La réunion

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Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé conjointement avec la commission des affaires étrangères à l'audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a rappelé que l'immigration figurait au premier rang des priorités annoncées de la présidence française de l'Union européenne. Il a également indiqué que la nouvelle politique d'immigration de la France trouvait désormais des prolongements importants dans notre politique étrangère. Evoquant plusieurs sujets, notamment la conclusion d'accords bilatéraux de gestion concertée de l'immigration, il a souhaité que M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, définisse plus précisément cette notion de « développement solidaire », substituée récemment à celle de « codéveloppement » dans l'intitulé du nouveau ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

a remercié M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, d'avoir pris l'initiative de cette audition et d'avoir souhaité y associer la commission des lois. Il a expliqué que ces accords de gestion concertée de l'immigration s'inscrivaient dans une approche globale incarnée précisément par la création de ce nouveau ministère.

Il a indiqué que la dimension bilatérale ou internationale de l'immigration était également au coeur des travaux de la commission des lois, la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile ayant à cet égard donné l'occasion d'appréhender cette dimension essentielle.

Enfin, il a rappelé que les questions européennes étaient également très prégnantes, les trois corapporteurs européens de la commission des lois ayant consacré une partie de leur récent rapport d'information à l'immigration et à l'asile.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a déclaré que la maîtrise des flux migratoires constituait un enjeu fondamental pour la France et que de nombreux défis ne pouvaient trouver une réponse qu'à l'échelon européen en raison de l'extrême mobilité des flux dans un espace ouvert.

Il a rappelé que la politique de maîtrise des flux reposait sur quelques principes clairs.

En premier lieu, il a réaffirmé que la France était libre, comme tout Etat souverain, de déterminer les personnes étrangères qu'elle souhaitait admettre sur son territoire, notamment en fonction de ses capacités d'accueil. Il a ajouté que les étrangers en situation irrégulière avaient vocation à retourner dans leur pays, soit volontairement, soit de force si nécessaire. A cet égard, il a souligné que depuis le début de l'année les mécanismes d'aide au retour volontaire étaient sollicités dans des proportions sans précédent. Tout en restant prudent, il s'est félicité de cette inversion de tendance.

En deuxième lieu, il a indiqué qu'à la différence de certains Etats membres, la France souhaitait rester ouverte à l'immigration, celle-ci étant une composante essentielle de notre identité nationale. Il a ajouté que l'immigration zéro était ni possible, ni souhaitable.

En troisième lieu, M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a mis en avant le souci permanent de concertation avec les pays à l'origine de l'immigration. Il a jugé que dans le monde actuel une politique migratoire ne pouvait plus se décider et se gérer unilatéralement. Il a ajouté que la concertation était d'autant plus efficace qu'elle rencontrait un écho favorable dans les opinions publiques de ces pays.

Par ailleurs, il a estimé que la France était probablement le pays d'accueil ayant affiché le plus clairement sa préoccupation de ne pas piller les élites des pays source, considérant que la question migratoire ne pouvait être dissociée des politiques de solidarité. A cet égard, il a salué le travail du Sénat sur ces sujets, en particulier le rapport d'information de Mme Catherine Tasca et MM. Jacques Pelletier et Bernard Barraux, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le codéveloppement.

Il a observé que la politique d'immigration de la France était progressivement soutenue par un nombre croissant de pays européens ainsi que de pays africains.

Concernant le recours à des régularisations massives, s'il a reconnu que cette idée pouvait être intellectuellement séduisante pour purger une situation à un instant donné, il a constaté que l'expérience en avait démontré l'échec et que ce type de mesure avait pour principal effet de créer un appel d'air puissant. Il a indiqué que ce constat était désormais partagé par tous, en particulier l'Espagne, en dépit des situations très diverses où se trouvent les Etats membres au regard des besoins de main d'oeuvre ou de la démographie.

Concernant la création d'un ministère dédié à l'immigration, il s'est félicité de ce que l'Espagne et la Suède s'inspirent de l'exemple français, démontrant ainsi la pertinence de ce ministère dans le contexte migratoire et européen actuel.

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a ensuite présenté les différents accords de gestion concertée de l'immigration signés par la France.

Il a tout d'abord replacé cette politique dans son contexte, en rappelant que sur 900 millions d'africains, 50 % avaient moins de 17 ans et un tiers vivait avec moins d'un dollar par jour et qu'en 2030 la population sur le continent africain devrait s'élever à 1,5 milliard de personnes. Il a déclaré que si l'Europe, et en particulier la France, ne se préparaient pas à relever ce défi immense, de nombreux africains seraient naturellement tentés, voire contraints, d'émigrer.

Concernant les accords de gestion concertée proprement dit, il a indiqué qu'ils poursuivaient plusieurs objectifs :

- la promotion des intérêts de notre pays ;

- la préservation de notre tradition d'accueil ;

- la lutte contre l'immigration illégale.

Il a expliqué que le dispositif montait progressivement en puissance après une nécessaire phase d'apprentissage, cinq accords ayant déjà été conclus avec des Etats de taille moyenne (le Gabon, la République du Congo, le Bénin, le Sénégal et la Tunisie) et des pourparlers étant engagés avec d'autres pays (le Mali, le Cap-Vert, l'Egypte, Haïti et le Tchad), parfois même à leur demande.

Il a déclaré préférer à l'expression impropre d' « immigration choisie » celle d' « immigration choisie et concertée », cette formule recueillant l'assentiment de plusieurs chefs d'Etat africains.

Soulignant que ces accords étaient novateurs en raison de leur approche globale des questions de migration, il a indiqué que chacun d'entre eux comportait un socle commun de stipulations, décliné et complété en fonction des particularités de chaque pays.

Concernant le socle commun de ces accords, il a précisé qu'ils s'articulaient autour de trois volets :

- l'organisation de la migration légale ;

- la lutte contre l'immigration irrégulière, avec en particulier la conclusion d'un accord de réadmission ;

- la mise en place d'actions de développement solidaire.

Sur ce dernier volet, il a expliqué que la notion de codéveloppement lui était apparue inadaptée en raison des écarts très importants de niveau de développement entre la France et ces pays. Le terme de développement solidaire a semblé plus exact. Il a reconnu que cette politique était très difficile à mettre en place, mais qu'elle était très attendue par nos partenaires, chaque pays ayant des besoins spécifiques. Il a cité les exemples du Bénin, demandeur d'actions en matière de santé, ou de la Tunisie, intéressée par le développement d'actions de formation professionnelle sur place.

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a enfin présenté les grandes lignes du futur pacte européen sur les migrations et l'asile.

Il a déclaré avoir été surpris de constater que tous les Etats membres de l'Union européenne étaient mobilisés sur les questions de migration et d'asile, quand bien même les problèmes pouvaient y être très différents. Il a cité l'exemple de la République tchèque, qui connaît une immigration d'origine vietnamienne plus importante que la France. Il a par ailleurs souligné les disparités énormes dans le traitement des demandes d'asile.

Concernant le pacte proprement dit, il a indiqué qu'il tendrait :

- à renforcer l'agence Frontex ;

- à instaurer une discipline collective en matière de régularisation massive. Sur ce point, il a précisé que les Etats membres étaient unanimes ;

- à promouvoir l'intégration par l'insertion professionnelle ;

- à contenir l'immigration familiale en fonction des capacités d'accueil réelles de chaque pays. A cet égard, il s'est interrogé sur l'opportunité d'élever le niveau de connaissance de la langue française exigée, compte tenu du niveau requis en Allemagne ;

- à organiser l'éloignement des étrangers en situation irrégulière ;

- à créer un bureau d'appui commun en matière d'asile. Il a jugé qu'il n'était pas réaliste d'espérer progresser davantage vers la mise en place d'un système d'asile commun ;

- à promouvoir un développement solidaire.

Il a conclu en déclarant que l'immigration n'était ni un problème, ni une chance a priori pour nos sociétés, mais un défi à relever impérativement.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

a souligné la contradiction entre les propos du ministre qui semblaient ouvrir des perspectives raisonnables et les objectifs chiffrés assignés à la politique d'immigration. Il a insisté sur le caractère parcimonieux des régularisations de travailleurs clandestins présents sur le territoire français depuis de nombreuses années et sur les conditions de la rétention administrative. Évoquant l'accord avec le Gabon, il a souhaité savoir si le ministre était prêt à aller aussi loin pour d'autres pays, notamment pour ce qui concerne les visas de circulation. Il s'est ensuite élevé contre les dispositions du projet de directive européenne « retours » qui permettraient de retenir les étrangers en situation irrégulière pendant 18 mois et de les frapper d'une interdiction de retour sur le sol européen pendant une durée de cinq ans, considérant que la France devrait s'opposer à ce texte.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

ministre de l'Immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a estimé que les objectifs chiffrés, qui peuvent gêner de prime abord, avaient néanmoins la double vertu d'adresser un signal aux personnes en situation irrégulière ainsi que dans les pays d'immigration. De fait, pour la première fois depuis une génération, le nombre de clandestins est en diminution comme en atteste la baisse de 4 % de l'aide médicale d'Etat. Il a rappelé que les centres de rétention avaient été créés en 1982 et qu'ils devaient à l'actuelle majorité un effort très important de rénovation. Il a noté que l'alternative aux centres de rétention administrative était l'incarcération ou l'assignation à résidence qui présentait des dangers. Il a déclaré partager l'appréciation de M. Mermaz sur la directive « retours », indiquant qu'elle aurait pour effet de plafonner à 18 mois la durée de rétention dans les sept pays européens où cette dernière est actuellement illimitée, tout en laissant les autres Etats libres de fixer une limite inférieure. Il a rappelé qu'une commission, présidée par M. Pierre Mazeaud travaillait actuellement sur la question des quotas que certains pays, comme la Tunisie, réclament. Il a confirmé que l'augmentation du nombre des visas de circulation figurait bien dans les accords de gestion concertée des flux migratoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a contesté le fait de limiter l'immigration familiale aux capacités d'accueil soulignant que les Français, qui s'expatrient en famille, supporteraient difficilement de se voir imposer de telles conditions. Elle a relevé que des Etats comme la Suisse ou le Canada, qui avaient tenté de bloquer l'immigration familiale, avaient dû ensuite faire face à une croissance très importante de ce type d'immigration. Elle a enfin estimé que l'on ne pouvait se prévaloir du fait que la Grèce n'accordait jamais le statut de réfugié pour restreindre la politique française de l'asile.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

a souligné que le nombre de bénéficiaires du statut de réfugié avait progressé en France. Il a estimé que dans un pays qui souffre d'une pénurie d'un million de logements, une politique d'accueil sans conditions ne pouvait être qualifiée de généreuse. Le regroupement familial doit s'effectuer sous des conditions de ressources suffisantes et d'un logement décent, faute de quoi, elle alimente le développement des squats.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

a déploré que le regroupement familial s'opère trop souvent à la faveur de faux papiers ou de mariages fictifs. Il s'est interrogé sur les moyens de donner de la substance aux missions de l'agence Frontex, sur l'accès au marché du travail des travailleurs des nouveaux États membres de l'Union européenne et sur l'évolution des services des visas.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

a rappelé que les travailleurs des nouveaux Etats membres avaient accès à 80 métiers, nombre porté à 152 le 1er avril avant l'ouverture complète du marché du travail, annoncée par le président de la République pour le 1er juillet 2008. Pour ce qui concerne les ressortissants des Etats tiers, le nombre des métiers accessibles a été porté de 15 à 32, cette question faisant l'objet d'une remise à plat complète. De facto, les accords de gestion concertée des flux migratoires réintroduisent une catégorie de pays avec lesquels la France entretient des liens privilégiés. Ainsi, une centaine de métiers ont été ouverts pour le Sénégal et soixante dix-sept pour la Tunisie. Évoquant les services des visas, il a indiqué qu'un accord avait été trouvé le matin même avec le ministère des Affaires étrangères dans le sens d'une plus grande cohérence : un ministère ne pouvait pas être compétent sur les questions d'immigration sans avoir autorité sur les services des visas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

a souhaité savoir si les organisations non gouvernementales (ONG) et le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) pourraient trouver leur place dans le bureau d'appui envisagé à Bruxelles pour l'asile. Soulignant les disparités entre les Etats membres dans l'octroi du statut de réfugié, il s'est interrogé sur l'opportunité de revoir les mécanismes prévus par les conventions de Dublin au profit de compensations financières entre Etats membres.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

a indiqué qu'une conférence sur l'asile, à laquelle les ONG étaient conviées, se tiendrait à Paris les 7 et 8 juillet 2008. Il a rappelé que la Pologne accordait le statut de réfugié dans 5 % des cas, contre 52 % pour la France, illustrant ainsi la difficulté du rapprochement des points de vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

A Mme Eliane Assassi, qui l'interrogeait sur les quotas, M. Brice Hortefeux a répondu qu'il ne souhaitait pas s'exprimer sur ce sujet avant la remise des conclusions des travaux de la commission présidée par M. Pierre Mazeaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

a évoqué la politique d'intégration et s'est interrogé sur le refus du communautarisme, alors que ce phénomène semble inévitable compte tenu de l'évolution des sociétés modernes.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

a rappelé que le communautarisme n'était pas le modèle choisi par la France. Il s'est interrogé sur l'intérêt manifesté par le Royaume-Uni, qui a un temps suivi cette voie, pour les propositions françaises dans le cadre du pacte européen pour les migrations. Il a toutefois souligné le risque que représentait, pour la cohésion de la société française et l'intégration des étrangers, le fait qu'un tiers des migrants installés sur le territoire français ne parle pas notre langue. Il a aussi noté le fait que la grande majorité des élèves en situation d'échec absolu étaient issus de l'immigration et ne pouvaient pas suivre une scolarité normale par méconnaissance de la langue française qu'il faudrait pouvoir leur enseigner comme une langue étrangère.

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

s'est interrogé sur la valeur ajoutée de la disposition insérée dans le projet de loi de modernisation de l'économie permettant l'attribution d'une carte de résident de 10 ans aux étrangers apportant une contribution exceptionnelle à l'économie. Il a considéré que cette nouvelle disposition, qui s'ajoute à la carte « compétences et talents », ne serait pas très lisible pour les personnes que la France souhaite attirer.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

a précisé que le dispositif proposait la délivrance d'une carte de 10 ans à des investisseurs sans que s'applique la condition de résidence de cinq ans. La carte « compétences et talents » prévoit, quant à elle, l'accueil, l'octroi d'un titre de séjour et le regroupement familial de droit mais comporte également l'encouragement à repartir après six ans. Cette carte n'est délivrée que depuis janvier 2008, et son succès dépendra aussi de la mobilisation des ambassadeurs qui seront reçus prochainement à son propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

a souligné que les accords de gestion concertée des flux migratoires avaient pour objectif de traiter de façon globale la question des migrations. Ils sont effectivement novateurs par la place faite au développement qui est cependant très modeste dans l'accord avec le Gabon. Elle a souhaité savoir quelle était la dimension « développement » prise en compte dans les autres accords et comment elle s'articulerait avec la baisse programmée des crédits d'aide au développement. Elle s'est interrogée sur le caractère additionnel du financement de la coopération policière.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

a indiqué que la dimension de développement était plus importante dans les autres accords et il a déploré la lenteur de la ratification française qui contraste avec la célérité de ses partenaires. Il a précisé que les financements destinés à la coopération policière étaient additionnels mais qu'ils n'étaient pas gérés, contrairement à son souhait, par son ministère.

Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Debut de section - Permalien
Edouard Balladur, ancien premier ministre, président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V

Dans une troisième réunion qui s'est tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition, ouverte à l'ensemble des sénateurs, de M. Edouard Balladur, ancien premier ministre, président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

a, tout d'abord, traité la question de la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre.

Il a rappelé que le Comité de réflexion avait proposé d'attribuer au Président la définition de la politique de la Nation, en en réservant la conduite au Premier ministre. Il a précisé que cette disposition n'avait pas été retenue par le gouvernement au motif curieusement invoqué de difficultés supplémentaires en période de cohabitation.

Il a énoncé la proposition du Comité pour la répartition des responsabilités entre les deux têtes de l'exécutif en matière de défense. Rappelant qu'actuellement, le Président de la République est le chef des armées et le Premier ministre, le responsable de la défense nationale, M. Edouard Balladur a évoqué l'usage constitutionnel établi, sous la Ve République, à l'instigation du général de Gaulle, en fortifiant la notion de chef des armées. Il a noté que le régime de Vichy, en organisant le procès des responsabilités politiques de la défaite de 1940, avait fait comparaître, devant la Cour de Riom, les anciens présidents du conseil, les anciens ministres de la défense, mais aucun Président de la République. Le Comité avait, donc, proposé de confier au Premier ministre la seule mise en oeuvre des décisions prises en matière de défense nationale : reprise dans le texte du projet, cette idée avait été rejetée par l'Assemblée nationale en raison de l'irresponsabilité, devant elle, du Président. Il s'agissait là, selon l'ancien Premier ministre, du point essentiel sur lequel le comité n'a pas été suivi.

Il a souligné que le rapport avait été adopté à l'unanimité des membres du Comité, y compris ceux ayant exprimé des opinions particulières.

Abordant les limitations proposées à l'usage du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution (engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte), M. Edouard Balladur a remarqué que le projet de loi constitutionnelle le limitait en fait à trois usages annuels (projet de loi de finances, projet de loi de financement de la sécurité sociale plus un autre texte dans l'année). Il a constaté qu'en 50 ans, cet article avait été invoqué un peu plus de 80 fois alors que sur la même période, les critères du projet de révision en aurait permis 150 applications. Il a considéré que cette disposition n'avait pas été excessivement utilisée, notant qu'elle l'avait été pour dix projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Il a conclu que le projet ne privait donc pas le gouvernement des moyens de gouverner.

Evoquant le parlementarisme rationalisé mis en place sous la Ve République, M. Edouard Balladur a remarqué que le Président de la République était d'autant plus fort que le régime, lui attribuant le droit de dissolution, dérivait vers un système bipartisan.

Il a rappelé que le souci du Comité -et l'inspiration générale de son rapport- était de parvenir à un système politique équilibré, réservant plus de place au Parlement.

L'ancien Premier ministre a ensuite estimé que le non-décompte du temps de parole du Président de la République dans les médias audiovisuels, constituait un problème dans la mesure où le Président, quel qu'il soit, chef suprême, pouvait intervenir sans droit de réponse organisé. Cependant, il lui semblait difficile de l'agréger à l'un des trois tiers existant en la matière (gouvernement, majorité, opposition), observant que si ses interventions étaient imputées à la part gouvernementale, elle diminuerait d'autant la parole du Premier ministre. Il a donc proposé que l'intervention du Président de la République ouvre un droit de réponse aux forces politiques de la majorité et de l'opposition. Il lui a semblé que, dans ces conditions, le système serait parfaitement acceptable. S'interrogeant sur la possibilité de distinguer les interventions régaliennes du Président des autres, il a conclu sur la place majeure occupée par lui sur la scène politique et, en conséquence, à la nécessité de permettre la réponse des autres acteurs.

Evoquant la question des modes de scrutin, M. Edouard Balladur a remarqué que le Sénat avait constitué une force d'opposition, de centre gauche, au cours des quinze premières années de la Ve République puis, les forces politiques imprégnant le paysage local, elles avaient progressivement envahi le Sénat, d'abord au profit de l'UDF, puis de celui du RPR. Il a noté que la réduction du mandat sénatorial à 6 ans raccourcissait le délai d'impact des élections locales sur la composition de la Haute assemblée.

Il a rappelé que le Comité avait, dans son rapport, préconisé d'établir la représentation des collectivités territoriales par le Sénat en fonction de leur population alors que le projet présenté par le gouvernement proposait qu'elle s'exerce en en tenant compte.

a souligné que la détermination des droits de l'opposition et de la majorité impliquait la recherche d'un critère les définissant. Il a approuvé le principe sénatorial basé sur l'effectif de chacun des groupes parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

A M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, qui observait que le véritable contrôle de l'action du gouvernement résidait dans l'évaluation, dans le temps, des résultats ou des difficultés d'application des lois votées, l'ancien Premier ministre en est convenu, laissant aux assemblées la responsabilité du choix des moyens, qu'ils leur soient internes ou qu'elles s'adjoignent des organismes extérieurs. Il a affirmé qu'il n'était pas dans l'intention du Comité d'opérer leur dessaisissement au profit de la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

A M. Jean-René Lecerf, qui l'interrogeait sur la présidentialisation pouvant résulter du projet de révision, M. Edouard Balladur a affirmé que le renforcement des droits du Parlement affaiblissait le Premier ministre, mais également le Président de la République, citant à ce propos les procédures de nomination et l'intervention des forces armées à l'étranger qui, jusqu'à présent, relevaient, selon l'usage, de la décision du Président en dernier ressort, sauf en période de cohabitation.

Pour l'ancien Premier ministre, il était indispensable de rééquilibrer au profit du législatif, des institutions -établies par réaction à celles de la IVe République-, qui assuraient une prédominance excessive de l'exécutif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

a estimé que la séparation des pouvoirs n'était plus assurée pour des motifs qui tenaient autant aux moeurs qu'aux textes comme l'élection du Président de la République au suffrage universel. Il a approuvé la révision tout en se déclarant sceptique sur l'efficacité de ses résultats. Il a conclu à l'instauration d'un régime présidentiel, seul apte, selon lui, à revitaliser les institutions.

Debut de section - Permalien
Edouard Balladur, ancien premier ministre, président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V

partisan du même choix, a noté que le régime actuel, hybride, était d'un maniement très délicat. Il ne voyait pas, cependant, en quoi le projet de révision constituerait un pas vers un régime présidentiel, même s'il convenait que le Parlement détiendrait des pouvoirs plus importants que dans celui du parlementarisme rationalisé. A titre d'exemple, il a indiqué qu'au cours de ses cinq années à la présidence de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, il n'avait jamais obtenu l'organisation d'un débat sur le maintien des troupes françaises en Côte d'Ivoire.

Il a constaté que si le non-cumul des mandats constituait une question, il n'était pas certain qu'il existât une majorité pour le voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

a alors observé que la réussite de la révision constitutionnelle commandait un changement substantiel dans les moeurs parlementaires, rappelant les effets limités de la réforme de 1995.

Debut de section - Permalien
Edouard Balladur, ancien premier ministre, président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V

a évoqué le pouvoir décisif du Président de la République qui décide librement du mode de ratification des révisions de la Constitution -référendum ou Congrès. Evoquant la réforme inaboutie de 1973 sur le quinquennat, il a noté que la volonté du Parlement était restée inaccomplie par l'inaction du Président. Ce qui l'avait conduit à proposer vainement de fixer un délai de six mois au Président pour décider de la procédure retenue.

Répondant à M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, sur la valeur de l'avis rendu par les commissions parlementaires en matière de nomination, l'ancien Premier ministre a considéré que si l'avis rendu était défavorable, il serait difficile de nommer le candidat ainsi désavoué.

Abordant le droit de résolution accordé par le projet aux assemblées, M. Edouard Balladur a considéré qu'il ne touchait pas à l'équilibre des pouvoirs puisqu'il s'agissait de voeux dénués de contenu juridique qui s'avèreraient notamment utiles pour l'adoption de textes mémoriaux.

Il a ensuite évoqué les longues discussions nées, d'abord au sein du comité, puis du gouvernement, à propos de la mise en place de l'exception d'inconstitutionnalité, sur la proscription du régime des juges. Il a constaté qu'un tel contrôle existait dans toutes les démocraties occidentales et que l'instauration d'un filtre par les deux plus hautes juridictions était sage puisque le Conseil d'Etat comme la Cour de cassation étaient déjà familiers de la constitutionnalité des lois. En revanche, la limitation du contrôle aux textes postérieurs à 1958 lui semblait plus discutable.

Notant que le référendum d'initiative populaire figurait dans les propositions du Comité, il a approuvé l'interdiction d'abroger une disposition législative promulguée depuis moins d'un an par cette voie, laquelle ne doit pas se transformer en appel des décisions du Parlement.

Sur la composition du Conseil constitutionnel, il a rappelé la proposition du Comité d'en exclure pour l'avenir les anciens Présidents de la République qui en sont actuellement membres de droit. Il l'a motivée par l'allongement de l'espérance de vie et donc par l'éventualité d'une augmentation notable dans les vingt prochaines années du nombre de membres à vie, qui risquerait de déséquilibrer la composition du Conseil.

a alors, affirmé que le Défenseur des droits des citoyens, proposé par le projet, devrait intégrer de nombreux organismes existants, se prononçant contre la prolifération d'organismes extra-juridictionnels qui peuvent entraîner des atteintes à la liberté des citoyens et à la stabilité des lois. M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a regretté l'incertitude pesant sur le périmètre d'intervention du Défenseur, en précisant que le Sénat avait fait le choix d'un contrôle permanent des prisons autonome lors de l'institution du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alex Türk

Poursuivant ce débat, M. Alex Türk a avancé trois arguments au maintien de la CNIL : l'existence d'un organe de contrôle indépendant, dans ce domaine, préalable à l'entrée dans l'Union européenne, la reconnaissance par le Conseil d'Etat de pouvoirs juridictionnels de fait à la CNIL et la labellisation des technologies que lui a confiée le législateur en 1995.

Debut de section - Permalien
Edouard Balladur, ancien premier ministre, président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V

a répondu qu'il reviendrait au législateur de préciser les attributions du Défenseur et qu'il se déclarait défavorable, de manière générale, à la multiplication des organes.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

a souhaité connaître la position du Comité sur les autres attributions du Défenseur mentionnées par le projet de révision.

Debut de section - Permalien
Edouard Balladur, ancien premier ministre, président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V

Se référant à son rapport qui avait renvoyé à la loi organique la faculté de confier au Défenseur des pouvoirs de décision, de médiation ou de transaction, M. Edouard Balladur a conclu que le législateur devrait intervenir, pour fixer ces dispositions sur la base des textes en vigueur régissant les organismes regroupés.