Intervention de Michel Miraillet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Audition de M. Michel Miraillet délégué aux affaires stratégiques

Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense :

Monsieur le Président, mesdames et messieurs les parlementaires, monsieur le rapporteur, aujourd'hui, c'est pour moi la quatrième occasion de rendre compte des progrès accomplis par le programme 144 qui porte l'essentiel de la « jeune » fonction stratégique « connaissance et d'anticipation » ; Cet élément clé de la politique publique qu'il soutient explique pour une large part la préservation de son périmètre financier.

En qualité de responsable de programme, deux objectifs me sont assignés par la loi de programmation : animer et soutenir la prospective « défense » en appui direct de la réflexion stratégique et du processus décisionnel ; fonder la cohérence d'une politique publique regroupant la compréhension de l'environnement stratégique, les relations internationales, la prospective technologique, le contrôle et le soutien des exportations d'armement et la lutte contre la prolifération.

Au sein de la mission défense, ce programme mobilise près de 8 600 personnes en moyenne, réparties dans l'ensemble du ministère (EMA, DGA, services de renseignement, réseau des postes permanents à l'étranger), et un budget de 1,8 milliard d'euros, soit de l'ordre de 5 % des crédits de paiements du projet de loi de finances pour 2011 et une part notable des efforts consentis au profit de la recherche de défense.

J'aborderai successivement les perspectives de fin de gestion 2010 et les grands choix opérés pour le projet de loi de finances 2011.

La fin de la gestion 2010 se caractérise sur le titre 2 par un déficit d'environ 0,76 % de la dotation prévue par la loi de finance initiale. Cette situation s'accorde avec les objectifs « ressources humaines » fixés au programme pour l'actuelle gestion puisque le plafond des emplois autorisés (8 661 ETP) sera respecté par les emplois occupés en moyenne sur l'année (8 533), et le nombre d'emplois effectivement pourvus en fin d'année (8 636) sera en conformité avec la cible en effectif terminal accordée sur la gestion 2010 (8 677).

Pour les autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1 240 millions d'euros et payer 1 247 millions d'euros (dont 70 millions d'euros au titre du plan de relance de l'économie), hors consommation de la réserve qui représente à ce jour un peu plus de 51,3 millions d'euros (49,7 millions d'euros en AE et 51,3 millions d'euros environ en CP). Dans ces conditions, en raisonnant sur un périmètre excluant le plan de relance, le montant des engagements 2010 devrait être en augmentation de 8 % environ par rapport à 2009. Pour les crédits de paiement, une levée de la réserve complète, qui est assurée, donne une capacité de paiement de 1 298 millions d'euros, dont 70 millions d'euros au titre du plan de relance de l'économie, (pour une loi de finances initiale 2010 de 1 239 millions d'euros), soit un niveau de paiement équivalent à celui de 2009.

Etant donné les difficultés rencontrées avec le progiciel de gestion CHORUS, le programme s'efforce de limiter, autant que faire se peut, le montant des factures impayées à la fin de l'année 2010. La totalité des factures reçues ne pourra cependant être honorée d'ici la fin de l'année et le programme affichera un report de charges.

Sur le volet effectifs et masse salariale du projet de loi de finances pour 2011, le programme 144 apparaît comme relativement épargné par la rigueur affectant l'ensemble des administrations de l'Etat. En effet, celui-ci devrait bénéficier d'une augmentation importante de sa masse salariale (+ 5,07 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010) afin d'accompagner la progression de ses effectifs et de son plafond ministériel des emplois autorisés (de 8 661 ETP en 2010 à 8 673 ETP en 2011).

Cet éclairage général ne doit cependant pas masquer, si l'on examine la situation propre à trois des quatre entités composant le programme (DGA, EMA et DPSD), des réalités plus conformes avec les recherches d'économie et de rationalisation des moyens demandés aux administrations. Ces trois budgets opérationnels de programme perdent en effet 3 % de leurs emplois.

Il résulte de ces constats que la DGSE restera, en 2011, un service à part au sein du programme 144 comme de la mission défense. Elle accentuera la montée en puissance de ses capacités techniques et opérationnelles, dans le cadre de la fonction connaissance et anticipation. Ces objectifs seront poursuivis à l'aide de ressources budgétaires fortement accrues (+ 11,59 %) et adaptées aux nécessités du développement de ses programmes technologiques. Le budget prévisionnel accordé à la DGSE permettra également de résoudre diverses difficultés rencontrées au cours de la gestion 2010, comme le paiement des dépenses d'indemnités de résidence à l'étranger (IRE) ou le financement de diverses mesures catégorielles au profit des corps d'agents de catégorie C du service.

Dans ce contexte général, les effectifs mis en oeuvre par les quatre budgets opérationnels seront affectés par deux grandes tendances que l'on peut ainsi schématiser.

Tout d'abord, au sein des deux services de renseignements (DGSE et DPSD), mais à des échelles différentes, la priorité est désormais clairement donnée au recrutement de personnels d'encadrement de haut niveau et d'experts techniques. Cette voie, déjà entamée par la DGSE depuis trois ans, sera également recherchée par le biais de la politique de recrutement de la DPSD, malgré des moyens budgétaires plus comptés. L'efficacité supplémentaire attendue de ce renforcement de compétences nouvelles se nourrira par ailleurs de la mutualisation entre les deux services de renseignements des expériences acquises, des actions de formation et de l'exploitation des informations dans le cadre de la création de l'académie du renseignement.

La seconde tendance réside en l'examen systématique de tous les emplois de soutien méritant d'être regroupés ou mis en extinction. Cette mesure sera formalisée concrètement l'année prochaine par le transfert de 50 emplois de soutien des éléments DGA vers le programme 146. L'idée est ici de diminuer les emplois indirectement concernés par les missions fondamentales soutenues par le programme 144.

L'équilibre budgétaire est enfin atteint. A la lumière des résultats prévisionnels de la gestion 2010 et des précisions assez affinées qui peuvent être tirées à cette époque de l'année (0,76 % de déficit de la loi de finances initiale), on peut dire que le projet de loi de finances pour 2011 s'inscrit, pour le programme 144, dans une bonne cohérence par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.

La hausse de son niveau traduit directement l'accroissement du périmètre physique attendu en 2011, que concrétise très précisément le schéma prévisionnel d'emplois qui sera piloté tout au long de la gestion.

Il marque également la fin, que j'espère définitive, de la sous-budgétisation chronique qui affectait le titre 2 de certains secteurs du programme depuis sa création. Ceci est particulièrement vrai pour la DGSE qui dispose dès aujourd'hui, en construction budgétaire, des moyens nécessaires pour recruter les effectifs prévus dans la tranche 2011, sans spéculer sur des abondements en fin de gestion.

Pour les prochaines gestions, la variation du périmètre financier du titre 2 ne devrait plus dépendre en principe que de paramètres annuels bien programmés.

Hors titre 2, les crédits du programme connaissent une augmentation de 5,27 % en AE et de 3,11 % en CP à périmètre identique.

Le périmètre du programme 144 va connaître quelques évolutions par rapport à la gestion précédente, dues principalement à quatre mesures : transfert vers le ministère des affaires étrangères et européennes (programme 105) de crédits relatifs au financement des quotes-parts pour charges communes des ambassades et consulats généraux ; transfert vers le programme 178 dans le cadre du financement de la réalisation du projet d'optimisation des procédures d'habilitation de la DPSD intitulé SOPHIA ; transfert vers le programme 146 de crédits de fonctionnement pour accompagner les réorganisations du soutien au sein de la DGA ; poursuite du financement bilatéral du programme du partenariat mondial du G8, dit PMG8 (2,9 millions d'euros de CP).

Au total, l'ensemble de ces évolutions diminue le budget du programme de 3,8 millions d'euros sans modifier en profondeur la répartition et le volume des crédits par action. Pour 2011, le programme a porté ses efforts financiers sur les domaines jugés prioritaires, en cohérence avec les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Le budget en crédits de paiements du titre 3 augmente de 5 millions d'euros environ, soit 0,5 % pour 2011. Ces augmentations bénéficient essentiellement au fonctionnement de la DGSE. Cette hausse des crédits ne saurait cependant masquer l'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement demandé à l'ensemble des services et le recul des crédits consacrés aux études amont (-5,6 millions d'euros), aux subventions (-8,2 millions d'euros) et à la diplomatie de défense (-1,3 million d'euros).

Le budget du titre 5 baisse de 23,4 millions d'euros. Cette diminution est localisée en totalité au niveau de la DGSE et s'explique pour partie par le changement de méthode de l'imputation des dépenses de MCO. Les dépenses d'infrastructure du service feront néanmoins l'objet d'abondements interministériels au cours de la gestion 2011.

Les subventions du titre 6 sont en augmentation de 3 millions d'euros; cette hausse correspond en totalité à l'augmentation de l'aide versée au gouvernement de la République de Djibouti, le montant de la subvention versée à l'AED demeurant constant à 4,2 millions d'euros.

Dans ces conditions, avec une hausse globale des crédits de paiements de 38,5 millions d'euros environ à périmètre constant, les ressources du programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 2011 permettront d'atteindre les objectifs en application des orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Je vais maintenant vous présenter l'évolution du chacune des actions du programme.

L'action 1 analyse stratégique voit son budget augmenter de 10 % à périmètre équivalent à 2010 ou de 9,65 % à périmètre courant.

Le budget consacré aux études prospectives et stratégiques sera de 4,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 0,7 million d'euros par rapport à 2010. La priorité donnée à la fonction stratégique connaissance et anticipation trouve ainsi une traduction concrète et permet à la communauté de défense de se doter d'outils de réflexions partagés, études, observatoires et séminaires à la hauteur des enjeux actuels. Le souci d'une saine gestion se traduit par une stricte égalité entre le volume des autorisations d'engagement et celui des crédits de paiement.

Les subventions aux publications stratégiques sont destinées à renforcer la visibilité de la pensée stratégique française. La délégation aux affaires stratégiques reconduit la dotation budgétaire 2010 qui permet la diffusion des études prospectives et stratégiques ou le soutien des positions françaises.

Le programme 144 assure également le financement des programmes « personnalités d'avenir défense » mais aussi le rayonnement « post-doctorats » pour un montant de 0,15 million d'euros.

Les études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) qu'il est prévu d'engager en 2011 au titre de l'action 2 « prospective des systèmes de forces » correspondent aux orientations qui ressortent du plan prospectif à 30 ans remis à jour régulièrement par la communauté de défense.

Le budget 2011 des EOTO, d'un montant de 19,64 millions d'euros, progresse de 1,13 million d'euros par rapport à celui voté en lois de finances 2010 qui intégrait le remboursement des avances consenties en 2009 dans le cadre du plan de relance. Si l'on ne tient pas compte de ce phénomène, le budget 2011 des EOTO augmente de 0,42 million d'euros, soit 2,20 % par rapport à 2010. En matière d'EOTO, les travaux qu'il est prévu d'engager en 2011 correspondent aux orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et aux propositions d'études présentées lors du dernier comité des études technico-opérationnelles (CETO) réuni en juillet 2010. L'effort de recentrage sur les études de plus grande ampleur et la réduction des « micro-études » seront poursuivis.

L'action 3 « recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » voit ses moyens en crédits de paiement, hors titre 2, diminuer de 5,1 millions d'euros, soit -2,2 %, après trois années de hausses consécutives. Par rapport au projet de loi de finances pour 2010, cette réduction des moyens concerne essentiellement la DPSD (-7 % ou -0,87 million d'euros) puis la DGSE (-1,9 % soit - 4,2 millions d'euros).

Pour ce qui concerne la sous-action 31 intéressant la DGSE, les 153,3 millions d'euros de crédits de titre 5 visent d'une part à permettre l'acquisition de matériels opérationnels dédiés au traitement et à l'exploitation du renseignement obtenu, ainsi qu'au soutien, au support et à la logistique des opérations et, d'autre part, à la construction, la modernisation et l'adaptation des locaux abritant les matériels techniques de recueil et de traitement de l'information. Des crédits interministériels d'un montant de 54,5 millions d'euros viendront abonder, en cours de gestion, ces opérations d'investissement. Conformément aux décisions gouvernementales, la DGSE a poursuivi la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement, ce qui se traduit par la baisse des dotations des opérations budgétaires concernées. Cette diminution se trouve toutefois atténuée par l'augmentation des effectifs qui, mécaniquement, entraîne un accroissement des dépenses de fonctionnement (surfaces d'accueil, entretien, formation, recrutement).

Les moyens alloués à la DPSD, qui sont retracés dans la sous-action 32, diminuent de 0,87 million d'euros, soit - 7 %. Ce recul des crédits de fonctionnement alloués à la DPSD traduit également la volonté de procéder à des économies de fonctionnement. Le transfert en construction budgétaire de 0,2 million d'euros vers le programme 178 dans le cadre du financement du système d'information SOPHIA relatif à la dématérialisation des procédures d'habilitation et de protection ampute d'autant la dotation prévisionnelle. La dotation en crédits d'investissement de la DPSD reste constante par rapport à 2010 : elle traduit notamment la volonté de maintenir le niveau de performance du système d'information et de sécurité à un haut niveau et de former spécifiquement le personnel aux métiers de la DPSD.

L'action 4 « maîtrise des capacités technologiques et industrielles », qui représente 76 % du programme hors titre 2, dispose de 988,2 millions d'euros d'AE, en augmentation de 2,9 % par rapport à 2010 ; parallèlement, ses CP (926,4 millions d'euros) reculent de 1,5 % par rapport à l'année précédente. Le quasi-maintien du montant des crédits de paiement traduit non seulement la volonté de détecter en amont les technologies émergentes, de consolider le socle technologique existant, de sanctuariser les études amont, mais également la détermination à honorer les contrats ministériels d'objectifs et de moyens des grandes écoles d'ingénieurs de la DGA.

Le montant des crédits alloués aux études amont (707,8 millions d'euros en AE et 646,1 millions d'euros en CP) est en augmentation de 5,3 % en AE et en diminution de 1,5 % en CP par rapport à 2010. Il vise à réaliser l'objectif d'engagement fixé par le ministre de la défense en notifiant de nouveaux actes sur 250 à 300 PEA nouveaux. Le budget reflète la stricte application de la loi de programmation militaire 2009-2014 et inclut notamment 13 millions d'euros destinés aux pôles de compétitivité et transférés vers le programme 191 recherche duale.

En 2011, si les crédits de paiement alloués aux études amont sont un peu en recul, une certaine disparité peut être notée selon leur nature : les crédits études amont du domaine nucléaire, d'un montant 144,1 millions d'euros, bénéficient de la majeure partie de la hausse du budget 2011 afin de répondre aux besoins de l'état-major des armées concernant les performances des missiles stratégiques, l'invulnérabilité des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) et les transmissions stratégiques, afin de maintenir la crédibilité de la dissuasion qui est une priorité forte inscrite dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. La réduction des crédits études amont de 5,6 millions d'euros est totalement imputable aux études amont hors dissuasion.

Enfin je rappelle que les études amont sont incluses dans un agrégat plus large appelé recherche et développement comprenant notamment la recherche duale portée par le programme 191 ainsi que la recherche menée par le CEA au titre du programme 146. S'agissant enfin des subventions versées aux opérateurs de l'Etat relevant du programme, (écoles de la DGA et ONERA), les crédits inscrits au projet de loi de finances sont en recul de 2,2 % par rapport à 2010. Cette diminution des crédits de 8,2 millions d'euros est conforme aux directives du premier ministre : les dépenses de fonctionnement courant des opérateurs connaissent une diminution de 1,75 million d'euros et un départ à la retraite sur deux ne sera pas remplacé. Les contrats d'objectifs et de moyens devront d'ailleurs être renouvelés en 2011.

L'action 5 relative au soutien aux exportations enregistre une augmentation de 0,3 million d'euros de son budget hors titre 2 (soit +5,4 %) pour s'établir à un montant total de 7,1 millions d'euros environ pour 2011. Cette augmentation du budget allouée est essentiellement provoquée par la tenue du salon de l'aéronautique et de l'espace du Bourget, plus onéreux que les salons Eurosatory et Euronaval.

L'action 6 « diplomatie de défense » connaît une augmentation de 1,8 million d'euros par rapport à 2010 essentiellement attribuable, à hauteur de 3 millions d'euros, à la subvention versée au gouvernement de la République de Djibouti par le ministère de la défense en application de la convention bilatérale conclue entre les deux Etats. Pour ce qui concerne les budgets alloués aux postes permanents à l'étranger, l'année 2011 est marquée par le transfert en construction budgétaire d'une partie du soutien des PPE du réseau diplomatique au ministère des affaires étrangères et européennes (programme 105 « action de la France en Europe et dans le monde »), pour un montant de 1,5 million d'euros. En conséquence, le montant de leur dotation s'établit à 4 millions d'euros. Le financement des 8,6 millions d'euros du programme PMG8 est totalement assuré par le programme 144, suite au transfert complet de sa gestion budgétaire du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'aménagement du territoire au ministère de la défense.

Le dispositif de performance du programme 144 a été audité en 2009 par la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes. Dans l'un comme dans l'autre cas, les autorités de contrôle ont souligné la difficulté pour ce programme, dont les productions sont essentiellement intellectuelles, d'organiser un dispositif de mesure des résultats. Les recommandations qui visaient abandon, reformulations, meilleures précisions, réaménagements voire élargissement du champ d'application de certains indicateurs ont été sans délai insérées dans le document soumis à votre examen. Je ne m'y étendrai pas car il ne s'agit que d'améliorations mineures.

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