Traditionnellement excédentaire, la branche famille est entrée dans un cycle déficitaire en 2008. Le solde négatif est de 2,6 milliards cette année. Cela s'explique certes par la crise, mais surtout par plusieurs mesures votées ces dernières années. La plus significative est le transfert de la branche vieillesse vers la branche famille, de l'assurance vieillesse des parents au foyer et de la majoration de pension pour les assurés ayant élevé trois enfants et plus, ce qui représente 8,8 milliards de charges pour la seule année 2011. Bref, le déficit de la branche famille résulte d'abord d'un choix politique. En fait, la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) supporte des dépenses croissantes ; les mesures d'économies sont insignifiantes (unification des âges de majoration des allocations familiales) ou injustes (suppression de la rétroactivité des aides au logement).
Plus inquiétant, on a fragilisé ses ressources l'an dernier en transférant 0,28 % de CSG qu'elle percevait vers la Cades, contre trois recettes aléatoires - la taxe spéciale sur les contrats d'assurance maladie solidaires et responsables, l'exit tax, cette taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d'assurance, et le prélèvement de la CSG sur les contrats multi-supports d'assurance vie. Le compte n'y sera plus dès 2013 : l'exit tax ne rapportera plus et le produit de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance décroîtra. Je reconnais que pour compenser le manque à gagner de 1,2 milliard, on prévoit de rediriger vers la branche le produit de la contribution sur les véhicules terrestres à moteurs affectée à partir de 2013. Mais dans le même temps, le présent texte prévoit une clef d'affectation des droits à tabacs moins favorable. On reprend donc d'une main ce que l'on donne de l'autre ! Je passe pudiquement sur la complexité d'un montage qui ne rapportera à terme que la moitié de la compensation annoncée.
Les déficits pour 2011 et 2012 s'élèveront respectivement à 2,6 et 2,3 milliards. Cette légère amélioration du solde étant à mettre sur le compte de recettes nouvelles : initialement prévu par le texte, l'assujettissement à la CSG de deux volets de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) a été supprimé, à juste titre, par l'Assemblée ; à titre de gage, le Gouvernement a reporté la revalorisation annuelle des prestations familiales au 1er avril, alors qu'il s'était engagé sur une augmentation de 2,3 % au 1er janvier. Une fois de plus, les plus modestes sont les premiers touchés. Je proposerai de supprimer cette mesure de report.
Quant aux dépenses, le texte s'en tient à des mesurettes. Heureusement, celles-ci bénéficieront aux familles monoparentales et aux personnes handicapées. C'est d'abord, l'amélioration du volet « aide à la garde d'enfant » de la Paje avec la création d'un barème de ressources spécifique pour les parents isolés et d'une majoration de l'aide pour les couples ou les parents isolés bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). C'est ensuite un aménagement du régime d'attribution de l'allocation de soutien familial (ASF) pour les très petites pensions alimentaires, dont les incohérences actuelles était soulignées tant par la Cour des comptes que par le Haut Conseil de la famille. Il était en effet plus avantageux que la pension alimentaire ne soit pas payée du tout, plutôt que partiellement ! Le projet de loi corrige cet effet pervers : désormais, en cas de défaillance partielle du débiteur, l'ASF différentielle sera versée dans la limite du montant complet de l'ASF et non plus du montant de la pension alimentaire. Je souscris à cette mesure de bon sens, mais le dispositif aurait mérité des aménagements plus ambitieux.
Je proposerai, par ailleurs, une amélioration du dispositif de l'allocation de rentrée scolaire. Celle-ci est versée, depuis 2008, selon un barème croissant avec l'âge de l'enfant. Or, les filières technologiques et professionnelles sont plus coûteuses en équipement ou habillement pour les familles que la voie générale. Je présenterai donc un amendement visant à moduler, à enveloppe constante, l'allocation en fonction de la voie de formation suivie.
Au-delà, j'entends insister dans le débat sur plusieurs chantiers majeurs qui me tiennent à coeur, à commencer par le versement des allocations familiales dès le premier enfant, promesse non tenue du Président de la République, et l'allongement du congé maternité.
Pour conclure, je vous propose que nous adoptions en séance les deux articles sur les familles monoparentales et les parents handicapés, ainsi que les deux amendements que j'ai évoqués, et que nous rejetions l'objectif de dépenses de la branche famille pour 2012 afin de dénoncer les montages financiers ainsi que le manque d'ambition du Gouvernement en matière de politique familiale.