loi de financement de la sécurité sociale plus un autre texte dans l'année). Il a constaté qu'en 50 ans, cet article avait été invoqué un peu plus de 80 fois alors que sur la même période, les critères du projet de révision en aurait permis 150 applications. Il a considéré que cette disposition n'avait pas été excessivement utilisée, notant qu'elle l'avait été pour dix projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Il a conclu que le projet ne privait donc pas le gouvernement des moyens de gouverner.
Evoquant le parlementarisme rationalisé mis en place sous la Ve République, M. Edouard Balladur a remarqué que le Président de la République était d'autant plus fort que le régime, lui attribuant le droit de dissolution, dérivait vers un système bipartisan.
Il a rappelé que le souci du Comité -et l'inspiration générale de son rapport- était de parvenir à un système politique équilibré, réservant plus de place au Parlement.
L'ancien Premier ministre a ensuite estimé que le non-décompte du temps de parole du Président de la République dans les médias audiovisuels, constituait un problème dans la mesure où le Président, quel qu'il soit, chef suprême, pouvait intervenir sans droit de réponse organisé. Cependant, il lui semblait difficile de l'agréger à l'un des trois tiers existant en la matière (gouvernement, majorité, opposition), observant que si ses interventions étaient imputées à la part gouvernementale, elle diminuerait d'autant la parole du Premier ministre. Il a donc proposé que l'intervention du Président de la République ouvre un droit de réponse aux forces politiques de la majorité et de l'opposition. Il lui a semblé que, dans ces conditions, le système serait parfaitement acceptable. S'interrogeant sur la possibilité de distinguer les interventions régaliennes du Président des autres, il a conclu sur la place majeure occupée par lui sur la scène politique et, en conséquence, à la nécessité de permettre la réponse des autres acteurs.
Evoquant la question des modes de scrutin, M. Edouard Balladur a remarqué que le Sénat avait constitué une force d'opposition, de centre gauche, au cours des quinze premières années de la Ve République puis, les forces politiques imprégnant le paysage local, elles avaient progressivement envahi le Sénat, d'abord au profit de l'UDF, puis de celui du RPR. Il a noté que la réduction du mandat sénatorial à 6 ans raccourcissait le délai d'impact des élections locales sur la composition de la Haute assemblée.
Il a rappelé que le Comité avait, dans son rapport, préconisé d'établir la représentation des collectivités territoriales par le Sénat en fonction de leur population alors que le projet présenté par le gouvernement proposait qu'elle s'exerce en en tenant compte.
a souligné que la détermination des droits de l'opposition et de la majorité impliquait la recherche d'un critère les définissant. Il a approuvé le principe sénatorial basé sur l'effectif de chacun des groupes parlementaires.