L'an dernier, à la même date, nous venions d'achever le marathon de la réforme des retraites dont ce PLFSS représente, en quelque sorte, la première annuité d'application. Deux éléments modifient le cadre établi alors, mais seulement à la marge : les ressources nouvelles pour la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) votées dans le collectif de septembre et la reprise par la Cades de la dette de 2,5 milliards du régime des exploitants agricoles, ce dernier bénéficiant de 400 millions de recettes nouvelles à partir de 2012.
Quelles perspectives financières pour l'assurance vieillesse ? Le déficit, qui avait atteint le niveau record de 15 milliards en 2010, demeurera élevé en 2012 : près de 11,5 milliards. Si les recettes ont un effet immédiat, celui des diminutions de dépenses est différé dans le temps : le recul de l'âge de la retraite réduirait les dépenses du régime général de 1,3 milliard en 2012, 5 milliards en 2015 et 9 milliards en 2018. Selon les projections fournies par le Gouvernement, on ne passera pas au-dessous de la barre des 10 milliards par an au moins jusqu'en 2015. Les déficits vieillesse prendront une part croissante dans une dette sociale en forte augmentation : près de 85 milliards sur les 130 transférés à la Cades entre 2010 et 2018.
Ma première observation portera sur le FSV, qui a vu ses missions élargies au fil des ans sans être doté des ressources correspondantes. On lui a retiré 0,2 % de point de CSG en 2009 au profit de la Cades alors que ses autres recettes ont un produit parfois très aléatoire. Pour m'en tenir à un exemple, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) varie fortement selon les résultats du régime social des indépendants. Parce qu'il sert de réceptacle au transfert comptable des déficits des régimes d'assurance vieillesse, les dépenses du FSV augmentent à un rythme soutenu. Cette politique fragilise donc les mécanismes de solidarité destinés aux assurés les plus fragiles.
Ensuite, la réforme des retraites n'a pas résolu les déficits de certains régimes. Celui des exploitants agricoles continue d'être important, malgré la reprise de ses dettes jusqu'à 2010 et en dépit des 400 millions de recettes supplémentaires qui lui seront affectés à partir de 2012. En attendant une solution pérenne, on a autorisé la Mutualité sociale agricole (MSA) à emprunter jusqu'à 2,9 milliards en 2012.
La caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), quant à elle, aura un déficit de plus de 600 millions par an dès l'année prochaine. J'entends déjà les commentaires de l'opposition du Sénat... Pour autant, cette situation s'explique par le reversement à l'Etat des cotisations perçues au titre des agents transférés aux collectivités locales, prévu dans les lois de décentralisation.
Enfin, le scénario de retour à l'équilibre à l'horizon 2018 n'est pas crédible sans recettes supplémentaires, ce que le directeur de la Cnav confirme. Il le sera encore moins si l'on révise l'hypothèse de croissance et, surtout, la prévision de masse salariale.
Ce contexte renforce nos craintes quant à la réforme des retraites. Le nombre des plus de cinquante ans au chômage a crû de près de 15 % en un an, ce qui n'incite pas à l'optimisme sur l'emploi des seniors. Quel sera leur sort lorsqu'ils arriveront en fin de droits ? Après avoir longtemps tergiversé, le Gouvernement a annoncé en remplacement partiel de l'allocation équivalent retraite (AER), que le Sénat avait prolongée, la création prochaine d'une allocation transitoire de solidarité (ATS) réservée aux générations de 1951 à 1953. On craint déjà qu'elle ne suffise pas.
Autre sujet, la pénibilité. Nous sommes extrêmement déçus par les conditions posées par les décrets pour le bénéfice de la retraite anticipée : dix-sept ans d'exposition à des facteurs de risques pour les assurés présentant un taux d'incapacité de 10 % à 20 %. Restriction encore quand aucune obligation de négociation n'est faite aux entreprises comptant moins de 50 % de leurs effectifs exposés à des facteurs de risques. Le report de l'âge d'attribution du taux plein à soixante-sept ans pèsera lourdement sur les assurés n'ayant pas bénéficié d'un parcours professionnel continu, notamment les femmes. De même, nous aurions dû adapter les pensions de réversion, qu'il s'agisse de leur montant ou de leurs conditions d'attribution pour prendre en compte le Pacs. Plus généralement, l'impact de la réforme sur le niveau des pensions et des taux de remplacement reste mal évalué.
Enfin, je propose d'appuyer les recommandations de la Cour des comptes : les dispositifs d'épargne retraite, qui bénéficient d'un niveau d'aides publiques élevé, entraînent un effet d'aubaine pour les plus favorisés ; nous devons les réorienter.