L'examen des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2011 s'inscrit dans l'effort national de maîtrise de la dépense publique.
Entre 2008 et 2010, les autorisations d'engagement de la mission ont cru de 24 % sous l'effet conjugué de la meilleure compensation par l'Etat des exonérations de charges sociales, de l'augmentation des crédits du service militaire adapté (SMA), du plan de relance et des décisions prises dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) adoptée en mai 2009 et du comité interministériel de l'outre-mer (Ciom) de novembre de la même année. Rien qu'en 2010, les crédits de paiement ont progressé de 8 %. La programmation triennale des finances publiques, en cours d'examen, prévoit une baisse des dépenses en 2011 puis un retour progressif en 2013 au niveau de 2010.
De fait, en 2011, les crédits s'élèvent à 2,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), en baisse de 0,6 %, et à 2 milliards en crédits de paiement (CP), en diminution de 2,2 %.
Il me semble utile de distinguer le SMA dans cet ensemble : conformément à l'engagement du Président de la République d'augmenter ses capacités de recrutement, il voit ses crédits progresser d'environ 40 %. Je me félicite de cette décision, qui marque une volonté claire de conforter ce dispositif qui a largement fait ses preuves.
La crise mondiale a durement touché des économies déjà fragiles. Après quelques années de lente amélioration, le chômage a recommencé à augmenter : il atteint 28,9 % à La Réunion et entre 21 % et 23 % dans les départements d'Amérique. A la Martinique, le nombre de demandeurs d'emploi a cru de 13 % en 2009 ; en Guadeloupe, l'Insee parle de « repli économique sans précédent », avec une récession de 2,6 % en 2009. Dans l'ensemble de nos départements, un jeune sur deux est à la recherche d'un emploi ; je l'ai dit l'année dernière : comment continuer comme cela ?
Qui plus est, les dysfonctionnements du marché économique ne sont toujours pas réglés ; on le voit pour le niveau des prix, notamment du carburant, mais aussi pour les transports ou les tarifs bancaires. Les pratiques peu concurrentielles sont toujours mal contrôlées par les autorités.
En outre, on constate que, faute de textes d'application, la Lodeom, adoptée il y a plus d'un an et demi, n'est toujours pas en oeuvre aujourd'hui en ce qui concerne la continuité territoriale, l'aide au fret ou les travaux prévus en matière d'indivision.
J'en viens maintenant à quelques sujets qui relèvent particulièrement du champ de compétences de notre commission.
Le taux de mortalité infantile de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion est le double de celui de la métropole, plus du triple en Guyane. La mortalité maternelle outre-mer est, quant à elle, trois plus élevée qu'en métropole. En outre, la prévalence de certaines infections ou pathologies comme la VIH ou le diabète y est également plus forte et d'autres maladies sont largement spécifiques, comme on l'a vu pour le chikungunya ou encore la dengue dans les Antilles cet été. L'arrivée de ces dernières maladies sur le sol métropolitain permettra peut-être de sensibiliser les autorités et de stimuler la recherche.
La situation sanitaire requiert donc des moyens et des modalités d'action spécifiques. Le Gouvernement a annoncé, dès mai 2008, un « plan santé outre-mer » et le Ciom a également approuvé certaines mesures. J'ai donc posé plusieurs questions au Gouvernement sur ce sujet dans le cadre de l'examen du PLF pour 2011 et le résultat est décevant :
- le déploiement d'un cursus complet d'études médicales aux Antilles et d'une filière hospitalo-universitaire à La Réunion est bien en cours. Le numerus clausus a été légèrement augmenté, mais c'est insuffisant : seulement trois postes supplémentaires pour les Antilles et douze pour La Réunion ;
- le plan Hôpital 2012, dont la première tranche a été présentée en février dernier, prévoit un peu plus de 40 millions d'euros pour les Dom, soit seulement 2,2 % de l'ensemble, alors que les besoins sont très importants, ne serait-ce qu'en termes de conformité aux normes sismiques. En outre, il ne semble pas concerner Mayotte et les collectivités d'outre-mer (Com) ;
- en ce qui concerne la mortalité infantile ou en couches, on me parle beaucoup du lancement de futures études mais je ne vois guère d'actions concrètes pour le moment.
Par ailleurs, je vous proposerai un amendement sur les modalités de vente du tabac dans les Dom, car le Gouvernement n'a toujours pas pris le décret d'application de la disposition législative adoptée il y a maintenant deux ans.
En 2011, les montants alloués à la politique du logement sont stables en autorisations (274,5 millions) et en diminution de 10 % en crédits de paiement (195 millions). Le Gouvernement assure que ces montants sont conformes au calendrier des opérations et permettront à l'Etat de respecter ses engagements sans reconstituer de dette à l'égard des bailleurs sociaux.
Pour autant, le logement reste un enjeu prioritaire pour l'outre-mer. Les besoins sont immenses, notamment à La Réunion ou à Mayotte, où la transition démographique n'est pas achevée, mais aussi en Guyane.
En ce qui concerne l'habitat précaire ou insalubre, le Gouvernement estime leur nombre à 16 000 à La Réunion ; les crédits 2009 ont permis d'en traiter 367 : il faudrait plus de quarante-trois ans à ce rythme pour résorber le stock actuel. A Mayotte, environ cinquante mille personnes vivent dans un habitat insalubre, soit environ 26 % de la population.
La construction de logements aidés a repris ces dernières années, de manière inégale selon les territoires, mais elle est loin de satisfaire les besoins. Certes, les contraintes spécifiques sont fortes : peu de foncier disponible, risque sismique ou climatique, revenu moyen des ménages faible, collectivités locales exsangues financièrement, etc.
A La Réunion, on estime la croissance de la population à environ 200 000 personnes dans les vingt ans qui viennent ; or, les livraisons de logements neufs en locatif et en accession à la propriété s'élèvent à deux mille cent cinquante en moyenne par an depuis 2006. A Mayotte, quatre-vingt-seize logements neufs aidés ont été livrés en moyenne par an depuis 2007 (seize en 2009) !
Je vais m'arrêter là avec les chiffres ; tout le monde est conscient de l'urgence.
C'est pourquoi je proposerai des amendements tendant à accélérer les procédures ; tous les professionnels mettent en effet en avant les difficultés de mise en oeuvre du nouveau dispositif de défiscalisation du logement social adopté dans le cadre de la Lodeom. Alors qu'il avait été proposé et soutenu par le Gouvernement, de nombreux parlementaires lui préférant les subventions directes de la ligne budgétaire unique, le ministère des finances semble maintenant réticent et de nombreux dossiers sont bloqués.
L'année 2011 verra enfin la mise en place du RSA dans les Dom, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, un an et demi après sa généralisation en métropole. J'ai déjà indiqué au Gouvernement que, vu les conditions difficiles rencontrées par les Caf de métropole en termes d'afflux de demandes, il sera nécessaire de prévoir du personnel pour accueillir l'ensemble des demandeurs potentiels.
Je ne peux terminer mon propos sans évoquer Mayotte qui deviendra département en mars prochain et qui est l'objet d'un réel soutien financier, dont 9 millions d'euros pour la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes, 10 millions pour la dotation spéciale d'équipement scolaire et 10 millions pour le fonds mahorais de développement économique, social et culturel. Par ailleurs, le niveau des prestations sociales se situera environ au quart de ce qu'elles représentent en métropole et leur montée en charge sera ensuite progressive sur une période de vingt à vingt-cinq ans.
L'évolution des crédits doit être regardée dans une perspective pluriannuelle ; si 2011 marque un tassement, les années passées sont là pour prouver l'engagement de l'Etat en faveur du développement de nos territoires, engagement confirmé par la loi de programmation 2011-2013. C'est pourquoi je vous propose de vous prononcer en faveur de l'adoption des crédits 2011 de la mission « Outre-mer ». A titre personnel, je serai cependant attentive au sort qui sera réservé aux amendements que je présente.