Intervention de Laurent Collet-Billon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Audition de M. Laurent Collet-billon délégué général à l'armement

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

Si 2009 a été une année exceptionnelle, 2010 est une année de transition.

Au plan financier d'abord, avec le passage à Chorus qui a été plus délicat que prévu pour le ministère.

En termes de modernisation du ministère de la défense dans le cadre de la RGPP ensuite. Cette modernisation s'est poursuivie, avec la finalisation des textes instaurant la nouvelle gouvernance des investissements et une nouvelle organisation de la conduite des programmes d'armement qui introduit un nouveau découpage des programmes en phases, assorti d'une clarification des responsabilités entre la direction générale de l'armement (DGA) et l'EMA. La DGA verra par ailleurs ses effectifs passer de 11 300 personnes fin 2010 à 9 800 à l'issue de la RGPP (2016).

L'année 2010 est également l'année du changement de gouvernement au Royaume-Uni et de la relance de la coopération entre nos deux pays, sur fond de fortes contraintes budgétaires. Le sommet d'hier ouvre une nouvelle page dans les relations franco-britanniques.

La DGA a été au rendez-vous pour la modernisation de l'outil de défense, en particulier pour la dissuasion, avec la réception du SNLE NG Le Terrible et la mise en service du M51 en septembre, ainsi que la mise en service opérationnel de l'ASMPA sous Rafale sur les bases de Saint-Dizier et d'Istres en juillet.

Pour le programme 146, les engagements devraient se monter à près de 9 milliards d'euros en fin d'année et les paiements à environ 11 milliards d'euros, hors impact de la norme de dépense, qui n'est pas encore fixée par le gouvernement. Les 600 millions d'euros de ressources attendus sur le compte d'affectation spéciale Fréquences ne seront pas disponibles, ce qui entraînera un report de charges en fin d'année 2010 d'environ 1 milliard d'euros.

Pour le programme 144, les prévisions d'engagement et de paiement sont respectivement de 620 millions et de 720 millions d'euros s'agissant des études amont contractualisées avec l'industrie.

Le passage à Chorus a perturbé l'exécution budgétaire à la DGA, car la complexité et les spécificités des contrats d'armement ont été sous-estimées par l'AIFE. Notre priorité a été d'éviter les défaillances des fournisseurs les plus fragiles, à commencer par les PME. La valeur des factures en stock se monte aujourd'hui à plus de 150 millions d'euros sur le programme 144 et à 1,2 milliard d'euros sur le 146, soit près de dix mille factures. Les intérêts moratoires à verser à l'industrie seront donc en hausse, probablement autour de 30 millions au titre de la gestion 2010. Il reste de plus à vérifier si, une fois le fonctionnement normal atteint, les gains de productivité promis par Chorus seront effectivement au rendez-vous.

Beaucoup de commandes pluriannuelles ayant été passées en 2009, peu de commandes emblématiques étaient prévues en 2010. Nous avons commandé la composante spatiale optique de MUSIS, qui remplacera Hélios 2 à l'horizon fin 2016 et la première IPER pour l'adaptation au M 51 de SNLE NG. La négociation de l'avenant au contrat A400M avec les États participants et Airbus Military se poursuit avec un objectif de notification avant la fin de l'année. Parmi les principales livraisons intervenues en 2010, on compte pour la dissuasion le M51, le SNLE NG le Terrible et le missile ASMPA ; dans le domaine conventionnel, on peut noter la livraison des premiers hélicoptères NH90 NFH pour la marine et celle des premiers systèmes FELIN.

La DGA a maintenu sa performance de gestion à un niveau satisfaisant, notamment en termes de maîtrise des coûts : la hausse moyenne des devis pour l'ensemble des opérations du programme 146 sera inférieure à 1 %, en incluant l'impact de la renégociation du contrat A400M.

L'effort de maîtrise des délais doit être poursuivi. Nous en étions à 1,72 mois de retard fin août, pour un objectif de 2,25 mois, principalement en raison de l'A400M et du prélèvement sur la chaîne de production au bénéfice de l'exportation d'un hélicoptère Caracal initialement destiné aux forces.

Les commandes pour les urgences opérationnelles restent limitées, à 160 millions - ce qui est nettement inférieur au montant qu'y consacrent les Britanniques. Le délai moyen constaté entre la demande de l'état-major et la commande au fournisseur est inférieure à quatre mois, ceci dans le strict respect du code des marchés publics qui conduit dans certains cas à l'obligation de mener une mise en compétition des fournisseurs.

S'agissant de la coopération, nous recensons les domaines de coopérations possibles au niveau armement avec l'Italie, qui est le partenaire avec lequel nous avons le plus grand nombre de projets en cours, tant dans le domaine naval que spatial. Le Royaume-Uni reste avec la France le principal investisseur dans la défense en Europe ; depuis l'accord conclu hier, il deviendra un champ d'excellence de la mise en oeuvre de la coopération.

En ce qui concerne l'OTAN, je me félicite de la nomination de notre compatriote Patrick Auroy, ancien directeur-adjoint de la DGA, au poste d'assistant secretary general pour les investissements, qui confirme la place retrouvée de la France au sein de l'organisation. Des décisions importantes devraient être prises lors du sommet de Lisbonne dans le domaine de la DAMB et de la réforme de la structure des agences de l'OTAN.

Quant à l'Agence européenne de défense, les perspectives demeurent modestes.

En matière d'exportation, les prévisions de commandes sont de 5 milliards pour 2010, hors Rafale, loin des 10 milliards initialement prévus. Faute d'exportation de Rafale cette année, nous devons maintenir une production de 11 avions par an, ces appareils étant destinés à l'armée de l'air française et à l'aéronautique navale, et prévoir la charge financière associée sur la durée de la programmation.

Le projet de loi de finances pour 2011 marque une inflexion par rapport à la trajectoire de ressources prévues par la LPM. Les ajustements opérés conduisent à retrancher plus de 2 milliards d'euros aux programmes d'armement sur la période 2011-2013. Pour 2011, l'objectif d'engagement est de l'ordre de 10 milliards d'euros sur le programme 146 et de 700 millions d'euros pour les études amont du programme 144. Les crédits de paiement s'établiront à 9,7 milliards d'euros pour le programme 146 dont 750 millions provenant de recettes extra-budgétaires. Ce niveau contraint de ressource aggravera le solde de gestion du programme 146 d'environ 500 millions d'euros, conduisant à un report de charge fin 2011 de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. C'est un seuil qui ne doit pas être dépassé.

Les ajustements opérés dans le cadre de la construction du budget triennal portent essentiellement sur le report du lancement de programmes nouveaux, notamment la rénovation du Mirage 2000D et l'achat des MRTT ; ils sont modérés sur les programmes en cours de réalisation. Il n'a pas été possible de dégager les 200 à 300 millions supplémentaires qui nous étaient demandés, car nos dépenses sont structurellement rigides du fait que nous sommes dans une LPM de production fondée sur des contrats pluriannuels qui ont déjà fait l'objet d'avenants en 2009 et dont une nouvelle évolution ne saurait se faire qu'au détriment des intérêts de l'Etat. De plus, l'absence d'exportation du Rafale à ce stade conduit à supporter le paiement d'une partie des Rafale supplémentaires sur la période de programmation, même si cela viendra alléger la charge au-delà de 2015.

En 2011, les principales commandes et livraisons concerneront le renouvellement des composantes de la dissuasion, avec la commande de l'adaptation au missile M51 des trois premiers SNLE NG ; le renforcement des capacités de frappe avec la commande d'un troisième SNA Barracuda, de 900 missiles Mistral rénovés et la livraison de 11 Rafale, 6 hélicoptères HAP Tigre -qui donnent toute satisfaction en Afghanistan-, 176 AASM, 70 missiles MICA, 4 036 équipements de fantassin FELIN soit 4 régiments et deux systèmes sol-air moyenne portée terrestre.

Le soutien et la mobilité des troupes au sol seront renforcés avec la poursuite de la livraison des VBCI, de petits véhicules protégés (PVP), de véhicules blindés légers (VBL), de VAB à tourelleau téléopéré, des premiers véhicules haute mobilité (VHM), du premier NH 90 TTH et de la poursuite des livraisons de NH 90 NFH à la marine. Concernant la fonction connaissance et d'anticipation, 6 POD de reconnaissance de nouvelle génération seront livrés et deux AWACS rénovés.

S'agissant de l'industrie, le rapprochement entre SNPE et Safran dans le domaine de la propulsion solide devrait être bientôt concrétisé.

La recherche de rationalisation dans les secteurs naval et terrestre sera poursuivie. Des progrès sont attendus dans le domaine de l'électronique embarquée et de l'optronique, en dépit du manque de coopération de certaines sociétés...

Sur le plan européen, notre tâche est désormais principalement de mettre en oeuvre ce qui a été acté hier à Londres, tout en poursuivant l'analyse des projets de coopération potentielle avec d'autres partenaires, et en particulier avec l'Italie et l'Allemagne..

Il nous faudra, en 2011, en liaison avec l'état major des armées, préparer les choix qui seront à opérer en 2012, avec une éventuelle révision du Livre blanc et de la LPM.

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