Intervention de Bernard Kouchner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Audition de M. Bernard Kouchner ministre des affaires étrangères et européennes

Bernard Kouchner, ministre :

Je vous dois des excuses, même si je ne suis pas personnellement responsable de ce retard : ce document résulte d'arbitrages interministériels.

Que la représentation de l'Union européenne se joigne à l'étranger à celles des pays membres, c'est une bonne chose, quoique cela requière un effort d'harmonisation. Le service européen d'action extérieure se met en place progressivement : ses débuts sont encourageants. Il faut rendre l'action européenne plus visible, car des sommes considérables sont dépensées.

Nous ne renonçons pas à porter l'APD à 0,7 % du RNB en 2015, mais nous ne pourrons naturellement atteindre cet objectif que si la conjoncture le permet. Nous revenons de loin : la proportion était de 0,3 % en 2000 et de 0,4 % en 2003 ! La France devance l'Allemagne et les Etats-Unis ; seul le Royaume-Uni nous surpasse : le gouvernement britannique a même décidé de maintenir son aide au développement au niveau actuel alors que le budget du Foreign Office est amputé d'un quart ! Je ne suis pas sûr que nous soyons prêts à consentir un tel effort...

Les crédits budgétaires de l'APD, qui représentent environ un tiers de ses moyens, seront maintenus au niveau actuel jusqu'en 2013. Les dépenses augmenteront cependant, ce qui nécessitera des ajustements. Je répète que nous engagerons un audit de l'aide au développement et nous efforcerons de cerner les éventuelles redondances entre les actions des différents pays européens, même si cette tâche sera ardue.

Les 68 millions d'euros économisés grâce à la réduction de la participation de la France au Fonds européen de développement seront redéployés pour financer des dons-projets bilatéraux : j'ai d'ores et déjà signé plusieurs projets de coopération, notamment aux Comores.

Parmi nos priorités, il faut citer la lutte contre la pauvreté, la préservation des biens publics mondiaux qui figure parmi les objectifs du Millénaire, l'élaboration d'une stratégie européenne de développement : au Mali par exemple, l'Union mène des projets liés à la sécurité et au développement, objectifs indissociables.

Quant au Fonds mondial de lutte contre le sida, il est très convenablement géré : son secrétariat définit son budget de fonctionnement, un comité scientifique examine les demandes des Etats et propose des projets qui sont ensuite transmis au conseil d'administration, et le comité financier veille à ce que les subventions aillent à des pays dont l'administration et le système de soins répondent aux critères fixés. Près de 5 millions de malades sont aujourd'hui traités grâce aux antirétroviraux : c'est insuffisant, mais cela semblait hors d'atteinte il y a peu. L'inspection générale du Fonds mène d'ailleurs un audit interne. Si son budget de fonctionnement augmente, c'est parce qu'il emploie aujourd'hui 600 personnes au lieu de quelques unes en 2002. La totalité des frais de fonctionnement est d'ailleurs couverte par les intérêts de placements : ce serait un modèle pour les financements innovants.

Sur l'AFD, monsieur Cambon, tout a été dit... Les prêts sont très régulièrement consentis dans les pays émergents. L'exercice est plus aisé que dans les pays dangereux, qui se trouvent être les plus pauvres. D'où un tarissement des dons.

Nous avons accepté de faire plus. La part de l'aide publique au développement bilatérale est de 5 milliards de dollars, sur 46 % des aides. Les prêts, pour 1,2 milliard en 2009, représentaient 10 % de l'aide totale.

Le principe des financements innovants a été accepté et inscrit aux conclusions du G8, document qui n'a rien d'extravagant et sur le sérieux duquel tous s'accordent. Créer un fonds destiné à assurer l'équilibre des monnaies, avec intervention possible du FMI, n'est pas notre choix. Nous souhaitons une taxe sur toutes les transactions financières. L'heureuse façon dont ont prospéré les fonds éthiques nous est une leçon. Notre groupe d'experts, qui a derrière lui cinquante pays, a fait ses propositions : une contribution de 0,005 % sur toutes les transactions. Sur 1 000 euros, cela représente 5 centimes. Autant dire que personne ne sentirait la différence. Il est vrai que les banquiers la voient, car le roulement sur les transactions financières est - selon le périmètre retenu de l'ensemble : transactions boursières, bancaires, individuelles - de plus ou moins 40 milliards l'an. C'est beaucoup. Plus que ce qui serait nécessaire, par exemple, pour assurer la scolarisation de tous les enfants dans le monde.

La France, l'Allemagne - car elle en est, et cela compte -, l'Autriche, l'Espagne - pour le Royaume-Uni, le changement de majorité laisse un flou...-, peut-être l'Italie, sont d'accord. Cela permet d'avancer, sans attendre le consensus des 192 membres de l'assemblée générale de l'ONU. Instituer une telle contribution - je dis bien une contribution, et non taxe pour n'effaroucher personne... - serait donner un exemple que tout le monde pourrait suivre.

Nous avons voulu récupérer, monsieur Vantomme, la part des financements légers des projets de l'AFD, pour donner plus de volets à nos postes : ce sont 40 millions que nous allons ainsi récupérer, avec la bénédiction de M. Dov Zerah, le directeur de l'AFD, pour les mettre dans le circuit des financements bilatéraux.

Vous m'interrogez sur les services de coopération et d'action culturelle. Il faut un peu se reporter en arrière. On a fait le choix, aux temps du rapprochement des deux ministères de la coopération et des affaires étrangères, d'intégrer la coopération et la culture : ce fut une erreur. Ce ne sont pas les mêmes métiers. Cela étant, je puis vous rassurer : la coopération ne va pas disparaître. Les propositions de programmation qui nous remontent des postes sont constructives, et prendront effet à partir du 1er janvier. J'ajoute qu'aux termes de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat que le Parlement a votée, l'ambassadeur a bien autorité sur le réseau. Reste que nul n'a la science infuse et que coopération et culture sont bien deux métiers, différents.

J'en viens aux engagements pris à Muskoka sur la santé maternelle et infantile.

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