Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je vous prie de bien vouloir excuser notre collègue Roland Muzeau, sénateur des Hauts-de-Seine, qui est souffrant et ne peut donc être parmi nous cet après-midi.
Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi, déposée par notre collègue Roger Karoutchi, portant création d'un établissement public de gestion des équipements publics du quartier d'affaires dit de « La Défense ».
Ce texte, largement préparé par M. Sarkozy, aurait très bien pu être déposé sous la forme d'un projet de loi, mais ce dernier n'aurait pas présenté l'avantage, aux yeux du Gouvernement, d'éviter l'avis du Conseil d'État. Cet avis aurait été pourtant nécessaire, à notre sens, face à la technicité et à l'importance des décisions à prendre.
En effet, la gestion des ouvrages, des espaces publics et des services d'intérêt général ou encore les questions de domanialité publique, ainsi que la réglementation applicable en matière d'urbanisme sont autant d'éléments qui auraient nécessité le prononcé d'un avis juridique éclairé, surtout quand on sait que la procédure de révision du schéma directeur de la région d'Île-de-France n'est pas arrivée à son terme et que les communes de Puteaux et de Courbevoie ne se sont toujours pas dotées d'un plan local d'urbanisme.
Nous regrettons également que le rapport de la commission des affaires économiques sur la présente proposition de loi n'ait été disponible que peu de jours avant le débat en séance publique.
De la même façon d'ailleurs, plusieurs élus de l'opposition ont regretté que la réunion du conseil d'administration de l'Établissement public pour l'aménagement de la région dite de La Défense, EPAD, ait lieu en plein été, dans des conditions qui ne permettaient pas un vrai débat.
Abordons à présent le contenu, le fond même de la proposition de loi.
Le rapport de la commission des affaires économiques, qui salue la proposition de loi comme « une réponse adaptée aux problèmes soulevés par l'évolution du quartier de La Défense », ampute néanmoins le texte de toutes les dispositions visant à créer un nouvel établissement public industriel et commercial. À juste titre, le rapporteur rappelle le risque patent d'incompatibilité de certains articles du texte avec l'article 40 de la Constitution.
Ces dispositions, réintroduites par un amendement du Gouvernement, tendent à réserver la gestion du quartier à une structure pilotée par le conseil général des Hauts-de-Seine, y associant les communes de Puteaux et de Courbevoie.
Cela dit, ce modus vivendi, ainsi défini, va à l'encontre de ce qui pourrait découler de schémas directeurs d'aménagement déterminés à un autre niveau et, singulièrement, du schéma directeur de la région d'Île-de-France, le SDRIF, où le conseil régional joue évidemment, et naturellement, un rôle essentiel.
La création d'un nouvel établissement public industriel et commercial, distinct de l'EPAD, pour gérer les ouvrages, espaces publics et services d'intérêt général, paraît guidée par un impératif d'assainissement urgent de la situation financière et des contraintes juridiques de l'EPAD.
En effet, l'établissement connaît un déficit de gestion, notamment depuis les années quatre-vingt-dix. Face à la mauvaise volonté des collectivités territoriales concernées, il a été contraint de sortir de sa mission d'aménagement et de construction et de prendre en charge la gestion des biens et des équipements ainsi créés.
L'aberration et l'injustice du système vont encore plus loin quand on sait que les communes de Courbevoie et de Puteaux percevaient les redevances d'exploitation des parkings sans en payer l'entretien !
Rappelons que la ville de Nanterre, qui, à l'origine, faisait partie intégrante du projet de La Défense, a opposé une certaine résistance pour que le projet la concernant soit revu à la baisse, afin de tenir compte des besoins des populations. Il n'en reste pas moins qu'un certain nombre d'aménagements ont été imposés à la ville par l'EPAD.
Mais l'EPAD s'est désengagé depuis longtemps de la gestion quotidienne du territoire qu'il a aménagé sur la commune de Nanterre, alors qu'il a continué à gérer les équipements sur les communes de Puteaux et de Courbevoie.
La commune a obtenu des moyens financiers pour la remise à niveau de certains ouvrages publics, mais nous sommes encore loin du compte. Le conseiller général, M. Laubier, avait attiré l'attention de M. Sarkozy sur cette question. Après un courrier resté sans réponse, je me tourne vers vous, monsieur Karoutchi : vous qui êtes l'auteur de cette proposition de loi et qui prétendez souvent défendre l'intérêt de Nanterre, que proposez-vous pour que la situation de cette commune soit prise en compte ? Savez-vous qu'elle a dû engager des moyens très importants pour faire face à la remise à niveau d'un territoire de quatre-vingt-dix hectares ? Ne pensez-vous pas qu'il serait donc équitable que le conseil général prenne en compte aussi cette dimension et apporte également une aide significative à la ville de Nanterre dans les mêmes conditions qu'à Puteaux et à Courbevoie ?
La proposition de loi prévoit, en outre, de préciser les règles applicables en matière d'urbanisme afin, notamment, de pallier les lacunes de la réglementation d'une partie du territoire concerné. Si l'on ajoute à cela le dispositif de l'article 151 du collectif budgétaire, sur lequel je reviendrai plus en détail dans quelques instants, on constate que le plan de réhabilitation et de reconstruction du quartier de La Défense va bénéficier d'un véritable statut dérogatoire.
Permettez-nous d'émettre des doutes quant à la justification de tels privilèges, lesquels remettent largement en cause la solidarité qui doit s'exercer entre les collectivités territoriales de la région d'Île-de-France !
À l'occasion des discussions qui ont eu lieu lors de la révision du SDRIF, lequel a vocation à préciser les réalités franciliennes en termes d'aménagement, de construction de logements et de développement économique, les élus communistes ont émis des doutes sur l'opportunité des réponses apportées par ce projet à la recherche de facteurs de compétitivité du département et de l'ouest francilien.
Un territoire ne peut espérer une réelle compétitivité économique, à la fois stable et durable, sans que soit mise en oeuvre une vraie cohésion humaine et sociale, de telle sorte que les habitants, les salariés, les citoyens soient placés au centre des projets.
Nous nous interrogeons également sur l'opportunité du gigantisme du projet de renouveau du quartier de La Défense. Rappelons qu'il est envisagé de construire des tours neuves pour 300 000 mètres carrés de nouvelle surface hors oeuvre nette, ou SHON, sur la période 2007-2013.
À ce titre, l'article 11 du projet de loi instaure une dérogation au régime dérogatoire de l'article R. 111 - 20 du code de l'urbanisme, afin d'éviter la procédure contraignante prévue par cet article et, notamment, de prendre l'avis du maire de la commune concernée par les travaux.
Ainsi, tout est mis en oeuvre pour faciliter une rénovation rapide et sans limite du quartier de La Défense, notamment en ce qui concerne les règles d'implantation et de volumes des constructions !
Or, justement, la multiplication effrénée de constructions de bureaux, le bétonnage massif qui gagne désormais le ciel, nous semblent largement disproportionnés.
Pourquoi densifier encore l'activité économique à cet endroit précis et attirer ainsi des milliers de salariés éloignés géographiquement, alors que La Défense est devenue presque inaccessible par les réseaux de transport publics ? Pourquoi renforcer toujours le déséquilibre qui existe entre l'ouest et l'est francilien ? Car c'est bien ce qui va se passer ici !
Quel développement soutenable de la région peut-on espérer, lorsque la plupart des communes de l'ouest francilien, à l'exception de Nanterre et de quelques autres, ne veulent pas adopter une politique de logement ambitieuse, avec une proportion significative d'habitat social qui permette à tous les habitants une accessibilité réelle au logement ?
À ce sujet, au moment où le droit opposable au logement intéresse soudain le Gouvernement, permettez-moi de revenir sur l'article 151 du collectif budgétaire, qui tend à réduire le champ de la redevance sur la création de bureaux. Il s'agit bien de l'exonération de toutes les opérations qui concerneront, dans les années à venir, les quartiers d'affaires importants de la région d'Île-de-France, notamment celui de La Défense, les opérations menées dans ce cadre étant appelées à connaître une importance significative.
Les pertes pour la région d'Île-de-France risquent donc d'être sensibles en termes de redevance sur les bureaux, alors même que des programmes particulièrement ambitieux doivent être menés au titre du développement des transports collectifs, comme de la politique du logement.
L'Île-de-France est une région riche, parce qu'elle compte une grande diversité d'activités et propose une gamme élargie d'emplois. Mais, pour que ses potentiels de développement s'expriment, la solidarité entre les territoires est nécessaire. Pour grandir et se développer, La Courneuve ou Saint-Denis ont besoin de l'argent que l'on collecte à Neuilly-sur-Seine ou à Courbevoie !
La rénovation du quartier de La Défense est nécessaire. La situation déficitaire du budget de l'établissement d'aménagement du quartier, budget essentiellement alimenté par la vente de droits à construire, doit être redressée. Cependant, cela ne justifie pas le statut dérogatoire accordé au quartier de La Défense, qui ne fera que renforcer le déséquilibre existant entre l'ouest et l'est parisien, et ne contribuera en aucun cas à un développement harmonieux du territoire.
Face à cette proposition de pure opportunité politique, qui tente de protéger les intérêts de la majorité de M. Nicolas Sarkozy, vous comprendrez, mes chers collègues, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen votent contre ce texte.