Avant d'analyser ce PLFSS, je veux dire ma profonde déception devant l'abandon de la réforme de la dépendance, annoncée dès 2007 et qui restera la grande absente de la législature. « Attendre encore serait une faute morale impardonnable », avait pourtant déclaré le Président de la République devant le Conseil économique, social et environnemental le 8 février dernier. Rien ne sortira donc des travaux, menés entre autres au Sénat. Pourtant, un consensus se dégageait autour de l'importance de la prévention, du renforcement du rôle de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et d'une meilleure coordination de l'aide à l'autonomie - je préfère ce terme car il est plus dynamique. Pourtant, les financements n'étaient pas hors de portée : d'après les projections, 5 milliards de dépenses supplémentaires en 2025 par rapport à 2010. Il est consternant que le Gouvernement n'ait retenu aucune priorité forte sur ce dossier.
Comme Sylvie Desmarescaux l'an dernier, je regrette que le Parlement se prononce seulement sur l'Ondam médico-social, et non sur la totalité de l'enveloppe « soins » consacrée aux établissements et services pour personnes âgées et personnes handicapées. Celle-ci, baptisée objectif global de dépenses (OGD) et fixée par arrêté ministériel, comprend également une part du produit de la contribution solidarité autonomie. La précision est importante car l'OGD progressera moins vite que l'Ondam médico-social en 2012 : 3,4 %, contre 4,2 %, dont 6,3 % pour les personnes âgées et 2,1 % pour les personnes handicapées.
Ensuite, le secteur médico-social a subi 20 % des mises en réserve en 2011 alors qu'il représente moins de 10 % de l'Ondam. C'est une entorse sérieuse au principe de la fongibilité asymétrique des crédits. En 2012, la part du médico-social sur la réserve prévue de 545 millions devra être ramenée à de plus justes proportions.
L'Ondam médico-social progresse plus vite que celui des soins de ville et des hôpitaux : 4,2 %, contre 2,7 %. Toutefois, l'écart est moins sensible par rapport à l'OGD. Surtout, cette enveloppe ne permettra pas de mener de front les trois chantiers prévus et sur lesquels nous accusons déjà du retard : la création de places en établissements ou services, la médicalisation de « deuxième génération » des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) grâce à l'outil d'évaluation Pathos et, enfin, la revalorisation des dotations de reconduction accordées aux établissements et services à la hauteur de la progression des salaires.
S'agissant des places en Ehpad, le décalage est important entre les annonces et la réalité. En quatre ans, on a créé 30 000 places pour les personnes âgées, dont 5 000 en 2010, quand l'objectif du plan solidarité grand âge était de 15 000 par an. Pour les personnes handicapées, on dénombre 13 500 places nouvelles pour 41 000 prévues entre 2008 et 2014. En outre, les réserves que la CNSA a constituées entre 2005 et 2007 ont été consommées et se limitent désormais à une journée de dépenses de la caisse. Il n'y a donc plus de marges de manoeuvre. De même, la dotation destinée aux plans d'investissement est tombée de 113 millions en 2011 à 48 millions cette année.
Enfin, si la CNSA a vu son budget augmenter de plus de 30 % de 2007 à 2011, elle a versé aux départements des concours qui ont progressé d'un peu plus de 3 %. Or leurs dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) et de prestation de compensation du handicap (PCH) ont bondi de 40 %. Certes, la question dépasse le cadre du PLFSS puisque nous ne votons pas le budget de la CNSA. Une part croissante des ressources propres de la CNSA est rognée pour compléter l'Ondam ou pour financer des plans gouvernementaux. Pour autant, si nous ne voulons pas laisser les départements seuls face à l'explosion de ces dépenses, il faut procéder à un rééquilibrage entre assurance maladie et aide sociale qui passe justement par la réforme du risque « perte d'autonomie » que le Gouvernement vient de reporter.
Lors de la discussion des amendements, nous aborderons d'autres questions importantes. Je proposerai notamment de supprimer l'article 37 : inutile de s'aventurer dans de nouvelles expérimentations de tarification des Ehpad quand les dernières réformes ne sont pas encore entièrement appliquées, ou qu'elles sont suspendues - c'est le cas de la tarification à la ressource votée en 2009.
Dans une situation qui reste très tendue, le PLFSS déçoit les attentes suscitées par le Gouvernement en début de législature.