Intervention de Odette Terrade

Réunion du 6 novembre 2009 à 14h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 2

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

En effet, entre service public et service universel, ce ne sont pas seulement les mots qui changent ; c’est toute la conception du service à rendre qui est différente.

Le service universel est en fait un service minimum social permettant de maintenir un service de base ouvert à tous et de développer parallèlement un ensemble de services payants, par définition socialement discriminatoires : les citoyens sont égaux devant le service public, mais, en dehors, ils deviennent des clients disposant de moyens financiers plus ou moins importants, pouvant se payer tel ou tel service.

Là est la différence avec un service public qui, lui, a pour mission de répondre aux attentes de tous les citoyens, donc aux besoins de chacun. C’est finalement cette obligation de résultat, cette obligation de qualité du service rendu qui disparaît avec le service universel.

Dans la défense d’un amendement, nous avions parlé de cette factrice qui, connaissant la population à laquelle elle distribue quotidiennement le courrier, n’hésite pas parfois à lire, à leur demande, le courrier à des personnes ne sachant pas lire ou ayant une vue défaillante, mais il existe bien d’autres exemples de ce type et tous ici, mes chers collègues, vous pourriez en citer.

Les petits services rendus par les facteurs sont bien plus nombreux et diversifiés que l’on peut même se l’imaginer, mais il en est un qui est d’ores et déjà en train de disparaître du fait de l’intensité de la productivité exigée. Je veux parler ici du simple dialogue qui se noue entre le facteur et l’usager. Pour bon nombre d’anciens, en particulier, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain, ce sont souvent les rares paroles qui seront échangées au cours d’une journée faite d’isolement.

On peut se demander indéfiniment si cette attention, cette relation relève de l’activité d’un facteur, mais, pour notre part, nous considérons que seul le service public peut et doit permettre cette relation à l’autre, qui doit demeurer un lien empreint d’une profonde humanité, en dehors de toute relation marchande.

Mais nous n’avons pas non plus une vision idéalisée du service public actuel. D’abord, parce qu’il met en relation des êtres humains, l’engagement de chacun est nécessairement différent ; cela étant, la popularité de nos facteurs et factrices repose sur un ensemble de pratiques largement répandues. Ensuite, depuis les diverses lois de déréglementation du service postal, la pression managériale, les réductions d’effectifs, les objectifs commerciaux et de rentabilité s’imposent peu à peu et la place des relations humaines tend, hélas ! à disparaître.

En changeant le statut de La Poste et en enfermant le service au public dans des normes technocratiques du service universel, va-t-on redonner toute leur place à ces relations ? Certainement pas ! Au contraire, on crée les conditions de leur disparition.

Pour autant, en refusant ce changement de statut est-on sûr de placer les relations humaines et la réponse aux besoins au cœur de l’activité du service public de La Poste ? Malheureusement, nous n’en sommes pas assurés ! Pour y parvenir, il faut aussi revitaliser ce service public, lui redonner ses lettres de noblesse, changer les objectifs actuels de l’entreprise et revoir les pratiques managériales.

Je voterai donc, pour ma part, cet amendement…

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